Mettre à l`épreuve les idées fausses en psychologie en cours Défis

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Mettre à l’épreuve les idées fausses en psychologie en cours
Défis et récompenses
Par Scott O Lilienfeld1
Mots-clefs : Trucs et astuces d’enseignement
« Mais, Dr Jones, j’ai toujours entendu que les contraires s’attirent. Est-ce faux ? »
« Dr. Smith, hier, j'ai entendu mon professeur de sciences politiques parler de l'attitude
schizophrénique du peuple américain envers l'avortement. Donc, cela ne signifie-t-il pas que les
schizophrènes ont vraiment des personnalités multiples ? »
« Dr. Allen, mon thérapeute m'a dit que je dois exprimer ma colère pour m’en débarrasser. Donc,
frapper un oreiller quand je suis en rage me fera me sentir mieux, non ? »
Toute personne qui a enseigné un cours d'introduction à la psychologie a certainement entendu ce
genre de questions des étudiants. Cela n'a rien d'étonnant, car les données de recherche montrent
que de nombreuses idées fausses en psychologie - comme celles illustrées par de telles questions sont répandues parmi les étudiants de premier cycle (Lilienfeld, Lynn, Ruscio, et Beyerstein, 2009).
Le philosophe des sciences Karl Popper (1963) a fait valoir que « la science doit commencer par les
mythes, et avec la critique des mythes » (p. 50). Mon idée, dans cet article, est que les enseignants
de psychologie devraient aussi faire des idées fausses le point de départ de leur enseignement en
détrompant les étudiants au sujet des informations inexactes, avant de leur présenter des
informations exactes (Lilienfeld, Lynn, Namy, & Wolff, 2009). Autrement dit, les enseignants de
psychologie devraient reconnaître la sagesse de la maxime de Mark Twain stipulant que l'éducation
consiste au moins autant à désapprendre des connaissances erronées que d’apprendre des
connaissances exactes.
Certains enseignants peuvent être réticents à présenter à des étudiants en psychologie des idées
fausses par crainte que cela (1) amènera de la confusion chez les étudiants entre les faits et les
mythes psychologiques, et (2) soustraira du temps aux sujets importants, ou les deux. Bien que ces
risques ne soient pas sans fondement, je soutiens que négliger les idées fausses en psychologie
comporte des risques encore plus grands (voir également Chew, 2004). Plus précisément, la
recherche démontre que lorsque les enseignants en psychologie négligent d'enseigner à leurs élèves
au sujet des idées fausses, de nombreux étudiants vont quitter leurs cours avec de telles idées
fausses intactes (Lilienfeld, Lynn, Beyerstein, et Ruscio, 2009).
Les idées fausses en psychologie : Quelles sont-elles et pourquoi ont-elles de l'importance ?
Comme l’enseignant de sciences David Hammer (1996) l’a noté, les idées fausses scientifiques, y
compris en psychologie, partagent quatre caractéristiques principales: (1) il s’agit de croyances
relativement durables et profondément ancrées, (2) elles sont contredites par des preuves
scientifiques bien établies, (3) elles influencent la façon dont les gens conçoivent le monde, et (4)
elles doivent être rectifiées pour amener les personnes à disposer de connaissances précises sur le
monde. Le dernier point est peut-être le plus critique pour notre argumentation, car beaucoup
d'idées fausses en psychologie peuvent entraver l'acquisition de connaissances correctes.
__________________
1
Lilienfeld, S.O. (2010). Confronting Psychological Misconceptions in the Classroom Observer Vol.23,
No.7 September, traduit de l’anglais par Joanna Smith.
Comme Gottfredson (2009) l’a fait remarquer, « les étudiants n’abordent pas les sujets académiques
comme des ardoises vierges mais souvent avec des idées fausses de base qui créent des obstacles à
l'apprentissage si l'enseignant ne les prend pas en compte » (p. 58).
