dossier-ressource-dorin-16-17

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Théâtre de l’Ephémère
PARCOURS JUMELAGE 2016-2017
Dossier de ressources pour petites formes théâtrales
A la découverte du répertoire de Philippe Dorin
et de ses personnages fantastiques !
Ils se marièrent et eurent beaucoup, Compagnie Sylvaine Fortuny. Crédit photo : Andrey Lukin
1
A la découverte du répertoire
de Philippe Dorin
et de ses personnages fantastiques !
Cetteannée,lejumelageouvrelerépertoirede
l’auteurdramatiquePhilippeDorinetsonécriture
poétique.Lesélèvesjumelésvontdécouvrir7deses
pièces,sélectionnéesparleThéâtredel’Ephémère
etlescoordinatricesdépartementalesClaire-Marie
DuvaletEvelyned’Olier.
Auteurcontemporainimportantdanslepaysage
théâtralpourlajeunesse,PhilippeDorinécrit
depuispresque30anspourlesenfantsetles
adolescents.
Reconnaissableentretous,lestylethéâtralde
PhilippeDorin,depièceenpièce,s’estaffirmédans
sonrythmevisueletsonore,danslamatérialité
ramasséedesalangue,danssonhumourtendreet
profondnaissantd’uneconnivencemétathéâtralequi
nesemetjamaisensurplombparrapportàson
lecteur.(MarieBernanoce,auteuredeVersun
théâtrecontagieux,invitéelorsdutempsfort
jeunessele14janvier2017auThéâtrede
l’Ephémère)
Organisésencomitédelecture,lesjumelésvont
devoirchoisirensemblel’unedecespièceset
concevoirunemiseenscène,aidésdecomédiens
professionnelsetdeleursprofesseurs.Danscette
miseenscèneilsdevrontrespecterunecontrainte
scénique,quenousleurimposonsafindestimuler
leurcréativité:l’esthétiqueducostumedescène.
Lesvêtementstropgrands,troppetits,abîmés,mal
assortis,etc.pourrendrecomptedespersonnages
décalésaveclemonderéel,dansl’écriturede
PhilippeDorin.
Les textes de Philippe Dorin
sont publiés pour la plupart
à l’école des Loisirs et
montés par de nombreuses
compagnies en France,
dont celle qu’il a fondée
avec Sylviane Fortuny «
Pour ainsi dire » qui mène
des projets en direction du
jeune public depuis 1994.
LASELECTION
BIBLIOGRAPHIQUEDU
JUMELAGE:
Bougeplus!
Sacrésilence
Soeur,jenesaispasquoifrère
Lesenchaînés
2084
Dansmamaisondepapier,
j’aidespoèmessurlefeu
Lemondepointàlaligne
Dossier élaboré par Claire-Marie Duval et Evelyne d’Olier,
professeurs et coordinatrices départementales (DAAC).
2
Parcours conçu par le Théâtre de l’Ephémère : Didier Lastère
Coordination : Valérie Dieumegard
Rédaction du dossier de ressources : Claire-Marie Duval et Evelyne d’Olier
Formation des professeurs : Didier Lastère
Aide à la recherche de costumes : Valérie Berthelot
Aide à la mise en scène des petites formes théâtrales : Valérie Berthelot, Delphine Aranéga,
Margot Charon, Camille Lorrain.
Classes jumelées : les secondes d’exploration du lycée Bellevue (Le Mans – 72), les secondes
d’exploration « Arts du spectacle » du lycée Racan (Château-du-Loir – 72), les premières L du lycée Le
Mans Sud (Le Mans – 72), les sixièmes A du collège Jean Rostand (Ste Jamme sur Sarthe – 72), les
Secondes A du lycée Douanier Rousseau (Laval – 53), les premières ES C du lycée Ambroise Paré
(Laval – 53), les quatrièmes C du collège Emmanuel de Martonne (Laval – 53), les cinquièmes B du
collège René Cassin (Ernée – 53).
SOMMAIRE
Philippe Dorin et l’écriture théâtrale ....................................................................... p.4
Présentation des textes de la bibliographie du parcours jumelage ....................... p.6
2084 ........................................................................................................................... p.10
Bouge plus ! ................................................................................................................. p.12
Les enchaînés .............................................................................................................. p.14
Sacré silence ............................................................................................................... p.16
Le monde point à la ligne ............................................................................................ p.18
Dans ma maison de papier ........................................................................................ p.20
Sœur je ne sais pas quoi faire ..................................................................................... p.21
Le costume, métamorphose du corps ...................................................................... p. 23
3
Philippe Dorin et l’écriture théâtrale
Auteur, c’est la petite place que j’ai pu me
trouverpourentrerdanslafamilleduthéâtre,ilyaun
peu plus de trente ans. Un peu comme lorsqu’on
engage un batteur dans un groupe de rock. Ce n’est
peut-être pas le meilleur batteur du monde, mais il a
très envie de faire partie du groupe. Ce métier
d’auteur, j’ai mis longtemps à l’apprendre. Je me suis
trompé beaucoup. Mais comme tous les textes que
j’écrivais au cours de cet apprentissage devaient
s’adresser aux enfants, on peut dire que ce sont eux
qui m’ont appris mon métier d’écrivain. Le jour ou
l’adulte que j’étais et les enfants à qui je m’adressais
sesontretrouvésautourdesmêmesmots,jecroisque
jesuisdevenuécrivain.Sansdouteparcequ’ilsnenous
racontaient pas la même histoire, mais qu’ils étaient
notretronccommun.Ecrire,c’esttoujourslaquestion
delamétaphore.
Mon désir est toujours d’écrire une belle
histoirepourlesenfants,avecundébutetunefin,de
beaux personnages qui traversent de grandes
épreuves, avec des rebondissements, de grandes
bataillesetlaconquêted’unbeauroyaumeàlafin,et
peut-êtremêmelecœurd’unejolieprincesseàlaclé.
Mais je n’y arrive jamais. C’est sans doute ça qui me
sauve. Les scènes m’arrivent dans le plus grand
désordre. Elles se contredisent sans cesse. Les
personnagesneracontentjamaislagrandehistoire.Ce
sont juste des petits commentaires qu’ils font, des
bavardagesinutilessurdesdétailssansimportance,un
peu comme des enfants à qui vous voulez enseigner
quelquechosed’essentieletquin’arrêtentpasdefaire
desremarquessurlatenuequevousportez,lestemps
qu’ilfaitdehorsouqu’est-cequ’onvamangercesoir.
C’est peut-être ça, le détour de l’enfance, d’être
toujoursàcôtédusujetprincipal,deregardertoujours
ailleurs que là où on devrait. C’est ça aussi, la
métaphore, que l’essentiel ne soit jamais dit. Le
résultat, c’est que je me retrouve toujours avec un
paquet de scènes surgies de nulle part, toutes hors
sujet, très loin de la belle histoire que je m’étais fixée
au départ et de l’idée que je me fais du métier
d’auteur. Mais ça vient du cœur, sans préméditation,
unpeucommelesenfantsquidisenttouthautettrès
fortleschosesqu’onnedoitpasdire,entoutcaspas
commeça,niàcemomentlà.
