ETAT DES LIEUX Etat de la gouvernance environnementale et de l’éco-citoyenneté en Méditerranée Contexte international et spécificités nationales au sein des pays partenaires Projet ILE – GT4 Janvier 2015 1 SOMMAIRE Première partie : Citoyenneté et éco-citoyenneté : acteur, enjeux et gouvernance euroméditerranéenne 1. La Convention d’Aarhus 2. Le Programme d’Action pour la Méditerranée 3. La Politique Européenne de Voisinage Deuxième partie : La diversité des contextes nationaux dans l’espace euro-méditerranéen 1. Tunisie : des institutions et une société civile en recomposition 2. Liban : les politiques de l’environnement diluées dans le développement économique 3. Italie : une tradition de l’engagement associatif 4. France : des ONG environnementales spécialisées et s’appuyant sur le travail salarié 5. Grèce p. 3 p. 3 p. 6 p. 8 p.10 p. 10 p. 13 p. 15 p. 17 p. 19 2 Première partie : CITOYENNETE ET ECO-CITOYENNETE : ACTEUR, ENJEUX ET GOUVERNANCE EURO-MEDITERRANEENNE 1. La Convention d’Aarhus : de l’importance d’une définition commune des concepts La convention d’Aarhus est issue d’un besoin des Etats de clarifier les contours d’un droit issu à l’origine d’une demande sociale. Elle répond en effet à contexte de mobilisation et de sensibilisation croissante aux problématiques environnementales à échelle globale dans le courant des années 1990. C’est ainsi dans le cadre des négociations menées pour l’élaboration de la convention que les Etats ont pu être amenés à réfléchir aux liens entre droit de l’homme et droit à maîtriser son environnement. La convention, au-delà donc de ses impacts effectifs, a permis d’appréhender le caractère fondamental de la protection de l’environnement pour garantir le droit à la santé et la stabilité des sociétés sur les plans sociaux et économiques. L’assimilation du droit à l’environnement à un droit fondamental n’a néanmoins pu faire consensus au niveau global. A ce titre, le droit de l’environnement ne peut pas être actuellement considéré comme un droit standard, internationalisé et uniformisé. Le principal intérêt de la convention d’Aarhus est donc de définir les applications pratiques du droit à l’environnement. Plus simplement donc, comment permettre et garantir à des citoyens de pouvoir s’investir et peser sur des politique qui ont un impact sur l’environnement ? Comment faire de l’environnement un point d’entrée pour la participation et la concertation entre pouvoirs publics et société civile ? L’importance à définir des applications concrètes du droit de l’environnement tient dans le fait que ses applications donnent une véritable feuille de route aux Etats signataires 3 pour appréhender la notion de gouvernance des politiques liées à l’environnement. En effet, assurer une élaboration et une mise en œuvre de politiques publiques qui soient transparentes et inclusives sur le plan social implique pour de nombreux Etats la nécessité de répondre à des questions fondamentales : à quels niveaux doit se faire la participation ? A quelles informations le citoyen peut-il accéder ? Quel niveau minimal de prise en compte des avis et revendications de la société civile doit être garantit par les Etats ? Ce sont donc ces questions, essentielles dans le contexte des pays du bassin méditerranéen, auxquelles la convention peut apporter des éléments de réponse. Dans cette perspective, la convention structure le droit à l’environnement, et donc la pratique de l’écocitoyenneté en trois parties : le droit à l’information, le droit à la participation du public et le droit d’accès à la justice. Le droit à l’information A. la convention précise les catégories d'information devant être rendues accessibles pour le public - à l'état d'éléments de l'environnement (air, eau, sols,...) - en rapport avec des secteurs d'activités: tourisme, agriculture, énergies, transports,... - à l'état de données relatives à l'humain: indicateurs en rapport avec la santé, la sécurité (sanitaire, alimentaire, etc,...), les conditions de vie (logements, etc,...) B. La convention s'adresse ensuite aux moyens d'accéder à cette information: deux voies d'accès sont ainsi définies: - Le droit donné au public de demander des informations relatives à l'environnement aux autorités. A quelque niveau que ce soit (local, régional, national, international). Ce droit d'accès à l'information s'exerce également au niveau des opérateurs privés exerçant pour le compte des autorités publiques. - La deuxième voie d'accès à l'information est plus intéressante. Elle consiste en fait dans le droit du public à exiger des autorités ou de toute instance publique compétente qu'elle collecte et tienne à jour des informations relatives à l'environnement. L'obligation d'information s'étend de cette manière également