Rapport d`étude sur les conflits etniques

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DEVELOPPEMENT
RECHERCHE
ACTION
Centre de Recherche et
d’Experstise pour le
Developpement Local
CREDEL
Siège : Zogbadjè, Abomey-calavi
BP 1612 Abomey-Calavi
Tél: (00229)21038908 /95 84 90 77
Email: [email protected]
Site web: www.credel.org
Rapport d’étude :
LES DETERMINANTS DES CONFLITS ETHNIQUES
ENTRE MAXI ET IDATCHA DE LA COMMUNE DE
GLAZOUE
Réalisé par : Centre de Recherche et d’Experstise pour
le Developpement Local CREDEL sous la
supervision de Cyrille thierry YEDEDJI
Janvier 2008
Contribuer au développement soci-économique de la nation par la recherche
1
INTRODUCTION
L’observation du monde, des sociétés et leur fonctionnement
révèle que l’humanité dont la gestion était déjà compliquée, a davantage
plongé
dans
la
complexité
(Mbock
2000 :1).Tout
tend
vers
l’enchevêtrement, la circularité et l’interaction. Les peuples du monde et
leurs problèmes se tiennent et revendiquent une approche globale en
vue
de
solutions
intégrées.
L’approche
systématique
a
donc
progressivement cédé le pas à celle systémique. La complexité s’est
confirmée avec la dynamique de la globalité. De fait, il s’agit désormais
de comprendre les problèmes au-delà de leur simple explication. La
recherche-action en sciences sociales y trouve matière. En effet, le tout
est autre chose et quelque chose de plus que la somme des parties. Il
constitue une réalité au même titre que ses éléments.
La question ethnique, nous semble s’inscrire dans ce champ de
globalité et de la dynamique des interactions des groupes ou des
peuples en présence dans un espace donné.
L’existence humaine est conflictuelle. Les conflits s’observent à tous les
niveaux de la vie sociale. Ils opposent des classes sociales (Marx
1847 :90-91)1 , les confessions religieuses (chrétiens et musulmans), les
formations politiques (intraétatiques et interétatiques), les ethnies, etc.
Mais les conflits n’ont pas les mêmes causes ni les mêmes
manifestations.
Le conflit est un fait de société. Il n’existe pas de société qui n’en
connaisse. Les conflits sont présents dans toutes les arènes sociales. Ils
surviennent pour dynamiser les relations interpersonnelles afin de
générer de nouvelles valeurs sociales.
1
- Karl Marx, 1847 « misère de la philosophie » 90-91, cité par Bartholy, Marie-Claude et Jean-Pierre
Despin,1976 dans « la culture, anthropologie, ethnologie et sociologie ».
2
De nos jours, les conflits que traversent le monde en général et l’Afrique
en particulier sont trop destructifs. Au nombre de ces conflits se trouvent
les conflits ethniques objet de notre étude.
En effet, Ibrahim (2000 :2) estime que tous les conflits armés ayant lieu à
travers le monde depuis 1988, ont eu pour origine des questions
ethniques internes et ont provoqué depuis 1945 la mort de seize (16)
millions de personnes. Généralisant les conflits au monde entier, il dit
que la planète toute entière a été le théâtre de tensions entre groupes
religieux et ethniques et que des haines profondes, dont certaines
avaient été déjà apaisées grâce à des réconciliations afin de faciliter la
coexistence dans la paix et la coopération, ont ressurgi dans les
comportements et des communautés se sont lancées dans de violents
affrontements. Pourtant, la diversité culturelle a été pendant longtemps
et devraient rester la richesse des communautés, mais
constitue
aujourd’hui la source d’instabilité et de destruction.
L’ethnisation2 à outrance des Etats africains est un facteur d’intolérance
culturelle qui, à coup sûr, mettra en mal l’unité nationale. Tandis que les
uns consolident les ethnies et s’y enferment contre l’Etat, d’autres
s’appuient sur les ethnies qu’ils installent au cœur de l’Etat : dans les
deux cas, on construit l’ethnie mais on déconstruit l’Etat
(Mbock
2000 :1).
Les violences religieuses, les massacres politiques
au Nigeria, les
conflits en Côte d’Ivoire, au Congo Kinshasa, au Rwanda, au Burundi, au
1
- Karl Marx, 1847 « misère de la philosophie » 90-91, cité par Bartholy, Marie-Claude et Jean-Pierre
Despin,1976 dans « la culture, anthropologie, ethnologie et sociologie ».
2-
l’ethnisation est un concept utilisé par Mbock pour exprimer la tendance à privilégier les intérêts de groupes
sociaux d’appartenance aux intérêts nationaux ou d’autres groupes.
3
Libéria, en Somalie et au Soudan, peuvent être d’origine ethnique et
méritent une réflexion particulière des sciences sociales.
Aucun pays n’est à l’abri de ce qui se passe ailleurs. En effet, depuis
l’avènement du pluralisme politique au Bénin, l’ethnisation des régions et
des communautés met en mal les relations interethniques. Au Bénin, les
manifestations de la discrimination gardent un aspect anodin qui masque
cependant mal le caractère très marqué des attitudes d’exclusion.
Celles-ci se traduisent le plus souvent dans des positions de réserve, de
méfiance, de défiance ou de mépris qui entretiennent les différences et
les conflits ethniques et qui se cristallisent de temps en temps dans des
explosions de violence (Anignikin 1997 :51).
Dans le département des Collines et notamment dans la commune de
Glazoué, les problèmes domaniaux, identitaires et politiques opposent
les Mahi et les Idatcha. Dans le but de rechercher d’attirer l’attention de
l’opinion publique nationale
sur ces conflits embryonnaires et les
sources de ces différends interethniques le Centre d’Expertise pour le
Développement Local (CREDEL) a choisi de réfléchir sur le thème: « les
déterminants des conflits ethniques entre Maxi et Idatcha
de la
commune de Glazoué ».
Cette étude est bipartite. La première partie présente le cadre théorique,
méthodologique et physique
de l’étude. Dans la deuxième partie
inventorie et apprécie les problèmes en milieu Mahi et Idatcha.
4
PREMIERE PARTIE :
CADRE DE L’ETUDE
5
CHAPITRE I : CADRE METHODOLOGIQUE
A. CADRE THEORIQUE
1. Problématique
Un regard attentif porté sur les conflits locaux à travers le monde révèle une
multitude de problèmes qui restent difficiles à résoudre dans l’ensemble.
En effet, la vie sociale est régie par des interactions entre les individus d’un
même groupe socioculturel ou non. Ces interactions sont souvent objet de
conflits. Au lieu d’être sources de richesses, instruments du développement,
les différences culturelles sont objet d’antagonismes entre les groupes
ethniques. Les hommes se livrent des luttes sans issue favorable. Les conflits
déchirent les familles et partant la société. Les hommes se méprisent, se
haïssent. L’ethnocentrisme3 est d’actualité dans nos sociétés et se caractérise
par des jugements de valeurs. Généralement celui qui n’est pas de la même
culture, de la même localité ethnique que soi ne bénéficie pas des mêmes
traitements que les siens.
Au Bénin, l’imagerie populaire a simplifié le conflit ethnique en la
réduisant à une opposition entre les peuples du Nord et ceux du Sud.
Mais la réalité des choses paraît plus complexe. Sous cette opposition
régionaliste forgée et entretenue par les luttes et manipulations
politiques, se développent de multiples manifestations de discrimination
qui enveniment les relations aussi bien entre les populations du Sud
qu’au sein des populations du Nord (Anignikin 1997 :51). L’homme du
sud traite celui du nord d’archaïque, non civilisé. Dans le même temps,
3
L’ethnocentrisme est l’attitude consistant à juger les formes morales, religieuses, sociales d’autres
communautés selon nos propres normes et donc à juger leurs différences comme une anomalie (Claude
Rivière,1995 :10). Parler des autres ce n’est pas parler sur le dos des autres ni contre eux. Rien de moins facile,
cependant, étant donné l’etnocentrisme qui est naturel à tout homme. Chacun s’identifie, par sa langue,son
faciès, ses manières de vivre, à une communauté dont il a assimilé les valeurs. Il a tendance à rejeter, critiquer ou
dévaloriser ceux qui ne sont pas comme lui.