Quandonécritpourlesenfants,rienquepour
lesenfants,onestmoinsbienconsidéré.Onestmoins
regardé comme « auteur principal ». C’est peut-être
aussiçaquimesauve.Parcequejepeuxfaireunpeu
cequejeveux.Onnem’attendpasaucoindubois.J’ai
une grande liberté. Je fais mes petites salades. Ça ne
me pèse pas. Et, au bout du compte, je m’en fous un
peudel’êtreoupas,écrivain.
PhilippeDorin
Tablerondeautourdesécrituresthéâtralesjeunesse
ThéâtredelaVille–17avril2013
«Aujourd'hui encore tout ce que j'écris
m'apparaît comme fruit d'un miracle. Je suis toujours
lepremierétonnéparcequim'arrive.C'estsansdoute
pour cela que mes histoires et mes personnages
semblent toujours surgir de nulle part. Ce sont de
courtes scènes que je n'attendais plus. Elles ne sont
pas très nombreuses et n'en disent pas beaucoup. On
dirait les miettes d'un grand repas auquel je n'étais
pasconvié.Jelesrecueilledanslecreuxdemamain.Je
videlefonddesverres.Jelèchelacuillère.J'essaiede
fairemonmieldetoutçapourqueçapuisseévoquer
auspectateurl'histoirequin'yestplus.Commeunami
mel'avaitditunjour:Danstestextes,l'histoirebrille
parsonabsence.
En fait on pourrait dire que mes histoires se
situent toujours le matin. Même si c'est le soir ou la
nuit que ça se passe, l'esprit, c'est le matin, au
commencement de la journée. Parce que, dans la vie,
lematin,mêmesivousavezuneidéeassezprécisedu
programme de votre journée, dans les faits, ça ne se
passe jamais comme prévu. Il y a toujours des contre
temps, des moments d'attente, des surprises plus ou
moinsbonnes.
Le lieu où se passent mes histoires n'est rien
d'autre que le théâtre lui-même, comme si la scène
était la source et le lieu de toutes les histoires. Les
personnagesnesontriend'autrequelespersonnages
quilesincarnent,etsouventjelesconnais.Ilssemblent
toujours débarquer de nulle part, comme si la scène
était le dernier refuge qu'ils aient pu trouver. Drôle
d'endroit pour une rencontre ! C'est là que sous nos
yeux, ils vont construire leur vie. Moi, l'auteur, je les
laisse passer devant. Je me contente de m'incliner et
de suivre derrière. Pour mes personnages, le monde
n'existepas.Cesonteuxquil'inventent.Àchaquepas
qu'ilsfont,lemondes'agrandit.
4
Quand j'écris, ce sont toujours les mots qui
commandent. Dans mes textes, les rebondissements
de l'histoire passent d'abord par des rebondissements
delalangue.
Cequej’écrisn’estquelenégatifdel’histoire.Ceque
j’essaiedefairevoir,cesontplutôtleschoses
invisibles,commeletempsquipasseoulebruitdes
couleurs.
Lachosequej'essaied'avoirtoujoursàl'esprit
quand j'écris, c'est cet instant où l'enfant, dans la
classe, suit tranquillement son cours, quand tout à
coup, son regard est attiré par quelque chose
d'inattenduquisepasseparlafenêtre.C'estlàqu'est
le théâtre, dans ce moment de diversion. Le théâtre,
c'estregarderailleurs.Pourl'auteur,c'estdétournerle
regardduspectateurducoursnormaldesavie.
Pour finir, je voulais vous offrir un verre.
Quand je n'arrive pas à écrire, je déteste que la page
reste blanche. Alors, je la roule, comme ça. Je fais un
petitourletau-dessus,commeça.Jelapinceaumilieu,
comme ça. Et ça fait un verre. Comme ça j'ai quand
mêmel'impressiondefairedelapoésie.Etmêmedes
verresàpied.»
PhilippeDorin
ExtraitdeDanslavieaussi,ilyadeslongueurs.Mars
2015
5
Pièce
2084
Bouge
plus !
Personnages
Thématiques
Type d'écriture
Genre
Le présentateur,
personnage
d'aujourd'hui. HP, le
haut-parleur suspendu
au-dessus du castelet
qui donne des ordres.
Vincent, Vanessa et
Marie, manipulateurs.
Numéros 3, 5 et 11,
clones de Vincent
Marie et Vanessa.
Numéro 8 et 9, clones
de Mozart, RV, GG et
DD, robots machinos.
Têtedelard,
Boutchelou et Lumgo,
créatures.
Numéros 26, 31, 43,
25, clones d'homme, de
femme, de chien,
d'enfant.
Numéro Zéro, clone
de canette de coca.
Numéro 1/5000é, clone
de susucre.
XLER, évolution du
N°3.
La maman, le petit T.
Dans 2084, un futur
plein d’avenir (titre
donné par la
compagnie Flash
marionnettes),
Philippe Dorin met en
scène une mise en
garde contre certaines
dérives dans la société
actuelle du « toutécran », « toutréseau », « toutglobal », « tout
virtuel »...
Une succession de
scènes qui semblent
n'avoir aucune suite, et
pourtant, les
personnages
évoluent…
Les écritures sont
différentes selon les
personnages qui
prennent la parole.
Spectacle « jeune
public ».
Le début annonce
« Scènes de
marionnettes ».
C’est du Guignol, dans
sa férocité à dépeindre
les travers de notre
temps. Une drôle de
farce cruelle et lucide.
2084 offre au regard
du public des formes
esthétiques hors
normes : robots,
clones, mutants... Or,
on sait à quel point les
enfants (et pas
seulement les plus
jeunes d’entre eux)
sont attirés par les
formes non réalistes,
fantaisistes,
prospectives.
Le père (qui n'assume
pas son rôle de père),
La mère (une ogresse,
une mégère), l'enfant
(être incompris).
Mais il y a aussi la
chaise, des fleurs, la
table.
Personnages, animaux,
objets sont tous au
même niveau, voire
interchangeables. Ils
peuvent prendre la
parole à tour de rôle.
La cellule familiale
comme création du
monde.
La naissance de la vie,
mais aussi la révolte
au sein de la famille,
l'explosion de celle-ci.
Mais pas de conflit,
juste une analyse des
relations qui ne sont ni
jamais acquises ni
stables.
Les non-dits.
La standardisation des
esprits, la disparition
de toute vie privée, la
prolifération des
mondes virtuels.
La famille se met en
place sur scène, sous
nos yeux.