au 4 secteur privé dans la mesure ou elle implique que les autorités soient informées de tout projet ayant une incidence significative sur l'environnement. Droit à la participation du public A. La convention précise les catégories de décision qui doivent être ouverte à la participation du public - Décision relative à une activité particulière (industrielle, agricole, etc) - Elaboration de stratégies ou de cadre d'action publique relatifs à l'environnement - Elaboration des dispositifs réglementaires en lien avec l'environnement B. La participation se réalise le plus en amont possible du projet, lorsque toutes les options sont encore possibles et que le projet est donc encore réversible Droit à l’accès à la justice Tous les types d’informations énoncées dans la catégorie du droit à l’information sont mobilisables et opposables dans le cadre de procédures juridiques. Il convient de souligner que les principes exprimés dans la convention d’Aarhus ne doivent pas être considérés comme un idéal, un stade définitif pour les interactions entre société civile et pouvoir public. La convention consiste bien en un ensemble de droits et principes essentiels, voir incontournables. Les limites nécessaires à la participation pour garantir l’efficience de celle-ci se situent au-delà des principes énoncés dans la convention. C’est-à-dire qu’il revient aux Etats pris individuellement de définir les limites des trois grands droits fondamentaux exprimés dans la convention. On gardera à l’esprit ici que ce document est issu d’un compromis entre Etats ayant des constitutions et des traditions politico-sociales radicalement différentes, ce qui implique que la convention est obligatoirement un consensus à minima. 5 2. Le Programme d’Action pour la Méditerranée : choisir et identifier les grands enjeux La mer Méditerranée doit être considérée comme un territoire cohérent en termes d’enjeux d’environnement de développement durable. Elle dispose à ce titre de mécanismes et d’institutions supranationales spécialisées dans la préservation du patrimoine naturel et dans le développement durable dont la mise en place remonte à plusieurs décennies. Les facteurs d’unité de la mer méditerranée se situent sur les plans économiques, géographiques, historiques et aujourd’hui sociaux par l’existence de l’une des deux principales interfaces migratoires, avec la frontière américano-mexicaine. Dans le cadre du Programme des Nations Unies pour l’Environnement est ainsi mis en place dès 1975 le Plan d’Action Méditerranée. Le PAM s’est d’abord premièrement intéressé aux Etats, et ce jusqu’au milieu des années 1990. Ce dispositif a pu en fait constituer un cadre d’échanges et de coopération entre Etats méditerranéens sur l’ensemble des thématiques liées à l’environnement. Au-delà d’une structuration des coopérations, l’intérêt du PAM a notamment été d’appuyer ces échanges sur des valeurs et des principes communs. L’animation du PAM a permis, notamment par l’association croissante de personnes ou structures issues de la société civile, d’impulser une réelle volonté de maîtrise du développement des territoires méditerranéens par leurs acteurs. Ce mouvement débouche en 1996 sur la création d’une Commission Méditerranéenne du Développement Durable qui assure en premier lieu la réalisation d’un document cadre : la Stratégie Méditerranéenne de Développement Durable (SMDD). La SMDD constitue un cadre d’action en constant renouvellement et je soulignerais que cette rotation perpétuelle des concepts, connaissances, priorités, impératifs au sein de ce document met en perspective l’enjeu fondamental résidant dans le fait de pouvoir définir aujourd’hui quelles sont les urgences à affronter dans l’espace méditerranéen. Définir et hiérarchiser les enjeux est en effet une étape incontournable pour permettre une réelle mobilisation des acteurs de la société civile. Il est nécessaire de 6 construire au préalable un consensus dans un territoire extrêmement fragmenté sur les plans politiques, sociaux et économiques. Quels enjeux font consensus aujourd’hui ? L’intervention de Lucien Chabasson, président du Plan Bleu pour la Méditerranée au cours de l’université de l’éco-citoyenneté a permis de cerner quels sont les grandes problématiques contemporaines : - L’explosion de la démographie et notamment dans les grandes métropoles, - Le sous-emploi des jeunes, - La diminution des ressources naturelles et notamment celle de l’eau, - Les changements climatiques avec l’élévation du niveau de la mer d’environ 1 cm tous les 3 ans, - Les problèmes de coopération internationale en Med (Turquie/Grèce pour la mer Egée) en ce qui concerne la délimitation des zones de pêche par exemple Pression démographique et exode rural, artificialisation des littoraux