Par exemple, un étudiant qui croit à tort que toute amélioration d’un client en psychothérapie au fil
du temps doit être un effet du traitement – il s’agit d’un exemple du sophisme post hoc ergo propter
hoc (après cela, donc à cause de cela) - aura probablement de la difficulté à apprécier la nécessité de
groupes contrôles randomisés dans la recherche portant sur les résultats d’une psychothérapie. En
outre, certaines idées fausses en psychologie peuvent être nocives. Les étudiants qui croient à tort
que les contraires s’attirent dans les relations amoureuses peuvent chercher en vain un partenaire
qui complète leurs traits de personnalité, et les étudiants qui croient à tort que seules les personnes
souffrant de dépression clinique tentent de se suicider sont susceptibles de répondre cavalièrement
aux menaces d'un camarade suicidaire désespéré, mais pas profondément triste.
La prévalence des idées fausses en psychologie chez les élèves
Certains chercheurs soutiennent que les idées fausses en psychologie sont relativement rares parmi
les étudiants. Après avoir examiné un échantillon de 219 étudiants de premier cycle, Brown (1983) a
conclu que « la plupart des idées fausses que les enseignants soupçonnent d’être largement
partagées sont en fait critiquées par la majorité des étudiants. Et quand les connaissances des élèves
en psychologie en général sont examinées, il se trouve que les idées fausses largement partagées
sont rares en effet » (p. 209). Néanmoins, Brown a pris une délimitation relativement stricte pour
faire d’une croyance une idée fausse, à savoir, une croyance qui est partagée par 50% des élèves, ou
plus.
D’autres données montrent en fait que de nombreuses idées fausses en psychologie sont répandues
chez les étudiants suivant des cours de psychologie (Della Salla, 1999 ; 2007 ; Lilienfeld et al, sous
presse ; Mercer, 2010). Par exemple, prenons les idées fausses en psychologie suivantes, examinées
dans diverses études, suivies par les pourcentages d’étudiants de premier cycle nord-américains y
adhérant :
- Les opposés ont tendance à s’attirer dans les relations interpersonnelles (77%) (McCutcheon, 1991)
- La plupart des personnes âgées sont seules et isolées (65%) (Panek, 1982)
- L’expression de la colère accumulée réduit l'agressivité (66%) (Brown, 1983)
- Les souvenirs ravivés sous hypnose sont particulièrement fiables (35%) (Brown et al., 1997)
- La mémoire fonctionne comme un enregistreur à bande (27%) (Lenz, Ek, et Mills, 2009)
- Le test du polygraphe est un détecteur de mensonges fiable (45%) (Taylor et Kowalski, 2003)
- Les schizophrènes ont des personnalités multiples (77%) (Vaughn, 1977)
- La principale caractéristique du syndrome de la Tourette est de dire des jurons (65%) (Taylor et
Kowalski, 2003).
Une recherche relativement récente suggère que les étudiants soutiennent souvent des croyances
inexactes en psychologie avec une plus grande confiance que les croyances psychologiques exactes
(Landau & Bavière, 2003). Si cette recherche s’avère possible à répliquer, cela pose un défi particulier
pour les enseignants en psychologie, parce que les idées fausses en psychologie peuvent souvent
être particulièrement résistantes à l'éducation corrective.
La malléabilité des idées fausses en psychologie
Ce résultat de recherche soulève une question clé : A quel point les idées fausses en psychologie
sont-elles vulnérables aux méthodes d'enseignement ordinaires ? Les résultats donnent ici à réfléchir
- les résultats de plusieurs études indiquent un changement minime des idées fausses en psychologie
après des cours d'introduction à la psychologie (par exemple, Gutman, 1979; McKeachie, 1960;
Vaughn, 1977). Dans plusieurs études, la diminution moyenne des idées fausses a été de l'ordre de 5
à 6,5%; même ces pourcentages peuvent être des surestimations parce qu'ils sont tirés de
recherches avant-après, qui sont souvent vulnérables aux effets de la pratique. De plus, la recherche
indique que la diminution des idées fausses en psychologie après des cours d'introduction à la
psychologie est la plus basse parmi les étudiants ayant des notes D et F, qui sont particulièrement
sensibles à ces croyances au départ (Gutman, 1979). Demander aux étudiants où ils ont appris leurs
idées fausses en psychologie ne réduit pas la croyance en leur exactitude. Fait troublant, 38% des
étudiants ont déclaré qu'ils ont acquis ces croyances par un de leurs cours ou professeurs de
psychologie (Landau & Bavière, 2003) !