« L'auteur de théâtre
serait là pour donner
de l'ordre et du sens
au monde qui nous
entoure. »
On retrouve des
principes d'écriture
chers à Philippe Dorin
: des répétitions, la
musicalité des mots et
des sons, les phrases
brèves et la vivacité et
rapidité de l'écriture,
l'étrangeté et l'absurde
des propos, qui
pourtant nous disent
quelque chose sur le
monde.
Rien n'est jamais
réaliste. Et soudain un
personnage, quelque
chose existe parce que
quelqu'un le nomme.
Quatre parties - un
Prologue, La chaise,
La table, un épilogue dans lesquelles il y a
plusieurs scènes
interchangeables.
Le langage n'est pas
fait pour
communiquer, il est là
pour faire exister les
personnes ou les
choses.
Tout ou presque est au
présent, au présent
d'apparition.
Le langage se
déstructure aussi
parfois comme le
monde se déstructure.
Un texte qui est fait
pour être joué, dit à
haute voix et entendu ,
pour qu'on perçoive la
musicalité des mots et
des silences, la vivacité
et la rapidité des
phrases.
L'enfant invente une
grammaire (p.23)
comme création du
langage. Il interroge ce
langage.
C'est aussi lui qui
annonce que nous
sommes au théâtre au
début du texte. « Là, ça
va commencer », dit-il.
6
Pièce titre
Les
Enchaînés
Sacré
Silence
Personnages
Thématiques
Nils, un petit garçon,
un singe.
Bernard, présentateur,
Jeanne et José.
André, Sabina et
KIKI, leur chien.
Séverine, une petite
fille, Jipé et une
grenouille.
Fortuné, deux joueurs
de tennis, deux
joueurs de foot, un
petit joueur.
Penny, une fille, Balti,
son copain, Gloria, la
copine de Penny, Ralf,
le mec de Gloria, Le
pote, un copain de
Balti.
Un deuxième singe, un
petit singe, Hippolyte,
un adolescent,
Stéphane, un homme
seul.
Une femme tronc, une
paire de jambes
d'homme.
Un couple, un
reporter.
Jim, un vieux
bluesman.
Éliot, un petit garçon.
La télévision. le
décervelage en règle
que font subir la
plupart des chaînes de
télévision à leurs
téléspectateurs. Et ce,
dans tous les pays et
toutes les cultures.
Philippe Dorin
souhaite dans le jeu
« une grande pauvreté
des mots et des
situations d'une
extrême simplicité
dans chacune des
scènes, afin de rendre
au mieux le discours
creux, la grossièreté du
langage, et le mépris
constant qui
prédomine à l'intérieur
de l'écran ».
Les effets produits par
la télévision :
l'inactivité, la
passivité.
Lumpe marchande de
sons.
Écho une jeune femme.
La solitude, le bruit, le
son, les jeux de mots,
le langage,
L'écoute, l'émotion.
Type d'écriture
« C'est une suite de
scènes qui pourront
être des scènes
destinées aux enfants,
une destinée aux
adultes et une sous la
forme d'un cabaret. »
Le spectateur est tour à
tour spectateur et
acteur.
Le style est simple,
direct, les phrases sont
courtes, les situations
simples.
Peu de mots, la
pauvreté du langage
renvoie à la pauvreté
des propos de la
télévision. Le ton est
cinglant et drôle à la
fois.
Courtes scènes qui se
suivent sans lien
évident, ce sont les
personnages qui sont
les fils conducteurs de
l'histoire.
Une construction
hachée qui renvoie au
rythme rapide de la
télévision et au
« zapping » des
téléspectateurs.
L'écriture est très
répétitive. Écho répète
inlassablement les
mêmes mots que
Lumpe. Il faut trouver
des pistes pour éviter
la lassitude.
Là encore, Philippe
Dorin joue avec les
mots dès le début de la
pièce, les mots qui
évoquent des bruits,
des sons. Des mots
commencés mais pas
terminés, des
inversions de mots
dans les phrases, des
mots manquants…
Des
silences.
Genre
Autre commande
d'écriture de la
compagnie Flash
Marionnettes à
Philippe Dorin.
Texte pour « tout
public à partir de 10
ans », un texte pour
marionnettes, avec la
virulence et la cruauté
d'un théâtre de
Guignol.
Texte « coup de
poing » mais Les
Enchaînés n'est pas un
manifeste contre la
télévision.
La pièce est écrite pour
les enfants tout autant
que pour les parents,
car pour les publicistes
les enfants sont « le
cœur de cible » de la
télévision.
Réflexion poétique sur
le langage, les bruits
qui nous entourent, et
le silence.
Plaisir de jouer avec
les mots, les sons, les
émettre, les prononcer,
les articuler, s'en
mettre plein la bouche.
Pièce qui invite à
regarder les mots et
écouter les images, une
recherche poétique et
musicale.
7
Pièces titres
Personnages
thématiques
La ou les naissances
du monde.
Le monde
point à la
ligne
La Grande qui
deviendra la Petite
Dame et le petit
monsieur.
La Petite qui deviendra
le petit Léo
Les personnages du
conte font naître la
nuit et l'écriture.
Philippe Dorin crée le
monde avec des mots
et rien d'autre.
« Au début le monde
n'était qu'un petit
chien qui montait la
garde. » (p.14)
Type d'écriture
Langues particulières,
sonorités, certains
passages sont chantés,
des onomatopées
simulent les actions, la
petite perd
progressivement le
langage dont il ne reste
que des a-u-oi, oua, et
ne fait plus qu'aboyer.
« Ça commence
comme dans un conte.
Ça continue comme
dans un songe .
Ça finit par un gros
mensonge. »
Dans ma
maison de
papier
j'ai des
poèmes
sur le feu
La vieille dame,
la jeune fille,
le promeneur
La naissance, la mort,
la vie.
La vieille dame ne se
sent pas prête à mourir
et souhaite prolonger
encore un peu la vie en
replongeant dans son
enfance et veut
retrouver la petite fille
qu'elle a été.
On est dans l'intimité
de la pensée de cette
vieille dame au seuil
de la fin de sa vie.
Le titre évoque la
poésie, on est déjà
dans un univers
onirique, mais il dit
aussi la fragilité de la
vie, la futilité des
choses matérielles, et
l'urgence à vivre.
Une histoire, une
narration, des petites
scènes très courtes
sans titre, à deux
personnages,
principalement la
petite fille et la vieille
dame.
Les scènes sont
annoncées par une
phrase : « On entend
fredonner la petite
fille, ou le promeneur,
ou la vieille dame » ou
par le mot « silence »,
sauf les dernières
scènes comme une
accélération du temps
qui passe, une fin à
laquelle la vielle dame
doit se résoudre.
Chaque scène est
ponctuée par «Allume»
et « Éteins » comme
un passage nécessaire
de la lumière à
l'obscurité où la petite
fille accompagne la
vieille dame.
Genre
Poétique, assurément.
Le texte nous annonce
que nous sommes au
théâtre : « Au théâtre
pour que ça
commence, il faut
éteindre toutes les
petites lampes .» Clic.
