SOMMAIRE 1.Pouchkine, pressé de vivre I II III .LE POETE .POUCHKINE ET LA LITTÉRATURE RUSSE .REPÈRES CHRONOLOGIQUES 2.Tchaïkovski, une vie traversée I II III IV . « L’HOMME DE VERRE » .LE COMPOSITEUR D’OPÉRA .TCHAÏKOVSKI OU LES PARADOXES DU CLASSICISME RUSSE .REPÈRES CHRONOLOGIQUES 3.Du roman de Pouchkine a l’opéra de Tchaïkovski I II III .EUGÈNE ONÉGUINE DANS LA CORRESPONDANCE DU COMPOSITEUR .DU POÈME À L’OPÉRA .LES PERSONNAGES 4 .Onéguine Intime, scènes lyriques I II III IV .UN LIEU : LE CHAPITEAU .LES VOIX, LE TEXTE, LA SCÉNOGRAPHIE, LES COSTUMES, LA MUSIQUE .NOTE D’INTENTION DU METTEUR EN SCÈNE .NOTE D’INTENTION DU DIRECTEUR MUSICAL 5 .ANNEXES I II III IV .ARGUMENT RESUME .DISTRIBUTION .FICHE CONTACT .CALENDRIER SOPRANO Dossier pédagogique - Onéguine Intime - 2 1 .Pouchkine, pressé de vivre I .LE POÈTE « Notre mémoire conserve depuis l'enfance un nom joyeux: Pouchkine, Ce nom, ce son, emplit de soi de nombreux jours de notre vie. Les noms lugubres des empereurs, des chefs de guerre, - les inventeurs d'armes de morts, les bourreaux et les martyrs de la vie. Et puis, à côté d'eux, ce nom léger : Pouchkine. » Alexandre Blok Très jeune, il ne se contente pas d'être le plus pur poète lyrique de son siècle, il s'impose dans plusieurs genres, le théâtre russe avec "Boris Godounov" et les "quatre petites tragédies", le roman fantastique russe avec "La Dame de Pique", la poésie populaire russe avec ses contes en vers du "Tsar Saltan" et du "Coq d'or". Il s'attaque aussi à l'histoire russe avec son étude sur "L'Émeute de Pougatchev" et inaugure le roman historique russe avec "La Fille du Capitaine". Il n'est pas absurde de prétendre que tout écrivain russe est, plus ou moins, l'émule de Pouchkine, il est partout à la fois. "Nous sommes tous sortis du Manteau de Gogol", disait Dostoïevski, mais "Le Manteau" de Gogol n'est-il pas issu du "Maître de Poste" de Pouchkine, et n'est-ce pas Pouchkine qui a livré à son jeune confrère les sujets des "Âmes mortes" et du "Révizor"? Tourgueniev ne s'est-il pas inspiré de la Tatiana "d’Eugène Onéguine" pour décrire la jeune fille russe idéale dans ses propres romans? Cet homme pressé d'écrire était aussi pressé de vivre. Quel chaos que son existence, une femme chassant l'autre, passion du jeu, révolte contre le pouvoir impérial, exil à la campagne pour quelques vers satiriques, retour en grâce sous le règne du terrible Nicolas 1er, mariage avec une jeune beauté, tracasseries policières, mondanités, jalousie, ragots... Un officier français, Georges d'Anthès, fait une cour assidue à l'épouse du poète. Des lettres anonymes incitent alors Pouchkine à provoquer l'impudent en duel, et le plus grand écrivain russe de son époque tombe, à trente-sept ans, frappé par la balle d'un étranger. Dossier pédagogique - Onéguine Intime - 3 Il y a un contraste saisissant entre ce destin de désordre et cette œuvre de mesure. S'il avait écrit comme il vivait, Pouchkine eût été un poète romantique, inégal dans son inspiration. S'il avait vécu comme il écrivait, il eût été un homme pondéré, sensible et heureux. Il n'a été ni l'un ni l'autre, il a été Pouchkine. Sa pensée, contrairement à celle de Dostoïevski, de Tchékhov, de Gogol, ou de Tourgueniev, est tonifiante. Sa conception de l'existence rappelle les maîtres de la Renaissance. Pouchkine aimait la vie, avec fureur, avec imprudence. II .POUCHKINE ET LA LITTÉRATURE RUSSE « Je vous jure sur mon honneur que pour rien au monde je n’aurais voulu changer de patrie, ni avoir d’autre histoire que celle de nos ancêtres, telle que Dieu nous l’a donnée. » Lettre de A. Pouchkine chez A. Tchaadaev (philosophe russe 1831) La littérature Russe du XlXème siècle à la différence de la musique est déjà une réalité, même si elle est profondément marquée par les influences étrangères, particulièrement par le rationalisme français du « siècle des lumières ». Pouchkine créera un univers littéraire purement russe avec le roman en vers Eugène Onéguine, né en plein romantisme. Sa grande originalité a été de savoir s’inspirer des modèles formels du classicisme français pour y insuffler les idéaux romantiques de la société de son temps. En littérature déjà, classicisme et romantisme russes sont indissociables, il est le premier grand poète européen qui établit dans son pays les thèmes de la littérature universelle. Dans la société russe de l’époque, la langue « polie », noble, était le français ; nombre d’aristocrates considéraient leur propre langue avec dédain, comme barbare et paysanne. Presque à lui seul, Pouchkine a changé cela. Cette situation se trouve reflétée dans le texte même d’Eugène Onéguine : la célèbre lettre de Tatiana à Onéguine, selon Pouchkine, avait été écrite en français ; il a du la « traduire ». « Tatiana connaissait mal la langue russe, ne lisait pas nos journaux… Elle écrivit donc en français. Que faire ? je ne peux que répéter que jusqu’à présent l’amour féminin ne s’exprimait pas en russe. J’ai entendu dire qu’on va forcer nos dames d’apprendre à lire le russe. Imaginez-vous cela ! » Dossier pédagogique - Onéguine Intime - 4 L'œuvre de Pouchkine est une référence pour les russes. Ils y retrouvent l'image éternelle de leur pays la ligne simple de son horizon et ses longues routes qui mènent au bout du monde; la fuite des traîneaux dans la neige imbibée de lune, et le tremblement du soleil à travers les tilleuls des parcs provinciaux; le parfum du thé, et le rire des jeunes filles. Ils y retrouvent aussi l'âme véritable de la nation, qui n'est pas désenchantée et morbide comme trop d'étrangers ont tendance à le croire après la lecture des grands romanciers russes, mais prodigieusement gaie, naïve et saine. III .REPERES CHRONOLOGIQUES ALEXANDRE POUCHKINE (1799-1837) 1814, première publication dans la revue Le Messager de l'Europe avec son épître : A l'ami poète. 