Chapitre 2 : la couleur, généralités

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Chapitre 2 : la couleur, généralités
1 Introduction
1.1 Définitions
Par définition, la couleur est la perception que nous avons des différentes longueurs
d’onde qui constituent la lumière visible.
La perception des couleurs dépend de l'âge, du sexe, de l'environnement et de la culture
personnelle. Il n'existe pas deux personnes qui auront la même perception colorée, ce qui
fait de la couleur une expérience psychologique très personnelle et subjective.
Par exemple, avec l'âge, le vieillissement de la cornée va jouer le rôle d'un filtre très
légèrement jaune qui va pousser l'observateur à rechercher plutôt des blancs bleutés
comme référence de blanc absolu.
Des couleurs qui existent pour d'autres espèces
n'existent pas pour nous et vice-et-versa.
Malgré son aspect entièrement subjectif, la couleur peut être évaluée de manière chiffrée.
C'est le rôle de la colorimétrie, la science de la mesure de la couleur.
La colorimétrie…
n’est pas une science exacte
se situe dans un champ perceptif
est basée sur la notion d’observateur
étudie le transfert de l’information couleur
La couleur n’est pas une caractéristique des objets.
Exemple : une tomate éclairée par différentes sources :
Elle apparaît rouge en lumière blanche
Si on l’éclaire avec un spot magenta ou jaune, le
fruit nous semble toujours aussi rouge. Notons que
la queue de la tomate - verte - apparaît noire sous
un éclairage magenta
Sous un spot vert ou bleu, la tomate paraît noire.
La queue verte reste visible en lumière verte.
La couleur est une sensation physiologique du cerveau résultant d’une excitation lumineuse
(onde de lumière visible).
La couleur d’un objet dépend :
de la nature de la lumière qui l’éclaire
de la nature de l’objet éclairé
des caractéristiques de l’œil et du cerveau
Pour pouvoir parler de « couleur », il faut donc deux éléments :
un phénomène lumineux, qui peut être composé d’une source perçue directement, d’un
objet observé en réflexion, d’un objet translucide, etc.
un observateur, qui perçoit le phénomène lumineux comme une couleur. La couleur
attribuée au phénomène par l’observateur dépend des caractéristiques physiologiques et
psychologiques de l’observateur.
Il faut aussi rajouter à ce schéma le fond d’observation, qui modifie l’aspect coloré de la
source ou de l’objet.
La perception de la couleur va, grossièrement, nécessiter trois phases successives, de natures
différentes:
une phase purement physique au cours de laquelle le rayonnement lumineux produit ou
renvoyé par la source ou l’objet observé atteint l’œil ;
une phase neurophysiologique de traitement du signal lumineux au niveau de la rétine et qui
va faire intervenir deux étages, celui des photorécepteurs et celui des circuits rétiniens (c'est ici
que deux spectres différents pourront être codés en deux messages identiques) ;
une phase neurocognitive de transmission et d'analyse par le cerveau des signaux issus des
cellules ganglionnaires de la rétine (c'est à ce niveau que la part culturelle sera importante
dans cette interprétation)
La notion de couleur se place donc dans un champ perceptif et se situe au carrefour de
plusieurs champs d’étude : la physique, la psychologie, la physiologie, etc.
1.2 La couleur, aspects historiques, culturels et anthropologiques
1.2.1 la couleur dans l’Antiquité
La couleur et la lumière furent décrites dès l'Antiquité par Aristote. A cette époque, on avait
une toute autre idée de la constitution des couleurs, la clarté et l'obscurité étaient des notions
prépondérantes par rapport aux teintes.
Aristote estime que les couleurs matérielles, celles qui « existent dans les corps » sont
constituées d’un mélange de blanc et de noir. Aux yeux du philosophe ou de ses élèves du
Lycée, il ne s’agit pas, bien sûr, du mélange banal qui, comme chacun sait, ne donnerait que du
gris. Ici importe le caractère très finement divisé du blanc et du noir, qui se composent en la
couleur considérée.
« C’est que le blanc et le noir peuvent être placés l’un à côté de l’autre, de telle sorte que
chacun d’eux soit invisible à cause de sa petitesse, tandis que l’ensemble des deux sera
visible. » (Aristote, « De la sensation et des sensibles »).
Les couleurs matérielles d’Aristote se construisent aussi sur des critères d’harmonie. La
proportion qui régit le mélange détermine justement la beauté de la couleur résultante : un
mélange qui s’exprime en proportion rationnelle simple comme, par exemple, trois parts de
blanc pour deux parts de noir, donne forcément une couleur qui sonne bien comme le
pourpre ou l’écarlate. Il n’en est pas de même des mélanges en proportions moins « simples »
comme huit parts de blanc pour sept parts de noir, générateurs de couleurs moins
remarquables.
1.2.2 la couleur au Moyen-âge
Comme dans l’Antiquité la couleur est décrite :
par sa luminosité (du noir au blanc)
par sa saturation
pas par sa teinte
De plus les connotations théologiques de l'époque et la double nature de la lumière déclinée
en Lux (la source lumineuse d'origine divine) et Lumen (qui dévoile l'aspect sensoriel et
perceptif) influence également la compréhension de la couleur.
On classait d'ailleurs les couleurs uniquement par leur luminosité entre le blanc et le noir. Les
teintes étaient largement secondaires et leur rôle peu exploité.
Dans cette philosophie, il n’y a que deux couleurs primaires, le blanc et le noir et les autres
couleurs ne peuvent être qu’un mélange bien précis de blanc et de noir.
On mesure donc la distance que sépare notre culture avec celle des anciens car pour nous le
blanc et le noir sont par définition sans couleur. Dans l’Antiquité le blanc n’était qu’un jaune
extrêmement brillant et le noir le plus sombre des bleus.
D’autres couleurs n’apparaissent pas dans le classement, car elles sont considérées comme
des dérivées des couleurs principales.
Le vert clair et le jaune forment un même famille de couleur et pouvaient porter le même
nom.
Le vert moyen est un simple dérivé du rouge et lui est équivalent.
Le vert foncé est un dérivé du bleu et est sans lien avec le jaune.
Les couleurs du blason (source : http://leherautdarmes.chez.com/)
Dès l’origine, l’héraldique ne se servira que d’un nombre restreint de couleurs qui depuis le
XVème siècle portent le nom générique d’émaux. Les émaux ordinairement utilisés sont au
nombre de sept, auxquels il faut ajouter quelques teintes rares parfois fort anciennes.
Ces couleurs sont franches et sans nuances ; pour prendre un exemple, l’écarlate, le vermillon
ou le carmin ne sont pour le blason qu’une seule et même couleur, le rouge (gueules).
Ces émaux se partagent en deux groupes : celui des couleurs proprement dites d’une part et
celui des métaux d’autre part.
Les émaux du groupe des métaux sont l’or et l’argent, représentés par le
jaune et le blanc.
Le groupe des couleurs reconnaît cinq émaux : le rouge, le noir, le bleu, le vert et le violet qui,
dans l’héraldique française, portent les noms respectifs de gueules pour le rouge, de sable
pour le noir, d’azur pour le bleu , de sinople pour le vert, et de pourpre pour le violet.
Dans la seconde moitié du XIIème siècle, les armoiries utilisent en plus des émaux une autre
forme de parement évoquant de façon stylisée les fourrures dont se servaient parfois les
combattants pour renforcer leur bouclier. L’héraldique en retient deux, le vair et l’hermine.
Deux métaux, cinq couleurs et deux fourrures constituent les couleurs reconnues du blason
de façon stricte, tant dans les armoiries anciennes que modernes. On rencontre néanmoins
dans l’histoire du blason quelques autres couleurs d’emploi rarissime.
Grandes armoiries de la Belgique
Ecu : de sable au lion rampant d'or armé et
lampassé de gueules. L'écu, timbré d'un
heaume d'or couronné, est posé sur une main
de justice et un sceptre au lion croisés.
Support : deux lions léopardés au naturel.
Devise : L'Union fait la force – Eendracht maakt
macht.
Autres éléments : manteau ponceau doublé
d'hermine et timbré de la couronne royale.
1.2.2 La couleur à la Renaissance
Durant le XVIème siècle, les théories sur la couleur de l'Antiquité et du Moyen-âge continuent
à prédominer, bien que certains s'essayent à la construction des premiers espaces de
couleurs.
D’un autre côté les artistes ont une très bonne maîtrise du mélange des couleurs que nous
appelons soustractif.
Léonard de Vinci propose même une palette de couleurs primaires (il hésite à y inclure le vert
dans la mesure où il est obtenu en mélangeant le jaune et le bleu). Ceci dénote une bonne
compréhension de la couleur, au-delà d’un classement physique.