Comme dans d'autres
pièces, il suffit de
nommer les choses
pour qu'elles existent.
C'est la magie du
théâtre, et personne ne
dira le contraire. Avec
ce procédé, Ph. Dorin
fait apparaître sur
scène, donc au monde,
tout ce dont il a besoin
dans son écriture.
Théâtre d'objets.
Un joli poème qui
parle aux enfants de la
vieillesse, de la mort,
et de cette peur de la
mort chez les vieilles
personnes.
Qui parle aussi du
temps qui passe.
Qui parle de la
vieillesse et de la mort
aux enfants de façon
simple et juste.
Les metteurs en scène
qui se sont frottés à ce
texte, ont créé un
univers onirique,
poétique, loin du
réalisme.
8
Pièces titre
Personnages
Thématiques
Élisabeth, une femme de Les relations familiales,
plus de 70 ans
les secrets de famille et
Catherine, une femme leurs conséquences. Les
entre 35 et 40 ans
mots qu'il ne faut pas
Carole, une femme entre prononcer, personne ne
35 et 40 ans, fusil à
sait pourquoi.
l’épaule
Les hommes ont la clé
Sophie, une jeune fille des secrets, ils sont
d’une vingtaine
évoqués mais ils sont
Sœur,
je ne sais pas d’années, très jolie
absents pour diverses
quoi frère. Lili (la petite), une petite raisons.
fille de 9 ans, une poupée Evocations de contes
dans les bras
Type d'écriture
Genre
Une histoire, ou plusieurs Contrairement à
histoires successives.
presque tous les autres
Des situations très
textes de Ph. Dorin, on
concrètes, et d'autres plus a ici un lieu repéré : la
imaginées.
maison des sœurs. Elle
Des jeux de mots, des
est vide, mais les cinq
jeux d'enfants, des jeux sœurs sont chez elles et
sans arrêt : chaque scène se racontent des
commence par « Comme histoires, des histoires
si elles se tenaient dans de leur vie passée dans
la cuisine, dans le
lesquelles il y a des
bureau, comme si elles secrets.
posaient pour une
Un huis clos, une
photo. » etc. Cette
histoire policière dont
didascalie de début de
les objets sont les clés.
scène donne des
Le texte alterne entre
indications de lieu et
réalité et imaginaire.
d'action, mais commence
toujours par « Comme
si »,
Notes : Le contenu de ces tableaux est largement inspiré des nombreux documents sur les pièces de Philippe
Dorin que l'on peut facilement retrouver.
Il est intéressant de noter que dans les pièces de Philippe Dorin, le cadre spatio-temporal n'est jamais défini,
jamais précisé. Philippe Dorin préfère laisser faire l'imagination des spectateurs.
9
2084
La pièce débute par un présentateur qui nous invite, pour enfin mettre fin à l'ennui, à nous propulser en 2084. Il
compte les années et s'éteint.
Nous voilà dans un monde fait de marionnettes manipulées, parfois sorties de scènes par des robots machinos
quand elles dépassent les bornes.
Monde idéal ? Oui, si on veut, nous vivons dans un monde totalement virtuel. Plus d'émotions, nos relations sont
contrôlées par un certain HP qui commente nos comportements… Quoi qu'il en soit, il est inutile de se révolter.
LE PERSONNAGE VIRTUEL
Dans un cloaque, en dessous du castelet. Deux créatures, Boutchelou et Têtedelard
Boutchelou : Eh, Têtedelard, tu sais la petite différence qu'il y a entre toi et moi ?
Têtedelard : Non.
Boutchelou : C'est que moi je suis un personnage virtuel.
Têtedelard : Ah ouais ?
Boutchelou : Ouais !
Têtedelard : C'est quoi, Boutchelou un personnage virtuel ?
Boutchelou : Ça veut dire que j'existe pas.
Boutchelou : C'est nouveau, ça ?
Boutchelou : Oui, ça vient de sortir.
Têtedelard : Mais alors pourquoi t'es là quand même ?
Boutchelou : Pour t'emmerder !
Têtedelard : Ah ouais !
Boutchelou : Eh ouais !
Têtedelard : Ça veut dire quoi, réellement un personnage virtuel ?
Boutchelou : Ça veut dire que si tu me fous ton poing dans la gueule, là, tout de suite, je vais rien
sentir du tout.
Têtedelard : Ah ouais ?
Boutchelou : Ouais, ouais, ouais !
Têtedelard : Et pourquoi je te foutrais mon poing dans la gueule, Boutchelou ?
Têtedelerd : Parce que t'es un gros con.
Têtedelard : Ah ouais ?
Boutchelou : Ouais !
Têtedelard : C'est virtuellement que tu causes, là ?
Boutchelou : Pas du tout ! Gros con ! Gros con ! Gros con !
Têtedelard met son poing dans la figure de Boutchelou qui s'écroule.
Têtedelard : Personnage virtuel ! Si y a bien une chose qui sera jamais virtuelle, c'est la connerie.
Il sort en traînant le corps de Boutchelou par une jambe.
PHONETIC
Deux robots machinos entrent avec un piano et un tabouret qu'ils installent sur le castelet.
Conversation entre eux sur un ton très quotidien.
RV : O-V-X-T-B, DD ?
DD : B-5-D', RV.
RV : T-HS ?
DD : AX+B, DD ! G-T-P-Q-R-O-DRH.
RV : O ? T-T-P-Q-R-O-DRH ? C-T-X-K-3-V-F-T' ?
DD : C-T-X-K-3-V-O-M-R-TT.
RV : È-C-OK ?
DD : C-O-Q !
RV : S-T-P-H-K-1-CDI ?
DD : C-G-G-K-1-CDI.
RV : X-T-3-Z, C-DRH.
DD : C-D-PD.
RV : S-T-P-M-O-STO. V-D-5-S-T-L-CGT-O-Q.
DD : X-T-Z, RV ! G-P-T-3-BM.
RV : O-B-R-Q ?
DD : C-B-O !
RV : C-T-D-BM-TDI ?
10
DD : VHS !
RV : TF1 ! LVMH ! R2D2 ! T-B-P-O-5-3-P-6-T-Z, DD !
DD : G-T-N, RV
RV : TTC ! BP-GPL ! Q-S-F, M-T, DD ?
DD : J-C-P, RV. VRP !
RV : VRP ! D-T-Q-3-L-M-D-O, VRP !
RV : G-T-K-2-F-ANPE.
RV : X-R-2-K-2-C-P-H-ANPE, DD.
DD : A ? X-R-K-2-C-M ?
RV : X-R-K-2-PÔLE EMPLOI
DD : PÔLE EMPLOI ?
RV : CQFD !
DD : C-QQ-TOUT COURT. PÔLE EMPLOI !
RV : Allez, JV, DD !
DD : OÉ ! J-DVD-O-SI.