1811-1816, études au Lycée impérial de Tsarskoie. 1816, il intègre le Ministère des Affaires Etrangères et il rédige des poèmes romantiques : Rousslan et Lioudmila (gai et enjoués) et Ode à la Liberté (qui s'oppose fortement à l'autocratie et au servage et qui critique au plan social les hautes sociétés moscovite et pétersbourgeoise). 1820, il est condamné à l'exil au Caucase pour avoir écrit quelques poèmes séditieux, et avoir eu des liens avec des éléments « radicaux » de l’époque, dont plusieurs participeront à la révolte des « décembristes » (1825). 1821, il publie : le prisonnier du Caucase ( décrit les coutumes guerrières des circassiens influence de l’Anglais Byron) et Gavriliada (poème blasphématoire, sous l’influence Française). 1822, il se trouve en Bessarabie dans un quasi-exil, il publie : la fontaine de Bakhtchisaraï (traduit l’atmosphère des harems), et commence la rédaction de son long roman en vers : Eugène Onéguine il l’achèvera en 1830. 1824, il publie : les Tziganes. 1824-1825, la tragédie : Boris Goudounov, et compose les : contes en vers (ironiques et réalistes). 1825, mort du tsar Alexandre Ier, Nicolas Ier le prends sous sa protection et lui permet de revenir à Moscou. 1828, le poème à la gloire de Pierre le Grand : Poltava. 1830, les Récits de feu Ivan Petrovitch Bielkine. Parution d’Eugène Onéguine 1831, il épouse Nathalia Gontcharova. 1833, il publie : le cavalier de bronze. 1836, il publie : la fille du Capitaine (qui retrace la révolte de Pougatchev), le Chevalier avare (d’influence Shakespearienne) et le Convive de pierre (qui reprend le thème de Don Juan). 1837, meurt en duel Dossier pédagogique - Onéguine Intime - 5 Tchaïkovski, une vie traversée 2 I .L’HOMME DE VERRE Le compositeur Rachmaninov, parlait du masque que Tchaïkovski ne quittait jamais: « il marchait comme en chaussons, sans presque jamais hausser la voix, conservant en permanence sur le visage une expression de candeur, toujours aimable avec tout le monde, comme s’il était hanté par la peur de déplaire, éviter l’argument d’où pourrait venir la moindre dispute. » Nina Berberova nous dresse un portrait de Tchaïkovski enfant à travers Fanny Durbach, sa jeune gouvernante suisse :« Mais Pierre ne pensait qu’à une chose : inventer, rimer, écrire, exprimer ses sentiments au monde entier, ces sentiments qui l’étouffaient et auxquels il cherchait une issue… Fanny regardait sa petite main courir sur le papier, et ne savait pas s’il fallait corriger ses fautes ou le laisser tranquille, car elle sentait en lui quelque chose qui aurait pu facilement se briser, s’échapper, si on ne le maniait pas avec précaution. Et à cause de cela, elle commença à l’appeler « petit garçon de verre ». Il y avait aussi le piano mécanique qu’Ilya Pétrovitch avait apporté de St Pétersbourg. Pierre l’écoutait jouer, en pressant sa main contre sa poitrine, comme si les battements de son cœur avaient été trop violents. C’était dans la maison la seule musique, et Pierre l’avait entendue. » Dès le début de sa vie les évènements mettent à rude épreuve sa grande sensibilité. En 1848 il se sépare de Fanny, quand la famille quitte Votkinsk. Il se sépare ensuite de sa mère lorsqu’il part étudier à Saint-Pétersbourg : « L’enfant court après la carriole qui emmène les siens, se raccroche à la roue au risque de se blesser, roule dans la poussière… ». La mort de sa mère alors qu’il n’a que 14 ans, est une grande tragédie. Son souvenir représentera toujours à ses yeux l’image de la femme idéale, Dossier pédagogique - Onéguine Intime - 6 inaccessible, être immatériel plutôt que de chair, tel qu’il l’aimera et la chérira dans ces opéras. Tchaïkovski développe une sombre philosophie du malheur : l’homme est en sursis sur terre, face à son destin qui le pousse au néant. « Créer spontanément, comme l’oiseau chante, je ne le peux déjà plus ; et pour trouver quelque chose de nouveau, hélas, je n’ai pas inventé la poudre ! » Des jours de dépression, de terrible inaction suivaient et il les redoutait, car cette oisiveté était la source de ses désirs furieux, malsains inassouvis. Quel monstre je suis ! « Que Dieu me pardonne mes mauvais sentiments ! » écrivait-il dans son journal intime. Ce fatalisme du Fatum (le mot est de Shumann que Tchaïkovski admirait) est la clé de toute sa vie et de son œuvre. Convaincu que nul ne peut échapper à son destin, il épouse Antonina Milioukova, l’amour, le foyer qui lui font défaut, il les trouve dans sa rencontre épistolaire avec Mme Von Meck qui lui assure ce havre de paix moral et financier, propice à la création, et lui permet de renouveler ces nombreux voyages en Europe. La rupture de leur correspondance lui apparaîtra comme une trahison. Tchaïkovski est un être profondément solitaire. Ces penchants homosexuels que les autres appellent son « vice » et que lui-même dans ses lettres désigne par « mon infirmité » ou « cela », l’obligent à se dissimuler vis- vis des siens et des autres. Il partage son temps entre la Russie et l’Europe où ses œuvres triomphent souvent sous sa direction (la Pucelle d’Orléans, Mazzepa, L’Enchanteresse, La Dame de Pique, Lolenthe, la Belle au bois dormant, Casse noisette et la 5ème symphonie). Puis il part en Amérique pour une tournée triomphale de six mois. Il s’enferme ensuite dans sa maison de Kline et ébauche sa 6ème symphonie : « j’ai terminé l’orchestration, je puis affirmer que jamais de ma vie je n’ai été si content, si fier, si heureux que maintenant car j’ai