Les recherches en psychologie de l'éducation sur les « croyances extramissionistes » offrent une
illustration instructive, si ce n’est déconcertante de ce point. De façon surprenante, des recherches
utilisant une variété de méthodologies indiquent que des pourcentages importants d'étudiants
croient que de minuscules particules se dégagent des yeux quand les gens perçoivent le monde
(Winer, Cottrell, Greg, Fournier, et Bica, 2002). Peut-être de façon encore plus surprenante, cette
recherche démontre que ces croyances ne diminuent pas beaucoup, voire pas du tout, après avoir
suivi les conférences universitaires classiques sur la sensation et la perception (Gregg, Winer,
Cottrell, Hedman, et Fournier, 2001), sachant que la plupart, voire la totalité, d’entre elles
n’abordent sans doute pas les croyances extramissionistes explicitement. Si ces résultats sont
généralisables à d'autres idées fausses en psychologie, cela suggèrerait à nouveau que le fait de ne
pas dissiper les idées fausses explicitement en cours laisse souvent ces idées fausses indemnes.
10 Sources d'idées fausses en psychologie
Les idées fausses en psychologie proviennent d'une variété de sources, dont beaucoup peuvent être
utiles à aborder dans l’enseignement (Chew, 2004). Ici, je passe brièvement en revue les 10 sources
les plus fréquentes, avec un ou deux exemples saillants pour chacune (voir Lilienfeld, Lynn, Ruscio, et
Beyerstein, 2009).
Le bouche à oreille :
Certaines idées fausses en psychologie sont des « mêmes » efficaces (Dawkins, 1976) car elles sont
accrocheuses, simples, et facilement disséminées. Par exemple, des expressions telles que "les
contraires s’attirent" et "la force du nombre" sont susceptibles de se "diffuser" d’une personne à une
autre, en partie en raison de leur mémorisation facile. Néanmoins, ces deux croyances sont en
grande partie, voire entièrement fausses : la recherche sur l’attirance interpersonnelle révèle que les
personnes similaires, et non pas opposées, ont tendance à s’attirer relationnellement (Lewak,
Wakefield, et Briggs, 1985), et les recherches portant sur l'intervention du spectateur révèlent qu'il y
a habituellement danger, et non pas force, dans le nombre (Latane & Nida, 1981).
Désir de réponses faciles et de solutions rapides :
Certaines fausses allégations psychologiques sont séduisantes parce qu'elles promettent des
solutions simples et rapides à des problèmes de la vie autrement insolubles. Par exemple, certains
partisans de la thérapie de champ de pensée (TFT), une psychothérapie qui prétend traiter les
troubles psychologiques par la suppression de blocages de champs d'énergie invisibles, prétendent
être en mesure de guérir les phobies de longue date en quelques minutes (Gaudiano & Herbert,
2000).
Perception et mémoire sélectives :
Certains événements sont plus mémorables que d'autres parce qu'ils confirment nos attentes. À leur
tour, ces événements peuvent donner lieu à des « corrélations illusoires » (Chapman et Chapman,
1967) entre ces événements et d'autres variables. Par exemple, une possible raison pour laquelle
beaucoup de gens sont convaincus que la pleine lune est associée à des comportements inhabituels,
tels que les crimes, les suicides et les hospitalisations psychiatriques, malgré des preuves accablantes
du contraire (Rotton & Kelly, 1985), est que, pendant la pleine lune, les gens sont plus susceptibles
de remarquer quand quelque chose de bizarre se produit plutôt que lorsque rien d'étrange ne se
passe. Ces « exemples positifs fallacieux » contribuent sans doute à de nombreuses croyances qui
vont à l'encontre des données de recherche, tels que l'affirmation selon laquelle les vaccins sont
associés à l'autisme (Offitt, 2008).