RV : POMME Q !
DD : POMME Q !
Ils sortent.
Pistes de lecture :
« Ce texte fait référence bien entendu à 1984 de Georges Orwell écrit en 1948 et mêle ironie, poésie et humour.
Il est une « réactualisation » des préoccupations qui furent celles de l’auteur de 1984. Orwell écrivit 1984 comme
un cri d’alerte contre un régime totalitaire, le stalinisme. Cependant, contrairement à 1984, que l’absolue
noirceur tout autant que le niveau de langue ne destine pas aux enfants ou pré-adolescents, 2084 fait la part belle
au rire et laisse entrevoir un certain espoir… » Le Big Brother de George Orwell, c’est votre voisin.
La pièce est une commande de la compagnie Flash Marionnettes à Philippe Dorin, donc écrite pour des
marionnettes. Peut-on la jouer sans marionnettes ?
La pièce est faite d'une succession de scènes entre RV et DD, les machinos, les Numéros 3, 5, 11 et, pour une
scène, les numéros 25, 26, 31, 43, dont on ne perçoit pas la suite à la première lecture. Et pourtant…
Les titres de chaque scène sont très énigmatiques : Le présentateur, Générique génétique, Pour copie conforme,
Phonétic, Mozart cloné, le personnage virtuel, Des fois ça tient à un cheveu, Mozart dépouillé, Equation,
manipulation…
Au final, le monde est dirigé par les puces électroniques. Même les marionnettistes finissent par être dépassés.
Il faut impérativement lire cette pièce à voix haute pour goûter la saveur des mots.
« Ce qui m’intéresse dans l’écriture de 2084, ce n’est pas tant de développer une représentation du monde
purement fantaisiste et imaginaire, mais de mettre l’accent sur certaines dérives de notre époque pour les
pousser vers la construction d’une société de l’absurde. (...) Les marionnettes feront le reste. Leur capacité
d’invention, d’identification et de métamorphose fera la part belle aux modestes propositions que je pourrai leur
faire. Elles portent en elles-mêmes la métaphore de la société de manipulation que nous construisons pour le
futur. Elles, comme nous, ne pourront pas y échapper... » Ph. Dorin
11
Bouge plus !
« Trois personnages : le père, la mère, l'enfant. Trois objets : les fleurs, la chaise, la table. Bouge plus!, c'est une
suite de tentatives pour essayer de faire tenir tout cela debout. C'est un peu comme une photo de famille,
quelqu'un dit : « On bouge plus ! » mais, au final, y en a toujours un qui est flou, ou qu'on voit pas, ou qui fait la
grimace.
Les personnages, ça doit être comme les enfants qui disent toujours tout haut et trop fort les choses qu'on ne doit
pas dire, en tout cas pas comme ça, ou pas à ce moment-là, et qui mettent tout le monde dans l'embarras, qui
laissent sans voix.
Bouge plus ! doit toujours montrer que c'est quelque chose qui s'essaie ». Philippe Dorin.
Les fleurs
Lumière. L'enfant, seul
L'enfant : Je sera un pot. J'aura des fleurs dedans. Je sera posé sur une petite étagère, juste au-dessus
d'eux. Je sera beau ? I pourront toujours bien me sentir. Un coup, je tombera. J'aura juste un petit bout
de cassé. I le recolleront. I me reposeront sur la petite étagère, juste au-dessus d'eux. Mais surtout pas
du côté où c'est recollé, ça ferait moche ! Un autre coup, je retombera. Je sera en mille morceaux, ce
coup-là. Heureusement, j'aura juste le temps de rattraper les fleurs d'une main. Sinon, i balanceraient
tout à la poubelle et j'aura été foutu.
Noir
✵
Le père : Allume !
Lumière, le père, la mère.
Le père : C'est qui qui… ?
La mère : Qui quoi ?
Le père : Qui qui ?
La mère : éteins !
Noir
✵
Le père : Allume !
Lumière, le père, la mère, l'enfant.
Le père : Le père !
Le mère : La mère !
L'enfant : Le père !
Le père : C'est pris !
L'enfant : Déjà ?
Le père : Fallait venir avant !
La mère : Pas de pot !
L'enfant : Alors, la mère !
La mère : C'est pris aussi.
L'enfant : Qu'est-ce qui reste ?
Le père : La table, la chaise, les fleurs, l'enfant.
L'enfant : C'est tout ?
Le père : Oui !
L'enfant : Alors, l'enfant !
La mère : Ouf !
L'enfant : Est-ce que je pourra avoir les fleurs quand même ?
Le père : Si tu veux !
L'enfant : Chouette !
Le père : Eteins !
Noir
Pistes de lecture :
« Cette pièce a été conçue comme une suite de scènes pouvant servir de matériel à la construction d'un
spectacle. L'ordre peut en être changé. Certaines scènes peuvent être répétées plusieurs fois, sur des modes
différents ou en interchangeant les rôles. Des scènes muettes peuvent être ajoutées. Les temps de silence doivent
être extrêmement dilatés. Au contraire, ne pas s'appesantir sur les temps de dialogue. Il faut toujours qu'on
garde l'impression de quelque chose qui s'essaie. Merci. » Ph. Dorin
12
Contrairement à beaucoup d'autres pièces de Philippe Dorin, ce n'est pas une pièce pour jeune public.
On voit dans cette scène que le rôle doit être distribué pour chacun. Le personnage, pour exister, doit être nommé
par un autre personnage.
Les objets et les personnages sont mis sur le même plan : l’enfant est un enfant mais aurait pu être le père, la
mère, voire les fleurs. La famille est bien ancrée dans le quotidien.
Polysémie, homophonie des mots, silences. Il y a peu de mots différents. Des « Allume » et des « Eteins »
ponctuent les scènes.
C'est un texte fait de répétitions, d'énumérations, comme plusieurs textes de Philippe Dorin.
13
Les Enchaînés
Chansons, tennis, guerres, famille, football, repas, jeux, achats, copains, histoires… c’est la vie, c’est le
monde, notre jolie terre toute ronde. Erreur ! Le monde est devenu plat et rectangulaire, c’est une
télécommande pour voir le monde dans la télévision. Et là, pas le choix : soit vous êtes dans la télévision,
soit vous êtes dehors. Si vous êtes dedans, attention à la concurrence, si vous êtes dehors pas de problème :
vous serez toujours assis, vous ne direz plus rien, vous regarderez, c’est tout.
BRAVE TYPE
André et Sabrina, assis dans le canapé,
face au public.
Le chien, couché à leurs pieds.
André mange des Curly.
Un temps.
SABRINA : Chéri ?
ANDRÉ : Oui !
SABRINA : Entre Brad Pitt et toi ?
ANDRÉ : Eh bien ?
SABRINA : Y a pas tant de différence.
ANDRÉ : Tu crois ?
SABRINA : Non ! si c'était Brad Pitt qui était assis à ta place, dans le canapé, moi ça me dérangerait pas du tout.