6
l’homme du nord juge celui du sud de mesquin, de machiavélique. Les
agressions verbales sont quotidiennes.
Dans le département des collines, des oppositions violentes entre Nago
et Fon à Savè d’une part et celles entre Mahi et Idatcha à Glazoué
d’autre part ont été fréquentes cette dernière décennie.
En effet les expressions ethnocentriques et révoltantes telles que : « ifno
ko san ; ifno knda4 » ; »dassanou vnvn; dassanou ma gni gbètn5 », sont
quotidiennes.
Les
frustrations,
les
médisances,
les
mépris
interethniques, l’exclusion, l’ethnocentrisme sont d’actualité dans les
collines, particulièrement dans la commune rurale de Glazoué.
En 1998 par exemple, la commune de Glazoué
affrontements interethniques dans certains
a connu des
arrondissements tels que
Ouèdèmè, Thio, Assanté, Magoumi.
Le 23 novembre 2002, le palais du roi Mahi de Glazoué a été saccagé
par après son intronisation. Selon les informations reçues sur le terrain,
les auteurs du drame sont arrêtés à la suite d’une plainte déposée par le
roi au tribunal d’Abomey. Pourquoi ces violences alors que les différents
groupes étaient ensemble depuis des décennies ? Ces conflits sont-ils
la résurgence des conflits ancestraux ou s'inscrivent-ils dans la
dynamique du changement social?
Autrement, quels sont les déterminants socio-anthropologiques des
conflits entre Mahi et Idatcha de Glazoué ?
Cependant toute recherche qui se réclame objective nécessite la
formulation d’hypothèses qui permettent d’atteindre des objectifs fixés.
4
-Ifun ko san, ifun ko daa, expressions idatcha qui signifient « le Fon est mauvais »
-Dassanu vovo, dassanu magni gbèto : expressions mahi qui signifient « simple idatcha,idatcha n’est pas un
homme ».
5
7
1.1. Hypothèses
Pour les besoins de recherche les trois hypothèses retenues sont :
- les conflits entre les Mahi et Idatcha de Glazoué résultent de l’exercice du
droit foncier traditionnel par les dignitaires fonciers sur les métayers.
- les conflits entre les Mahi et Idatcha de Glazoué résultent des différences
culturelles des deux groupes socio-culturels.
- Les conflits entre les Mahi et Idatcha de Glazoué résultent des enjeux
sont économiques et politiques qu’offrent la commune.
La vérification de ces hypothèses passe par la formulation des objectifs
à atteindre qui sont les suivants :
1.2. Objectif principal
Appréhender les principaux fondements qui sous-tendent les tensions
ethniques entre Mahi et Idatcha de Glazoué.
1.3. Objectifs spécifiques
- Identifier les différents fonciers entre les deux ethnies de même que
leurs motifs.
- Diagnostiquer au plan culturel, les conflits entre les Mahi et les Idatcha
de la commune de Glazoué.
- Rechercher les causes économiques et politiques des conflits
ethniques entre Mahi et Idatcha de Glazoué.
2. Justification des choix
2.1. Le choix du thème
Le développement prospère d’une localité nécessite la cohésion,
l’unité et
l’harmonie entre les groupes socioculturels qui la composent. La cohésion
interethnique est aussi indispensable que les populations sont condamnées à
vivre ensemble et à partager les mêmes infrastructures sociocommunautaires.
Les violences interethniques ne profitent à personne. Ce sont des situations
8
qui créent la méfiance et bloquent le processus de développement local
durable.
De nos jours, la stabilité et la paix d’une région sont des facteurs
cardinaux de son développement. Dans cette tension interethnique la
commune aura du mal à amorcer le développement local dans la paix,
l’union et la concorde. Les conflits ethniques à Glazoué interpellent les
acteurs du développement et il est utile d’appréhender leurs mobiles.
2.2. Le choix du site
Glazoué est une localité à majorité ethnique Mahi et Idatcha du département
des collines, qui connaît depuis l’avènement démocratique des conflits
réguliers entre les deux ethnies. En 1998 précisément, la commune a connu
une série de violences notamment dans les arrondissements de Ouèdèmè, de
Thio, de Assanté, de Magoumi, de Zaffé et de Glazoué. Les conflits
interethniques Mahi/Idatcha ont failli dégénérer en ethnocide. La situation avait
retenu l’attention
gouvernement d’alors qui a dépêché une délégation
ministérielle calmer les tensions.
Mais depuis lors il n’y a eu aucune étude sur ce phénomène social.
Aussi souvent dans cette région des propos ethnocentriques révoltants
et de mépris de l’autre sont directement ou indirectement vécu.
3. Clarification conceptuelle
Les termes fondamentaux de la recherche sont : « conflit » et « ethnie ».
3.1. Conflit
Selon Bloch et Wartburg, conflictus du verbe confligere veut dire
heurter. Paul Robert6 nous informe que le mot «conflit « apparut à la fin
du Xllè siècle est de source latine et en fait de bas latin conflitus : choc.
Le premier sens qu’en donne ce document est relatif à la lutte, au
6
Bloch et Walter, Paul Robert , cités par l’abbé Jean-Marie Botchi dans son séminaire de cours de 4ème année de
Socio-Anthropologie sur l’aspect Socio-Anthropologique des conflits, 2001-2002.
9
combat. Le deuxième sens a trait à la rencontre d’éléments, de
sentiments contraires qui s’opposent. C’est en ce sens qu’on parle
d’antagonisme de conflagration, de discorde, de lutte d’opposition, de
tiraillement. Ce document évoque un troisième sens où le conflit est la
contestation entre deux puissances qui se disputent un droit. C’est dans
ce sens qu’on parle de conflits internationaux, d’arbitrage de conflit, de
conflit armé, de guerre. Enfin un quatrième sens a trait au droit puisqu’il
correspond à la contestation de compétence entre juridiction. Les
conflits d’attribution sont par exemple ceux qui relèvent d’une telle
compréhension.
Le dictionnaire Universel le définit d’une part comme « antagonisme : le
conflit des passions, le conflit de tendance, d’autorité » et d’autre part
comme « opposition entre deux Etats qui se disputent un droit : conflit
armé, guerre ».
Selon Grawitz (2000 :85) ce sont des oppositions ou affrontements plus
ou moins aigus ou violents entre deux ou plusieurs parties : nations,
classes, personnes, ou encore entre tendances, aspirations, motifs à
l’intérieur d’un même individu.
Le dictionnaire général des sciences humaines a respectivement abordé
la notion sous les angles de la biologie comparée, de la psychologie, de
la psychanalyse, de la politique et enfin de la sociologie.
Le concept est pluridimensionnel et son contenu varie suivant les
disciplines. Ainsi, du point de vue juridique, le conflit est une opposition
d’intérêts divergents. Du point de vue moral le conflit est une lutte entre
deux valeurs. Enfin du point de vue psychiatrique c’est une opposition
pouvant exister soit entre des tendances instinctives contradictoires, soit
entre ces tendances et les exigences éthico sociales.
10
Le Professeur Denis Amoussou Yéyé7
dans son cours sur l’aspect
psychosociologique du conflit le définit comme la situation créée par
l’existence de deux pulsions entrant en compétition chez le même
individu.
René
Dégni-Ségui
(1995 :37)
définit
le
conflit
comme
« toute
contestation ou opposition d’intérêts ou de droits entre protagonistes ».
Au regard des différentes définitions ci-dessus nous dirons que le conflit
est la manifestation d’une opposition à un fait, à une situation suite à
une frustration. Cette opposition peut se traduire par des tensions, des
crises, des violences où le recours aux armes conventionnelles et non
conventionnelles est certain.
