Sur les bonnes valeurs initiales de la suite de Lucas

Sur les bonnes valeurs initiales de la suite de
Lucas-Lehmer
Bruno DESCHAMPS
Universit´e du Maine
esum´e.— Dans cet article nous explicitons une infinit´e de bonnes de valeurs initiales
pour la suite de Lucas-Lehmer.
Abstract.— In this article we give an infinite number of good initial values for the Lucas-
Lehmer sequence.
1.— Introduction et notations.
Les nombres de Mersenne sont les entiers de la forme 2p1 avec ppremier. Si
aest un entier naturel tel que 2a1 soit un nombre premier alors aest lui-mˆeme
premier. Toutefois, tous les nombres de Mersenne ne sont pas premiers, par exemple
211 1 = 23 ×89. Lucas a propos´e un test, simplifi´e par Lehmer en 1930, pour
caract´eriser les premiers ptels que 2p1 soit un nombre premier : on consid`ere
une suite r´ecurrente (un)nv´erifiant pour tout n0, un+1 =u2
n2. Si on a u0= 4
alors pour tout premier p3
2p1 est premier 2p1 divise up2()
Si l’on consid`ere une autre valeur initiale u0Zpour (un)nalors la condition
2p1divise up2reste suffisante pour assurer la primalit´e de 2p1 (voir corollaire
2), mais peut perdre sont caract`ere n´ecessaire : par exemple si l’on prend u0=
5 et p= 3 alors on voit que 2p1 = 7, bien qu’´etant un nombre premier, ne
divise pas u1= 23. Dans cet article on s’int´eresse aux valeurs initiales u0de cette
suite pour lesquelles la condition reste n´ecessaire et suffisante. Dans la suite, nous
appelerons suite de Lucas-Lehmer toute suite `a valeurs enti`eres (un)nerifiant la
relation un+1 =u2
n2 et bonne valeur initiale de la suite de Lucas-Lehmer pour
pp0tout entier u0Ntel que l’´equivalence () soit v´erifi´ee pour tout pp0
premier (ici p0sera explicite).
Nous apportons quelques pr´ecisions sur le test de primalit´e de Lucas-Lehmer,
en particulier nous montrons que pour toute valeur initiale u0et tout 2p1 premier,
ce dernier divise au plus un terme de la suite (un)net que si ce terme n’est pas
celui d’indice p2 alors la suite (un)nest obtenue, modulo 2p1, par translation
d’une autre suite de Lucas-Lehmer.
Nous caract´erisons ensuite par des symboles de Legendre les bonnes valeurs in-
tiales de la suite de Lucas-Lehmer : un entier u0Zest une bonne valeur initiale
si et seulement si pour tout qnombre premier de Mersenne assez grand, on a simul-
tan´ement u02
q= 1 et u0+2
q=1 (corollaire 5). Cette caract´erisation, permet
de faire correspondre les bonnes valeurs initiales de la suite de Lucas-Lehmer aux
points entiers de certaines courbes que nous d´ecrivons (proposition 6). Une appli-
cation machine permet d’expliciter certaines de ces courbes. Une ´etude d´etermine
alors les points entiers de deux d’entre elles et permet alors de leur associer deux
ensembles infinis de bonne valeurs initiales de la suite de Lucas-Lehmer.
02000 Mathematics Subject Classification : Primary 11P99 Secondary 11A99, 11P32
1
De mani`ere pr´ecise, nous trouvons finalement que si l’on consid`ere les deux
suites r´ecurrentes (xn)net (yn)nd´efinies par
x0= 1, x1= 5 et pour tout n0xn+2 = 4xn+1 xn
y0= 1, y1= 9 et pour tout n0yn+2 = 10yn+1 yn
alors les deux familles d’entiers
2x2
n+ 2/ n N
12y2
n2/ n N
sont des familles de bonnes valeurs initiales de la suite de Lucas-Lehmer pour p3
(le cas historique, u0= 4, est en fait la premi`ere valeur de la premi`ere famille d´ecrite
ici).