Silence.
REPUB
Séverine surgit avec Jipé face au public.
SÉVERINE : Repub !
Une grenouille passe.
LA GRENOUILLE : Coa ! Coa ! Coa ! Coa !
SÉVERINE, à Jipé: Vas-y !
Jipé donne un grand coup de poing sur la grenouille.
LA GRENOUILLE : Coca ! Coca ! Coca ! Coca !
Elle sort en claudiquant.
SÉVERINE : Y a un net progrès, là !
Ils disparaissent.
Pistes de lecture :
- Les scènes avec André et Sabrina reviennent régulièrement dans la pièce, et les didascalies initiales sont
toujours les mêmes (« André et Sabrina, assis dans le canapé, face au public. Le chien, couché à leurs pieds.
André mange des Curly. Un temps. »), ce qui souligne la consommation de télévision quotidienne. Le canapé et
les curly complètent la satire des coach potatoes. A la fin de la pièce, André a pris la place du chien...
- Le titre de la scène (« Brave type ») est un jeu sur le nom de Brad Pitt. De manière satirique, l’auteur dénonce
la confusion entre vraie vie (André sur le canapé) et fantasme alimenté par la télévision (Brad Pitt sur le canapé).
- La fin de la scène fonctionne comme une chute d’histoire drôle ou de devinette : Quelle est la différence entre
André et Brad Pitt ? Il n’y en a pas !
- La pièce est faite d’une succession de scènes parfois très courtes, comme les scènes de pub Coca Cola.
« Repub » est la reprise d’une scène de pub précédente où Séverine et Jipé donnaient le choix entre un coca et un
cocard : la grenouille qui fait « Coa ! » a droit au cocard et, désormais, fait « Coca ! Coca ! », ce qui est un « net
progrès » ! Le jeu de mots simpliste évoque la télévision abêtissante et son matraquage publicitaire infantilisant.
- Les Enchaînés est accompagné de la mention « Scènes de marionnettes » et a été créé par la compagnie Flash
Marionnettes : peut-on envisager de le jouer sans marionnettes ?
Quelques repères pour lire la pièce :
www.lacoupole.fr/medias/article/109/pdf/dossier_pedagogique_les_enchaines.pdf
14
Sacré silence
Une route dans un désert de silence. Lumpe, marchande de sons, roule devant elle son bidon plein de
bruits, à la recherche de clients. Une jeune femme apparaît, une petite boîte de Coca vide à la main. Ce
n'est pas vraiment la rencontre que Lumpe espérait faire car cette jeune femme s’appelle Echo...
1
Une route abandonnée dans un désert. Un carrefour, signalé par trois ou quatre réverbères.
Lumpe, marchande de sons, apparaît, en roulant son bidon plein de bruits devant elle.
LUMPE
Soupirs, murmures, frôlements, rumeurs !
Bruissements, froissements, crissements !
Sacré silence !
Clapotis, cliquetis, gargouillis, gazouillis !
Un petit bruit qui court, madame ? Ragots, potins, cancans, ronrons, tous les sons sont dans mon bidon
Grognements, borborygmes, onomatopées !
Vlan, brrr, couic, splash, pan pan, y a qu'à demander !
Crac en vrac, toc toc en stock, cui cui gratuits !
Maudit silence !
Un son de cloche pour le monsieur ? Allez, non ? Alors un bruit de couloir, un seul, discret, ni vu ni connu ! une
bonne petite langue de vipère, psss psss psss psss, chut ! S'agit pas que ça s'entende, compris ? Motus !
Au diable la loi du silence ! Ouvrez grand vos oreilles ! Faut qu'y ait du grabuge, bande de carpes ! Des
craquements, des grondements, du fracas, de la pétarade ! N'ayons pas peur des mots, tonnerre de tonnerre !
Barouf, bazar, boucan, le tout pour... tant ! Chahut, ramdam, tintouin, y en a besoin tsoin tsoin ! Meuh, bêêê,
coucou, drelin drelin, hi han, dzim boum, pouf, patapouf, et PATATRAS !
Lumpe tombe. Le bidon se renverse.
Sacré silence !
Lumpe se relève.
Maudit désert ! Un petit client, un seul, c'est pas trop demander ! Chat sans miaou, clé sans cric crac, fusil qui
cherche pan ! Quelqu'un à qui causer, quoi !
— Bonjour !
— Bonjour !
— Ça va ?
— Ça va !
— Un brin de causette ?
— Un brin de causette !
— Taratata Taratata...
— Taratata Taratata...
Y en a des choses à dire, dans mon bidon. La bonne bavette, moi j'aime ça ! Sacrée pipelette, même !
Sacré silence !
Pistes de lecture :
- La situation de départ – Lumpe est marchande de sons – permet une adresse directe aux spectateurs, à qui
Lumpe propose ses sons (« Un petit bruit qui court, madame ? », « Un son de cloche pour le monsieur ? »).
- Le personnage de Lumpe, marchande de sons, ouvre aussi de nombreuses possibilités verbales pour l'auteur,
qui déploie toutes les nuances de sons - du moins fort (« Soupirs, murmures, frôlements, rumeurs ! ») au plus
tonitruant (« Chahut, ramdam, tintouin »), jusqu’au PATATRAS en majuscules, qui coïncide avec la chute de
Lumpe.
- Les onomatopées sont aussi nombreuses (« Vlan, brrr, couic, splash, pan pan »), et permettent toutes sortes de
jeux sonores sur scène. Philippe Dorin joue aussi avec les expressions populaires liées au bruit : « Alors un bruit
de couloir, un seul, discret, ni vu ni connu ! une bonne petite langue de vipère... ». L’écriture recourt aussi aux
jeux de mots autour du bruit (« toc toc en stock »).
- Mais tous ces bruits sont ponctués des imprécations de Lumpe contre le silence (« Sacré silence », qui est
aussi le titre de la pièce). Marchande de sons, elle ne semble pas supporter le silence et rêve d’« une bonne
15
bavette » qu’elle imagine déjà (« - Bonjour ! - Bonjour ! - Ça va ? - Ça va ! - Un brin de causette ? - Un brin
de causette ! »), sans se douter qu’elle va précisément se heurter à ce même jeu d’échos dès sa rencontre de la
scène suivante avec Echo.
- Le décor est celui d’un désert peuplé de silence. Lumpe est arrivée à un carrefour : la rencontre peut se
produire...
Quelques repères pour lire la pièce :
www.cndp.fr/crdp-reims/cddp08/espacejeunesse/sacre_silence/sacre_silence.htm
16
Le Monde, point à la ligne :
La Petite ne peut plus parler en langage humain, mais la Grande se fait son traducteur pour nous raconter
une histoire. Ca débute comme un conte : Autrefois, le monde était bien rangé au fond d'une armoire. Un
jour, un petit garçon est entré, en pleurant. Il s'est précipité vers l'armoire pour y prendre un mouchoir et
il a mis un tel désordre que le monde s'est renversé. Du monde d'avant, il n’est resté que ce petit mouchoir.
