
    Microscoop 61, p. 10-11 (juillet 2010). 
U
N ETAT EXOTIQUE DE LA MATIERE
 
POUR LA PROPULSION SPATIALE
. 
 
par Stéphane Mazouffre 
 
Le prototype d’un concept révolutionnaire de propulseur à plasma verra bientôt le jour. 
En faisant intervenir un état de la matière composé d’ions positifs et négatifs, il limitera 
l’interaction entre le véhicule spatial et les particules chargées, l’un des points faibles des 
moteurs actuellement à disposition. 
 
Les  propulseurs  à  plasma,  ou  propulseurs  électriques,  sont  couramment  utilisés  pour  le 
maintien à poste des satellites géostationnaires de télécommunication. Les opérateurs et les 
agences spatiales expriment aujourd’hui des demandes et besoins nouveaux qui positionnent 
le secteur sur une pente croissante. Ainsi, dans un avenir proche, des propulseurs de forte 
puissance seront employés pour les manœuvres de transfert d’orbite de satellites et pour des 
missions interplanétaires vers les planètes géantes du système solaire. 
La propulsion électrique offre un rendement élevé et permet une économie significative en 
masse  de  carburant  par  rapport  à  la  propulsion  chimique  classique.  Même  si  la  poussée 
délivrée  reste  faible  (inférieure  à  1  Newton),  ce  mode  de  propulsion  apporte  un  bénéfice 
appréciable en terme de  charge utile embarquée  et  ouvre  la  voie  à  des missions  jusqu’ici 
inaccessibles. Il existe à l’heure actuelle deux grandes familles de propulseurs à plasma : les 
moteurs  ioniques  à  grilles  et  les  propulseurs  à  effet  Hall.  Malgré  des  architectures  très 
différentes,  les  deux  approches  visent  le  même  objectif :  accélérer  les  ions  positifs  d’un 
plasma à l’aide d’un champ électrique et les éjecter à grande vitesse pour générer un effet 
propulsif. Néanmoins, ces technologies présentent deux points faibles qui pourraient, dans le 
cas d’un voyage de longue durée ou d’un objectif nécessitant une très forte puissance, devenir 
des facteurs limitatifs. D’une part, il est en effet obligatoire de neutraliser le courant d’ions 
positifs  qui  quittent  le  propulseur  à  l’aide  d’un  canon  à  électrons  afin  de  restreindre  la 
divergence du  faisceau et assurer un fonctionnement optimum. D’autre part, de nombreux 
ions  lents,  créés  en  sortie  d’un  propulseur  par  divers  mécanismes, viennent  bombarder  le 
véhicule.  Les  impacts  successifs  conduisent  à  une  dégradation  prématurée  de  certains 
composants clés tels les panneaux solaires. En 2007, un concept révolutionnaire de propulseur 
à plasma a été breveté par le Laboratoire de Physique des Plasmas  de l’Ecole Polytechnique 
(P.  Chabert,  Brevet  WO  2007/065915  A1,2007).  Ce  propulseur  PEGASES,  un  acronyme 
anglais  pour  « Propulsion  with  Electronegative  GASES »,  contourne  subtilement  les  deux 
obstacles précédents. En 2009, le LPP s’est associé à l’Institut de Combustion Aérothermique 
Réactivité et Environnement à Orléans pour le développer dans le cadre d’un projet soutenu 
par Astrium, le numéro un européen de l’industrie spatiale. 
 
Un propulseur à plasma ions-ions 
Le propulseur PEGASES est basé sur la création, l’extraction et l’accélération d’un plasma 
ions-ions, un état exotique de la matière puisque constitué principalement d’ions positifs et 
négatifs évoluant de concert. Contrairement à un plasma « classique » qui renferme des ions 
positifs et des électrons, le milieu est ici débarrassé de ses électrons. Les charges négatives, 
nécessaires à l’équilibre et à la survie du plasma, sont alors portées par des ions. Cet état 
plasma  très  particulier,  peu  étudié  jusqu’ici,  possède  des  propriétés  remarquables,  dont 
beaucoup restent à découvrir, puisque les charges électriques sont transportées par des espèces 
ayant une masse et une température quasi-identiques. Un plasma ions-ions est obtenu à partir 
d’un gaz électronégatif, par exemple l’oxygnène O
2
, le dichlore Cl
2
, l’hexafluorure de soufre