3.2. Ethnie
Du grec ethnos elle est définie dans le Larousse comme un groupement humain qui
possède une structure familiale, économique et sociale homogène et dont l’unité repose sur
une communauté de langue et de culture. C’est le même sens qu’en donne le dictionnaire
Universel en la désignant par un groupement humain caractérisé principalement par une
même culture et une même langue.
Selon Rivière (1995 :11) l’ethnie se définit généralement comme une
population (ethnos=peuple en grec) désignée par un nom (ethnyme),se
réclamant d’une même origine, possédant une tradition culturelle
commune dont l’unité s’appuie en général sur une langue, un territoire et
une histoire identique.
Le Robert historique définit le concept comme un ensemble d’individus
qui ont en partage un certain nombre de caractères de civilisations
7
- Professeur Amoussou YéYé, séminaire de cours de 4 ème année socio anthropologie sur l’aspect
psychosociologique du conflit, 2001-2002.
11
notamment linguistiques ; il tend à remplacer certains emplois abusifs de
race mais reste didactique (Patrick 1998 :2).
Le Littré8 de 1876 représentatif de l’état de la langue française du XlXème
siècle répertorie ethnarchie, ethnarque, ethnique, ethnos-généalogie,
ethnographe, ethnographie, ethnographique, ethnologie, ethnologique,
ethnologiquement, ethnologiste, mais ne reconnaît pas encore ethnie.
On peut y noter que
l’ethnographie est la science qui a pour objet
l’étude et la description des divers peuples et que l’ethnologie est : «
traitée sur l’origine et la distribution des peuples». Ce qui a trait à
ethnique est un raccourci historique des avatars de ce mot :
- qui appartient au paganisme, dans le style des pères de l’Eglise ; les
nations ethniques
- terme de grammaire, mot ethnique, mot qui désigne l’habitant d’un
certain pays. Français est un mot ethnique.
- l’ethnique, la désignation qui caractérise un peuple. Gaulois est
l’ethnique d’une population considérable en Europe, Allemand est
l’ethnique de la peuplade des alamans, dont les français ont fait
l’ethnique de la nation entière.
Au-delà de la question des définitions se posent celle des connotations qui sont «
flottantes ». C’est aussi le cas des signifiants avec lesquels justement le mot ethnie peut
être ou a été confondu avec race, peuple, tribu, nation. Ces flottements ne sont
compréhensibles qu’à l’intérieur des contextes sociohistoriques de leurs usages.
3.3. Conflit ethnique
Selon Médard (1999 :87), les violences ethniques consistent en des
violences spontanées qui opposent des groupes ethniques hostiles.
8
cf « la notion d’ethnie » de FERMI Patrick 1998 :2
12
A partir des différentes définitions nous pouvons retenir qu’un conflit
ethnique est une opposition ou des affrontements de toute nature entre
déférents groupes socio-culturels vivant sur un espace géographique
donné.
Il en résulte que tout conflit social n’est pas ethnique mais tout conflit
ethnique est social. Le conflit social est toute forme de lutte, de violences
entre différents acteurs sociaux. Les conflits ethniques sont une
particularité des conflits sociaux. Ce sont souvent des conflits d’identité
culturelle. Ces violences sont caractéristiques des ravages, des
déplacements des populations dans certains pays africains en guerre
notamment la Côte D’Ivoire, le Rwanda, Burundi, le Congo Kinshasa, le
Libéria…
4. Revue de littérature
L’étude des conflits peut se prévaloir d’une longue et riche histoire faite d’hypothèses, de schèmes conceptuels, de généralisations
induites de l’empirie, qui forment un legs de cumulatifs.
Dans la sociologie de Karl Marx9, le conflit de classe apparaît comme un
thème central. Mais cette intuition devra attendre bien longtemps pour
obtenir le développement qu’elle mérite. L’année 1908 de parution de
deux ouvrages de G. Sorel : la décomposition du marxisme et réflexions
sur la violence, est aussi celle de la publication à Leipzig du Der Streit (le
conflit) de G Simmel. Simmel a le mérite d’insister sur le fait que le
conflit, sous la forme de compétition ou de discorde, est inhérent à toute
société au même titre que le processus d’harmonie et d’association. Le
conflit pense-t-il, existe toujours à l’état latent.
Dans les vingt (20) premières années du siècle, les pionniers de la
sociologie américaine tels L.Ward, E. Ross, A Small, C. Cooley,
n’omettent pas, à propos des « Social processes », de traiter
9
- Claude Rivière dans « l’analyse dynamique en sociologie »,1978 :124
13
incidemment du conflit qu’ils voient comme constructif et inhérent à toute
organisation.
Mais le courant fonctionnaliste, qui par la suite s’élabore aussi bien dans
les expériences de E. Mayo et de F. J. Roethlisberger sur le
fonctionnement des entreprises que dans les recherches de W L Warner
sur les stratifications sociales ou dans les constructions théoriques de T.
Parsons10, prend l’intégration comme axe essentiel d’interprétation du
social et envisage le conflit sous son aspect disruptif, dysfonctionnel,
comme une sorte de maladie sociale.
Pour Grawitz (2000 :85), le conflit est une notion essentielle pour les
fonctionnalistes, qui, avec des nuances considèrent le conflit comme
facteur d’équilibre et même de progrès dans une société assez mûre
pour l’intégrer. A l’opposé, les marxistes considèrent le conflit seulement
comme lié au mode de fonctionnement de production et se manifeste
dans la lutte des classes. Selon Bartholy et Despin (1976 :47), l’origine
de conflits de classes se trouve dans l’histoire et le mode de production
capitaliste.
Dans une lignée théorique proche de la précédente se situe Lewis
Coser11 que « the functions of social conflit » montrent attentif à
l’abréaction
collective
et
au
rééquilibrage
des
pouvoirs.
Les
affrontements idéologiques entre blocs, les mouvements d’émancipation
nationale, les confrontations raciales, conduisent les sociologues à
s’interroger sur les dysfonctionnements des sociétés. Si l’ouvrage de R.
Dahrendorf*
fait date en 1959, c’est parce qu’il témoigne d’un
renouveau d’intérêt pour la pensée de Karl Marx et propose l’un des
premiers essais solides de théorisation des conflits industriels. A la
même époque fleurissent d’autres recherches synthétiques de C.Brinton,
10
11
- Claude Rivière dans « l’analyse dynamique en sociologie », 1978 :124
- Claude Rivière dans « l’analyse dynamique en sociologie » ,1978 : 125
14
K. Aron, C. Keer, M. Gluckman, sur les révolutions, les guerres, les
conflits de travail et la résolution des tensions dans les sociétés
archaïques, qui précisent les cadres d’analyse, les typologies, les
modèles d’explication des situations : causes, déroulement, acteurs et
issues du conflit.
A toutes ces analyses qualitatives visant l’importance de la prise en
compte des conflits pour dessiner les frontières des groupes comme
pour
comprendre
leur
dynamique,
s’ajoutent
les
recherches
expérimentales sur la dynamique des petits groupes, des contributions
quantitatives au moyen d’indicateurs et de modèles, comme celles de
Ted F. Gurr qui met en rapport les conflits avec les inégalités sociales et
certaines
caractéristiques
structurelles
des
sociétés.
J
Galtung
développe une théorie de l’impérialisme pour expliquer les conflits du
tiers monde; A. Stinchombe propose le concept de conflit institutionnel;
J. G March et Simon cernent les conflits à l’intérieur des organisations;
A .Kriegel12 prend pour guide d’analyse d’une crise celle de mai 1968: le
traumatisme ponctuel, l’effondrement de la structure
antérieure, les
processus de sélection conduisant à la reconstruction d’un nouvel
arrangement. Rivière (1978 :126-132) fait remarquer que ces deux
orientations de la recherche suggèrent une nécessaire distinction, au
moins initiale, entre conflits endogènes s’exprimant à l’intérieur d’une
société globale et conflits exogènes ou internationaux. Les conflits
internationaux dira-t-il n’ont ni les mêmes enjeux, ni les mêmes armes, ni
les mêmes déroulements que les conflits entre organisation.
