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Voler au secours de l'industrie automobile ne contribue pas à une économie plus
durable
Aat Peterse, programme en faveur de voitures propres, fédération européenne Transport & Environment
L'industrie automobile amorce un tournant vers davantage de durabilité, sous l'influence de la nouvelle
législation européenne sur la réduction des émissions de CO2 des voitures neuves, adoptée en décembre
2008. Secoués par la crise économique, certains gouvernements un peu partout en Europe et la Commission
européenne créent des aides financières, crédits subventionnés et incitations fiscales afin de fournir de
l'argent frais aux fabricants d'automobiles et soutenir ainsi la demande pour leurs produits. Ces initiatives
représentent plus de 20 milliards d'euros. Nombre d'entre elles ont été présentées comme 'vertes', puisque
destinées à promouvoir des voitures plus respectueuses de l'environnement et une industrie plus durable.
Avant la crise, les perspectives à long terme pour l'industrie automobile étaient majoritairement positives à
plus d'un égard. Premièrement, à l'échelle mondiale, on s'attendait à une énorme augmentation de la demande
pour les dix à vingt prochaines années. Certain-e-s prévoyaient que plus d'un milliard de voitures allaient
devoir être construites pendant cette période, afin de répondre à la croissance exponentielle des marchés
émergents. Ces nouvelles voitures auraient aussi pu avoir un rendement énergétique significativement plus
élevé que celles qui sont aujourd'hui en circulation. En septembre 2008, le magazine The Economist a décelé
un changement de cap dans l'industrie. Plusieurs des principales marques disposent désormais de versions
efficaces de chaque modèle dans toute la gamme proposée à leur clientèle. La consommation de carburant est
en passe de compter dans la valeur ajoutée d'une voiture. Voilà qui est très important pour améliorer la
durabilité de l'automobile dans un monde qui se motorise rapidement. Cet élan nouveau et fragile vers de
meilleures voitures a été considéré comme le résultat d'initiatives de politique publique prises à Bruxelles et
à Sacramento - notamment le travail consacré à la nouvelle directive de l'Union européenne sur la réduction
des émissions de CO2 des voitures neuves dès 2012, adoptée en décembre 2008.
Cependant, la perspective à court terme était morne. La réduction globale des émissions de CO2 des voitures
neuves n'avait pas dépassé 1,7% en 2007, largement en-deçà des objectifs. Les rapports d'analyse des
dernières années ont évoqué à plusieurs reprises une industrie souffrant de surcapacité et faisant face à un
marché saturé dans les pays industrialisés, où il y a typiquement davantage de ménages possédant deux
voitures que de ménages sans voiture. La difficile restructuration de cette industrie dont la cyclicité est
notoire semblait inévitable pour la plupart des observateurs-trices, longtemps avant la crise des crédits.
Celle-ci va certainement précipiter l'indispensable restructuration de l'industrie automobile - une nécessité
qui s'avère cette fois-ci plus structurelle que cyclique, faut-il préciser. Qu'il s'agisse de facilitations de crédit
ou de soutien de la demande par des subventions accordées aux consommateurs-trices pour échanger leur
ancienne voiture contre une nouvelle, les aides publiques ne peuvent, au mieux, que reporter la douloureuse
restructuration de l'industrie. Aussi bien d'un point de vue économique qu'environnemental, il est improbable
que le soutien de la demande de voitures neuves par des "primes à la casse" ait la moindre efficacité: les
voitures ne sont pas devenues beaucoup plus efficaces au cours des dix à quinze dernières années, et en tout
cas pas pour l'usage quotidien. Échanger des voitures datant d'il y a neuf ou dix ans n'est donc d'aucune
utilité pour protéger l'environnement.
Même les crédits soi-disant ciblés de la Banque européenne d'investissement sont difficiles à défendre d'un
point de vue environnemental. Pendant les années à venir, la Banque doit prêter un total de sept milliards
d'euros à l'industrie automobile pour l'aider à construire des voitures plus propres. Rien n'est encore très clair
quant à la manière dont la Banque compte garantir que cet argent sera utilisé uniquement à cette fin. Mais
même dans ce cas, il est difficile de dire ce que l'environnement aurait à gagner de la mise à disposition de
ces fonds à l'industrie, puisque celle-ci est de toute façon dans l'obligation légale de construire des voitures
plus propres et plus efficaces. Les projets de la Banque s'apparentent à l'utilisation d'argent public pour
soudoyer les gens afin qu'ils s'arrêtent au feu rouge.