2.— Test de primalit´e des nombres de Mersenne
2.1.— Suffisance du crit`ere de divisibilit´e. L’id´ee d´evelopp´ee dans cette partie
est bien connue (cf [B], voir aussi [R]). Nous la rappelons, car c’est l’id´ee directrice
pour l’´etude des bonnes valeurs initiales que nous proposons.
On consid`ere un corps commutatif Ket on note Ksa clˆoture alg´ebrique. Soit
(λn)nune suite d’´el´ements de Kerifiant pour tout n0, λn+1 =λ2
n2. Une
r´ecurrence imm´ediate montre que pour tout n0 on a λn=α2n+β2no`u α, β K
d´esignent les deux racines du polynˆome P(x) = X2λ0X+ 1 K[X].
Ainsi, si lesigne un nombre premier et si (un)nest une suite de Lucas-Lehmer
alors la suite (un)ndes r´esidus modulo lde la suite (un)nv´erifie pour tout n0
un=α2n+β2n
o`u α, β Fld´esignent les deux racines du polynˆome P(x) = X2u0X+ 1 Fl[X].
En particulier, on voit que pour tout indice k0, on a :
l|ukα2k+β2k= 0
Dans la suite de ce texte, pesignera toujours un nombre premier, qun nombre
premier de Mersenne et (un)nune suite de Lucas-Lehmer. Nous commen¸cons par
´etablir un lemme qui montre que les termes de la suite (un)nne poss`edent pas de
petits diviseurs impairs :
Lemme 1.— Soit k0un indice et l3un nombre premier. Si ldivise ukalors
l > 2k+2
2.
Preuve : On se place dans Flet on note αet βles deux racines de P(X) =
X2u0X+ 1. On a l|ukα2k+β2k= 0 α2k+1 =1o(α)=2k+2.
Maintenant P´etant de degr´e 2, on a αFl2et comme o(Fl2) = l21 on a
2k+2 (l21). Ceci conduit `a l > 2k+2
2.
——–
Corollaire 2.— Si 2p1divise up2alors 2p1est premier.
Preuve : Consid´erons un premier l2p1. Si l|(2p1)|up2alors l3 et,
d’apr`es le lemme pr´ec´edent, on a l > 2p
2, ce qui est absurde. Ainsi l’entier 2p1
ne poss`ede pas de diviseur premier inf´erieur `a sa racine carr´ee, il est donc premier.
2
2.2.— Etude de la r´eciproque. Dans ce paragraphe on se donne un nombre
premier ptel que q= 2p1 soit premier. On consid`ere une valeur initiale u0Z
de la suite de Lucas-Lehmer. On note α, β les racines dans Fqdu polynˆome P(X) =
X2u0X+ 1 Fq[X].
Lemme 3.— Le premier qdivise le terme unde la suite de Lucas-Lehmer si et
seulement si o(α)=2n+2 dans F
q.
Preuve : On a q|unun= 0 α2n+β2n= 0 α2n+1 =1o(α) =
2n+2.
——–
Th´eor`eme 4.— On pose u=u2
04.
Si u
q= 0 ou 1alors qne divise aucun terme de la suite (un)n.
Si u
q=1, on consid`ere une suite d’´el´ements de F
q,(λn)n, d´efinie par
λ0=u0,n0, λn+1 =pλn+ 2
(o`u .esigne n’importe quelle d´etermination de la racine carr´ee dans F
q)
Il existe alors un indice htel que
λ0,···, λhFqet λh+1 /Fq
On a o(α) = 2phet, par suite, q|uph2.
Preuve : Si u
q= 0 ou 1 alors le polynˆome P(X) est r´eductible sur Fq[X]
et donc αFq, donc o(α)|o(F
q) = q1 = 2(2p11), il s’ensuit que l’´equation
o(α) = 2n+2 n’a pas de solution dans Nce qui implique, par le lemme 3, que qne
divise aucun terme de la suite (un)n.
Si u
q=1, alors Pest irr´eductible sur Fq[X] et donc αest quadratique sur
Fq, c’est-`a-dire que Fq(α) = Fq2. On a
α=u0+u
2
On a donc
α2p=α. u0+u
2q
=α.u0q+uq
2q
Comme 2, u0Fq, on a 2q= 2 et u0q=u0. Par ailleurs, on a
uq=u.uq1=u.uq1
2=u
qu=u
On en d´eduit donc que
α2p=u0+u
2.u0u
2=u02u
4= 1
et, par suite, l’ordre de αest de la forme 2kavec kp.