Les « Six colori semplici » de Léonard de Vinci, en 1510
1.2.3 La couleur : relativisme culturel
« Les nombres peuvent définir ce qu’est la couleur jaune, ils peuvent lui attribuer des indices
chromatiques ou dans certains cas lui attribuer une longueur d’onde. Mais ces informations
numériques ne sont que le « combien » de la couleur jaune, pas le « quoi » de cette couleur. Le
« quoi » du jaune est ailleurs, il est dans l’histoire, dans les individus, au bout du pinceau des
artistes qu’eux seuls ou la Nature connaissent. Le jaune est aujourd’hui la couleur des
tournesols que nous arborons fièrement dans nos jardins resplendissants, il symbolise la joie, le
printemps, la fécondité. Ce jaune particulier a les mêmes indices chromatiques aujourd’hui qu’il
aurait eu au XXème siècle, pourtant il n’est pas le même : il fut mal connoté au XXème siècle,
lorsque les Juifs devaient le porter sur eux pour faire crier leur altérité ; ce fut aussi la couleur
des fous. Sa définition culturelle est trop différente pour l’Islam, où elle est signe de trahison, de
déception, de malheur, d’échec. Que peut faire la colorimétrie par rapport à ces différences
culturelles, est-elle réellement à même de définir une couleur dès lors qu’on a pris conscience
de ce relativisme ? »
(source : Adrien Gygax, dans le «Traité des couleurs » de Libero Zuppiroli)
« Je suis de ceux qui estiment que la couleur est un phénomène culturel qui se vit et se
définit différemment selon les époques, les sociétés et les civilisations. Il n’y a rien
d’universel dans la couleur, ni dans sa nature, ni dans sa perception. Par la même, je ne
crois guère à la possibilité d’un discours scientifique univoque sur la couleur, fondé
uniquement sur les lois de la physique, de la chimie, des mathématiques. Pour moi une
couleur qui n’est pas regardée est une couleur qui n’existe pas (en ce sens, je donne
volontiers raison à Goethe contre Newton). Le seul discours possible sur la couleur est de
nature anthropologique. »
(source : Michel Pastoureau, « Dictionnaire des couleurs de notre temps »)
« Pour l’historien – comme du reste pour le sociologue et pour l’anthropologue – la couleur
se définit d’abord comme un fait de société. C’est la société qui « fait » la couleur, qui lui
donne ses définitions et son sens, qui construit ses codes et ses valeurs, qui organise ses
pratiques et détermine ses enjeux. Ce n’est pas l’artiste ou le savant ; ce n’est pas non plus
seulement l’appareil biologique ou le spectacle de la nature. Les problèmes de la couleur
sont d’abord et toujours des problèmes sociaux, parce que l’homme ne vit pas seul mais en
société. Faute de l’admettre, on verserait dans un neurobiologisme réducteur ou dans un
scientisme dangereux, et tout effort pour tenter de construire une histoire des couleurs
serait vain ».
(source : Michel Pastoureau).
1.2.4 Aspect anthropologique : la couleur chez les Berinmo
2 Modes de perception de la couleur
Pour décrire les expériences dans lesquelles un observateur donné perçoit une couleur, on
utilise en général la terminologie suivante :
Dans le schéma de principe présenté ci-dessus, on parle de « perception de la couleur en
mode objet ».
D’autre modes de perception de la couleur sont possibles : par exemple si on perçoit une
couleur en regardant directement la source lumineuse, on parle de « perception en mode
illuminant ».
Cette distinction est commode, mais pas fondamentale : si on regarde une source secondaire,
on peut parler indifféremment de mode objet ou de mode illuminant.
Enfin lorsqu’une couleur est perçue comme non rattachée à un objet, « suspendue » en
l’air, on parle de « perception en mode fenêtre (ou diaphragme) » : par exemple, le bleu du
ciel, un mur peint vu à travers un trou de serrure…ici encore la distinction entre les différents
modes peut être utile, mais n’est pas réellement fondamentale.
Ce dernier mode est en général adopté dans les expériences de colorimétrie, pour éviter que
la nature du support ne vienne influencer la perception de la couleur.
3 Classements naturels des « couleurs » (lumières ou
objets)
3.1 Introduction : approche visuelle
On se place dans la situation « de l’île déserte », où, ne disposant
d’aucun appareil, et pour essayer d’oublier son triste sort, on souhaite
classer des galets de couleurs trouvés sur la plage.
On commence en général par former 2 tas :
- les achromatiques, sans couleur
- les chromatiques, colorés
a) les achromatiques peuvent être classés par niveau
de clarté uniquement (« Value » ou « Lightness » en
anglais)
Séparation des galets chromatiques
et achromatiques.
Séparation des galets achromatiques en
fonction de leur luminosité.
b) On commence à classer les échantillons restants, chromatiques, en terme de teintes («
Hue » en anglais), avec un classement inspiré de l’arc en ciel : rouge – orange – jaune – vert –
bleu – violet, avec les nuances intermédiaires rouge-orangé, jaune-vert, vert-beu (cyan),
rouge-violet (pourpre).
Séparation suivant la teinte rouge, jaune, bleu
(nous nous sommes limités à ces trois teintes
pour éviter de surcharger le schéma).
Ces teintes forment un arrangement circulaire, appelé roue des couleurs, (en réalité, il faudrait
dire « cercle des teintes »).
Il faut remarquer que le pourpre n’est pas une couleur de l’arc en ciel, mais il permet de «
fermer la roue » de façon harmonieuse. Nous reverrons par la suite le rôle particulier de ces
teintes non monochromatiques.
c) Les différents galets de même teinte peuvent également être classés par niveau de clarté :
par exemple, on distinguera les tons vert clair / vert moyen / vert foncé.
Ce classement est facilité par la comparaison avec les échantillons achromatiques, qui
fournissent une échelle de clarté valable pour toutes les teintes.
On peut pour cela utiliser des méthodes « de papillotement » : on fait alterner très
rapidement un échantillon gris avec un coloré : quand la sensation de papillotement est la
plus faible, les clartés sont identiques.
Séparation, pour chaque teinte (rouge, jaune, bleu), en fonction de la luminosité.
d) Cependant cette classification teinte-clarté ne suffit pas à décrire toutes les couleurs :
quelle est par exemple la différence en un rouge intense et un rose de même clarté ? Cela
conduit à l’introduction d’un troisième paramètre, la saturation (« Chroma » en anglais)
traduisant la pureté, l’intensité de la sensation de teinte.
Les couleurs peu saturées se rapprochent des gris, alors que les couleurs saturées sont pures,
et se rapprochent des couleurs de l’arc en ciel.
Pour une même teinte et une même luminosité, il est
possible de distinguer deux couleurs en fonction de leur
saturation, c'est-à-dire de la quantité de gris qu’elles
contiennent.
En résumé, une couleur est caractérisée par les trois paramètres (Clarté, Teinte, Saturation).
NB : il faut autant que possible éviter de confondre les notions de teinte et de couleur.
e) La classification précédente conduit à la terminologie rappelée dans le tableau cidessous
Noter que les sensations de clarté et de saturation ne sont pas les mêmes pour toutes les
couleurs monochromatiques pures (couleurs de l’arc en ciel) : par exemple, le jaune pur est
beaucoup plus clair et moins saturé que le rouge pur.
Remarquons également que les notions de teinte, de clarté et de saturation sont souvent
entremêlées dans la pratique : avec des peintures,
-ajouter du blanc augmente la clarté et diminue la saturation pour du rouge. Pour du bleu très
profond, la clarté et la saturation augmentent !
-ajouter du noir diminue la clarté et diminue la saturation
-on peut réduire la saturation d’une couleur en lui ajoutant un gris de même clarté (en réalité,
la clarté baisse souvent un peu) .
- La teinte peut changer par ajout de noir ou de blanc : ajouter du noir à du jaune ne produit
pas un jaune sombre, mais un vert (kaki) sombre.
3.2 Classement « naturel » des couleurs : position du problème
En moyenne, notre œil est capable de discerner plus de 350 000 couleurs différentes.
Pour pouvoir étudier ou utiliser ces différentes couleurs, il est plus qu'utile de d'en effectuer
un classement, afin de pouvoir les caractériser de manière simple et efficace.
Il existe trois manières de classer les couleurs.
Selon une approche purement visuelle : Chevreul, Munsell, Ostwald, etc.
Selon une approche purement physique : CIE RVB, CIE XYZ, etc.
Selon une approche physique, mais corrigée par les données de la psychométrie :
CIE Lab, CIE Luv, etc.
3.3 Modèles, espaces, et systèmes colorimétriques
Un modèle colorimétrique est un modèle mathématique abstrait décrivant la manière
dont les couleurs peuvent être représentées comme des multiplets de nombres (formés
en général par trois ou quatre composantes chromatiques). Par exemple, RGB ou CMJK
sont les modèles colorimétriques les plus connus, mais on peut citer aussi par exemple
LAB ou XYZ.
Les modèles colorimétriques sont des abstractions qui ne peuvent pas décrire une couleur
spécifique sans que l’échelle ou la référence ne soit définie au préalable. En l’absence de
fonction d’association à un espace chromatique absolu, ce ne sont guère plus que des
systèmes arbitraires qui n’apportent qu’une vague réponse aux besoins d’une application.
La notion de modèle colorimétrique fait référence aux différentes façons dont on va utiliser
les nombres pour décrire une couleur, mais aussi la façon d'effectuer les mélanges de couleur.
Dans la notion de
modèle
colorimétrique, c'est
avant tout la façon
dont on calcule la
position d'une couleur
qui prime avant la
représentation du
volume réel.
Lorsqu’un modèle colorimétrique est associé à une description précise de la manière
dont les composantes doivent être interprétées (condition d’observation, etc.),
l’ensemble de couleurs résultant est appelé espace colorimétrique. Sans cette fonction
de correspondance, un modèle colorimétrique est plus ou moins arbitraire.