Commence alors un voyage initiatique où le petit Léo va découvrir le temps qui se met en marche, le
premier sourire, les premiers mots de l’écriture et tous les secrets que pouvait renfermer ce petit
mouchoir...
3
La Grande reprend la chanson, tout en enfilant un tablier.
LA GRANDE
De l'autre côté de la route
Qu'est-ce qu'il y a, qu'est-ce qu'il y a ?
De l'autre côté de la route
Qu'est-ce qu'il y a, un p'tit pois.
De l'autre côté de la route
Qu'est-ce qu'il voit, qu'est-ce qu'il voit ?
De l'autre côté de la route
Qu'est-ce qu'il voit, ce p'tit pois ?
Il voit un grand pommier
Qu'a toujours froid au pied
(bis)
au refrain
II voit un gros marron
Qu'a une bosse sur le front
(bis)
au refrain
II voit une p'tite fontaine
Qui pleure comme une madeleine
(bis)
au refrain
Elle reprend le récit.
Et puis un jour, pendant que le petit chien dormait, un petit garçon est entré brusquement dans la maison de la
petite dame. Il pleurait toutes les larmes de son corps. Il s'est précipité vers l'armoire où le monde était bien rangé
pour prendre un mouchoir, et toutes les piles de mers, de rivières, de montagnes et de ciel se sont renversées. Et
le monde s'est répandu partout. Jusqu'en Chine ! Il y avait même de la terre jusque sous les semelles des
chaussures, jusque sous les ongles.
Elle ramasse précautionneusement la dernière feuille de papier blanc.
Il n'y avait que le petit mouchoir qui était resté tout blanc et qui n'était pas froissé. Le petit garçon le tenait dans
sa main, et il n'osait plus bouger.
Elle sort une casquette de la poche de son tablier. Elle la pose sur la tête de la Petite. Elle lui glisse la
dernière feuille de papier blanc dans la main.
Pistes de lecture :
- L’écoute du conte est préparée par la comptine, qui rappelle la chanson « Derrière chez moi, savez-vous ce
qu’il y a ? » ; les questions éveillent l’attention du public et le décor se plante peu à peu.
17
- La fin de la chanson amène le thème du gros chagrin du petit garçon (comme la fontaine, il « pleure comme
une madeleine »), ce qui entraîne la nécessité du mouchoir, ce qui provoque la catastrophe du monde renversé selon une chaîne logique qui rappelle encore les chansons d’enfants.
- Au début, la Grande enfile un tablier qui va lui permettre d’endosser le rôle de la petite Dame dans la scène
suivante, de même qu’elle pose sur la tête de la Petite la casquette qui la transforme en petit Léo de la scène 4 : le
changement de personnage s’opère par des moyens très simples
- La ramette de papier de la première scène a été entièrement froissée, mais il reste une feuille qui devient « le
petit mouchoir qui était resté tout blanc et qui n'était pas froissé ». Et c’est de ce petit mouchoir, de cette feuille
blanche de l’écrivain, que va renaître le monde...
Page de la compagnie « Pour ainsi dire » (Sylviane Fortuny et Philippe Dorin) sur la pièce :
compagniepourainsidire.org/spectacle/le-monde-point-la-ligne/#prehistoire
18
Dans ma maison de papier, j'ai des poèmes
sur le feu.
Une petite fille arrive et construit sa maison imaginaire. Elle s’installe et attend.
Deux minutes plus tard, quand la lumière s'éteint et se rallume, elle est devenue une vieille dame dans une
maison qui lui semble soudainement bien petite et c’est déjà le soir.
Un mystérieux promeneur passe et lui annonce qu’elle va bientôt mourir. Comment est-ce possible ? Hier encore
elle était une enfant. La preuve, les chaussures qu'elle a toujours aux pieds.
Mourir d'accord, mais pas avant d'avoir retrouvé, le temps d’une pensée, la petite fille qu’elle a été, pour lui
rapporter ses chaussures d’enfant.
Mais la petite fille lui demande de rester plus longtemps et de veiller sur elle pendant la nuit...
On entend fredonner le promeneur.
La vieille dame : Allume !
La vieille dame et le promeneur face à face.
Le promeneur : J'ai vu de la lumière, alors je suis venu.
La vieille dame : Qu'est-ce que tu veux ?
Le promeneur : Toi, tu vas mourir !
La vieille dame : Quand ?
Le promeneur : Quand je le dirai !
La vieille dame : Tu vas le dire quand ?
Le promeneur : Maintenant !
La vieille dame : Tu veux pas attendre un petit peu ?
Le promeneur : L'heure, c'est l'heure !
La vieille dame : Il y a deux minutes, je n'étais encore qu'une petite fille.
Le promeneur : C'est comme ça !
La vieille dame : Regarde, j'ai toujours ses chaussures aux pieds.
Le promeneur : Et alors ?
La vieille dame : Et alors, tu ne vas quand même pas m'emporter avec les chaussures d'une petite fille aux pieds
?
Le promeneur : Qu'est-ce que ça peut faire ?
La vieille dame : Tu n'as pas honte ? Laisse-moi au moins les lui rendre !
Le promeneur : Ce sera long ?
La vieille dame : Le temps d'une pensée !
Le promeneur : Ce sera loin ?
La vieille dame : Juste derrière la porte !
Le promeneur : Alors, dépêche-toi !
La vieille dame : Éteins !
Noir
Pistes de lecture :
Ce texte est presque une histoire, les scènes se suivent, la lecture est aisée. Le déroulement des scènes, ponctué
par « Allume ! », « Éteins ! » au début et à la fin de chaque courte scène, rend compte de l'urgence dans laquelle
se retrouve la vieille dame et de la vitalité de la jeune fille. Cela donne aussi du rythme à la pièce.
« Tous les enfants sont à l’intérieur d’une vieille personne, mais ils ne le savent pas encore. » Ph. Dorin
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Sœur, je ne sais pas quoi frère
Cinq soeurs de dix à soixante-quinze ans, unies comme les cinq doigts de la mains, sont recluses dans une
maison vide, quelque part en Russie. Elles se racontent des histoires.
Leur père a déserté la maison. Entre elles, il existe des secrets. Des secrets liés aux hommes dont elles
rêvent.
Un secret lié à un meurtre qu’elles auraient commis un soir pour se venger d’un mariage non souhaité et
qui expliquerait la présence du fusil de Carole.
Un secret lié à leur naissance et qui expliquerait la présence de la poupée que la plus jeune porte dans ses
bras.
1ERE PARTIE. LA RECONSTITUTION
Comme si elles se tenaient debout dans la cuisine, groupées autour d'Elisabeth.
CATHERINE : Vas-y !
ELISABETH : D'abord, les hommes étaient tous assis autour de la table.