12
- l’abbé Botchi dans son séminaire de cours de la 4ème année Socio-Anthropologie sur l’aspect SocioAnthropologique des conflits.
15
Pour Rivière, la typologie et l’analyse des variables jointes à des
analyses empiriques de la genèse, de l’expression et du développement
des conflits dans différents contextes sociaux constituent les premiers
pas pour une recherche des corrélations. R. M. Williams dégage par
exemple comme conditions minimales du conflit entre groupes : la
visibilité, le contact et la rivalité ; comme facteurs de probabilité du
conflit : le renforcement de différenciation des groupes quant à leur
nombre, et à leur système de valeur, la rapidité du changement social, la
généralisation des tensions et la non canalisation de l’agressivité. A la
suite de Williams, Rivière montre que la propension au conflit croît avec
la différenciation culturelle et la diminution des interactions et des
communications. « La
multiplicité
des
conflits
mineurs
réduit
la
probabilité d’apparition de conflits importants. La violence de masse est
la plus probable dans les conditions suivantes :
- Frustration prolongée créant un haut degré de tension,
- Présence dans la population d’éléments masculins appartenant aux
classes inférieures,
- modification éminemment visible et rapide des relations entre
groupes,
- incident accélérateur du conflit. »
Il reste à vérifier ces concomitances et régularités par accumulation
d’informations historiques et quantitatives non fragmentaires.
En dehors du marxisme, tous les auteurs se montrent généralement
allergiques à une explication unitaire des conflits. La réduction de tout
conflit international, familial ou psychologique à un conflit de classe. De
même, la réduction des conflits sociaux importants actuellement aux
seuls facteurs de la situation salariale semble manquer de pertinence et
s’appuyer seulement sur une profession de foi.
16
De l’analyse de Claude Rivière il ressort qu’il convient d’affiner la
recherche causale en saisissant le conflit à différents plans, même
psychosocial, et dans diverses conjonctures historiques. A travers les
moments de l’histoire jouent différemment les facteurs de conflits
et
varie l’intensité de leur manifestation. Deux théories centrées sur
l’agression comme instinct primaire ou comme conséquence de la
frustration ont été invoquées pour rendre compte de l’origine des conflits.
La première hypothèse défendue par des éthologues comme Konrad
Lorenz13 se fonde sur un instinct primitif dont l’expression serait dirigée
dans les conditions naturelles contre des individus de même espèce. Cet
instinct se manifeste dans la défense du territoire, conduit à
l’établissement d’une hiérarchie sociale, contribue à la protection des
femmes et des jeunes, de même qu’à la conservation de l’espèce. K.
Lorenz souligne comme très distinctes dans leur fonction et expression,
d’une part, l’agressivité intraspécifique, visible dans l’attaque d’un
congénère et liée à des relations que l’on pourrait dire personnelles et
affectives au sein d’une structure de groupe et d’autre part, l’agressivité
interspécifique qui consiste par exemple à tuer un animal d’une autre
espèce pour le manger. Selon la seconde hypothèse soutenue par
Barker et Lewin à partir d’expériences menées sur les enfants d’école
maternelle, l’agression, au lieu d’être primaire, naîtrait de la frustration, si
bien que pour éviter le conflit, il suffirait de réduire et, si possible, de
supprimer la frustration, tandis que dans l’hypothèse de Lorenz, la
solution optimale consisterait seulement à canaliser l’agressivité en lui
proposant des décharges non destructives.
Certes les hypothèses peuvent se concilier puisque nous les trouvons
toutes deux présentes dans la pensée freudienne et qu’il serait par
13
cf cours de Botchi, 4ème année de Socio-Anthropologie ,2001-2002.
17
ailleurs difficile d’expliquer pourquoi l’agression répond à la frustration si
l’on n’admet pas comme force au moins latente un instinct agressif.
Néanmoins la question de l’origine du conflit demeure non résolu si l’on
veut bien observer que, selon les théories classiques, en même temps
qu’un instinct d’agression, existe un instinct grégaire aux effets plutôt
contraires, l’agression pouvant être refoulée par des comportements de
retrait ou de fuite, ou dérivée vers des soupapes de sûreté par le moyen
de
sublimation
ou
d’une
idéologie
de
résignation.
L’approche
psychosociologique fondée sur l’agression doit être relativisée lorsqu’on
veut l’appliquer aux conflits politiques puis qu’elle sous-estime l’aspect
rationnel et conscient.
Certes Rivière considère comme cause lointaine la propension
psychologique à s’engager dans une conduite agressive. Aussi
schématise-t-il des sources plus conjoncturelles qui agissent à notre
époque et dans nos sociétés en quatre points :
- la première, très sensible en milieu éducatif, est l’absence de projet
collectif d’envergure ;
- la seconde tient à une mythologie du simple et du naturel qui révèle
l’épuisement du rêve technologique ;
- la source tient à l’usure du modèle institutionnel de démocratie
représentative ;
- la quatrième raison des conflits qui peut résumer les précédentes et
dont M. Crozier14 a cerné quelques aspects, renvoie à la sclérose
institutionnelle.
Toutes ces causes profondes ou conjoncturelles sont encore, à elles
seules insuffisantes à rendre compte des conflits si l’on ne fait intervenir
14
Claude Rivière, 1978 :135
18
directement
le
facteur
humain
comme
cause
immédiatement
déclenchant. Ce sont les hommes, acteurs et supports d’opinion qui
portent la charge affective de leur situation, qui ouvrent les conflits et les
poussent à devenir des sources de transformation. Le rôle collectif ou
individuel des acteurs dans le démarrage
et la conduite d’un conflit
social mérite une attention particulière et permet d’articuler le problème
des causes immédiates et déclenchant à celui des mécanismes de
développement des conflits par l’action de catalyseurs, de mobilisateurs
et de manipulateurs. A cet effet Claude Rivière signale quelques
processus généraux relativement fréquents des conflits en ces termes :
- « la mobilisation des groupes concernés et leur support importe
énormément,
- la cristallisation ou la catalyse de situation tend à faire prendre parti, à
l’égard de l’objet d’un conflit, des personnes qui n’étaient
pas
précisément concernées,
- la manipulation consiste en une récupération de la force libérée par
ceux qui font, à leur profit, les conflits de leurs buts initiaux».
Les causes, les manifestations les conséquences, la gestion des conflits
étaient au chœur des débats, dans les actes du colloque d’Abidjan sur
« les conflits actuels et culture de la paix en Afrique ». Il ressort de ce
colloque que toute construction sociale bâtie sur l’injustice et les
frustrations, quelle que soit sa durée finit par s’écrouler. Dans ce cadre
A. Toumani Touré15 a eu à dire : « les guerres prennent naissance dans
l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être
élevées les défenses de la paix ». Le colloque a proposé sept étapes
pour la gestion des conflits en Afrique :
15
- A. Toumani Touré au colloque d’Abidjan sur la paix en 1995
19
- la
prévention
des
conflits
par
l’identification
des
sources
fondamentales et profondes ;
- l’intervention par négociation ;
- la limitation des conflits par l’arrêt des hostilités et le cessez-le-feu ;
- l’imposition du respect de la paix, par la sécurité collective au besoin
par moyens militaires ;
- la résolution des conflits par le respect des accords et l’identification
des remèdes à leur apporter ;
- la consolidation de la paix, par le désarmement, le cantonnement des
troupes, la démobilisation, le retour des réfugiés ;
- le soutien de la paix par la surveillance de la paix et la reconstruction.
Les mécanismes institutionnalisés de résolution du conflit dépendent des
habitudes culturelles. Pour prévenir à gérer les conflits, une marge de
consensus est indispensable (Rivière 1978 :141).