Ajouter à un modèle une fonction de représentation revient à définir pour le modèle une
« empreinte » dans l’espace colorimétrique de référence. Cette empreinte, connue sous le
nom de gamut, en combinaison avec le modèle colorimétrique définit un nouvel espace
colorimétrique. Un modèle colorimétrique est donc une sorte de classement générique des
familles d'espace colorimétriques.
Par exemple, AdobeRGB et sRGB sont deux espaces colorimétriques différents, basés sur le
même modèle chromatique RGB ; ils offrent une représentation géométrique
tridimensionnelle quantitativement mesurée des couleurs qui peuvent être vues ou
obtenues à l’aide du modèle chromatique RGB.
La différence fondamentale entre espace colorimétrique et modèle colorimétrique est donc
qu’un espace colorimétrique est l'expression d'un gamut dans un type donné de modèle
colorimétrique.
La notion de système colorimétrique est également une notion assez simple. On fait
simplement référence au principe physique qui est à la base de la création des couleurs.
Les couleurs créées sur unécran utilisent le mélange de trois sources lumineuses, c'est le
principe du RVB (rouge, vert, bleu). Un écran utilise le système RVB pour produire des
couleurs.
Remarque de vocabulaire :
on peut parfois donner à des ensembles de couleurs le nom d’espaces colorimétriques,
sans faire usage d’un modèle colorimétrique. Ces espaces, comme l’espace Pantone ou
même l’Atlas de Munsell, sont en effet définis par un ensemble de noms et de nombres qui
sont définis par l’existence d’une correspondance avec un ensemble d’échantillons colorés
physiques ; à proprement parler, il s’agit de nuanciers.
On regroupe les modèles et espaces colorimétriques en différentes familles :
Les nuanciers
Un nuancier est un catalogue définissant visuellement un ensemble plus ou moins limité de
couleurs dont chacune est reproduite sur un support (papier, métal) accompagnée d'un
identifiant (code) unique.
Les modèles et espaces perceptuels (visuels)
Les modèles perceptuels sont les plus faciles d'accès car basés sur nos propres sensations
chromatiques. On parle alors parfois de représentations plutôt que de modèles.
Les modèles et espaces hybrides (entre le perceptuel et le nuancier)
Il en existe de nombreux, mais le principal présenté ici est l'Atlas de Munsell.
Les modèles et espaces de référence de la CIE (physiques et physiques corrigés par la
psychométrie)
Le rôle des différents modèles de la CIE (Commission Internationale de l'Eclairage) est de
représenter mathématiquement et graphiquement les couleurs visibles. La recherche s’oriente
aussi vers la construction d’un espace colorimétrique conforme à notre vision des couleurs.
Les modèles et espaces dérivés d'un système matériel
Certains modèles colorimétriques dérivent directement d'une machine ou d'un matériel
comme le RVB ou le CMJN. Ces modèles sont déclinés en nombreux espaces.
3.4 Le solide des couleurs, un modèle colorimétrique perceptuel
On organise parfois les différentes couleurs dans un espace à trois dimensions, dit « solide des
couleurs » de la façon suivante :
- La coordonnée verticale représente la clarté, gradué par exemple de 0 (noir) à 100 (blanc).
L’axe Oz représente les couleurs achromatiques, c’est à dire les gris.
- Les plans horizontaux (plans chromatiques) ont une clarté constante. Près de l’origine, on
trouve les couleurs peu saturées, avec le gris au centre.
- Les demi-plans verticaux passant par l’axe 0z correspondent à une teinte fixe, par exemple le
rouge. Dans les plans horizontaux de clarté constante, ce sont des droites issues de l’origine
qui correspondent à une teinte donnée.
- Enfin, dans un plan de clarté constante, les cercles centrés sur l’axe 0z représentent les
différentes teintes de saturation constante.
Un solide des couleurs est la représentation tridimensionnelle d’un modèle perceptuel de
couleur ; c’est l’analogue de la roue chromatique qui est uni ou bi dimensionnelle.
La dimension spatiale additionnelle autorise la description d’une variable perceptuelle
supplémentaire caractérisant la lumière colorée.
3.5 L’atlas de Munsell, un système ou modèle colorimétrique hybride uniforme
Au début du XXème siècle, Munsell réalisa un nuancier ou atlas des couleurs basé sur les
notions vues ci-dessus (clarté, teinte, saturation), et l’idée « d’équidistance perceptive » : les
différentes teintes de l’atlas doivent présenter des écarts de couleur jugés constants à l’œil.
Pour cela on divise le cercle des couleurs en 5 teintes de base,
On rajoute les 5 teintes intermédiaires : RY – YG – GB – BP – PR .
On sépare ensuite chacun des 10 intervalles entre deux teintes de base (par exemple G – GB)
en 10 sous intervalles c'est-à-dire en 10 teintes « équidistantes » à l’œil.
On obtient ainsi 100 teintes qui constituent les 100 pages de l’atlas de Munsell.
Par exemple :
la page 7G représente donc un vert tirant très légèrement vers le vert-bleu.
Cercle des teintes de l’atlas de Munsell
Dans chaque page, l’axe vertical repère la clarté, numérotée de 1 à 10, et l’axe horizontal
encode la saturation variant de 1 à 14.
Par exemple 5R 4/12 représente un rouge de
clarté moyenne et très saturé (Cf. planche ci
contre).
Noter que toutes les valeurs de clarté et de
saturation ne sont pas réalisées.
L’atlas de Munsell, amélioré au cours des ans, offre actuellement 1500 échantillons, et
constitue une référence par rapport à laquelle tout système de mesure de la couleur doit se
comparer. On estime qu’un coloriste entraîné distingue environ 100×100×100 = 106 couleurs.
3.6 Le système ou modèle colorimétrique hybride de Chevreul
Après avoir reçu une formation de chimiste, Chevreul fut nommé en 1824 directeur de la
Manufacture des Gobelins. Il s’intéressa au problème de la teinture — donc aux couleurs.
Les lois du contraste chromatique
occupèrent Chevreul dans sa recherche
d’une bonne organisation des couleurs,
dont il avait besoin pour la teinture des
laines. Il mit donc au point le cercle
chromatique à soixante-douze parties
représenté ci-contre, qui définit les
nuances par les différentes modifications
qu’une couleur subit en tirant vers le
blanc (élévation de son intensité) ou vers
le noir (diminution de son intensité).
Dans le cercle chromatique de Chevreul, on
relève, à côté des trois couleurs primaires
(le rouge, le jaune et le bleu), trois couleurs
secondaires (l’orange, le vert et le violet, qui
sont aussi les trois mélanges primaires) et
six mélanges secondaires.
Les secteurs ainsi obtenus sont divisés en
cinq zones et chaque rayon est divisé en
vingt échelons, comme une sorte d’échelle
qui donne les divers degrés de clarté.
La notation codée donne les proportions
des couleurs : 9B/1C signifie, par exemple,
que l’on aura, pour la couleur considérée,
neuf parties de noir (Black) pour une partie
de couleur (Color).
Avec sa demi-sphère, Chevreul a essayé de donner une représentation matérielle des
couleurs dans l’espace. L’axe noir devient alors rayon, capable de parcourir et d’explorer les
différents degrés.
3.7 Le système ou modèle hybride de Ostwald
Ce système, datant de 1914, classe les couleurs selon leur teinte, leur degré de blancheur ou
noirceur (luminosité) et leur pureté (saturation, chroma). A partir de 24 teintes, le nuancier
définit 680 couleurs.
Ce système part du postulat qu'une couleur s'obtient à partir d'une couleur dite « pleine » et
d'une certaine quantité de blanc et de noir. Une couleur est donc définie comme suit:
La teinte est un nombre entre 1 et 24.
Elle s'appuie sur 4 teintes de base: gelb
(jaune, 2), rot (rouge, 8), u-blau (bleu
outremer, 14) et seegrün (vert marin,
20). Quatre couleurs intermédiaires sont
ajoutées: kress (rouge-orange, 5), veil
(violet, 11), eisblau (bleu glacier, 17) et
laubgrün (vert feuille, 23). Enfin, ces 8
couleurs donnent chacune 3 variantes,
pour un total de 24 teintes.
Une échelle de 8 niveaux de gris neutres est ajouté
à ces 24 teintes. La quantité de blanc et de noir, qui
est une « dilution » de la couleur, est notée sous
forme d'une paire de lettres, la première
représentant le pourcentage de blanc, la seconde, le
pourcentage de noir. Sont définies à la base 8 valeurs
possible notées a, c, e, g, i, l, n et p.
La table ci-contre indique les valeurs pour chacune des 8 lettres, selon
qu'elles sont utilisées pour désigner le taux de blanc ou de noir:
Ainsi, la notation 3pg définit un brun (teinte orange = 3) mêlé à 3.55% de
blanc (p) et 77.61% de noir (g).
Remarque : une autre notation numérote ces 24 teintes entre 0 et 99, pour permettre la
définition de teintes intermédiaires: le jaune (gelb) porte alors le numéro 4, le rouge-orange,
le numéro 17... le vert feuille, 92.
Bien qu'à la base un nuancier, la notation Ostwald étendue (utilisant des numéros de teintes
entre 0 et 99, et tout l'alphabet pour la dilution) permet de décrire plus de couleurs. En ce
sens, on se rapproche d'un modèle de couleurs.
