prétendre être la plus probable. Et, même dans ce cas, nous devons nous attendre à ce qu'elle
soit modifiée, à tout moment, par toute nouvelle découverte, quelle que soit la science qui l'ait
permise » (Alfred Wegener, La genèse des continents et des océans, Préface , 1928 ;
réédition, Paris, C. Bourgois, 1990, .XIII-XIV). Wegener explique sur quelles bases il a conçu
sa théorie de la dérive des continents : « La première idée des translations continentales me
vint à l'esprit dès 1910. En considérant la carte du globe, je fus subitement frappé de la
concordance des côtes de l'Atlantique, mais je ne m'y arrêtai point tout d'abord, parce que
j'estimai de pareilles translations invraisemblables. En automne 1911, j'eus connaissance par
hasard, en lisant une collection de rapports scientifiques, de conclusions paléontologiques,
inconnues jusqu'alors pour moi, admettant l'existence d'une ancienne liaison terrestre entre le
Brésil et l'Afrique. Cela m'engagea à faire un examen préalable et sommaire des résultats
connexes au problème des translations, tant en Géologie qu'en Paléontologie. J'obtins tout de
suite des confirmations assez importantes pour commencer à être convaincu de l'exactitude
systématique de la théorie » (Alfred Wegener, La genèse des continents et des océans , 1928 ;
réédition, Paris, C. Bourgois, 1990, p.1). L'idée de départ est donc la concordance des côtes de
l'Atlantique mais elle serait sans doute restée lettre morte si Wegener n'avait pris conscience
de l'incohérence des théories géologiques de l'époque. D'un côté, nous l'avons vu, le modèle
contractionniste mis en avant par Suess, qui explique les analogies de faunes et de flores et les
ressemblances géologiques entre des continents aujourd'hui séparés par des océans par
l'effondrement de ponts continentaux. D'un autre côté, notamment au États-Unis, les
géologues privilégient le modèle permanentiste, développé à partir de 1846 par Dana . Ils
considèrent que les océans et les continents constituent des figures permanentes de la surface
du globe depuis son origine et insistent sur les différences de nature entre les deux structures.
Au début du XXe siècle, les études sur l'équilibre isostatique des continents montrent que
ceux-ci peuvent être considérés comme des blocs légers d'un composé nommé alors sial (car
composés essentiellement de silicium et d'aluminium) en équilibre sur une couche plus dense
d'un composé nommé alors sima (roches composées essentiellement de silicium et de
magnésium) qui affleure au niveau des océans. Ces travaux favorisent le modèle
permanentiste aux dépens du modèle contractionniste. Comment en effet pourrait-on postuler
que des parties continentales légères puissent s'enfoncer au niveau des fonds océaniques plus
denses ? Mais chaque nouvelle preuve paléontologique ou biologique d'une liaison
intercontinentale renforce les conceptions de Suess au détriments de celles de Dana. Wegener
expose, fort habilement : « Mais où donc est la vérité ? La terre ne peut avoir eu, à un
moment, qu'une seule face. Y avait-il à l'époque des ponts, ou bien les continents étaient-ils
séparés comme de nos jours par de larges océans ? Il est impossible d'écarter la nécessité de
l'existence des anciennes jonctions terrestres, si nous ne voulons pas renoncer complètement à
comprendre le développement de la vie sur le globe, et il est également impossible de se
dérober aux arguments contraires à l'existence des continents intermédiaires émis par les
partisans de la loi de la permanence. Il n'y a évidemment qu'une issue : Les hypothèses
admises comme évidentes doivent être viciées par des erreurs cachées » (Alfred Wegener, La
genèse des continents et des océans , op. cit., p.16-17).
Figure 8. Coupe schématique de la Terre selon Alfred Wegener