B- CADRE TECHNIQUE
La
recherche
nécessite
une
démarche
permettant
de
réaliser
objectivement les objectifs que l’on se fixe. C’est à juste titre que
KAPLAN16 disait « le propre de la méthode est d’aider à comprendre au
sens le plus large, non les résultats de la recherche scientifique, mais le
processus de la recherche
lui-même ». Dans cette perspective, le
chercheur doit faire recours à une méthode puisqu’elle permet
l’utilisation de techniques de collectes de données et de technique de
traitement, appropriées à la résolution d’une problématique.
16
- D’OLIVEIRA Bonaventure, initiation à la recherche :cours de la 1ère année de Socio-Anthropologie,
1997-1998.
20
La méthode adoptée est de type qualitatif et s’appuie sur des données
du terrain. Cette méthode a été privilégiée à cause de la délicatesse, de
la sensibilité de notre objet de recherche. Elle est caractérisée par deux
phases:
 une phase active d’entretien individuel et de groupe,
 une phase passive qui consiste à observer sans influencer et à
prendre note de tous les éléments ou évènements.
Ainsi, l’ensemble des processus de recherche de collecte et de
traitement des données qui ont permis la réalisation de ce document
peut être ordonnée en quatre étapes principales :
 la recherche documentaire,
 la pré-enquête,
 l’enquête proprement dite
 le dépouillement et l’analyse des données recueillies sur le terrain.
1. Recherche documentaire
Elle est une étape primordiale qui permet aux chercheurs de prendre
connaissance des travaux par rapport au thème d’étude afin de mieux
orienter les recherches. Cette recherche a permis de rassembler et de
sélectionner les ouvrages et travaux dont certains ont été présentés
dans la revue de littérature. La documentation consultée dans le cadre
de cette étude est composée essentiellement des ouvrages généraux et
spécifiques comme des travaux de recherches, des actes de colloque,
des mémoires, des articles, des brochures relatives à l’éducation à la
tolérance.
Ces
recherches
ont
eu lieu dans
des
centres
de
documentation et bibliothèques et sur Internet. Il s’agit entre autres de :
21
 le centre de documentation de la faculté des lettres, arts et sciences
humaines (FLASH) où des mémoires de maîtrise ont été consultés.
 la bibliothèque Universitaire (BU) où des dictionnaires ont été
consultés.
 le centre Basile Cossou (CIBACO) où les actes de colloque sur la
culture de la paix et d’autres ouvrages relatifs au racisme ont été
consultés.
 National council of Negro women (NCNW Bénin) où des recherches
sur Internet ont permis de découvrir des analyses sur les conflits
ethniques.
2. Pré-enquête
La pré-enquête a couvert la période de 15 juin au 07 août 2002. Elle a permis de faire les premières descentes sur le champ d’étude à
Ouèdèmè, Magoumi, Glazoué. La rencontre avec les personnes ressources tels que les membres du comité de gestion de conflit à
Glazoué, certains acteurs du conflit, des cadres de la
commune à Cotonou, des étudiants Mahi et Idatcha de Glazoué résident à
Calavi et Cotonou, des enseignants en poste à Glazoué, des responsables d’ONG, des femmes commerçantes et des ouvriers, a élargi les
connaissances relatives à la question.
Cette étape a permis de tester les outils d’investigation élaborés à cet
effet. C’était aussi l’occasion d’avoir une idée de l’échantillon à
constituer.
Au total, la pré-enquête a permis de faire le point des connaissances
antérieures en vue de mieux reformuler les hypothèses de travail puis la
conception de l’échantillon.
3. Population à l’étude et échantillonnage
Elle est composée de la population cible et de l’échantillon
3.1. Population cible
La population concernée dans le cadre de la recherche est la
communauté Mahi et la communauté Idatcha de la commune Glazoué.
22
Ne pouvant aller dans les dix arrondissements de la commune, nous en
avons choisi cinq dans lesquels se distinguent :
- Autorités locales
- Membres du comité de sages de la commune
- Responsables d’association de développement
- Personnes Ressources
-
Témoins des affrontements
-
Victimes
-
Acteurs des affrontements
- Ressortissants de la localité à Cotonou et à Calavi
- Leaders politiques au cours de leurs tractations électorales
- Chefs traditionnels
3.2. Echantillonnage
L’échantillonnage a été fait en respectant la représentativité des
différentes catégories d’acteurs.
Il s’agit ici de faire le choix d’un échantillon raisonnable. Les enquêtés
ont été choisis par choix raisonné.
En effet, un échantillon de 211 personnes a été constitué. Cinq
arrondissements ont été choisis à savoir Ouèdèmè, Magoumi, Thio,
Aklamkpa à 32km17 et Glazoué centre. Ces cinq arrondissements sont
choisis parce que Magoumi, Ouèdèmè, Thio et Glazoué ont été le
théâtre de violences interethniques entre Mahi et Idatcha. Aklamkpa est
choisi comme un arrondissement témoin, parce qu’il y a une
homogénéité ethnique Mahi. Par conséquent il n’y a pas de conflits
directs entre leurs populations et les Idatcha.
Ces choix nous ont permis de faire une étude comparée des conflits dans la
commune.
17
Atlas Monographique des communes du Bénin de 2001.
23
4. Enquête proprement dite
Les techniques retenues dans le cadre de ce travail sont l’observation
méthodique, l’interview individuelle et l’interview de groupe.
L’outil utilisé a été le guide d’entretien, vu la sensibilité de l’objet de
recherche. Aussi un appareil enregistreur a-t-il servi à la collecte des
données. Avec la permission des enquêtés, toutes les informations sont
enregistrées sur bande magnétique.
Chaque soir, se fait la transcription des données enregistrées sur bande
magnétique.
Notifions que la collecte a été faite individuellement et collectivement. De
façon collective, elle a été conduite par une équipe de trois acteurs dont
un sociologue, un juriste et un responsable d'ONG en activité sur le
terrain.
Individuellement des interviews ont été réalisées avec les autorités
locales, des personnes ressources, des témoins et des acteurs des
évènements conflictuels. Aussi des ressortissants de la commune qui
résident à Cotonou, calavi, Bohicon ont-ils été interviewés.
L’observation directe et méthodique a permis de déceler des aspects
intéressants, au cours des entretiens avec des amis de la localité, au
cours des réunions politiques. Nous prenions note de tous les
comportements subversifs et des propos ethnocentriques.
Outre les techniques précédentes, des focus groupes ont été organisés
regroupant différents acteurs (les blessés, les dépossédés de terres, les
témoins) des évènements de 1998.
Les données recueillies ont été traitées et analysées.
5. Dépouillement et analyse des données
24
Le dépouillement des données a été fait à chaque retour du terrain. Il a été
manuel et a permis de valider les informations. Une grille de lecture articulée
autour des grandes rubriques établies a facilité le dépouillement.
L’analyse des contenus a été faite en liaison avec les hypothèses de départ. De
même, les différentes notes prises lors des observations ont fait l’objet de
comparaison, d’appréciation et de synthèses. Ces données recueillies ont
permis de mesurer, d’analyser, les comportements des acteurs des différents
groupes socioculturels face aux conflits existant entre eux. La triangulation
des données a été la technique adoptée pour l’analyse des informations
recueillies. Elle permet de vérifier la justesse et la stabilité des résultats
produits. La contrainte et la fiabilité des données a exigé un dépouillement
rigoureux.
La présente étude a été réalisée pendant une période bien définie.
6. Durée de recherche
Les recherches ont débuté en décembre 2006 dans le cadre de notre
mini-projet de recherche dont le thème est : « les déterminants des
conflits entre mahi et idatcha de Ouèdèmè. » Dans le but de souci
d’élargir notre champ de recherche sur le phénomène.
7. Difficultés du terrain
Les difficultés rencontrées au cours de cette recherche sont de plusieurs
ordres. Mais principalement, celles linguistiques et celles relatives à la
disponibilité de certains enquêtés ont retenu notre attention.
Du point de vue linguistique il y a
réticence de certains enquêtés
Idatcha.
25
Malgré ces difficultés, nous avons pu néanmoins collecter les
informations dont nous avons besoin pour réaliser le travail.