4 Caractéristiques des sources lumineuses
4.1 lumières colorées simple et complexe
L’excitation physique à la base du phénomène coloré, l’onde électromagnétique émise par
une source, peut être caractérisée par une ou plusieurs longueurs d’onde lumineuses, qui
peuvent avoir des amplitudes différentes.
Si une seule longueur d’onde : lumière simple (ou monochromatique)
Si superposition de plusieurs longueurs d’ondes : lumière complexe (ou polychromatique)
Lorsque la lumière ne comporte qu’une seule longueur d’onde, nous percevons une couleur
très saturée, comme par exemple dans le cas d’un laser. La lumière est alors dite simple ou
monochromatique.
Si au contraire la lumière comporte plusieurs longueurs d’ondes superposées, la lumière est
dite complexe ou polychromatique. C’est le cas par exemple de la lumière blanche, de la
lumière du Soleil, de celle d’une lampe ordinaire. La plupart des sources émettent une
lumière complexe.
4.2 décomposition spectrale
Une lumière polychromatique peut être décomposée en ses composantes
monochromatiques au moyen d’un dispositif disperseur comme un prisme ou un réseau : les
différentes « longueurs d’ondes » suivent différents trajets car l’indice de réfraction n
dépend de λ.
On obtient ainsi la décomposition spectrale, ou « spectre » de la lumière polychromatique, ;
la courbe donnant la répartition relative de l’énergie I(λ) , en fonction de la longueur d’onde
s’appelle la courbe de répartition spectrale ou spectre, et est très importante dans la
pratique pour caractériser la couleur perçue.
Exemple : décomposition d’une lumière « blanche » par un prisme
Newton le premier a compris que la lumière blanche est en réalité un mélange de toutes
les couleurs du spectre visible.
4.3 Apport de Newton à la colorimétrie
4.3.1 Le spectre des couleurs chromatiques de Newton
La colorimétrie moderne a véritablement débutée avec les découvertes de Newton au XVIIème
siècle qui présente le premier cercle chromatique.
Il démontre que la lumière blanche peut se décomposer en rayons multicolores et se
recomposer à nouveau en lumière blanche.
C'est une révolution pour l'époque : on découvre que les couleurs sont les éléments
constitutifs de la lumière blanche et on sait désormais classer les couleurs sur un critère de
teinte sans les subordonner à un critère de luminosité.
La notion de teinte dans le classement des couleurs devient désormais prépondérante.
Notre
civilisation
est
désormais
complètement influencée par cette
prédominance des teintes à tel point
que le mot « couleur » devient synonyme
de teinte dans notre culture.
La gamme de couleurs obtenue par la
réfraction à travers le prisme est appelée
le spectre chromatique ou spectre des
couleurs.
Dans un premier temps Newton remplace dans le spectre chromatique les 5 couleurs de l'arcen-ciel par sept couleurs réparties en bandes plus ou moins larges, pour des raisons plutôt
d'ordre esthétique et idéaliste. Il tenait à mettre en concordance les 7 couleurs avec les 7
notes de l'octave musical.
Newton attribue un « poids » aux couleurs qui correspond à l’intensité et détermine ainsi le
centre de gravité du spectre qui tombe dans le secteur orange (ligne yo). Il note ce poids par
un petit rond (plus le rond est grand plus le « poids » est important).
4.3.2 Cercle chromatique de Newton
Mais Newton va plus loin et il est le tout premier à proposer un classement des couleurs sous
la forme d'un cercle.
En enroulant le spectre lumineux sur un disque il crée le cercle chromatique et met ainsi en
évidence l’opposition des couleurs complémentaires.
Il ne cherche pas à intégrer les couleurs carmin, magenta et pourpres, mais préfère coller côte
à côte les extrémités rouge et violette du spectre.
Pour la première fois la luminosité, le noir et le blanc sont exclus de la description des couleurs.
En noir, les textes et tracés originaux du cercle
chromatique de Newton datant de 1704,
superposé à une roue chromatique moderne
composée des couleurs spectrales et des
couleurs non spectrales (magenta).
4.4 Spectres des sources
On peut représenter les caractéristiques de toute source par son spectre (diagramme
montrant l’énergie émise par la source en fonction de la longueur d’onde).
Suivant que les longueurs d'onde des éléments d'une lumière complexe forment une suite
ininterrompue ou bien ont des valeurs distinctes, cette lumière est dite à spectre continu ou
à spectre de raies.
Spectre de raies
Spectres d’émission continu et de raies
Spectre d’un tube fluorescent
« blanc froid »
Spectre de
l’éclairement solaire
moyen à 5 600 K
Une lumière simple a un spectre de raies formé d’un seul pic.
Spectre d'un laser
5 Lumières colorées blanches de référence ou illuminants
On considère habituellement comme blanches des lumières de compositions spectrales
très différentes, par exemple celles des lampes à filament incandescent et celle de la
lumière solaire moyenne
On peut aussi percevoir une sensation subjective de blanc en observant un mélange de
deux lumières monochromatiques (ou d'un plus grand nombre) convenablement choisies,
les autres étant absentes ou réduites.
Comme il existe une grande variété de sources, afin de pouvoir comparer les mesures
colorimétriques, la CIE a décidé de définir un certain nombre d’illuminants de références
normalisés, dits illuminants standard, définis par leur courbe spectrale, et se rapprochant
plus ou moins de sources réelles (voir courbes ci-dessous).
Ces courbes se trouvent tabulées dans de nombreux ouvrages de colorimétrie, et sont
intégrées dans tous les logiciels de calcul pilotant des colorimètres.
Ces illuminants permettront de définir la lumière « blanche » dans un contexte
colorimétrique donné : un diffuseur blanc parfait renverra une lumière caractérisée par la
courbe spectrale de l’illuminant. Ainsi en colorimétrie il n’y a pas une, mais plusieurs
lumières blanches, correspondant au « neutre » (par exemple l’illuminant A présente une
couleur tirant nettement vers le jaune orangé), et il faut donc spécifier l’illuminant utilisé
pour caractériser une couleur en mode objet.
On utilise les illuminants A, C, D65, ainsi que l’illuminant E correspondant à une répartition
spectrale constante en fonction de la longueur d’onde.
illuminant A : lumière émise par un
corps noir porté à la température de
2856K. (Illuminant qui correspond à lampe
à filament de tungstène de 500W porté à
une « température de couleur proximale »
de 2856K).
illuminant C : lumière moyenne du jour
avec une température de couleur
proximale d’environ 6770K
illuminants D : différentes lumières du
jour. Un indice lié à la température de
couleur proximale est toujours associé à
un illuminant D : le plus utilisé est D65 qui
représente la lumière du jour à une
température de couleur proximale
d’environ 6 500K. (correspondant à la
moyenne des lumières durant une
journée).
illuminant E : lumière d’égale énergie ou source équi-énergétique
En colorimétrie, on utilise surtout une lumière blanche théorique de référence, dite à
spectre d'égale énergie, désignée par la lettre W ou E. L'initiale W (du mot anglais white et
de l'allemand weiss) est souvent employée en colorimétrie pour caractériser les blancs (la
lettre B étant réservée à la couleur bleue).
La répartition spectrale d'énergie de ce blanc équi-énergétique, en fonction de la longueur
d'onde, serait donc constante (tout au moins dans le visible).
On obtient expérimentalement une telle lumière blanche de référence approximativement
à l'aide de l’ étalon A de la CIE (lampe à filament de tungstène en atmosphère gazeuse,
d'une température de couleur de 2 856 degrés absolus) et d'un filtre convenable.
Comparée à la lumière blanche du Soleil, elle contient à la fois un peu plus de bleu et de
rouge ; sa couleur est donc légèrement pourpre.
Illuminant A : version normalisée de l'éclairage à incandescence
Illuminant B : représente la lumière directe du soleil
Illuminant C : lumière moyenne du jour, sans UV (6774 K, en bleu sur le graphique)
Illuminant D65 : lumière moyenne du jour, avec UV (6504 K, en mauve sur le
graphique).
6 Physique et perception des lumières colorées
On appelle variance d'un système le nombre de grandeurs indépendantes qu'il faut donner
pour le définir totalement.
6.1 Perception des couleurs des lumières simples
Chaque lumière visible simple a une couleur (qu’il vaudrait mieux qualifier de teinte)
déterminée ; l’ensemble des teintes forme une suite sans variation brusque, et la
correspondance qu’indique le tableau suivant n’a qu’une valeur indicative, aucune convention
générale ne spécifiant pour quelle longueur d’onde on passe du rouge à l’orangé, de l’orangé
au jaune, etc.
La couleur (ou plutôt teinte) que nous attribuons à une lumière simple correspond à notre
perception de la longueur de l’onde (c’est-à-dire de l’énergie du photon). Rappelons que la
couleur n’est donc pas une caractéristique physique de la lumière, mais plutôt une
manifestation de notre système électrochimique de sensation (œil, nerfs, cerveau).
Les radiations de longueurs d’onde immédiatement supérieures à celle du rouge extrême
appartiennent au domaine infrarouge et celles de longueurs d’onde inférieures au domaine du
violet extrême (ultraviolet). Etant pratiquement invisibles à l’œil, elles n’ont pas de couleur.