et développement urbain non maîtrisé, stress hydrique, dégradation des sols, chômage, pauvreté et flux de population qui en découlent sont les défis transversaux qui se retrouvent dans toutes les analyses de la situation environnementale de la région méditerranéenne. La nature et l’ampleur des enjeux identifiés ont des implications absolument déterminantes sur les modes de gestion de ces problématiques. Autrement dit, les modalités de gouvernance des problématiques environnementales sont inséparables de la nature des enjeux : - L’imbrication des problématiques (poussée démographique et disponibilité des ressources en eau ; urbanisation et pollution des sols ; etc…) fait qu’il est très difficile pour les acteurs publics d’anticiper et d’évaluer les effets des politiques d’aménagement et de développement. Ce particulièrement à mesure que l’on se dirige vers le local ou le très local. - L’échelle d’action des ONG est souvent largement inadaptée à l’ampleur (territoriale, en termes de ressources, de populations, d’infrastructures) des problématiques. 7 3. La Politique Européenne de Voisinage : l’implication de la société civile comme dimension clé de la coopération internationale de l’UE Les méthodes et les principes directeurs actuels de la PEV répondent aujourd’hui à un objectif de promotion des valeurs de l’UE sans l’existence d’une perspective d’adhésion pour les pays partenaires. L’absence de perspective d’adhésion a en effet démontré les limites d’une influence sur les Etats et les sociétés des pays du voisinage qui ne passerait exclusivement que par des voies institutionnelles. Dans cette perspective, la PEV du cycle financier européen 2014-2020 combine une nouvelle logique pour la coopération institutionnelle (basée désormais sur un principe d’incitation et le décloisonnement des fonds) avec un renforcement de « l’approche par la base ». C’est-à-dire ici développer la capacité à mobiliser, impliquer et renforcer les capacités de la société civile et de ses représentants. L’idée directrice de cette approche est en premier lieu de pouvoir inciter les pouvoirs publics à mener des réformes allant dans le sens des objectifs de la PEV en mettant ces institutions face une demande sociale effective de changements. Le constat est qu’il est nécessaire au préalable de faire prendre corps au concept de gouvernance, de faire prendre conscience à la société civile de la possibilité et de la capacité à s’investir dans tout un éventail de processus décisionnels publics. Le principe d’accountability (responsabilité, au sens d’obligation de rendre compte) est pour le cycle 2014-2020 le principe structurant de l’ensemble des fonds européens : C’est dans cette perspective que la nouvelle mouture de l’IEVP permet aux projets et programmes d’aide à la société civile de ne pas être soumis à l’approche incitative. Les financements qui rentrent ainsi dans cette catégorie devront être fixes et non discriminants. La particularité de l’IEVP, et son principal intérêt, est de proposer des cadres d’action permettant de matérialiser l’idée de participation de la société civile au sein de contextes socio-économiques, voir philosophiques, ou il serait peu pertinent de calquer un modèle sociétal européen/occidental. L’originalité est de pouvoir sortir d’une logique simple de mise en application de textes, en référence par exemple à la convention d’Aarhus (sur le thème 8 de l’environnement), au profit d’une logique de sélection et de capitalisation d’expériences concrètes de coopérations entre ONG et pouvoirs publics. L’autre intérêt de l’IEVP dans le soutien au développement de la citoyenneté, et de l’éco-citoyenneté, dans la région méditerranéenne est le caractère pluriannuel des programmes et appels d’offre. Ces dispositifs permettent donc de donner aux porteurs de projets des capacités de projection, mais plus simplement également, d’expérimentation grâce à l’ampleur des fonds distribués et à largeur de l’éventail des thématiques abordables dans le cadre d’actions de renforcement des capacités de la société civile. Il convient néanmoins de souligner que certaines orientations sur lesquelles les programmes sont fondés peuvent être contradictoires avec l’idée d’expérimentation indispensable aujourd’hui pour développer la volonté et les moyens d’impliquer la société civile. - Le premier obstacle est celui de la technicité des programmes : la notion d’accountability sous-entend l’obligation d’évaluer les programmes de manière exhaustive. Cette logique implique de modaliser les programmes sur un ensemble de concepts de définitions standards. Le jargon technique et les procédures sont ainsi difficiles à assimiler pour des non-spécialistes des politiques européennes. - Le second obstacle est la nature politique