vraiment la conscience du travail bien fait . » Mais la maladie progresse rapidement. Il meurt, à l’issue d’une agonie de trois jours, le 6 novembre 1893. Terrassé par le choléra ou poussé au suicide à la suite de la découverte de son homosexualité. Toutefois, il bénéficiera de funérailles nationales à Saint-Pétersbourg et sera enterré au monastère Alexandre-Nevski. Dossier pédagogique - Onéguine Intime - 7 II .LE COMPOSITEUR D’OPÉRA Premier grand symphoniste de son pays, Tchaïkovski, s’est toujours passionné pour l’opéra. Une représentation de Don Giovani lorsqu’il avait douze ans, décide de sa vocation musicale. L’opéra représente à ses yeux un moyen de contact direct avec le public. Aussi, Tchaïkovski adore la Carmen de Bizet, la force des sentiments exprimés, et il rêvera toujours de composer l’équivalent russe. Très attaché à la musique française, il apprécie également Berlioz, Gounod, SaintSaëns et Massenet et, parmi les italiens, Masagni et Verdi dont il aime la « sincérité ». Par contre, Wagner merveilleux symphoniste à ses yeux s’était selon lui laissé aveugler par ces théories. Tchaïkovski se voulait un réaliste, un réaliste du sentiment nullement descriptif. La source de la musique de Tchaïkovski est d’ordre émotionnel. « Là où le cœur n’est pas touché, il ne peut y avoir de musique. Je ne peux écrire de musique pour un sujet donné avec amour et enthousiasme si les personnages ne suscitent pas ma sympathie vivante, je ne les aime pas, si je n’ai pas pitié d’eux, comme des vivants aiment et ont pitiés». L’opéra idéal de Tchaïkovski met en présence des personnages simplement humains, à notre échelle: « il faut que je les aime et que je les plaigne comme on aime et comme on plaint des êtres vivants. Un opéra débarrassé des effets de théâtre dans lequel il n’y ait ni roi ni reines, ni émeutes, ni batailles, ni marches triomphantes, qu’il n’y ait aucun des attributs ordinaires du Grand Opéra , mais un drame intime, fort, reposant sur des situations que j’ai vécues ou contemplées, qui me bouleverse ». Eugène Onéguine répond à ce vœux, c’est un opéra qui est une chronique intime, sans intrigue véritable, sans trame dramatique, plutôt une succession de tableaux impressionnistes, une série de « scènes lyriques » comme il le sous-titrait, tout entier orienté sur la vie intérieure de ses personnages (à la manière de Tchékhov) et à travers eux une évocation du romantisme dans la Russie des années 1820 tel qu’a pu le vivre et le ressentir le poète Pouchkine. En créant Onéguine, Tchaïkovski créait l’opéra intime russe, tout comme Tchékhov allait créer le drame intimiste russe. Dossier pédagogique - Onéguine Intime - 8 III .TCHAÏKOVSKI OU LES PARADOXES DU CLASSICISME RUSSE Dans la seconde moitié du XIXème siècle, deux Russies s’affrontaient. La première celle de St Pétersbourg, « fenêtre ouverte sur l’Europe » par le tsar Pierre le Grand, celle de Catherine II aussi, des architectes et des artistes venus d’Italie, d’Allemagne, et de France pour élever des monuments à la gloire des monarques, des émigrés Français venus en masse après la révolution; celle d ’ E u g è n e Onéguine, le jeune Dandy, émule de Byron qui noie sons spleen dans les coupes de champagne… La Russie policée d’Occident. La seconde, c’est la Russie Nationaliste, celle des vieux contes populaires remontant aux sources historiques, totalement détachée des standards occidentaux, triomphant en Europe grâce aux Ballets Russes, aux Expositions internationales de 1878 et 1889. Coexistent alors les courants musicaux ceux issus de cette russie Nationaliste et les autres du groupe des Cinq (Balakirev le fondateur, Rimski-Korsakov, Borodine, Moussorsgki, et Cui). Etrangement, ce sont ces derniers que la Russie semble préférer. Voici donc Tchaïkovski en France, représentant officiel de la mauvaise Russie germanisante, voulant se mesurer au grand Beethoven. Pour créer un art musical national il faut se démarquer de la musique italienne qui règne en maîtresse à la cour impériale. Mikhail Glinka y parvint le premier, en s’inspirant des particularités rythmiques, mélodiques et modales de la musique folklorique. Il devint ainsi « le Père de la Musique russe ». La fondation en Russie d’un enseignement musicale classique, dont les modèles se trouvaient en Allemagne, coïncide avec la fin du romantisme. Tchaïkovski fut le premier à recevoir à la source cet enseignement classique, il fut aussi le premier professeur de composition du Conservatoire de Moscou. Ses premières œuvres importantes, la Première Symphonie, Roméo et Juliette, sont les fruits de cet enseignement et toute sa musique sera écrite sur ses bases. A la question : « quels sont vos idéaux en musique ? », il répondait : « Est-il indispensable d’avoir des idéaux en musique ? Je n’y ai jamais accordé la moindre pensée. Mon idéal est de devenir un bon compositeur ». Tchaïkovski représente pour ses compatriotes le compositeur classique par excellence, car nulle autre musique n’incarne mieux que la sienne tous les paradoxes du classicisme russe. Dossier pédagogique - Onéguine Intime - 9 IV .REPERES CHRONOLOGIQUES ILLIA PETROVITCH PIOTR TCHAÏKOVSKI (1840-1893) 1844, premières improvisations au piano : Notre mère à Saint-Pétersbourg. 1846, il commence le piano avec Mariya Palchikova. 1848, il est séparé de Fanny sa gouvernante 1850, il part au pensionnat pour deux années préparatoires. 1852-1858, entrée au Collège de la Jurisprudence à Saint-Pétersbourg. 1854, sa mère meurt du choléra, sa réaction fut de se tourner vers la musique. Cette perte le laissa débridé face aux pratiques homosexuelles. 1855, études avec Rudolph Kündinger, professeur de piano de Nuremberg. 