Notons que beaucoup d’entre nous peuvent voir dans l’infrarouge, jusqu’à environ 1050 nm
(mais faiblement) et dans l’ultraviolet, jusqu’à environ 312 nm.
Une source monochromatique est définie par sa longueur d'onde et sa luminance, sa variance
physique est donc 2 (LE et λ). L'œil dans ce cas se comporte comme un récepteur bivariant (la
longueur d'onde perçue comme une couleur ou une teinte et la luminance perçue comme une
clarté).
6.2 Perception des couleurs des lumières complexes
La variance physique est très élevée pour une lumière complexe. Il est intéressant de noter
qu’à l’inverse de ce que fait l’oreille vis-à-vis de la perception du son, l’œil ne peut pas
décomposer une lumière complexe en ses composantes harmoniques.
Quand plusieurs lumières simples ou complexes agissent simultanément sur l'œil, la couleur
du « mélange additif » ainsi réalisé dépend de leurs longueurs d'onde, ou de leur composition
spectrale, et de leurs intensités relatives mais la perception n’est pas le reflet fidèle du monde
physique.
Nous avons dit que pour l’œil, toutes les lumières complexes ont une couleur comparable à
celle d'une lumière simple, mais plus ou moins « lavée » de blanc (on parlera de pureté ou de
saturation), à l'exception des pourpres, qui n'existent pas dans le spectre et résultent du
mélange de lumières rouges et violettes (ou bleues).
Pour une lumière complexe, l'œil va se comporter comme un récepteur trivariant : trois
grandeurs devront être données pour caractériser la perception visuelle de la source : une
teinte, une luminance et une saturation.
Lorsque la couleur est déterminée par un
seul type d'énergie (ici, il n'y a qu'un seul
pic dans le vert) on emploie le terme de
lumière cohérente pour qualifier ce type
de lumière.
Le plus souvent une couleur est
composée
de
plusieurs
niveaux
d'énergie spectrale. Ici le magenta est la
somme du bleu/violet et du rouge.
Lorsque 2 pics se situent dans des
couleurs complémentaires (ici, le bleu et
le jaune) la somme des énergies
spectrales donne du blanc. mais le blanc
peu aussi être formé par 3 pics et même
plus. La lumière solaire (en pointillé) est
un mélange de toutes les énergies
spectrales et sa courbe spectrale se
rapproche d'une ligne horizontale.
6.3 Lumières colorées complémentaires
6.3.1 Définition
Une fois la lumière blanche de référence définie, on peut définir la notion de lumière colorée
complémentaire. On appelle couleur complémentaire d'une couleur donnée la couleur qui,
additionnée à la couleur d'origine, donnera une couleur achromatique (une nuance de gris,
qui peut être du blanc).
Deux lumières (simples ou complexes) sont donc complémentaires quand, agissant
simultanément et en proportions convenables sur l'œil moyen, elles produisent une sensation
égale à celle de la lumière blanche de référence.
Naturellement, la correspondance entre les couleurs ne peut être établie avec précision que si
l'on a bien fixé la lumière blanche de référence.
Pour les lumières vertes de longueurs d'onde comprises entre 500 et 560 nm (environ), les
lumières complémentaires sont des couleurs absentes du spectre visible des couleurs simples :
on les appelle les pourpres.
6.3.2 Détermination d'une complémentaire par méthode visuelle
Il est facile de déterminer une complémentaire en utilisant la propriété de rémanence des
cônes de l'œil. Il suffit pour cela de placer sur une surface blanche, la couleur dont on veut
déterminer la complémentaire, de la fixer pendant une minute, puis de la retirer. On voit
alors apparaître sur la surface blanche la couleur complémentaire.
Par exemple, fixez le carré rouge de l'image de gauche pendant environ une minute. Fixez
alors l'image blanche de droite (dépourvue de cadre). Vous devriez alors voir apparaître une
tache cyan en son milieu.
Il est également probable que lorsque vous avez fixé le carré rouge, vous commenciez à
apercevoir un halo cyan autour du carré rouge, du fait que lorsque l'œil fait des micromouvements, les cellules optique qui ne voyaient que du rouge voient du blanc.
Vous pourrez remarquer que sur le cercle chromatique, elles sont bien diamétralement
opposées.
Les cônes L (récepteurs des rouges) se sont « habitués » à voir du rouge, et les cônes
correspondants aux couleurs primaires vert et bleu transmettent donc un signal plus fort que
le cône rouge dans le blanc de l'image de droite.
Cercle chromatique : les couleurs
complémentaires sont diamétralement
opposées.
Etoile des couleurs complémentaires
7 Effet des contrastes sur la perception des couleurs
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, notre œil ne voit pas la même couleur toujours
de la même manière.
L'environnement a une forte influence sur notre vision. Notre perception des couleurs est
toujours faussée, parce que lorsque l'on regarde un objet, l'œil a tendance à « mesurer », à
comprendre, à évaluer sa couleur en fonction de la scène qui l'entoure. Tout est affaire de
contrastes.
Pour mettre en évidence l'effet de l'environnement sur la perception d'une couleur,
examinons les cas présentés ci-dessous.
7.1 Contraste de luminosité
Le contraste des luminosités est probablement l'élément le plus perturbant pour la
« lecture » des couleurs. Notre œil s'adapte à l'intensité lumineuse moyenne d'une scène.
Dans un environnement très clair, la pupille se ferme pour « réguler » le flux de lumière
reçue. Dans l'obscurité, la pupille s'ouvre plus. Conséquence immédiate : la même couleur
sera perçue plus foncée sur un fond clair que sur un fond sombre.
Contraste de luminosité
Les trois carrés gris qui sont sur fond noir
paraissent moins contrastés que ces mêmes
trois carrés gris sur fond clair.
Tous les échantillons de gris sont uniformes,
pourtant chaque échantillon apparaît plus
clair sur sa partie gauche et plus foncé sur
sa partie droite.
La perception d’une couleur est influencée par ses couleurs environnantes :
contraste de luminosité
Quelle est la théière la plus claire, et
quelle la plus sombre ?
Celle de gauche apparaît plus claire
parce qu’elle se trouve sur un fond
foncé, et celle de droite apparaît plus
foncée parce qu’elle se trouve sur un
fond clair. En réalité, elles ont une
couleur identique.
La moitié droite du carré intérieur de
gauche a la même courbe spectrale
que la moitié gauche du carré
intérieur de droite. Une petite
manipulation dans Photoshop® peut
le prouver.
7.2 Contraste de saturation
C'est un autre facteur jouant sur notre perception des couleurs. Par une action d'opposition,
nous évaluons la vivacité d'une couleur en fonction de la scène environnante.
Une même couleur semble plus pâle si elle est entourée de couleurs soutenues que si elle est
isolée dans un ensemble globalement fade, passé.
7.3 Contraste de teinte
Toujours par action d'opposition, nous estimons la teinte d'une couleur en fonction des teintes
environnantes. Un même jaune paraîtra froid s'il est entouré de couleurs chaudes, et viceversa. Cet effet est d'autant plus sensible que la couleur est peu saturée (voir le cas des
bandes grises dans le paragraphe suivant).
Contraste de saturation
Il n’y a pas que la teinte d’une couleur qui est influencée par le contexte, sa luminosité est
influencée aussi…
Les deux carrés bleus ont la même couleur, pourtant celui de gauche apparaît plus clair
parce qu’il est sur un fond sombre.
7.4 Contraste simultané
Jouant également sur notre perception des couleurs, ce phénomène fait intervenir les
couleurs complémentaires. Si nous regardons une teinte, notre œil « exige simultanément » sa
couleur complémentaire. De fait, deux couleurs complémentaires juxtaposées vont se
renforcer l'une l'autre.
Le contraste simultané explique aussi qu'un gris, un blanc ou un noir nous semblent
légèrement teintés de la couleur complémentaire à celle qui leur est voisine.
Contraste simultané
Un fond de la couleur complémentaire accentue encore plus la différence de perception
d’une couleur…
Une couleur pure apparaît vraiment très différente suivant qu’on la voit sur un fond qui a
sa propre teinte ou suivant qu’on la voit sur un fond qui a sa couleur complémentaire.
8 Caractéristique des objets colorés
Un objet absorbe certaines longueurs d’onde et en réfléchit d’autres ; il se comporte donc
comme une source lumineuse secondaire, de composition spectrale différente de la source
primaire.
Origine d’un stimulus coloré : Un stimulus coloré (D) est fournit par la combinaison adéquate
d’une source de lumière (spectre A), d’un objet (courbe de facteur de réflexion B) et d’un
observateur (courbe de réponse spectrale C).
Explication des aspects de la tomate
La tomate absorbe toutes les couleurs sauf le rouge
La lumière jaune est formée de rouge et de vert, la
lumière magenta de rouge et de bleu.
Ni la lumière verte ni la lumière bleue ne contiennent
de composante rouge. La tomate absorbe donc toute
la lumière qu'elle reçoit, et ne réfléchit plus rien: elle
paraît noire.
Dans ce cas, la surface est caractérisée par son facteur de réflexion spectral R(λ), qui mesure
pour chaque longueur d’onde le rapport entre le flux incident et le flux réfléchi.