3
Consid´erons dans Fqla suite ( 2i
α)i1et montrons par r´ecurrence sur ique l’on
a
2i
α=λi
2+1
2λ1.···i
u
Pour i= 1 on a
u0+ 2
2+1
2u0+ 2u2
=u0+ 2
4+u024
4(u0+ 2) +u
2=u0
2+u
2=α
Supposons la propri´et´e vraie pour i1, alors pour i+ 1 on a
λi+1
2+1
2λ1.···i+1
u2
=λ2
i+1
4+u
4λ2
1.···2
i+1 +1
2λ1.···i
u
Remarquons maintenant que
u=u024 = (λ0+ 2)(λ02)
=λ2
1(λ2
14) = λ2
1(λ1+ 2)(λ12)
.
.
.
=λ2
1···λ2
i+1(λ2
i+1 4)
on a donc
λi+1
2+1
2λ1.···i+1
u2
=2λ2
i+1 4
4+1
2λ1.···i
u
=λi
2+1
2λ1.···i
u
=2i
α
On en d´eduit que si λ0,···, λiFqalors 2i
αFq2.
Comme α6= 1 est d’ordre une puissance de 2, on a pour tout i1, o(2i
α) =
2i+k. Ainsi, la suite ( 2i
α)i1ne peut pas ˆetre toujours `a valeurs dans Fq2, sinon
il y aurait des ´el´ements d’ordre arbitrairement grand dans F
q2, ce qui est absurde.
On en d´eduit que la suite (λi)ine peut pas ˆetre toujours `a valeurs dans Fq, ce qui
montre l’existence de l’entier hannonc´e dans le th´eor`eme. Montrons que cet entier
hest l’entier tel que
2h+1
αF
q2et 2h+2
α /F
q2
1er cas : h= 0. On a donc u0+ 2
q=1 et comme 1 = u0+ 2
qu02
q
on en d´eduit que u02
q= 1 et donc u02F
q. On a alors
α=u02
2+1
2u02uF
q2
Supposons que 4
αF
q2, il existe donc x, y Fqtels que
(x+yu)2=u02
2+1
2u02u
ce qui ´equivaut au syst`eme
xy =1
4u02
x2+y2u=u02
2
4
En substituant, ce syst`eme implique que xest solution de l’´equation
16(u02)x48(u02)3/2x2+u= 0
Le discriminant ∆ de cette ´equation doit donc ˆetre un carr´e dans Fq, or
∆ = 64(u02)364(u02)2(u0+ 2) = [16(u02)]2
donc 1 est un carr´ee dans Fq, or 1
q= (1)q1
2= (1)2p11=1, ce qui
est absurde.
2`eme cas : h1. D’apr`es ce qui pr´ec`ede, on a
2h
α=λh
2+1
2λ1.···h
u
Par hypoth`ese, λh+ 2 n’est pas un carr´e dans Fq, on en d´eduit que λh2 est un
carr´e dans Fq. En effet on a
1 = u
q=u2
04
q=u02
qu0+ 2
q=u02
q
et par suite on a
1 = λ02
q=λ2
14
q=λ12
qλ1+ 2
q
=λ12
q=λ2
24
q=λ22
qλ2+ 2
q
.
.
.
=λh12
q=λ2
h4
q=λh2
qλh+ 2
q
et donc λh2
q= 1. On a alors
2h+1
α=λh2
2+1
2λ1.···h.λh2uF
q2
Supposons que 2h+2
αF
q2, il existe donc x, y Fqtels que
(x+yu)2=λh2
2+1
2λ1.···h.λh2u
ce qui ´equivaut au syst`eme
xy =1
4λ1.···hλh2
x2+y2u=λh2
2
En substituant, ce syst`eme implique que xest solution de l’´equation
16x48pλh2.x2+ (λh+ 2) = 0
Le discriminant de cette ´equation vaut 256, on en d´eduit donc que 1 est un carr´e
dans Fqce qui est absurde.
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