1859, diplôme de droit, il est engagé comme secrétaire au ministère de la justice. 1863, il abandonne ce travail et entreprend d'étudier la musique sous la conduite d'Anton Rubinstein. 1866 -1878, il est professeur de théorie musicale au Conservatoire de Moscou où il compose sa première symphonie : Rêves d’hiver. 1872, il compose : sa deuxième symphonie. 1874, écriture de son premier concerto piano pour en si bémol mineur. 1876, rencontre avec Nadejda von Meck, grande admiratrice du compositeur, elle lui versera pendant treize années une pension alimentaire. 1877, il compose : sa quatrième symphonie et la dédicace à Mme Von Meck. Il épouse Antonia Milioukova, une de ses anciennes élèves, ce mariage sera un échec et rapidement il ne peut plus supporter la vue de sa femme, il tente de se suicider et se séparera d'Antonia peu après. Il compose son premier ballet : Le Lac des Cygnes, et un opéra basé sur un roman d'Alexandre Pouchkine : Eugène Onéguine. 1878, composition d’un concerto pour violon en ré majeur. 1879, le 29 Mars à Moscou, première de l’opéra Eugène Onéguine par les élèves du Conservatoire. 1880, sa réputation se renforce en Russie, et son nom commence à être connu à l'étranger. L'Italie où il séjourna lui inspira un certain nombre de pièces musicales : le Capriccio Italien et la célèbre sérénade pour cordes. 1881, Nikolaï Rubinstein son ami, meurt. Il compose son superbe : Trio pour piano. 1885, il compose : Manfred. 1888, son deuxième ballet. 1889, la belle au bois dormant qui sera un triomphe. 1890, composition de : la Dame de Pique, opéra basé sur une nouvelle de Pouchkine, Nadejda von Meck arrête de lui allouer sa pension (elle aurait été profondément choquée par la découverte de son homosexualité). 1891, voyage aux États-Unis, il dirige ses oeuvres lors de l'inauguration de la salle new-yorkaise de Carnegie Hall et remporte un franc succès. 1892, composition de son troisième ballet, Casse-Noisette. 1893, en janvier il fit halte à Montbéliard pour revoir Fanny Durbach qui fut sa préceptrice. En Novembre, neuf jours après la création de sa sixième symphonie « Pathétique », il meurt du choléra. Dossier pédagogique - Onéguine Intime - 10 3 Du roman de Pouchkine a l’opéra de Tchaïkovski Eugène Onéguine opéra en trois actes. Livret de Tchaïkovski et de K.S. Chilovski, d'après le roman en vers d’Alexandre Pouchkine. Créé le 29 Mars 1879 à Moscou, et interprété par les élèves du conservatoire. I .EUGÈNE ONÉGUINE DANS LA CORRESPONDANCE DU COMPOSITEUR Un grand nombre de lettres est consacré aux problèmes rencontrés par Tchaïkovski dans son travail d’adaptation du roman en vers d’Eugène Onéguine de Pouchkine. Dans une lettre à son frère Anatole (1877), Tchaïkovski raconte sa rencontre avec la cantatrice Lavrovskaïa qui lui recommande la création d'un opéra basé sur l'intrigue d'Eugène Onéguine, :« L’idée me parut d’abord absurde et je ne répondis rien. Ensuite je suis allé dîner seul dans un restaurant, vers la fin du repas ma décision était prise. Je courus aussitôt chercher le livre de Pouchkine. Le lendemain j’allai chez Chilovski (librettiste) qui est actuellement en train de faire à toute allure l’adaptation de mon scénario (...) Tu auras du mal à croire à quel point je suis enthousiasmé par ce sujet. Eugène Onéguine est d’une poésie infinie. Je reste cependant lucide, et je sais qu’il y aura peu d’effets scéniques et d’action dans cet opéra. Mais la poésie de l’ensemble, l’aspect humain et la simplicité du sujet, servis par un texte génial, compensent largement ces défauts. » Dossier pédagogique - Onéguine Intime - 11 Dans une lettre à Karl Albrecht (inspecteur de la musique des théâtres) il précise ses exigences quant à la réalisation de son opéra : « Voici ce qu’il me faut pour Onéguine : 1 .Des chanteurs de moyenne force, mais bien préparés et sûrs d’eux-mêmes. 2. Des chanteurs qui sachent jouer simplement en jouant bien. 3. Il me faut une mise en scène sans luxe, mais qui corresponde rigoureusement à l’époque. Les costumes doivent obligatoirement être de l’époque où se passe l’action (1820). 4. Les chœurs ne doivent pas être un troupeau de brebis comme sur la scène impériale, mais des humains qui prennent part à l’action de l’opéra. Pour rien au monde je ne donnerai Onéguine à la direction de Saint-Pétersbourg, ni à celle de Moscou. Et s’il se fait qu’on ne peut pas le jouer au conservatoire, alors qu’on ne le joue nulle part. » Ceci explique que Tchaïkovski ait tenu à ce qu’Onéguine fût créé par la troupe des élèves du Conservatoire de Moscou et non par les artistes des Théâtres Impériaux. Quand son élève favori Serge Tanéiev lui donne son avis : « La musique est ravissante, claire, simple et mélodique. Le rôle de Tatiana est parfait, surtout la scène de la lettre. La seule chose qui me plaise moins, c’est le livret. Ca manque d’action : tout le premier tableau, par exemple, tourne autour de l’arrivée des visiteurs chez les Larine, et c’est tout. D’autre part je trouve peu naturel que Tatiana tombe amoureuse d’Onéguine en ayant à peine eut le temps de le voir, et avant même qu’il n’est prononcé un mot…. J’ai tout le temps l’impression qu’à la fin du premier tableau l’auditeur ne saura rien de l’amour de Tatiana, et ne comprendra pas la suite de l’action ». Tchaïkovski lui répond : « Il est fort possible que vous ayez raison en disant que mon opéra n’est pas scénique. Mais je vous répondrais que je m’en fiche complètement ! (…). J’ai travaillé avec un entrain, avec un bonheur indicible, me souciant peu de savoir s’il y avait du mouvement, des effets, etc. (…). Je me mettrais volontiers à la composition de tout