8.1 Réflexion diffuse
Un objet coloré mat renvoie la lumière reçue de la
source, (partiellement absorbée, ce qui crée la couleur)
dans toutes les directions.
Cela est dû aux inégalités de la surface, qui est rugueuse
à l’échelle microscopique (taille du micromètre).
Lorsqu’on regarde un tel objet sous des angles variés,
son aspect ne varie pas.
Sur la plan de la photométrie, ceci est traduit par la loi de Lambert : l’intensité lumineuse ou la
luminance émise dans une direction faisant un angle θ avec la normale à la surface est
proportionnel à cos(θ) .
8.2 Réflexion spéculaire (miroir)
A l’opposé, une surface très régulière, un miroir, avec des
irrégularités de taille caractéristique inférieure au
micromètre, renvoie la lumière dans une seule direction,
donnée par la loi de Descartes θ=θ’
8.3 Cas général
Entre ces deux extrêmes se situent les objets plus ou
moins brillants : la lumière réémise se décompose en une
composante spéculaire et une composante diffuse.
L’apparence de l’objet dépend alors de l’angle sous lequel
on l’observe.
Les proportions de réflexion diffuse et spéculaire dépendent du matériau. Certains sont plus
diffus (craie, papier, etc.) que spéculaires (métal, verre, etc.)
La composante spéculaire modifie de façon importante la couleur apparente d’une surface.
Deux cas de figure peuvent se présenter :
- surface enduite d’un vernis ou recouverte d’une vitre ; dans ce cas, la surface renvoie une
composante spéculaire avant absorption et rediffusion. La composante spéculaire a donc la
même composition spectrale que la source, et l’objet paraît en général plus clair et moins
saturé que sans le vernis.
- objet teinté dans la masse et poli (par exemple une surface plastique lisse) ; dans ce cas, la
composante spéculaire emporte une grande partie de la lumière réémise, et l’objet paraît plus
foncé que la surface rugueuse de même composition.
8.4 Métamérisme
L'expérience montre qu'une même sensation de couleur peut être due à des lumières de
compositions spectrales très diverses.
Ainsi, des surfaces colorées de nature différente peuvent
présenter une apparence colorée à peu près identique sous
un éclairage naturel et apparaître différente lorsque
l'éclairage est modifié par exemple avec une lampe à
incandescence ou fluorescente.
Ce phénomène est celui du métamérisme des couleurs. Il
rend compte du fait que deux objets de spectre de réflexion
diffuse différents présentent des apparences colorées
identiques dans des conditions précises d'illumination et
des apparences différentes si les conditions d'illumination
changent.
De façon générale, deux couleurs vues identiques par l’œil mais dont les origines physiques
diffèrent sont qualifiées de métamères. Deux couleurs identiques à tout point de vue sont
dites isomères.
Par exemple, des sensations de couleur jaune très analogues peuvent être produites soit par
une lumière monochromatique de longueur d'onde voisine de 580 nm, soit par une lumière
blanche privée au moins partiellement de ses composantes spectrales bleues, soit même par
un mélange de lumières rouges et vertes, dans lequel le jaune monochromatique fait
totalement défaut.
Ainsi, considérons deux lampes électriques dont l'une a un pic monochromatique dans dans le
jaune et dont l'autre a deux pics monochromatiques dans le rouge et dans le vert. Si les
couleurs de 2 objets différents éclairés par ces sources paraissent identiques sous les 2
éclairages, on dit que leurs couleurs sont métamères. Donc grâce au métamérisme, un
mélange de lumière rouge et vert donne l'illusion du jaune.
Exemple de métamérisme
Pour les couleurs d’objets, le métamérisme survient lorsque les colorants ou les pigments
utilisés pour colorer deux objets différents ne sont pas les mêmes. C'est le cas par exemple
lorsque les matériaux supports ne sont pas de même nature comme pour les carrosseries
d'automobiles composés de surfaces métalliques, plastiques ou en résine synthétique.
Le métamérisme se manifeste plutôt pour des bleus ou des verts foncés, des bruns et des
marrons.
Ce phénomène est fondamental en colorimétrie puisque cette science repose sur l'identité de
perception de deux rayonnements, spectralement différents, examinés dans des conditions
données.
Deux couleurs métamères peuvent donner des aspects colorés identiques sous un éclairage
donné et des aspects colorés différents sous un autre éclairage. Pour connaître parfaitement
deux teintes, il faut connaître leur courbe de réflectance spectrale. L’observation d’une
couleur sous un seul éclairage est insuffisant .
L’élaboration d’une méthode d’évaluation « objective » de la couleur permettra d’attribuer à
la couleur d’un objet des coordonnées, dépendant de l’objet et de la source qui l’éclaire.
9 Origine de la couleur : couleurs physiques et couleurs chimiques
Comme nous l’avons vu, la sensation de couleur fait en fait intervenir 3 partenaires : la
lumière, l'objet coloré et l‘œil de l'observateur. La couleur d’un objet est liée à la modification
de la lumière blanche, qui contient toutes les couleurs, lors de son interaction avec l'objet.
Cette interaction rayonnement-matière se produit lorsque la lumière entre en contact avec
l'objet, c'est-à-dire lors du choc « rayonnement-matière ». Selon les cas, on peut distinguer
deux types de collisions, élastiques et inélastiques.
9.1 Chocs élastiques et couleurs physiques
Les chocs élastiques se produisent lorsqu'il n'y a pas d'échange d'énergie entre le
rayonnement et la matière. Ils donnent naissance à ce que l'on appelle les « couleurs
physiques » qui sont liées à la structure intime de la matière.
De tels chocs entraînent toujours une diminution de la vitesse de propagation de la lumière ce
qui permet de définir l'indice optique comme le rapport de ces vitesses dans le vide et dans la
matière.
Une partie du rayonnement est aussi déviée de sa direction initiale. C'est la diffusion dont
l'importance dépend des dimensions respectives de la lumière et de l'objet diffusant. Lorsque
celui-ci est petit, la diffusion Rayleigh, est responsable de la couleur bleue du ciel. Par contre,
lorsque la taille de l'objet augmente, on observe des phénomènes plus complexes (diffusion
de Mie) qui peuvent conduire à l'opalescence puis à l'opacité complète.
Des processus d'interférences se produisent lorsque l'on a une relation particulière entre la
longueur d'onde du rayonnement et la périodicité du matériau. Ces interférences conduisent
aux diagrammes de diffraction lorsque la lumière est monochromatique (diffraction de Bragg,
nλ = 2dsinθ). Elles conduisent à des phénomènes d'iridescence avec de la lumière blanche. Ce
processus conduit aux couleurs physiques que l'on trouve dans de nombreux systèmes
naturels : opales, nacres, ailes de papillons, plumes d'oiseaux, ...
9.2 Chocs inélastiques et couleurs chimiques
Les chocs inélastiques entraînent un échange d'énergie entre le rayonnement et la matière.
Ils sont responsables de la plupart des processus de coloration que nous connaissons et ne se
produisent que lorsque l'on a une relation rigoureuse entre l'énergie que transporte le
rayonnement et celle que la matière est capable d'échanger. Ce processus, lié à la nature
quantique de la matière, met en jeu le mouvement des électrons au sein du matériau. Il
conduit aux trois phénomènes élémentaires : l'absorption, l'émission spontanée et
l'émission stimulée.
L'absorption est responsable de la couleur conférée par les pigments et les
teintures.
L'émission spontanée se manifeste sous forme d'émission de lumière : écran de
télévision, bioluminescence, marqueurs fluorescents, ...
L'émission stimulée est mise en jeu lors de la réalisation des lasers.
10 Caractéristiques de l’œil : notions d’optique physiologique
10.1 la vision humaine
La vision humaine résulte des caractéristiques de :
l’œil, qui perçoit la lumière…
de la rétine, qui transforme le signal lumineux en signal électrique…
Épithélium pigmentaire
photo-réceptrices
(cônes et bâtonnets)
signal
Couche granuleuse
cellules bipolaires
Cellules ganglionnaires
le prolongement
forme le nerf optique
lumière
épithélium
pigmentaire
photorécepteurs
couche granuleuse
cellules ganglionnaires
corps vitré
lumière
Les cellules photoréceptrices ne reçoivent qu’une lumière indirecte, rétrodiffusée par
l’épithélium pigmentaire.
et du traitement de l’information électrique par le cerveau.
10.2 Fonctionnement de la rétine
10.2.1 La rétine
Coupe de la rétine
10.2.2 Les cellules photosensibles
Deux types de cellules photosensibles
10.2.2.a Les bâtonnets
Les bâtonnets sont présents en nombre très élevé (75 à 150 millions).
Ils se répartissent surtout en dehors de la fovéa qui constitue le centre de la tache jaune
(macula) : ils sont responsables de notre vision périphérique.
Ils ont un diamètre moyen de 2,5 à 3 microns et une distance mutuelle allant de 10 à 20
microns.
Les bâtonnets possèdent une très bonne sensibilité à des bas niveaux de luminance (on
admet qu'un bâtonnet peut être excité par un seul photon), ce qui explique qu’ils
interviennent essentiellement en faible lumière (vision crépusculaire ou scotopique).
Leur sensibilité spectrale est maximale autour de 495 nm.