des programmes : la PEV, et donc son l’IEVP, s’inscrit dans les valeurs et les représentations de ceux qui conçoivent cette politique. Plus simplement, l’IEVP est porteur d’un certain modèle de développement et possède donc une dimension politique, qui est par ailleurs complètement assumée dans le cadre de la programmation 2014-20. Ainsi, la définition des plans d’actions et la formalisation des appels à projet qui en découle ne seront pas exempts de réponse à des objectifs politiques. Cette volonté d’affirmation de la politique étrangère de l’UE peut donc venir contredire l’objectif d’affirmation politique des sociétés civile du voisinage en discriminant au sein de celles-ci les organisations et groupes sociaux qui adhérent le plus aux principes politiques de l’UE. 9 Deuxième partie : LA DIVERSITE DES CONTEXTES NATIONAUX DANS L’ESPACE EURO-MEDITERRANEEN Tunisie : Des institutions et une société civile en recomposition 1. Contexte national La spécificité de la situation tunisienne tient dans le fait que l’on peut observer des signes tangents d’une volonté réciproque des pouvoirs publics et de la société civile d’améliorer et d’approfondir leurs coopérations. Le paysage social d’après la révolution est donc marqué d’une part par la volonté des autorités publiques de retrouver et de garder un certain lien avec les acteurs de la société civile, d’autre part par une réelle effervescence politique et sociale au niveau des citoyens. Il est à souligner que cette volonté d’implication tous azimuts concerne notamment les enjeux liés à l’aménagement et au développement des territoires. Le manque d’emprise des citoyens tunisiens sur ces politiques, sur une échelle de plusieurs décennies, a indéniablement suscité un sentiment d’aliénation : urbanisation incontrôlée, artificialisation des littoraux, rapide concentration des structures agricoles, lancements de grands projets industriels sans consultations des populations et évaluation approfondie des impacts. Une conséquence de ce contexte est l’explosion du nombre d’associations enregistrées en Tunisie. Cette dynamique est avant tout à considérer comme un potentiel de développement d’une véritable gouvernance environnementale au niveau local en Tunisie, 10 et non pas comme une garantie absolue de l’efficacité et de la pérennité des collaborations entre pouvoirs publics et citoyens Le contexte tunisien est donc celui d’un sentiment partagé d’émergence de nouvelles opportunités. Les enjeux sont liés à l’émergence d’une société civile dynamique et influente, mais surtout et plus concrètement, à la maîtrise du développement des territoires non seulement par leurs habitants, mais également par les collectivités locales. Les jeux d’acteurs qui en découlent sont l’intérêt des pouvoirs locaux pour s’appuyer sur des réseaux associatifs forts afin de s’affirmer face à l’administration. 2. Profil et « conditions de vie » des associations Environ la moitié des associations active déclarées existantes légalement en 2014 en Tunisie ont été fondées et déclarées après 2011. Les présidents des associations sont le plus souvent issus du secteur public, et en particulier de l’enseignement. Très peu d’associations possèdent des salariés, on note que les bénévoles sont constitués pour la plupart de jeunes. Du point de vue des ressources, la part des financements publics restent très largement prédominantes. Ces contributions sont en moyenne très faibles néanmoins et la très grande majorité des associations fonctionnent avec des ressources limitées voire très limitées. Accéder aux financements internationaux est souvent au-delà des possibilités des associations en termes de moyens techniques et humains, cela étant dû à la complexité des procédures d’obtention des fonds. L’opportunité importante représentée par les programmes européens, dans un contexte notamment où les pouvoirs publics ne sont pas en mesure d’octroyer des fonds suffisants, doit dont être particulièrement exploitée par le monde associatif tunisien. Les associations originaires de l’UE doivent pousser à intégrer en tant que partenaires des structures tunisiennes afin de permettre à ces dernières de s’habituer aux contraintes et spécificités de la gestion de projets internationaux. 