Inférer la causalité de corrélation :
Comme chaque enseignant en psychologie le sait, la plupart des étudiants d'introduction à la
psychologie deviennent aptes à répéter le mantra "La corrélation n’est pas la causalité," tout en
continuant à tirer des conclusions causales à partir de corrélations. Cette erreur est compréhensible,
surtout quand elle est compatible avec les perspectives « a priori » des élèves sur le monde. Ce «
biais de croyance » - la tendance à accepter des conclusions, y compris des conclusions erronées,
plus facilement si elles vont dans le sens de nos intuitions (Stanovich, 2009) - est probablement l’une
des principales causes de la confusion corrélation / causalité. Par exemple, parce qu’il semble
plausible qu’avoir été agressé physiquement dans l'enfance contribue au risque de devenir soi-même
un agresseur (en effet, il peut y avoir une certaine vérité à cette hypothèse), les étudiants sont
volontiers susceptibles de supposer que les données de corrélation reliant des antécédents de
violence physique à des agressions ultérieures implique une association causale. Néanmoins,
d'autres explications sont possibles; par exemple, que les parents qui maltraitent leurs enfants
physiquement peuvent transmettre à leurs enfants une prédisposition génétique à l'agressivité
(DiLalla & Gottesman, 1991).
Raisonnement post hoc, ergo propter hoc :
De même, il est tentant de supposer que parce que A précède B, A doit provoquer B. Néanmoins, ce
raisonnement "post hoc, ergo propter hoc" est erroné au niveau logique. Par exemple, "se défouler"
quand on est en colère est souvent suivi d'une réduction immédiate de la colère, mais seulement
parce que la colère est habituellement de courte durée. Ce phénomène peut nous amener à conclure
que l'expression de la colère réduit son intensité ; au contraire, la plupart des recherches démontrent
que faire cela n'a aucun effet sur la colère ou l’exacerbe (Lohr, Olatunji, Baumeister, et Bushman,
2007).
L'exposition à des échantillons biaisés :
Dans de nombreux cas, nous sommes régulièrement exposés à des échantillons biaisés en fonction
de nos professions, vocations, ou autres. Par exemple, du fait de leur profession, les
psychothérapeutes ont tendance à voir les clients qui rechutent plusieurs fois plutôt que ceux qui
guérissent. En conséquence, ils peuvent être la proie de la croyance erronée que seulement quelques
personnes souffrant d'alcoolisme guérissent spontanément, voire aucune ; en fait, les données
indiquent que d'importants pourcentages de personnes souffrant d'alcoolisme deviennent
abstinentes sans traitement (Sobell, Ellingstad, et Sobell, 2000). Cette constatation illustre « l'illusion
du clinicien » (Cohen & Cohen, 1984): la tendance des praticiens à surestimer la chronicité des
problèmes psychologiques.
Raisonnement par la représentativité :
Dans la vie quotidienne, nous évaluons régulièrement la similarité entre deux objets ou deux
événements à l'aide de l'heuristique de représentativité (une heuristique est un raccourci mental ou
une règle d’or); selon cette heuristique, « qui se ressemble s’assemble ». Dans de nombreux cas, le
recours à la représentativité débouche sur des conclusions précises, mais peut nous égarer si elle est
appliquée sans discernement. Selon les défenseurs de l'astrologie, les personnes nées sous le signe
d’un certain animal ou objet ont tendance à afficher les caractéristiques de personnalité
prétendument associés à ces signes (Hines, 2003). Par exemple, les personnes nées sous le signe du
Taureau sont manifestement tenaces et volontaires, alors que les personnes nées sous le signe de la
Balance sont apparemment équilibrées et stables.
Représentations trompeuses issues du cinéma et des médias :
Les médias nous bombardent avec des représentations biaisées de la prévalence de certaines
caractéristiques de la population, ce qui alimente certaines idées fausses répandues. Par exemple, les
films représentent environ 75% des personnes souffrant de troubles mentaux comme violents (Wahl,
1997). De façon peu surprenante, la plupart des Américains associent fortement la maladie mentale
à la violence physique (Ganguli, 2000). Pourtant, des études contrôlées montrent que 90% ou plus de
personnes atteintes de maladies mentales graves ne perpétuent jamais d’actes de violence (Hodgins
et al., 1996), et un risque accru de violence chez les malades mentaux apparaît limité aux personnes
souffrant de toxicomanie ou de dépendance à des substances et peut-être de délires paranoïaques
(Elbogen & Johnson, 2009).