26
CHAPITRE II : PRESENTATION DE LA COMMUNE DE
GLAZOUE
A- Historique de la circonscription administrative de Glazoué
Glazoué est l’une des six communes du département des Collines.
Cette localité est devenue circonscription administrative suite au
découpage territorial de 1978. L’objectif du régime d’alors était de
rapprocher le pouvoir central des administrés. Avant 1978, Glazoué
était un arrondissement (ex-commune) composé des villages Glazoué
centre, Magoumi, kpakpaza, Zaffé. Cet arrondissement appartenait à la
circonscription administrative de Dassa-Zoumè. Mais dans les années
1960
c’était
un
village
de
l’arrondissement
de
Thio.
Les
arrondissements de Ouèdèmè, d’Aklampa, dépendaient de Savalou. Le
découpage territorial de 197818 a fait de Magoumi, Zaffé, Kpakpaza, et
Assanté des arrondissements. Les détachements des villages en vue
de créer la circonscription administrative de Glazoué font actuellement
de la mairie dix arrondissements à savoir : Aklampa, Assanté, Glazoué,
Gomè, Magoumi, Sokponta, Ouèdèmè Thio, Zaffé. Le chef lieu de la
commune est Glazoué parce qu’il est situé au centre des neufs autres
arrondissements et à cause des opportunités qu’il offre à travers son
marché qui est le point de convergences des produits vivriers des
différents arrondissements.
La création de la circonscription administrative de Glazoué, bien qu’une
bonne chose, est indirectement une source de conflit, parce qu’une
18
Les informations relatives à l’histoire de la circonscription administrative de Glazoué nous ont été fournies
par le 2ème maire adjoint et le secrétaire Général de la Mairie.
27
délimitation des frontières des différentes communautés n’a pas été
préalablement faite.
B- Cadre géographique
1- Etendue et limites de la commune
La commune de Glazoué s’étend sur une superficie de 1.750km2 ; soit
1,57% de la superficie du territoire national. Elle est située au cœur du
département des Collines à 234km de cotonou. Elle est limitée au nord
par les communes de Ouèssè et Bassila, au sud par Dassa, à l’Est par
les communes de Ouèssè et Savè et à l’Ouest par Bantè et Savalou. La
distance bord à bord est de 74km19.
2- Relief-climat-sol-végétation
Le relief de la commune est marqué par la présence des collines à
Sokponta, Gomè, Camaté, Tankossi, Tchatchégou, Thio, Ouèdèmè,
Assanté, Aklampa.
Avec un climat subéquatorial, la commune connaît deux saisons de pluie
dont une petite et deux saisons sèches dont une petite également.
On y trouve plusieurs types de sols à savoir :
- Les sols sablonneux blancs
- Les sols sablonneux noirs
- Les sols ferrugineux
- Les sols caillouteux.
La végétation est constituée des formations naturelles : forêts riveraines,
forêts galeries, forêts denses, forêts claires, des savanes boisées
arborées et arbustives. On y trouve également des plantations de tecks
et d’anacardiers.
La commune est arrosée par le fleuve ouémé au niveau des villages
d’Aklamkpa, de Béthel, Riffo, et une petite partie de l’arrondissement de
19
- Atlas monographique des communes du Bénin , 2001
28
Zaffé. Il y a aussi de petits cours d’eau tels que Adoué , Kotobo,
Trantran, Tehoui, Antaoyi, Tchololoé… qui favorisent le développement
de maraîchage de contre saison et les activités de pêche artisanale ( cf
PDC de Glazoué)20.
Les Mahi, agriculteurs traditionnels, occupent les espaces fertiles
sablonneux noirs. Les Idatcha par contre vivent traditionnellement aux
pieds des collines occupant des sols caillouteux, sablonneux blancs
parce qu’ils sont des chasseurs. Cette localisation géographique fait
objet de conflit parce que, les chasseurs devenus agriculteurs,
descendent de leurs collines à la quête de terre fertile.
C- CADRE HUMAIN
1- Données démographiques
La population totale de la commune de Glazoué est de 90.47521
habitants selon le troisième recensement général du février 2002. La
taille moyenne des ménages est de cinq (5) personnes. Le nombre de
ménages est estimé à 18.101 dont 14.481 ménages agricoles soit 80%22
20
PDC : Plan du Développement communal de Glazoué validé en 2004.
Recensement général des populations et de l’habitat (RGPH2) de 2002
22
- Plan de Développement communal (PDC)
21
29
de ruraux. La densité de la population est environ cinquante et un (51)
habitants au km2.
La croissance démographique est une source de conflit. Le conflit naît
de l’interaction et des échanges croissants entre les acteurs sociaux des
différentes communautés.
2- Groupe ethniques et Religieux
La commune de Glazoué compte plusieurs ethnies dont les deux majoritaires sont les Mahi et Idatcha. En plus de ces deux groupes
socioculturels il y a d’autres comme les Peulhs, les Adja, les Fon d’Abomey, les Dendi, les Yom, lokpa, les Otamari, les Yoruba du
Nigéria qui constituent une minorité par rapport aux deux premières.
En effet on constate que les Mahi constituent une homogénéité ethnique
remarquable dans les arrondissements de Aklamkpa, Assanté, Thio,
Ouèdèmè, tandis que les idatcha constituent une homogénéité à
Sokponta, Zaffé, Magoumi, Kpakpaza. A Gomè et Glazoué il y a un
cosmopolitisme mais surtout à Glazoué.
Nos recherches ont révélé qu’à Gomè il y a des Mahi qui sont devenus
Idatcha à force de vivre ensemble. Ceux-là sont venus de Monkpa, un
village Mahi de Savalou. L’exemple des Zomahoun de Gomè nous a été
évoqué à titre de preuve. Nous constatons que les communautés Mahi
constituent une forme de ceinture autour de celles Idatcha.
L’homogénéité relative et absolue des différentes communautés dans
l’espace est porteuse de conflit. Car, majoritaires sur un espace, les
minorités font souvent objet de discriminations.
Chaque groupe est régi par une organisation du point de vue social et religieux.
2- Organisation sociale et religieuse
En milieu Mahi comme Idatcha, outre les chefs élus par l’administration à savoir les chefs d’arrondissement et les délégués du village, il
y a la chefferie traditionnelle. Les chefs traditionnels sont renforcés par les chefs de clans, les chefs de collectivité, les dignitaires de
chasse et de couvents. Ces dignitaires du pouvoir traditionnel ont une influence déterminante dans toutes décisions concernant la vie de
leur groupe socioculturel. Les groupes ethniques majoritaires se sont organisés de sorte qu’un membre d’une autre ethnie ne peut être
chef traditionnel dans la localité de l’autre ethnie. Mais à Glazoué où il y a codominance entre les deux ethnies, il y a un chef traditionnel
Idatcha qui décide au nom des deux communautés.
Chaque communauté a ses valeurs socioculturelles qui lui sont propres
et la tendance de l’une à régner seule sur un espace cosmopolite peut
entraîner des conflits.
30
D- DONNEES ECONOMIQUES
L’économie de la commune de Glazoué s’articule autour des
traditionnels secteurs primaire, secondaire et tertiaire.
1- Le secteur Primaire
L’économie locale de Glazoué est essentiellement agricole. Le secteur
primaire est prépondérant. L’agriculture reste traditionnelle avec
l’utilisation des outils archaïque tels que la houe, le coupe-coupe.
Quelques rares paysans font usage de charrue de bœuf. L’agriculture
n’est mécanisée dans aucun arrondissement de la commune. L’énergie
musculaire est celle dont les paysans font usage au quotidien.
Les principales cultures vivrières produites dans la commune sont le
maïs, l’igname, l’arachide, le manioc, le riz, sorgho. La principale culture
d’exportation est le coton. Mais aujourd’hui elle est secondée par les
noix d’anacarde dont la plantation est très développée dans les collines
en général. Elle est la deuxième culture de rente. Les populations font
également l’élevage et la pêche. Le cheptel de la commune est constitué
de bovins, d’ovins, de caprins, de porcins. Le porcin est très développé
dans les villages Idatcha. Dans l’arrondissement Mahi de Ouèdèmè son
élevage est interdit mais sa viande est consommée. La pêche n’est pas
développée.