CATHERINE : Et nous ?
ELISABETH : Et nous, on les entendait dans la pièce à côté.
CATHERINE : Qu'est-ce qu'ils disaient ?
ELISABETH: Ils parlaient surtout de Carole.
SOPHIE : Et le père ?
CAROLE : Et dans les plats, la viande n'y était plus.
Un temps.
CATHERINE : Et après ?
ELISABETH : Après, ils étaient tous debout sur la table.
CATHERINE : Et nous ?
ELISABETH : Et nous, on avait prudemment fermé la porte à clé.
CATHERINE : Qu'est-ce qu'ils faisaient ?
ELISABETH : Ils chantaient tous des chansons pour Carole.
SOPHIE : Et le père ?
CAROLE: Et dans les bouteilles, la vodka n'y était plus.
Un temps.
CATHERINE : Et enfin ?
ELISABETH : Enfin, ils étaient tous couchés sous la table.
CATHERINE : Et nous ?
ELISABETH : Et nous, la vaisselle !
CATHERINE : Pourquoi ils pouvaient dormir tranquille ?
ELISABETH : Le père leur avait donné la main de Carole.
SOPHIE : Et Carole ?
CAROLE : Et dans le coin, le fusil n'y était plus.
Un temps.
CATHERINE : Passons dans le bureau !
Elles changent toutes de place.
Pistes de lecture :
- Le titre de la scène - « reconstitution » - est une clef de lecture : d’une réplique à l’autre se reconstitue une
scène du passé des cinq soeurs, celle de la demande en mariage de Carole. Si l’on observe le type de phrases, on
constate que seules Elisabeth (la plus âgée) et Carole (concernée par la demande) racontent, alors que les autres
(Catherine et Sophie) posent des questions qui font avancer le récit. La Petite, elle, comme dans les autres scènes
du début de la pièce, ne participe pas au dialogue.
- On procède aussi à une « reconstitution » après un meurtre. Le mystère est lancé : qui est mort ? qui a tué ? La
présence du fusil est un indice inquiétant...
20
- Les sœurs, « groupées autour d'Elisabeth », semblent former un groupe soudé représenté par le « nous »
collectif.
- L’atmosphère russe, signalée par la vodka, et l’évocation des sœurs peuvent faire penser au théâtre de
Tchékhov (Les trois Sœurs...).
- L’expression du jeu, du faire-semblant (« comme si elles se tenaient debout dans la cuisine ») est intéressante :
comment imaginer ces lieux et comment faire « passer dans le bureau » ? Chaque changement de scène est aussi
un changement de lieu, ce qui suppose des choix de scénographie.
Dossier pédagogique du Théâtre des Bergeries de Noisy-le-sec sur la pièce :
www.theatremassalia.com/soeur-je-ne-sais-pas-quoi-frere-dossier-pedagogique-theatre-des-bergeries-noisy-lesec/
Page de la compagnie « Pour ainsi dire » (Sylviane Fortuny et Philippe Dorin) sur la pièce :
compagniepourainsidire.org/spectacle/soeur-je-ne-sais-pas-quoi-frere/
21
Le costume, métamorphose du corps
Costume trop petit, étriqué, pantalon trop court...
Corps coincé dans la gêne, la pauvreté ou le ridicule...
Armand Dranem, « Le vrai Jiu Jitsu » (1905)
https://i.ytimg.com/vi/yms4h_Lo4nk/hqdefault.jpg
Charlie Chaplin en Charlot
http://static.ladepeche.fr/content/media/image/zoom/20
14/12/28/201412280579-full.jpg
Ivan Chary, Compagnie du petit Monsieur, 2016
http://www.petitmonsieur.com/images/stories/cliquez.jpg
22
Costume trop grand, pantalon trop vaste, trop long...
Corps qui s’épanouit ou qui flotte dans un rêve...
Le clown Grock
https://s3.amazonaws.com/gs-geo-images/e4362ddf-c07b-4a1a-bbee-428583a336b3.jpg
« Pierrot riant », Nadar, 1855 http://www.metmuseum.org/toah/works-of-art/1998.57/
23
Costume de gros...
Corps de caricature...
Le Docteur de la Commedia dell’arte
https://www.flickr.com/photos/valeriebart/sets/72157622779402551/show/
Edwige Pelissier dans Mademoiselle Espérance, de Gilles
Asacaride
Costume de Virginie Breger
sabinearman.files.wordpress.com/2015/06/dsc_0476.jpg
Daumier, « Baissez le rideau, la farce est jouée. »
24
Le Roi se meurt, de Ionesco
Théâtre de la Carambole, 2008 – Costumes de Catherine Bihl
http://www.catherine-bihl.com/images/realisations/roi%20se%20meurt%207.jpg
Costumes à échasses...
25
Corps de géants...
Volver, un regard en arrière, de la compagnie Triade nomade – théâtre perché, 2006-2013
http://www.assahira.com/#!Tride%20Nomade%20:%20Volver_Assahira_1/zoom/c1msm/cfg7
http://images.lindependant.fr/images/2011/05/12/les-rythmes-musicaux-et-la-grace-des-acteurs-n-ont-pas_238439_516x343.jpg
Costumes à l’envers...
26
Corps surréalistes...
We are the Monsters, de Colette Sadler, 2016
http://www.southbankcentre.co.uk/sites/default/files/imagecache/production_main_image/images/15121223_we_are_the_monsters_secindary_web.jpg
We are the Monsters
Quatre danseurs incarnent un groupe de monstres qui
évoluent dans un espace commun constitué de
dizaines de cartons.
Ces figures monstrueuses prennent forme à partir d’un
corps renversé, tordu, déformé et sont habillées avec
nos pantalons, nos vestes, nos pulls, nos chaussures.
http://www.madeinscotlandshowcase.com/sites/www.madeinscotlandshowcase.com/files/imagecache/show-slide/MiS_Brochure_Gold_Bug_Final_web1.jpg
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http://www.southbankcentre.co.uk/sites/default/files/imagecache/production_main_image/images/15121223_we_are_the_monsters_web.jpg
http://i.embed.ly/1/display/resize?key=1e6a1a1efdb011df84894040444cdc60&url=http%3A%2F%2Fwww.edinburghg
uide.com%2Ffiles%2Fimages%2FWe%2520are%2520the%2520Monsters%2520Sadler%2520Stammer%2520Prod.preview.jpg
28
Des costumes faits de sacs plastiques...
More more more future, de Faustine Linyekula, Studios Kabako Cie, 2009 - Costumes, Xuly Bët
http://azenda.cdn.cahri.net/IMG/jpg/mmmf_c_Agathe-Poupeney-1.jpg
... ou de papier...
Übü Király d’Alfred Jarry, mise en scène Alain Timar, 2012
http://mardishongrois.blogspot.fr/2012/09/ubu-kiraly-texte-alfred-jarry-mise-en.html
29
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