opéra dans lequel, même à défaut d’effets saisissants et inattendus, des êtres, semblables à moi, éprouvent des sentiments que j’ai moi-même éprouvés et que je comprends (…). Concernant Tatiana, son sentiment est immédiat : « Tu es a peine entré que je t’ai tout de suite reconnu, j’en suis restée pétrifiée ». Car si elle s’éprend d’Onéguine, ce n’est pas parce qu’il est un tel ou un autre. (…). Il a suffi qu’Onéguine se montre pour qu’elle lui attribue aussitôt toutes les qualités de son héros idéal, et qu’elle transfère sur un être vivant l’amour qu’elle éprouvait pour le fruit de son imagination exalté par les romans (…). Tchaïkovski reste honnête avec lui-même, et persiste en lui expliquant le sous titre qu’il a donné à son opéra: « scènes lyriques » : « Mais je vous ai déjà dit, du reste, que si, comme vous l’affirmez, l’opéra est une action et que cette action Dossier pédagogique - Onéguine Intime - 12 manque dans Eugène Onéguine, je suis prêt à ce qu’il ne soit pas appelé opéra, mais des scènes, une représentation scénique, un poème, comme il vous plaira (…). Quant à la musique, je vous dirai que s’il y a jamais eu musique écrite avec un enthousiasme sincère, avec un amour du sujet et des personnages, c’est bien la musique d’Onéguine. Et si l’auditeur perçoit ne serait-ce qu’une infime parcelle de ce que j’ai ressenti en écrivant cet opéra, je serais simplement satisfait et n’en demanderais pas plus ». Tchaïkovski s'inquiétait de l'acceptation de son opéra par le public, vu son manque de suite traditionnelle. Il pensait que son exécution demandait le plus possible de simplicité et de sincérité. Il remit donc la première production entre les mains des étudiants du Conservatoire de Moscou, qui donnèrent la première représentation sur la scène du Théâtre Malyi à Moscou le 29 mars 1879. Son grand succès le transporta au Théâtre Bolchoï de Moscou en 1881, puis au Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg en 1884. II .DU POÈME À L’OPÉRA La rencontre sur Eugène Onéguine, du poète Pouchkine et du compositeur Tchaïkovski, a été renouvelée à l’occasion de Mazeppa puis, de la Dame de Pique. Le génie des deux hommes a été de marier l’âme russe avec la culture occidentale. Eugène Onéguine est un exemple d'opéra lyrique; son livret suit l'original de Pouchkine de très près, en gardant beaucoup de sa poésie. Tchaïkovski ajouta une musique de nature dramatique, il se servit des vers originaux du roman de Pouchkine et sélectionna les scènes qui reflétaient le monde émotionnel et le destin de ses héros, qualifiant l'opéra de scènes lyriques. L'opéra est épisodique; il n'y a pas d'histoire continue, seulement des moments choisis de la vie d'Onéguine. Nous allons parcourir l’opéra pour mesurer plus ou moins les différences ou non entre le roman et le livret. Dossier pédagogique - Onéguine Intime - 13 Pouchkine situe le début de l’action à la campagne, dans la famille Larine ou l’on découvre Tatiana et sa sœur Olga, et ou Lenski amène son ami Onéguine. Tchaïkovski, commence son opéra la veille de cette visite chez les Larines. Chaque mot de l’air de la célèbre lettre que Tatiana écrit à Onéguine, est de Pouchkine, la réponse d’Onéguine, est reprises du poème, mais considérablement abrégées. Pouchkine décrit le cauchemar de Tatiana avant le bal chez les Larines, alors que Tchaïkovski n’en fait aucune allusion. Dans l’opéra, le bal se déroule avec une certaine dignité rurale, contrairement aux romans de Pouchkine ou, il ironise en choisissant des noms un peu grossiers pour les seigneurs voisins. Dans le roman comme dans l’opéra, Onéguine fait la cour à Olga; ce qui rend Lenski furieux : d’où s’ensuit le duel. L’émouvant air chanté par Lenski avant ce duel fatal est presque identique aux vers de Pouchkine. Cet air est peut-être en Russie le plus connu de tous les opéras du répertoire. Après le duel, selon le poème, Onéguine part en voyage, et de nombreuses pages sont alors consacrées à Tatiana, son état d’âme, les efforts de sa famille pour l’envoyer à Moscou afin qu’elle y contracte un mariage convenable. Il y aucune scène de ce genre dans l’opéra ; Olga n’apparaît plus. Tatiana épouse un prince, il s’appelle Gremine, (chez Pouchkine, il est anonyme) son long air, concernant son amour pour Tatiana est entièrement de Tchaïkovski. Les deux versions poème et opéra, s’accordent sur le fait que Tatiana est devenue une éblouissante dame de la haute société et qu’Onéguine la retrouve après ses voyages, réalisant combien il est amoureux d’elle. Pouchkine lui fait envoyer une longue lettre, et quand ils se rencontrent elle lui répond dans un monologue célèbre qu’elle l’aime encore et qu’elle restera fidèle à son mari. Dans l’opéra il n’y a ni lettre ni monologue : ceux-ci sont transformés en dialogue passionné, le magnifique duo ultime, où presque toutes les strophes de Pouchkine se retrouvent. L’opéra, comme le roman, se termine avec Onéguine, seul, en proie au désespoir « comme s’il avait reçu un coup de foudre » (Pouchkine). Pouchkine, dans son roman, ajoute une petite coda : il dit au revoir au lecteur patient qui a suivi les péripéties de son héros. Tchaïkovski, lui est plus romantique : les derniers mots de l’opéra sont emportés par la voix d’Onéguine. Dossier pédagogique - Onéguine Intime - 14 III .LES PERSONNAGES Les personnages d’Eugène Onéguine pourraient s’apparenter à des héros de tragédies grecques ou de Racine. Ils présentent toute « la vérité des passions et la vraisemblance des sentiments » qui selon Pouchkine, faisaient parti des exigences de l’art théâtral : « Eugène Onéguine, n’est ce pas ce drame intime mais fort, basé sur un conflit de