11 Les ONG environnementalistes ont pour la plupart un profil de généraliste avec assez peu de spécialisation thématique. Le caractère généraliste de ces associations ne fait pas de celles-ci de facto des groupes de défense du cadre de vie local. Au contraire, l’expérience des problématiques locales fait que les associations tendent à doucement se spécialiser sur des thématiques précises d’environnement ou de développement durable. Les principaux obstacles au développement des associations sont liés aux manques de moyens humains et matériels. Il est très difficile pour ces structures d’assurer une maîtrise suffisante des techniques de gestion et d’animation de projets. Le besoin se situe donc surtout dans la capacité à créer et pérenniser des postes de permanents au sein des associations environnementales. Il sera impossible sans cela de développer les compétences de gestion de projet, financière et de communication nécessaires pour faire sortir les associations de logiques d’intervention ponctuelles et d’ampleur limitée sur des problématiques locales. 12 Liban : les politiques de l’environnement diluées dans le développement économique 1. Une forte centralisation des politiques liées à l’environnement La gestion de projets liés au développement local est quasi intégralement coordonnée par une agence gouvernementale : le Conseil pour le Développement et la Reconstruction. Le rôle de ce conseil est central et incontournable : il définit les priorités nationales de développement local et sélectionne en fonction les financements qui lui apparaissent comme pertinents. Dans cette logique, toute structure porteuse d’un projet assimilé à du développement local doit s’adresse au CDR afin de pouvoir accéder à des financements d’ampleur. Plus loin, en tant que gestionnaire légal des fonds, le CDR supervise la mise en œuvre des projets portés par les entreprises et les associations. Il existe en parallèle un conseil national de l’environnement, ce dernier assure en fait de facto un rôle consultatif auprès du CDR en vérifiant les impacts environnementaux des projets portés par celui-ci. Sa capacité à influer donc les priorités stratégiques du développement local au Liban est très faible. On soulignera donc la forte centralisation, en comparaison notamment des autres pays partenaires du projet, des politiques en lien avec l’environnement et le développement durable. La mise en œuvre de projet au niveau local s’apparente dès lors à l’exécution déléguée de commandes publiques, les communautés locales (regroupant ici collectivités et sociétés civiles) disposent de très peu d’autonomie, tant sur le diagnostic de leurs besoins et potentialités que sur leur capacité à construire et affirmer une unité locale des acteurs. Cette faiblesse du local constitue un obstacle majeur au développement de la participation de la société civile : impossibilité pour les acteurs locaux d’agir à la même échelle que les politiques, pas de développement d’un sentiment d’appartenance à une communauté locale et dépendance financière et technique au CDR. Cette forte centralisation, doublée par un certain manque de visibilité des enjeux du développement durable, font que les ONG environnementales se projettent le plus souvent 13 dans un travail de sensibilisation à ces problématiques. Les associations spécifiquement liées à l’environnement sont peu nombreuses et manquent de moyens. 2. Situation et profil des associations œuvrant dans le domaine de l’environnement et du développement durable Une particularité libanaise à mettre en avant est l’importance des financements internationaux dans le financement total des associations. Les structures libanaises se distinguent également par une relative grande taille en moyenne. Cette moyenne masque cependant des disparités, le paysage associatif libanais se caractérisant en effet par des très petites associations comptant un seul voir aucun salarié qui coexistent avec des associations disposant au minimum d’une dizaine de salariés. Ces dernières correspondent souvent par ailleurs aux structures en mesure d’accéder aux fonds internationaux. Les associations environnementales libanaises se caractérisent également par une forte proximité, à travers de nombreuses collaborations, avec le monde universitaire. Ces collaborations sont ainsi très liées aux modes d’intervention de ces ONG qui restent centrés avant tout sur un rôle de sensibilisation aux enjeux environnementaux locaux. Dans la pratique, les échanges avec le monde universitaire doivent venir consolider la capacité des associations à pouvoir faire pression sur les autorités et fomenter des recours juridiques contre des projets de développement. L’action des associations environnementales libanaises est donc déterminées, voir contraintes, par la forte centralisation des politiques liées à l’environnement, la faible autonomie des communautés locales et la faible distinction entre politiques de l’environnement et politiques économiques. Les ONG peuvent donc seulement alerter sur les risques environnementaux et attaquer des projets dont l’évaluation environnementale a été incomplète. Elles se situent dans un registre avant tout défensif et ne disposent pas des éléments nécessaires (ressources, cadres d’échanges et de coopérations avec les autorités locales, capacité à développer et faire valoir un diagnostic des enjeux environnementaux locaux) pour s’imposer en tant que force de proposition. 