Exagération d'un noyau de vérité :
Quelques idées fausses en psychologie contiennent probablement un petit noyau de vérité. Le
célèbre psychologue John Gray (1992) soutient depuis longtemps que les hommes et les femmes
sont si différents dans leurs styles de communication qu'ils viennent pratiquement de planètes
différentes (Mars et Vénus, respectivement). La recherche montre en effet que les hommes et les
femmes communiquent souvent de façon différente; par exemple, les hommes ont tendance à
interrompre les autres plus souvent que les femmes, et les femmes ont tendance à se dévoiler
davantage que les hommes. Toutefois, l'importance de ces différences, et d'autres différences entre
les sexes en matière de communication, a tendance à être de petite taille (Hyde, 2005), et le
chevauchement entre les hommes et les femmes dans leurs styles de communication est beaucoup
plus grand que ne le sous-entend Gray.
Confusion terminologique :
Certaines idées fausses en psychologie proviennent probablement de la confusion en ce qui
concerne la signification des termes techniques. Lorsque le psychiatre suisse Eugen Bleuler (1911) a
inventé le terme « schizophrénie », qui signifie « esprit divisé », au début du 20e siècle, il se référait
au fractionnement des fonctions mentales, comme l'émotion, la pensée, et la volonté, au sein de la
personnalité. Néanmoins, beaucoup de gens, et peut-être pour commencer G. Stanley Hall (le
premier président de l'American Psychological Association) en 1916 (McNally, 2007), ont confondu la
schizophrénie avec un trouble dissociatif de l'identité (TDI), anciennement appelé trouble de la
personnalité multiple. Selon toute vraisemblance, Hall et d'autres ont mal interprété le terme de
Bleuler comme impliquant la coexistence de plusieurs personnalités ou fragments de personnalité
dans un seul esprit, qui caractérise prétendument le TDI (mais voir Lilienfeld & Lynn, 2003).
Défis et réussites dans la démystification des idées fausses en psychologie
Démystifier, en cours, les idées fausses en psychologie n’est pas sans risques. Une recherche par
Norbert Schwarz et ses collègues (Schwarz, Sanna, Skurnik, et Yoon, 2007) indique qu'informer les
participants qu’une affirmation comme "Les effets secondaires d'un vaccin contre la grippe sont
souvent pires que la grippe elle-même" est incorrecte peut parfois se retourner contre soi,
entraînant une augmentation de cette idée fausse. Très probablement, les participants se rappellent
plus tard la déclaration elle-même, mais oublient son « étiquette de négation », le petit « post-it »
dans leurs têtes qui leur rappelle que « cette affirmation est fausse ». Les travaux de Schwarz
suggèrent que le simple fait d'informer les étudiants que certaines allégations sont incorrectes est
souvent insuffisant pour les détromper d'idées fausses. Au lieu de cela, la présentation de recherches
aux résultats contraires, expliquant pourquoi cette croyance est erronée en l'associant avec des
connaissances conceptuelles de base, peut être nécessaire.
En effet, on peut être prudemment optimiste. La recherche sur les croyances extramissionistes, dont
nous avons discuté plus tôt, révèle qu'une approche "par activation" - dans laquelle les enseignants
introduisent explicitement les élèves à des idées fausses pour ensuite les réfuter par des preuves
scientifiques - peut réduire de manière significative les niveaux de fausses croyances (Winer et al.,
2002). En outre, des recherches récentes suggèrent qu’évoquer explicitement puis réfuter les idées
fausses en psychologie dans des cours magistraux ou en travaux dirigés, ou les deux, peut produire
des baisses importantes - 50% ou plus - des niveaux de ces idées fausses parmi les étudiants de
premier cycle (Kowalski & Taylor, 2009). Notez que cette approche demande aux enseignants
d’enseigner à leurs étudiants non seulement sur ce qui est vrai ou bien étayé par la recherche, mais
aussi ce qui est faux et peu démontré.