situations, éprouvées ou observées par moi, quelque peu désespérée de la vie ». Tchaïkovski, donne une vision plus traditionnelle est stéréotypée des personnages dans le livret. Selon Pouchkine, Onéguine est un personnage qui présente une multitude de plans psychologiques. Il n’est pas simplement un jeune pétersbourgeois avec ses passions échevelées, on peut le comparer à un Don Juan qui tombe profondément amoureux. Tatiana, apparaît comme la plus haute représentation de la femme russe par la grandeur de son renoncement. Tchaïkovski voit en elle « une âme pleine de beauté féminine et de pureté, qui n’a pas encore été souillée par le contact avec la vie réelle; c’est une nature rêveuse, qui cherche confusément un idéal auquel elle aspire passionnément ». Lenski, vit sa vie comme un roman, c’est un idéaliste, clamant son amour de la vie, de la nature. Et Olga est comme une marionnette, charmante et coquette. L’histoire est une véritable quête d’un impossible bonheur, voici deux couples ratés, détruits, malheureux. Tatiana et Lenski semblent plus proches par le romantisme de leurs sentiments et l’aspiration au bonheur. Les personnages se croisent, se cherchent et se poursuivent sans jamais parvenir à s’atteindre. Dossier pédagogique - Onéguine Intime - 15 4 EUGENE ONEGUINE, SCENEs LYRIQUEs L’OPÉRA-TH É Â T R E , L ’ ENSEMBLE C ARPE D IEM COPRODUISENT CETTE NOUVELLE CRÉATION EUGÈNE O NÉGUINE. ILS COLLABORENT ARTISTIQUEMENT POUR UNE NOUVELLE LECTURE DE L ’ O P É R A . LE LIEU UN CHAPITEAU , LES CHANTEURS DANSEURS P R O F E S S I O N N E L S , LA RÉÉCRITURE DU LIVRET EN FRANÇAIS AVEC DES CHANTS INTERPRÉTÉS EN FRANÇAIS RÉSULTE D’UNE VOLONTÉ D’ ADAPTATION DE L’ŒUVRE DE LA PART D’A NDRÉ F ORNIER ET DE JEAN-PIERRE ARNAUD, ET RENDRE TRÈS ACCESSIBLE À TOUS LES PUBLICS, CE CHEF D’ŒUVRE DU RÉPERTOIRE LYRIQUE. I .UN LIEU : LE CHAPITEAU Le chapiteau de la Compagnie l’Opéra Théâtre accueille cette production. Le projet de compagnie du metteur en scène André Fornier a été d’explorer des « petits formats lyriques », adaptations légères de grands opéras. Fidèle à ses convictions, l’Opéra Théâtre désire aujourd’hui travailler le répertoire lyrique, en partant pour une Échappée Lyrique et en proposant la création et la diffusion d’opéras sous chapiteau. Cet espace, résolument circassien, accueillant jusqu’à 400 spectateur est un lieu chaleureux (toile et bois), à l’acoustique excellente lui permet de tourner hors des centres urbains où se concentrent les institutions lyriques. L’espace de jeu: une piste circulaire entourée de gradins possédant une forte déclivité pour un confort de vision maximum, une « gardine » (accès à la piste pour les artistes), sur laquelle est construite une plate-forme pouvant accueillir un ensemble orchestral important. Il est prévu quatre autres accès à la piste pour les artistes, créant ainsi d’autres espaces de jeu dans les gradins, visibles par l’ensemble des spectateurs. Le public n’est plus un simple « contemplateur », il est placé au centre même de l’action. Le chapiteau est particulièrement adapté pour accueillir Eugène Onéguine. Ses dimensions garantissent tout d’abord le format original de l’œuvre et la volonté première de Tchaïkovski de créer, non un opéra, mais des « scènes lyriques ». Notre souhait est de créer un « opéra intime » en misant sur le théâtre pour dire avec précision et vérité les sentiments des personnages. D’autre part, la piste ronde, contrairement à la configuration d’un théâtre traditionnel qui a un rapport frontale, est un élément qui respecte le rapport public scène. Les spectateurs situés tout autour de la scène sont proches des artistes, et selon André Fornier : Dossier pédagogique - Onéguine Intime - 16 « le lyrisme de la musique de Tchaïkovski touchera en plein coeur le spectateur et fera naître en lui une émotion sans pareil ». II .LES VOIX, LE TEXTE, LA SCÉNOGRAPHIE, LES COSTUMES, LA MUSIQUE L’action se déroule entre Saint Pétersbourg et la lointaine Russie. Nous donnons à l’opéra une tonalité slave: cette couleur se retrouve dans le décor sobre du chapiteau qui pourrait évoquer une tente dans la steppe, comme peut le décrire Vogüe dans son ouvrage, le roman russe : « Pays d’âmes vagues comme les âmes des gens de mer, concentrées longuement résignées, avec des violences soudaine de désir; terre faite pour les tentes plus que pour les maisons, où les idées sont nomades ainsi que les hommes. Comme les vents qui portent le froid sans obstacles de la mer Blanche à la mer Noire, les invasions, les misères, les tristesses, les servitudes roulent rapides et invincibles sur ces étendues vides. C’est le sol propice pour nourrir les aspirations confuses du néant que le cœur russe tient de ses origines… ». Les amours impossibles et les amitiés contrariées de Tatiana, Olga, Lenski et Onéguine donnent parfois des situations burlesques ou tragiques, entre les fantasmes d’une vie rêvée et les réalités de la Russie du XIXème siècle. Dans sa partition, Tchaïkovski s'attache "à dire" avec délicatesse et précision, les mouvements intérieurs des personnages de Pouchkine, et leurs rapports entre eux. Et le lyrisme de sa musique touche en plein coeur le spectateur et fait naître en lui une émotion sans pareil. Ici, nous avons affaire à un opéra intime. Il mise sur le théâtre pour dire avec précision et vérité les sentiments des personnages. André Fornier a écrit et créé un personnage, un conteur, Zaretski, d’après le roman en vers de Pouchkine ce qui permettra une compréhension parfaite de l’action. Extrait du nouveau livret : Zaretski :« Déjà j'entends les serfs, qui de tous les coins de la terre rejoignent Madame Larina, pour