Le
développement
de
la
chasse
contribue
considérablement à l’économie locale.
La recherche d’espaces cultivables entraîne des
confrontations
ethniques.
2- Le secteur secondaire
31
Le secteur secondaire à Glazoué est caractérisé par la présence d’une
usine d’égrenage de coton, SONAPRA23. L’industrie agroalimentaire est
presque inexistante malgré l’abondance des produits vivriers.
Les activités minières relatives à la carrière de granite demeure
archaïques. Elles sont caractérisées par le concassage manuel.
L’artisanat est une activité bien développée. Il est marqué par l’existence
de scieries, des ateliers de menuiserie, de couture, de mécanique, de
soudure, de coiffure …
Le recrutement dans les unités de transformation est une source de
conflit. Une ethnie se sent marginalisée par rapport à une autre.
3- Le secteur tertiaire
Il est marqué par la commercialisation des produits vivriers au marché
international de Glazoué et dans d’autres marchés d’arrondissement. La
commercialisation des produits usagers importés du Nigéria est aussi
développée dans la localité.
Des affrontements sont réguliers entre commerçants Mahi et Idatcha. Le
support des uns et des autres dépend du lieu d’animation du marché.
E-INFRASTRUCTURES SOCIOCOMMUNAUTAIRES
LA commune de Glazoué dispose de quelques infrastructures relatives à
la santé, l’éducation, la sécurité, à la culture et au sport.
1- La santé
Glazoué a un centre de santé communal situé au chef –lieu et sept
centres de santé d’arrondissement. Un seul médecin anime le centre
communal et les centres de santé d’arrondissement sont animés par des
23
SONAPRA : société nationale pour la promotion agricole
32
infirmiers. L’affectation ou la nomination du médecin, fait souvent objet
de tension ethnique selon qu’il est de l’une ou de l’autre ethnie.
2- Education
Il y a six collèges d’enseignement général public et deux collèges
d’enseignement professionnel privés. Tous les arrondissements n’ont
pas de collège ; mais tous les villages ont d’école primaire publique. On
note la tendance à privilégier le recrutement des vacataires dans les
établissements d’enseignement selon leur ethnie de provenance.
3- La sécurité
Sur le plan sécuritaire il y a un commissariat de police et une brigade de
gendarmerie au chef-lieu de la commune. Dans les arrondissements, les
chefs d’arrondissement ont formé des brigades de sécurité privée.
Selon les informations reçues, le traitement des dossiers des acteurs
sociaux dépend de l’ethnie du citoyen et de celle des différentes
autorités.
4- Sport et culture
Des maisons de culture sont construites dans certains arrondissements.
Un complexe sportif est en construction dans l’arrondissement de
Ouèdèmè. Tous les arrondissements ont de stade de foot-ball même
c’est en mauvais état. L’appropriation des infrastructures sportives et
culturelles par une ethnie a été et continue d’être un facteur d’opposition
entre les deux communautés.
5- L’eau- l’électricité-téléphone
5.1. L’eau
33
La commune dispose de cent (100) pompes, soixante seize (76) puits
aménagés, trois cent quarante trois (343) puits non aménagés, des
citernes, l’eau courante (Atlas monographique des communes, 2002). Le
forage de la SBEE n’a pas couvert tous les arrondissements. Le forage
tarit en saison sèche.
5.2. L’électricité et le téléphone
Seuls les arrondissements traversés par la haute tension ont l’électricité
et sont encore faiblement couverts.
Il y a la téléphonie rurale dans la plupart des arrondissements.
Les communautés qui n’ont pas l’eau potable, l’électricité et le téléphone se
sentent marginalisées.
Le récapitulatif des problèmes entre Mahi et Idatcha, permettra de mieux saisir
les sources des conflits opposant les deux communautés.
DEUXIEME PARTIE : HISTOIRE DES ETHNIES ET INVENTAIRE
DES PROBLEMES
34
CHAPITRE III : HISTOIRE DES MAHI ET IDATCA
Il s’agit ici de retracer brièvement l’origine des mahi et idatcha des
Collines.
A- ORIGINE DES MAHI DES COLLINES
De nos recherches, il ressort que les mahi comme la plupart
des
peuples du bas Bénin constituent un sous-groupe de l’ethnie fon, de
source Adja, originaire de Tado. A travers leur histoire, il se dégage deux
grands courants de migration qui ont donné naissance aux deux
groupes : les uns appelés Mahi de Savalou sont venus de Mitogbodji
des abords du lac Ahémé, un village de pêcheurs, les Dovis. Ils étaient
des Houédah mélangés d’Adja et de Aïzo et avaient un chef du nom
Alédjou. A la mort de ce dernier, son aîné Dessou Atolou, à la suite des
disputes alla s’installer auprès de Ligbo, roi de Damè. Là, il eut un fils
avec la fille de Ligbo du nom de Gba-hako. A la mort de Ligbo, son
successeur devait monter
le buffle grand. Sorti victorieux de cette
épreuve, il prit le nom de Ahossou Soha et quitte Yayé pour fonder un
village qu’il nomma Houawé. Compte tenu de l’ingratitude de son ami
Aho, Ahossou Soha quitte Houawé et alla s’installer à Hon au Nord puis
à Honhoungo à douze kilomètres (12km) environ de Savalou. De là,
Ahossou Soha, décida de s’emparer du village Yoruba Tchébélou,
35
perché sur les collines. Il parvint, obligeant les Nago à se réfugier à
tchèti, Otolla, Dounè, Bantè et Bassila. Mais, au lieu de conserver
l’emplacement sur les montagnes, Soha reconstruit à l’aide de Aho, le
village aux pieds des collines. Tchébélou, par déformation, serait devenu
Savalou d’où il devint le premier roi de Savalou.
Les autres se réclament d’Agonlin Covè. En effet, à la suite de
l’assassinat de Ouou par Aho, Ahossou Soha n’a pas été suivi par tous
ses fils pour aller à Hon. Certains allèrent se réfugier à l’Est, au sudouest du pays Agonlin ; les uns à Allahé et d’autres à Houin et Aïzé.
Leurs différentes migrations vers le Nord ont conduit à la création des
localités comme Paouignan, Soclogbo, Dokoundji, Gbaffo, Minifi,
Hlassoé, Agouagon…
Il convient de retenir selon le récit que les Mahi ont pour origine lointaine
Adja Tado24.
Qu’en est-il de l’origine des Idatcha.
B- ORIGINE DES IDATCHA
Les Idatcha font partie de la communauté Nago des Collines, installée
au Bénin. Il s’agit des Ifè et Itcha de Tchèti, de Bantè, des Tchabè de
Savè et les Idatcha de Dassa et Glazoué. La communauté Nago provient
de l’ère culturelle Yoruba du Nigéria.
En effet, la communauté Nago du Bénin dont font partie intégrante les
Idatcha s’est installée dans les collines à la suite des mouvements
migratoires dus à de nombreuses guerres de conquêtes, de razzias à
24
Mémoire de maîtrise de Vincent AKEFOUIN, 2004 « Sens et portée du Kyo davi dans la dynamique sociale
des Mahi de Savalou ». 40-49pp
36
but esclavagiste ou des disputes survenues au moment de successions
au trône. Il s’agit des migrations d’origine Oyo et Ilé-Ifè25.
Selon les informations reçues, l’ère culturelle Yoruba ne s’étendait pas
jusqu’au Dahomey. Elle se limitait au Nigéria où la localité d’Ilé-Ifè faisait
figure de capitale religieuse et spirituelle des Yoruba. D’après une
version très répandue, les ancêtres des Yoruba seraient partis de la
région Nilotique pour venir fonder Ilé-Ifè qui à son tour a donné
naissance à d’autres localités comme Oyo, Abéokouta, Ibadan. C’est de
ces régions que seraient partis de nombreux migrants pour venir
s’installer dans plusieurs localités de l’espace béninois. De façon
générale, ce sont ceux-là qui sont communément appelés nago comme
nous l’avions signalé plus haut ; bien que quelques uns préfèrent porter
un autre nom.