Ils donnent des réponses qui saturent au-delà d'un niveau d'éclairement de quelques
candelas par mètre carré (cas d'une pièce faiblement éclairée). Ils sont donc inutiles en vision
photopique.
Il n’existe qu’un seul type de bâtonnet, car ils contiennent tous un seul type de pigment (la
rhodopsine (1)) ; les bâtonnets ne peuvent donc distinguer les couleurs et sont sensibles
uniquement à la luminance.
Répartition des cônes et des bâtonnets sur la rétine
10.2.2.b Les cônes
Les cônes sont beaucoup moins nombreux que les bâtonnets (6 à 7 millions).
Ils se trouvent essentiellement dans la petite (environ 3 mm de diamètre) dépression
centrale de la tache jaune appelée fovéa : ils permettent donc la vision centrale, en haute
résolution.
La fovéa représente un champ de moins de 14°. En dehors de cette zone, bien que nous n’en
ayons pas conscience, l’œil ne perçoit pratiquement pas les couleurs.
Au centre de la fovéa, la densité de cônes dépasse 160 000 unités par mm2. Cette zone
centrale de la fovéa, la foveola, constitue le champ de pleine acuité visuelle et ne dépasse pas
2°.
Les cônes sont plus petits que les bâtonnets (1 à 2 microns) et plus serrés (distance moyenne
de 2,5 à 10 microns).
Ils sont moins sensibles à la lumière que les bâtonnets, mais peuvent s’adapter très
rapidement à des changements d’intensité lumineuse ou de luminance.
Les cônes interviennent essentiellement en vision diurne (vision photopique) car ils ne
saturent pas et peuvent coder des niveaux de luminance allant jusqu'à plusieurs milliers de
candelas par mètre carré (correspondant à la luminance des objets à l'extérieur par une
journée ensoleillée).
Cônes et bâtonnets au microscope électronique
Bâtonnets au microscope électronique
bâtonnets
bâtonnets
cônes cônes
fovéa
tâche jaune
Ce sont les cônes qui permettent la vision des couleurs car il existe trois types de cônes,
qui sont à l’origine de l’aspect trichromatique de la vision diurne des couleurs.
Il existe trois types de cônes dont les sensibilités spectrales dues aux pigments chimiques
qu’ils contiennent sont différentes.
On distingue les cônes S sensibles au bleu (donc à des longueurs d’onde courtes, d’où
short), les cônes M sensibles au vert (donc à des longueurs d’onde moyennes d’où medium)
et les cônes L sensibles au jaune-vert et au rouge (donc à des longueurs d’onde longues
d’où long).
Les cônes S sont les moins nombreux : 64 % L, 32 % M et seulement 2% S, bleus.
Sensibilité spectrale des cônes, échelle d’énergie linéaire
Sensibilité spectrale des cônes, échelle d’énergie logarithmique
426
530 560
nm
S
L
1
40
M
20
Sensibilité relative et nombres de cônes :
1 cône bleu pour 20 cônes verts et 40 cônes rouges
Sensibilité spectrale des cônes et des bâtonnets
Les caractéristiques spectrales des cônes s’explique par le fait qu’à l’opposé des bâtonnets, il
existe plusieurs pigments chimiques dans les cônes : ce sont des molécules appelées
rétinoïdes, dérivées du rétinol (ou vitamine A1) ; ils sont appelés rhodopsine (9) ou
cyanolabe, rhodopsine (7) ou chlorolabe et rhodopsine (5) ou erythrolabe; on trouve même
de la rhodopsine (11), sensible aux proches UV.
Les cônes S, M et L contiennent un mélange de ces rétinoïdes, mais pour chaque type de
cônes, un type de rétinoïde est majoritairement présent, et dépasse plus de 1 000 fois la
proportion des autres ; les rétinoïdes cités dans l’ordre précédent sont majoritaires
respectivement dans les cônes S, M et L.
10.3 Efficacité lumineuse de l’œil
Des études statistiques menées sur un grand nombre de sujets ont permis d’établir les
variations de l’efficacité lumineuse k(λ) en fonction de la longueur d’onde (cf. figure).
Efficacité lumineuse photopique de
l’œil humain.
On voit sur cette figure que l’efficacité lumineuse passe par un maximum km. Cette
efficacité maximale se trouve dans le vert-jaune. Plus précisément, le maximum est
caractérisé par :
λm = 555 nm
km = 683 lm.W -1
Remarque :
L’efficacité de l’œil est souvent donnée sous une forme différente en introduisant l’efficacité
lumineuse relative V(λ) par la relation:
k (λ ) = km .V (λ )
Cette efficacité diffère entre la vision de jour (photopique) ou la vison de nuit (scotopique).
Il est intéressant de constater que l’œil humain a une efficacité maximale à peu près pour la
longueur d’onde émise le plus par le Soleil, vu de la Terre.
Cette propriété s’explique par la coïncidence du maximum d’émission du Soleil avec la
transparence maximum de l’eau à ces fréquences. L’œil humain s’est développé et adapté de
manière à utiliser la fenêtre de longueur d’onde offrant le plus d’utilité.
Courbe d’absorption de l’eau en fonction de la longueur d’onde. La fenêtre du visible
correspond au domaine indiqué en jaune. Notez l’échelle logarithmique en ordonnées.
10.4 la vision nocturne (scotopique)
On appelle vision scotopique (du grec skotos, obscurité), la « forme » particulière que
prend la vision dans des conditions de faible éclairage (obscurité).
Chez l'Homme, la vision scotopique est essentiellement assurée par les bâtonnets de la
rétine, qui possèdent une sensibilité à la lumière importante mais répondent à toutes les
longueurs d'onde visibles (donnant ainsi une perception en noir-et-blanc, ou
panchromatique).
Le maximum de sensibilité est atteint, chez l'Homme, après un temps d’adaptation
(d’environ 45 minutes) de séjour dans l'obscurité, ce qui correspond au temps nécessaire
pour régénérer toutes les molécules de rhodopsine sous leur forme active.
Il est à noter qu'en raison de la répartition des bâtonnets sur la rétine, le maximum de
sensibilité ne se situe pas dans l'axe optique (la fovéa étant constituée uniquement de
cônes) mais à quelques degrés de celui-ci (mécanisme de la vision décalée).
La sensibilité de l'œil en vision scotopique (son efficacité spectrale) n'est pas la même à
toutes les longueurs d'onde.
Le maximum de sensibilité est obtenu pour une longueur d'onde de 507 nanomètres
(contre 555 nm en vision photopique).
Comparaison spectrale des visions
scotopiques et photopiques
Abaissement du seuil de détection
avec l’accoutumance à l’obscurité
Courbes de variation
des seuils
Energie seuil
SENSIBILITE A LA LONGUEUR D ’ONDE
Courbes de sensibilité
Courbes de sensibilité
relative
Efficacité lumineuse relative
Sensibilité
Longueur d ’onde (nm)
Longueur d ’onde (nm)
Longueur d ’onde (nm)
Remarque : effet Purkinje
la sensibilité de la rétine à la λ dépend de la luminance visuelle L
lorsque L‹10 nits : le maximum de sensibilité se déplace vers les courtes λ
Exemple : objets bleus et rouges de même brillance énergétique :
- en vision diurne : donnent la même sensation de « luminosité »
- en vision crépusculaire : objets bleus apparaissent plus « lumineux » que les rouges
Vitrail de l'Athénée Fernand Blum en vision photopique à gauche et en vision presque
complètement scotopique à droite (Schaerbeek, Bruxelles, Belgique - 24/01/2003 Photographie originale réalisée par Eric Walravens).
10.5 Mécanisme physico-chimique de photo-excitation
À la base des cônes et des bâtonnets se
trouve un empilement de plusieurs milliers de
disques formés par des replis de la
membrane cytoplasmique, sur lesquels sont
accrochés en longues chaînes les molécules
photoréceptrices (rétinoïdes).
Sur le plan physique, toutes ces molécules se
ressemblent. Elles sont composées de sept
longues chaînes d’opsine, entourant une
molécule plus petite, le rétinal, qui à l'état de
repos est replié sur lui-même en forme
rétinal-cis.
Lorsqu’un photon frappe ce type de
molécule, il y a une chance sur deux pour
qu’elle pivote (temps de commutation ≈
picoseconde 10-12 s) autour de sa liaison
double 11 (∆11) pour devenir une molécule
isomère en position trans (qui est
« dépliée »).
Un photon provoque donc un changement
de forme de la molécule de rétinène. On
parle de photo-isomérisation du rétinal.
Ce phénomène constitue l’origine de l’information nerveuse.
Le rétinal quitte alors son support protidique en activant une chaîne de réactions d’où naît
l'excitation visuelle, via une hyper-polarisation membranaire qui engendre in fine un potentiel
électrique d'action dans les cellules ganglionnaires de la rétine.