célébrer la fin des moissons. Amis des villes, vous ne connaissez pas cela... Leurs pieds nus souffrent d'avoir tant marché, leurs mains saignent d'avoir tant travaillé, leurs coeurs sont lourds à porter. Les voilà, venus comme leurs parents rendre hommage à "leur petite mère", leur matouchka... C'est sur ces terres de la lointaine Russie que vivait désormais, mon ami Onéguine. » Les rôles dans Eugène Onéguine sont des rôles fixes : les mêmes chanteurs chantent toutes les représentations et interprètent un seul personnage, excepté les rôles de Triquet, du Capitaine et du Témoin qui seront interprétés par le même chanteur. Les chœurs sont chantés en russe, car ils représentent le monde de la paysannerie, ils sont mixtes, même s’ils sont à dominante féminine. On y retrouve Dossier pédagogique - Onéguine Intime - 17 les quatre tessitures habituelles, de la voix la plus haute à la plus basse (sopranos et altos chez les femmes, ténors et basses pour les hommes). Les costumes du premier et du deuxième acte sont « simples » dans le sens où l’action se déroule à la campagne. Les filles sont en robe claire « paysannes » avec des incrustations de motifs floraux en couleurs (cf. esquisses). Les hommes en moujiks (paysan comparable à un serf dans la Russie Impériale). Pour le troisième acte, les femmes seront vêtues de robes très sculpturales en tissus soyeux et monochromes inspirées des années 1830. Elles seront très élégantes, et les hommes porteront des costumes et chapeau melon ou haut de forme. La ligne artistique de CARPE DIEM se fonde sur la transcription et la réochestration. Cette alchimie, qui consiste à extraire la quintessence de partitions conçues dans la démesure orchestrale héritée des siècles passés, dévoile des essences nouvelles. La transcription de Jean-Pierre Arnaud d’Eugène Onéguine propose une nouvelle lecture et devient partie prenante de cette ouvrage lyrique et ouvre ainsi en grand l’accès à l’oeuvre. Une troupe lyrique : Cette création est composée de jeunes artistes, tous issus des conservatoires nationaux (Lyon, Paris...). Sur Onéguine intime souffle un vent de fraîcheur et de spontanéité permettant d’aller loin dans la relecture de l’oeuvre. Dossier pédagogique - Onéguine Intime - 18 III .NOTE D’INTENTION DU METTEUR EN SCÈNE, ANDRE FORNIER Alexandre Pouchkine publie en 1830, Eugène Onéguine, un roman qu'il qualifie lui-même de "Roman en vers". Tchaïkovski est un grand admirateur du poète russe à tel point qu'il composera trois opéras inspirés de ses oeuvres : Mazeppa, la Dame de Pique et Eugène Onéguine. Ce dernier est assez proche du roman originel. Dans sa partition, Tchaïkovski s'attache "à dire" avec délicatesse et précision, les mouvements intérieurs des personnages et leurs rapports entre eux. Et le lyrisme de sa musique touche en plein coeur le spectateur et fait naître en lui une émotion sans pareil. Malgré un format orchestral important, la présence d'un choeur et une distribution nombreuse, nous sommes loin des grandes intrigues historiques, féeriques ou légendaires, que l'on retrouve dans la plupart des opéras russes du XIXème siècle. Ici, nous avons affaire à un opéra intime. Peut-être est-ce la raison pour laquelle Tchaïkovski n'appelle pas cet ouvrage "opéra", mais "scènes lyriques". Il mise sur le théâtre pour dire avec précision et vérité les sentiments des personnages. Tout naturellement notre projet veut jouer l'intime de l'ouvrage, et resserrer l'action autour des protagonistes du drame (Tatiana, Onéguine, Lenski et Olga) accompagnée par un ensemble orchestral "épuré". Néanmoins, nous voulons rendre compte de l’ensemble des éléments qui composent l’œuvre : les parties chorales, les « petits » personnages et l’élément chorégraphique important pour la dramaturgie et la cohérence musicale de l’ensemble. L’ensemble vocal fédéré autour de l’Ensemble Carpe Diem, grâce à son effectif (huit) et sa maîtrise de la danse et du théâtre parlé nous permettra de jouer (autrement) l’œuvre dans son « intégralité ». On aura compris que nous sommes ici sur une adaptation, pas sur une réduction. L'ouvrage sera chanté en russe, et parlé en russe et en français. Le russe pour rendre compte de la qualité de la prosodie et de sa cohérence avec la musique ; le français pour la lisibilité de l’intrigue. La langue pour les élites russes de cette époque est le français. De très nombreux échanges de correspondance entre Pouchkine et ses amis ou ses ennemis (notamment les fonctionnaires censeurs des Tsars Alexandre et Nicolas) sont en français. Il y a donc là une réalité linguistique et sociologique dont le spectacle rendra compte. Sur cette idée le chœur des paysans sera chanté lui, en russe. Jean-Pierre Arnaud écrivant l’adaptation musicale pourra « composer » au mieux avec la prosodie française sans altérer la musicalité de la partition originale. Adaptation de la partition donc, mais aussi du livret. J’envisage dans ce travail de reprendre la forme littéraire originale de l’Onéguine de Pouchkine. Pouchkine qui avait choisi une forme poétique structurée en plusieurs « chants ». Le livret épousera donc ce modèle. Nous serons sur une forme « contée », entremêlée de brefs dialogues et monologues qui (en plus là aussi d’éclairer les péripéties de l’intrigue) enrichira et approfondira les événements du drame et retrouvera les commentaires sociaux, philosophiques (voir politiques) de Pouchkine, que le livret de l’opéra a "gommé" quelque peu. Dossier pédagogique - Onéguine Intime - 19 Ainsi, nous serons sur la dialectique musique et poésie. Tchaïkovski et Pouchkine. Ces "deux Eugène Onéguine" puisant chacun dans l'intime particulier pour atteindre