14 Italie : une tradition de l’engagement associatif comme potentiel d’action Il existe en Italie une réelle tradition historique d’engagement et de mobilisation des citoyens dans les affaires locales. Cet engagement ne traduit pas spécifiquement, ni uniquement une volonté d’implication et d’emprise sur les politiques d’aménagement des territoires, mais une tradition culturelle d’autonomie et d’autogestion au niveau des petites agglomérations ou des quartiers en Italie. - Les autres points marquants du contexte italien de l’écocitoyenneté sont : La part important représentée par les cotisations et les financements privés dans le financement total des ONG la présence de réseaux d’ONG environnementales au niveau national, dont de nombreuses représentations nationales de réseaux internationaux. D’une manière générale, la structure des politiques de l’environnement en Italie, marquée par de larges compétences attribuées aux collectivités territoriales, correspond à l’implantation et à l’échelle d’action locale des ONG environnementales. Il existe donc un fort potentiel pour l’élaboration et la mise en œuvre de projets répondant à des besoins environnementaux concrets et à échelle très locale. Les collectivités sont en mesure de définir précisément et concrètement ces besoins car devant assurer la gestion d’un large éventail de biens et de services publics. Les associations, grâce à une implantation locale très forte (comme en témoigne la répartition des financements) disposent d’une part de très bonnes capacités de mobilisation des populations, d’autre part de d’analyse et de diagnostic d’enjeux locaux d’environnement et de développement durable. Cette correspondance entre échelles d’actions des collectivités et des associations, qui ne se retrouvent qu’assez rarement ailleurs, ne débouche pas pour autant sur une volonté réciproque de coopérer et sur la concrétisation de projets portés par l’ensemble des acteurs locaux. Encore une fois, c’est en premier lieu le manque de mécanisme approprié 15 permettant l’expression de la parole de la société civile et la capitalisation de ses pratiques qui empêche d’avoir une véritable volonté réciproque de coopération. 16 France : des ONG du secteur de l’environnement plus spécialisées et qui s’appuient sur le travail salarié La synthèse présentée ici vise à donner quelques éléments de profilage des associations enquêtées en France et montrer en quoi ces dernières présentent certaines spécificités par rapport à leurs homologues méditerranéennes. La particularité des associations environnementales françaises consiste en premier lieu dans le nombre d’emplois salariés du secteur. Le secteur associatif français dans son ensemble représente en effet un véritable secteur d’emploi où travaille une partie non négligeable de la population active totale. A ce titre, le niveau de spécialisation et de formation des salariés tend à augmenter, à tel point qu’il est devenu rare de trouver des structures qui ne disposent d’aucun salarié titulaire d’un diplôme de l’enseignement supérieur. Ces tendances recoupent plusieurs constatations réalisées à l’issue de l’état des lieux présenté durant l’université de l’éco-citoyenneté : - La spécialisation croissante, de facto (en fonction des enjeux locaux prédominants ou des opportunités actuelles de financement) ou indépendamment choisie, des associations environnementales - La complexification des procédures de montage et d’animation de projets. L’élaboration et la mise en œuvre de projets locaux se réalise de plus en plus à travers la réponse à des appels d’offres ou des appels à projet, ce qui induit une grande maîtrise des politiques publiques et des procédures administratives spécifiques à ces politiques. Un enjeu crucial qui découle de ces dynamiques est que les associations disposent de moins en moins d’autonomie pour affirmer leur spécificité (soit sur le plan des solutions, soit sur le plan des valeurs portées). En effet, les appels d’offre et à projet devenant des modes de financement de plus en plus incontournables, les ONG sont amenées à des rôles proches de l’exécution de commandes ou de cahiers des charges publics. Il est ainsi difficile de rester 17 dans des logiques de coproduction entre associations et collectivités locales dans la construction de projets locaux. Un grand nombre d’associations françaises sont investies dans un travail de protection et de valorisation des patrimoines naturels et culturels. Deux grandes thématiques qui se retrouvent également fortement dans ce secteur sont la définition de solutions de collecte et de traitement des déchets au niveau local et le travail sur la préservation ou « l’utilisation efficiente et raisonnée » des ressources en eau. La relative faible part des associations agissant dans les domaines du transport, de l’urbanisme ou de l’air reflète partiellement une implantation plutôt rurale ou péri-urbaine de ces structures. La recherche en milieu urbain par des représentants de la société civile de pratiques respectueuses de l’environnement et efficientes en ressources se fait plutôt au sein d’ONG travaillant dans le secteur de l’économie sociale et solidaire. Les niveaux d’action privilégiés de ces associations se situent au niveau de la commune et au niveau du département. 