Le rétinène 11-Cis est reconstitué après un cycle complexe (qui peut prendre 40 à 60 minutes),
soit à partir des réserves, soit à partir de l'apport alimentaire (vitamine A1)
Transmission du signal (≈ 10-9 s)
l’absorption d’un photon par le rétinal active la rhodopsine (Rh - Rh*)
qui active une protéine G, la transducine (T)
qui se coupe en deux
et active une enzyme, la phosphodiestérase (PDE)
abaisse la concentration du nucléotide GMPc dans le segment externe
GMPc = ouverture des canaux ioniques Na+
fermeture des canaux ioniques ouverts dans l’obscurité
le courant de dépolarisation diminue
et induit une hyperpolarisation du potentiel de membrane
signal électrique d’hyperpolarisation = potentiel récepteur
(-40 mV
-80 mV)
à l’obscurité
à la lumière
GMPc
rhodopsine
inactive
canaux ioniques
ouverts (GMPc)
-40 mV
photo-isomérisation
du rétinal
hydrolyse du GMPc
fermeture des canaux
ioniques -80 mV
blocage des cations
passage des cations
= dépolarisation
hyperpolarisation
Fermeture des canaux ioniques Na+ et potentiel récepteur
Transmission du signal au nerf optique
photorécepteurs
synapse
cellules
horizontales
cellules bipolaires
cellules
amacrines
cellules ganglionaires
nerf optique
10.6 Codage de l’information couleur
Certaines recherches en biophysique de la vision amènent à penser que la transmission des
signaux issus des cellules sensorielles de la vision s’organisent autour de trois voies
principales :
le canal achromatique, constitué d’une
opposition Noir/Blanc, à partir des signaux issus des
cônes L et M et de l’absence de signal.
le canal Rouge/Vert, constitué d’une opposition
des messages issus des cônes L et M.
le canal Bleu/Jaune, constitué d’une opposition
du signal émis par les cônes S et du signal
précédent.
De façon un peu schématique, la vision des couleurs est organisée en trois canaux
antagonistes de perception, résultant de l’association des cellules de la rétine entre elles. Cette
idée, à la base de la théorie de Hering, est soutenue par les résultats des recherches récentes
sur le traitement du signal visuel par la rétine et l’existence de champs antagonistes pour la
perception des couleurs.
On reconnaît ici les « quatre couleurs fondamentales » des peintres. L’idée d’antagonisme
vient du fait qu’il n’existe pas de teinte intermédiaire entre rouge et vert, (on peut envisager
des teintes à la fois rouge et jaune, mais pas à la fois rouge et vert !). Ces teintes sont
antagonistes. Si on organise ces canaux suivant un schéma à trois dimensions, on retrouve
naturellement l’idée de solide des couleurs. Nous retrouverons ces résultats à la base de la
construction du système colorimétrique CIE L*a*b*
10.7 Vision des couleurs dans le monde animal
On peut classer la vision des couleurs des espèces selon leurs potentialités.
10.7.1 Les monochromates
Les monochromates sont les individus qui ne distinguent les couleurs des objets que par leur
clarté .
Pour discriminer les longueurs d'onde, ces animaux doivent se baser sur les interactions
existant entre les cônes et les bâtonnets.
On trouve là certaines espèces nocturnes.
A l'heure actuelle, on n'a détecté aucun signe subjectif de vision colorée chez le rat, bien que
certains auteurs aient pu soupçonner l'existence de plusieurs familles de cônes.
Il en existe quelques cas chez l'homme de disparition de la vision colorée par mutation.
10.7.2 Les dichromates
Les dichromates sont les individus qui distinguent
les couleurs des objets par leur clarté et un
attribut coloré.
Ce second attribut coloré permet d'identifier la
tonalité ou sa complémentaire avec des variations
de saturation : teinte plutôt vive que terne.
La vision dichromate est la vision la plus répandue
chez les mammifères et même chez certains
poissons.
La vision dichromate nécessite deux familles de cônes :
l'une sensible aux moyennes et grandes longueurs d'onde ;
l'autre, généralement moins nombreuse, sensible aux courtes longueurs
d'onde.
Nos carnivores domestiques (chien et chat) possèdent une vision dichromate avec deux
familles de cônes :
chez le chien : S avec un maximum de sensibilité spectrale vers 429 nm, M vers
555 nm ;
chez le chat : S vers 447 nm, M vers 554 nm.
Leurs performances sont nettement supérieures dans les bleus et les jaunes, tandis que leur
rétine semble peu sensible à la lumière rouge qui leur paraît foncée et le vert se confond
avec le blanc : une pelouse de printemps sera blanchâtre et un rosier en fleur aura l'aspect
d'un buisson blanc parsemé de tâches noirâtres.
La nuit, les chiens et les chats voient, comme nous, en noir et blanc : les cônes deviennent
insensibles en lumière faible.
10.7.3 Les trichromates
La vision trichromate est répandue chez les primates, chez les insectes et chez quelques
poissons.
Il existe trois familles de cônes sensibles à la couleur chez les primates : S avec un maximum
de sensibilité spectrale (mesurée dans l'espace physique) vers 420 nm, M vers 636 nm, L vers
565 nm.
Les possibilités de discrimination des couleurs sont amoindries chez une faible proportion
d'individus que l'on qualifie de daltoniens. Ce nom dérive de Lord Dalton, célèbre chimiste
qui décrivit cette anomalie en 1795 sur lui-même.
On distingue trois types de daltonisme (8,5%
des hommes) dont le plus fréquent est le
dichromatisme qui découle de l'absence dans
la rétine d'une famille de pigment visuel.
Le daltonien confond toutes les couleurs qui
sont normalement différenciées sur la base du
photopigment absent. Son espace coloré est en
deux dimensions au lieu de trois : les tonalités
se réduisent au bleu pour les courtes
longueurs d'onde du spectre et au jaune pour
les grandes longueurs d'onde.
Il existe plusieurs formes de dyschromatopsie partielle, la plus fréquente étant la confusion du
vert et du rouge.
Les autres formes de daltonisme sont nettement plus rares, comme la confusion du bleu et du
jaune, la plus rare de toutes étant la déficience totale de la perception des couleurs
(achromatopsie), où le sujet ne perçoit que des nuances de gris.
Une pomme rouge et une pomme verte (en haut),
et simulation de la vision de ces mêmes pommes
par un daltonien deutéranope (en bas).
Types de dyschromatopsie
Achromatopsie : absence totale de vision des couleurs, associée dans sa forme congénitale à
une forte photophobie, une acuité visuelle réduite (<2/10), et un nystagmus (mouvement
d'oscillation involontaire et saccadé du globe oculaire). Les cônes ne fonctionnent pas, et la
vision provient essentiellement des bâtonnets. Il est estimé que la fréquence de
l'achromatopsie en occident est de 1/33000. Noter qu'il existe aussi une forme cérébrale,
due à une perte de vision des couleurs consécutive à une lésion cérébrale.
Deutéranopie : absence dans la rétine des cônes de réception au vert ; les personnes
affectées sont incapables de différencier le rouge du vert. C'est la forme dont était atteint
John Dalton (le diagnostic de deutéranopie chez celui-ci fut confirmé en 1995, plus de 150
ans après sa mort, par analyse de l'ADN prélevé sur un de ses globes oculaires préservé
jusqu'à nous). Les autres formes de déficience des couleurs ne sont des daltonismes que
par abus de langage.
Deutéranomalie : présence d'une mutation du pigment de la perception du vert ; la
sensibilité à cette couleur est diminuée. Constitue la majorité (environ la moitié) des
anomalies congénitales de la vision des couleurs.
Protanopie : absence des récepteurs rétinaux au rouge ; le rouge est indétectable par le
sujet.
Protanomalie : présence d'une mutation du pigment de la vision du rouge ; la sensibilité à
cette couleur est diminuée.
Tritanopie : absence des récepteurs rétinaux au bleu ; le bleu est indétectable par le sujet.
Tritanomalie : présence d'une mutation du pigment de la vision du bleu ; la sensibilité à
cette couleur est diminuée.
Cette image contient le
nombre 37, mais un individu
atteinte de protanopie risque
de ne pas le voir.
Un individu atteint de
deutéranopie risque de ne
pas voir ce nombre (49).
Un individu atteint de
tritanopie risque de ne
pas voir ce nombre (56).
Chez les singes du nouveau monde, il existe un véritable dimorphisme sexuel, comme chez le
singe écureuil (Saimiri sciureus).
10.7.4 Les tétrachromates
La vision tétrachromate est présente chez les oiseaux diurnes (passereaux, canards,
pigeons…) et certains poissons (truite, carpe, poisson rouge…).
Ils peuvent distinguer deux objets qui nous paraissent de couleur identique. En revanche, il est
difficile de s'imaginer comment ils perçoivent le monde.
Il n'existe pas de preuve d'une vision de variance supérieure à quatre.
On cite néanmoins ce cas extraordinaire de crevettes dont l‘œil composé comporte trois
rangées d'ommatidies contenant dix pigments visuels différents, un véritable spectromètre à
barrette de photorécepteurs. Cependant, leur fonction reste une énigme.
Relativement aux oiseaux, nous sommes tous daltoniens
On trouve chez les poissons, oiseaux, reptiles, et amphibiens une vision tétrachromatique,
basée sur 4 pigments.
Notre vision des couleurs est donc plus pauvre que celle des oiseaux.
Nous ne pouvons pas nous imaginer les couleurs que voit un oiseau.
Du point de vue évolutif :
L'ancêtre commun à tous les vertébrés disposait vraisemblablement de la vision
tétrachromatique.
Les mammifères ont perdu deux types de cônes par rapport à leurs ancêtres, et sont ainsi
passés à une vision dichromatique.
La vision trichromatique des primates provient de l’acquisition secondaire d’un troisième
type de cône.
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