à l'universel, chacun avec ses propres moyens. Le temps d'une représentation, nous désirons les faire se rencontrer à nouveau. André FORNIER Tchaïkovski en 1866 prof au conservatoire Pouchkine par Orest A. Kiprensky Dossier pédagogique - Onéguine Intime - 20 IV .NOTE D’INTENTION DU DIRECTEUR MUSICAL, JEAN PIERRE ARNAUD Les artistes de l’Ensemble Carpe Diem, dont Jean-Pierre Arnaud son instigateur, souhaitent pour la saison 2008 - 2009 engager résolument leurs ressources humaines, leurs moyens artistiques et financiers afin de mettre en musique et en danse cet Eugène Onéguine qu’André Fornier et son « Échappée Lyrique » ont eu l’excellente idée de leur soumettre. Cette coproduction qui s’annonce jubilatoire nous paraît digne de révéler de nouveaux trésors à ce chef-d’œuvre que nous lèguent P.I. Tchaïkovski le musicien mais peut-être d’abord A. Pouchkine le poète. Ainsi, fidèle à son pari initial consistant à transcrire les grandes pages orchestrales (Tristan et Iseult de Wagner, Roméo et Juliette de Berlioz), l’Ensemble Carpe Diem se réjouit à l’idée de renouveler l’accès à cette partition toute de lyrisme flamboyant et de raffinement vocal par la transformation organique de son écriture. Il confectionnera pour cette occasion un orchestre de neuf ou dix instrumentistes (cordes, bois, cuivres, harpe et timbales) auquel il adjoindra huit « chanteurs- danseurs » désormais intégrés à la troupe Carpe Diem laquelle sera fédérée par Françoise Masset et Lionel Peintre (dont le concours est envisagé pour les rôles-titres). Notre confiance dans ce projet est pleine et entière, eu égard à la qualité et la créativité de nos partenaires de « l’Echappée Lyrique ». Notre goût prononcé pour le répertoire d’Opéra et de Ballet nous prédispose tout particulièrement à cette verve propre à la grande Musique Russe qu’atteste, nous l’espérons notre prochain livre disque « les Tableaux d’une Exposition » de Modest Moussorgsky édité par Gallimard Jeunesse. Jean-Pierre ARNAUD Dossier pédagogique - Onéguine Intime - 21 5 I .ARGUMENT ANNEXES – INFOS PRATIQUES RÉSUMÉ Tatiana et sa soeur Olga, deux jeunes filles provinciales, rêvent à l'amour. Elles côtoient Lenski et Onéguine. Le premier jeune homme aime Olga. Le second, Eugène Onéguine, est aimé passionnément par Tatiana. Mais, il se montre cynique et froid à son égard. La maladresse d'Onéguine et la jalousie "romantique" de Lenski vont conduire les deux amis au duel. Lenski y perdra la vie. Longtemps après, Tatiana est "bien mariée". À l'une des fastueuses soirées, qu'elle donne chez elle à Saint Petersbourg, elle revoit Onéguine. Elle n'éprouve visiblement plus aucun sentiment pour lui. En revanche, lui, se rend compte à quel point il l'aime et la désire. Dans la dernière scène de l'opéra, Tatiana avouera l'amour toujours vif qu'elle éprouve pour Onéguine. Néanmoins, elle le quitte, le laissant seul et désespéré... "Me voilà enfin débarrassé des princesses d'Ethiopie, des pharaons, des poissons, de toutes les "machines du théâtre" lyrique! Quel abîme de poésie qu’ "Eugène Onéguine"! Je sais bien qu'il n'y aura guère d'effets scéniques ni de mouvement, mais le climat poétique et profondément humain de l'oeuvre, sa parfaite simplicité et la beauté des vers de Pouchkine ont de quoi racheter bien des défauts !" Tchaïkovski Dossier pédagogique - Onéguine Intime - 22 II .DISTRIBUTION Direction musicale : Jean-Pierre Arnaud Mise en scène : André Fornier Tatiana : Anne Emmanuelle Davy Onéguine : Christophe de Biase Olga : Thi-Lien Truong Lenski : Svetli Chaumien Larina : Emmanuelle Fruchard Niania : Caroline Gerest Gremlin : Sevag Tchadjian Triquet/le Capitaine/le Témoin : Jean-Noël Poggiali Catherine Ribes : violon Elsa Balas : alto Marie Deremble : violoncelle Igor Boranian : contrebasse Valéria Kafelnikov : harpe Marine Perez : flûte Jean-Pierre Arnaud : hautbois Eric Du Fay : cor Hervé Cligniez : clarinette Zaretski : Etienne Brac (comédien) Chef de chant : Fabrice Boulanger, Cyril Goujon Chorégraphie : Simon Bailly Coproduction : Scénographie : Joanne Milanese Costumes : Angelina Herrero Création lumière et direction technique : Nicolas Charpail Ensemble Carpe Diem, Compagnie l’Opéra-Théâtre, Festival Berlioz de la Côte St André Dossier pédagogique - Onéguine Intime - 23 III .FICHE CONTACT La Compagnie l’Opéra-Théâtre est conventionnée par le Ministère de la Culture - DRAC Rhône-Alpes et par la Région Rhône-Alpes. Elle a été dotée d’un chapiteau de 400 places pour la création et la diffusion de ses spectacles. Chapiteau labellisé « Scène Départementale » par le Conseil Général de la Loire Caroline Truchet 1 place du Griffon 69001 Lyon -Tel 04 78 28 09 97 – Fax 04 78 27 77 95 [email protected] - www.operatheatre.org IV – CALENDRIER SOPRANO - 5 Décembre dans la Loire (42) avec le soutien du Conseil Général de la Loire - 6 et 7 Mars en Ardèche (07), dans le cadre du festival de Labeaume en Musique - 14 et 15 Mai à Vienne (38) dans le cadre du Printemps de Vienne Dossier pédagogique - Onéguine Intime - 24 V .BIBLIOGRAPHIE & RÉFÉRENCES Nina Berberova : la biographie de « Tchaïkovski » collection livre de poche Babel Wladimir Berelowitch :« Le grand siècle russe d’Alexandre Ier à Nicolas II » L’Avant scène : « Tchaïkovski Eugène Onéguine » N°43 sept 1982 Henry Troyat : « la biographie de Pouchkine » Ken Russell : le film « The Music Lovers » (1970) Klaus Mann : consacra un roman au compositeur, Symphonie pathétique (1935). E.-M. de Vogüé : « Le roman russe »1886. Wikipédia : biographie de Tchaïkovski Wikipédia : biographie de Pouchkine A. et N.Arapov "Sivka-Bourka" Baguier. 1993 Palekh Dossier pédagogique - Onéguine Intime - 25