18 En Grèce : L’Etat grec, l’un des plus centralisé de l’EU, décentralise peu à peu les compétences. L’administration territoriale a été réorganisée par une loi entrée en vigueur en 2011, dite loi « Kallikratis » (Loi 3852/2010). Les municipalités n’ont pas de compétences spécifiques en matière d’environnement en dehors de l’aménagement urbain et de la délivrance des permis de construire. Les régions ont des compétences importantes dans le domaine de la planification du développement territorial et du « green development ». Les régions et communes se sont donc vues confier des compétences récemment dans des domaines relatifs à l’environnement, mais elles manquent de moyens pour y faire face. Les régions peuvent certes bénéficier des programmes européens de développement régional mais les communes ont des moyens d’intervention très limités du fait du manque de personnel compétent en la matière et de moyens financiers. En tant que membre de l’UE, la Grèce est tenue de transposer et d’appliquer une série de textes européens qui rendent obligatoire une consultation du public sur des projets d’un certain nombre de domaines avant la mise en œuvre de ceux-ci. Sur le plan législatif l’information et la participation de la société civile sont prévues, au niveau national comme local. L’e-gouvernance est bien développée et contribue à l’information et, dans une certaine mesure, à la consultation (via internet). En pratique cependant, les méthodes de participation sont encore bien peu usitées et la participation de la société civile n’est pas réellement mise en œuvre car elle est toujours perçue comme accessoire et source de perte de temps. Les consultations interviennent souvent trop tardivement, voire pas du tout, et les interventions des ONG s’effectuent en fait de façon plus informelle, souvent au niveau local, et certainement pas systématique ! Les mécanismes de concertation existants souffrent également d’un certain désintérêt de la part des citoyens au niveau local. Le monde associatif souffre encore d’une image dégradée, de nombreuses structures ayant été historiquement instrumentalisées en Grèce par des élus à des fins politiciennes ou financières. 19 Avec la crise cependant, de nombreuses associations ont pu prouver leur rôle et leur efficacité en tant qu’organisations citoyennes agissant au profit de la société. De mêmes la pratique du volontariat, très peu développée pendant longtemps, commence à s’accroître, en priorité sur des actions à portée sociale mais également dans le domaine de l’environnement. Le problème sous-jacent en Grèce est avant tout une faible perception des enjeux de l’environnement et du développement durable. Longtemps la population n’a pas eu l’air de s’intéresser à l’intérêt commun que représente l’environnement, ni de vouloir faire entendre sa voix sur des problématiques environnementales, puisqu’elle avait encore une importante relation directe avec la nature (société rurale ou ayant gardé un lien avec le monde rural). Mais l’intérêt et l’information de la société civile sur les enjeux environnementaux se sont largement renforcés ces dernières décennies. Si la société civile se montre donc désormais prête à participer, les procédures sont encore verrouillées. A contrario la crise économique et les politiques d’austérité qui y répondent ont un impact certain et significatif sur la protection de l’environnement en Grèce. De nombreuses problématiques d’aménagement du territoire et d’urbanisme récurrentes en Grèce depuis plusieurs décennies sont ainsi amplifiées : artificialisation des littoraux, mitage urbain ou gestion des déchets sont de plus en plus perçus comme des enjeux prioritaires dans les politiques locales d’aménagement du territoire. 20 Cette publication a été produite avec l'aide financière de l'Union européenne dans le cadre du Programme IEVP CT Bassin Maritime Méditerranée. Le contenu de ce document est de la seule responsabilité de l’Union APARE-CME et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de l'Union européenne ou celles des structures de gestion du Programme. 21