Dans mes cours de premier cycle, j’ai moi aussi trouvé qu’une approche d'activation peut être utile à
dissiper les idées fausses des élèves. Lors de l'introduction d'un sujet, je commence généralement en
discutant des idées fausses fréquentes et il m’arrive même de sonder mes propres élèves sur ces
idées fausses en demandant un vote à main levée. J’utilise ensuite ces idées fausses comme supports
didactiques ou « accroches » pour communiquer des informations exactes. Par exemple, lors des
conférences sur la mémoire dans mon cours d'introduction à la psychologie, je commence par
introduire aux étudiants des fausses croyances répandues sur la mémoire - comme la croyance que la
mémoire fonctionne comme une bande vidéo, ou que notre cerveau enregistre les souvenirs exacts
de tout ce que nous avons connu – pour ensuite dissiper ces croyances, tout en offrant aux étudiants
des informations précises sur la mémoire. Ce faisant, je discute souvent les origines probables de
chaque idée fausse en décrivant une ou plusieurs des 10 sources présentées ci-dessus. Par exemple,
lors de la discussion du mythe que nos souvenirs fournissent des enregistrements infaillibles de nos
expériences, je peux donner des exemples d'émissions de télévision, telles que Les Experts, qui
traitent parfois de la mémoire des témoins oculaires comme globalement parfaite.
En adoptant cette approche, je trouve que les élèves atteignent une plus grande compréhension
conceptuelle, parce qu'ils en viennent à comprendre pourquoi leurs croyances intuitivement
plausibles sont erronées. En substance, ils quittent leurs cours en pensant, « je croyais ceci avant, et
je comprends pourquoi cela semblait juste à l'époque, mais maintenant je comprends pourquoi c’est
faux. » Dans mon expérience, certes anecdotique, les étudiants trouvent cette « approche
comparative » de l'enseignement, dans laquelle des informations inexactes ou douteuses sont
continuellement comparées à des informations précises, motivante et utile pour favoriser la
profondeur de leur compréhension.
Quand j’aborde les idées fausses en psychologie dans mes cours, je souligne régulièrement que ces
fausses croyances sont répandues et psychologiquement compréhensibles. En effet, je dis parfois à
mes étudiants que j’ai pu adhérer par le passé à une idée fausse particulière ; par exemple, dans mes
années de premier cycle, je croyais (à tort) que les tests d'intelligence sont fortement biaisés contre
certains groupes d'individus. J’utilise cette approche « normative » pour éviter que les étudiants se
sentent idiots et pour souligner le fait que de nombreuses idées fausses proviennent de processus
psychologiques, comme l'analyse heuristique, qui sont généralement adaptatifs, mais qui peuvent
nous induire en erreur dans des circonstances spécifiques. Dans le même ordre d’idées, je rappelle
souvent à mes étudiants que de nombreuses idées fausses semblent subjectivement convaincantes :
elles donnent juste « le sentiment d’être vraies » parce qu'elles concordent avec nos intuitions.
Pourtant, comme je leur rappelle également, la science psychologique exige souvent de nous méfier
de notre sens commun et de mettre de côté nos intuitions.
La recherche que j'ai passée en revue démontre que les enseignants ignorent les idées fausses des
étudiants en psychologie à leurs risques et périls. Si les enseignants n’abordent pas les fausses
croyances de leurs étudiants explicitement, des derniers vont quitter leurs cours avec beaucoup de
leurs croyances intactes. En même temps, cette recherche nous donne des raisons d'espérer. Elle
suggère que les enseignants peuvent tirer des avantages substantiels pour leur enseignement en
amenant les idées fausses des étudiants à « sortir de l'ombre », en élucidant leurs origines
psychologiques, et en les neutralisant avec des informations exactes.
Notifications
Référence de l'article originel :
 Observer Vol.23, No.7 September, 2010
 Cet article a été traduit de l’anglais par Joanna Smith, Psychologue, Ecole de
Psychologues Praticiens
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