En définitive les nago des collines sont progressivement mis en place
grâce aux mouvements migratoires d’origine Oyo et Ilé-Ifè au Nigeria. Ils
ont pour source, l’ancien peuple Yoruba du Nigeria. Cela justifie
l’intercompréhension linguistique et l’identité culturelle entre les Itcha, les
Ifè, les Yoruba, les Tchabè et les Idatcha.
Après une brève connaissance de l’origine des ethnies, les différentes
sources des conflits seront appréhendées à travers l’inventaire des
problèmes.
25
Mémoire de maîtrise en Sociologie Anthropologie de Adélaïde LAOUROU ,2005 « la question de la
scolarisation des filles à Bantè ». Elle a fait cas dans son travail de l’histoire d’installation des Nago au Bénin..
37
CHAPITRE IV : INVENTAIRE DES PROBLEMES
Les causes des conflits se trouvent dans les problèmes historiques. Elles
se trouvent également dans les évènements survenus dans les
arrondissements. La chefferie traditionnelle et la politique ne sont pas
occultées dans la recherche des sources des conflits.
A- LES PROBLEMES HISTORIQUES
Nous parlerons ici brièvement des guerres expansionnistes des rois d’Abomey et la confusion qui en résulte comme source de division
ethnique.
1. L’expansionnisme des rois d’Abomey
Les rois d’Abomey, à cause des guerres ont opposé les habitants des collines
en particulier les Mahi et les Idatcha. Ces deux peuples ont été victimes des
différentes guerres des aboméens.
En effet, les manifestations de discrimination et d’exclusion entre les Fon et
Nago tirent leurs sources de la domination exercée pendant des siècles par
oyo sur le Danhomè (Anignikin 1997 :63). Mais les razzias d’esclaves ont
aggravé les traumatismes.
Les situations du genre ont été également vécues à l’intérieur d’une
même ère culturelle. Le plus dramatique est le cas des Mahi dont le pays
offrait aux rois d’Abomey un terrain idéal de chasse aux esclaves selon
J.A. Berger. A chaque saison sèche, les villages Mahi étaient détruits et
leurs habitants conduits à Abomey. Mais, pour ce peuple qui refusait les
soumissions à Abomey, et qui, de ce fait, a eu droit à toutes les injures,
le martyre a été vécu à Houndjlo. Il s’agit d’une véritable extermination.
38
Notons que dans l’aire culturelle Adja-Tado-Fon, la vision stéréotypée
est fondée sur la valorisation de l’image de soi. Une démarche qui
déprécie automatiquement l’image de l’autre. Ainsi, l’Aboméen manifeste
un certain mépris pour les mahi traités comme des bêtes puantes et
prétentieuses. Les rapports entre l’aire culturelle Adja-Tado-Fon d’un
côté et l’aire culturelle Yoruba-Nago de l’autre sont ceux qui sont
franchement mauvais.
En effet, la conquête du pays Idatcha constitue un objectif pour les rois
de Danhomè dans leur politique expansionniste ou leur quête
d’esclaves. L’agrandissement du royaume en pays Mahi et Nago
(Dassa, Savè et Kétou notamment) participe en un certain sens au
maintien de l’esclavage, même si la traite négrière diminue ».
La conquête du pays Idatcha après la chute de la capitale a été le point
de départ culminant d’une série d’actions menées depuis le règne
d’Agadja jusqu’à celui de Glélé. L’avènement de cette chute est la
preuve que depuis, le pays Idatcha est convoité par le royaume de
Danhomè. Appréciant ce phénomène, le Professeur Sylvain C. Anignikin
écrit : « en effet, comme tous royaumes de la région du Zou/Nord, celui
de Dassa était convoité par ses grands voisins, le royaume à l’Est et
surtout le royaume de Danhomè ». Dès lors, les menaces devinrent
permanentes.
La mémoire collective de nos informateurs ne retient que quelques grandes
figures, acteurs de ces grandes menaces pour le pays Idatcha. Ainsi, expliquait
le vieux Oloré de Modji : « selon les informations reçues de mes grandsparents, le mot d’ordre du roi Idami Kpengla à l’endroit de ses soldats serait la
décapitation systématique des populations Idatcha. C’est à cette période,
poursuit-il, que l’opinion publique de chez nous se rendit compte que les Idami
ne sont qu’à la recherche de tête d’hommes qui servaient à faire de l’argent
pour les uns ou à boire de potions magiques pour d’autres. » Ainsi, pour les
39
Nago et les Idatcha, l’aboméen est un mauvais génie, diabolisé. Evidemment
pour l’aboméen, les Yoruba et les Nago sont des ennemis héréditaires. Etant
de la même famille linguistique, les nago et particulièrement les Idatcha
confondent les Mahi aux Fon d’Abomey.
2. La confusion des Mahi aux Fons d’Abomey
Une fois les guerres terminées, une confusion s’installa dans la mentalité des
Idatcha. Ainsi toute langue parlée autre que celles du Nord est considérée
comme Fon. L’histoire se transmettant de génération en génération, elle
demeure dans des consciences et accentue les différences entre ces deux
ethnies pour finir par nourrir des conflits.
Par ailleurs, l’ethnocentrisme s’est développé entre les deux peuples.
En effet, l’antipathie de l’homme Idatcha vis-à-vis de son prochain Fon
s’est édifiée depuis des siècles. Elle se manifeste d’abord par l’existence
de crise de confiance entre les deux communautés. L’homme Idatcha,
pour citer les propos d’un enseignant Mahi d’Aklamkpa, monsieur Léodé,
« observe une grande réserve par rapport à son prochain Mahi qu’il
confond au fon d’Abomey, et ce dans toute entreprise commune. » En
clair, les communautés Idatcha ont gardé une haine à l’endroit de leurs
« ennemis d’hier », les fon d’Abomey. Les manifestations ouvertes, sont
les mêmes partout à l’intérieur des collines. Chez les Idatcha, les termes
qui les marquent le plus sont « Dassanu yaya, Dassanu vnvn », des
expressions avilissantes utilisées par les Fon et les Mahi pour les
qualifier « d’êtres inférieurs ». Les Idatcha aussi n’hésitent pas à dire aux
Fnn et Mahi « idami kossan » pour signifier que « le Fnn est
mauvais ».Voilà ce qui illustre l’esprit d’ethnocentrisme qui , selon le
père Bernard Goudjo26, se définit comme « la tendance à se prendre
comme peuple ou groupe de référence primordial et à porter ensuite un
jugement de valeur sur des groupes autres ou étrangers dont la culture,
26
- Histoire des conflits ethniques dans les Collines, Saoco BADOU.
40
les mœurs, les institutions et tout autre facteur psychologique ,
sociologique et historique différent du sien ».
Pour les populations Idatcha, avec les nombreuses opérations de
razzias, de rapts, de tueries dont elles étaient victimes de la part des fon,
ceux-ci ne devraient plus continuer. En revanche, les Idatcha les
qualifient aussi de « bêtes sauvages » avec qui il ne doit exister aucune
relation de confiance.
Les faits historiques ne suffisent pas à eux seuls pour appréhender les
conflits. Explorons aussi les évènements conflictuels qui ont eu lieu dans
les arrondissements ciblés.
B- EVENEMENTS DE L’ARRONDISSEMENT DE Ouèdèmè
La recherche des causes des conflits nous amène à explorer l’histoire d’occupation. La création du marché qui a été un facteur
déclenchant est aussi abordée de même que l’implication des cadres leaders et l’intervention des autorités d’Etat.
1. Histoire d’occupation de Ouèdèmè
Les Mahi et Idatcha vivaient ensemble depuis 1954 à Ouèdèmè selon
les informations reçues sur le terrain. Avant cette période Ouèdèmè était
occupé uniquement par les Mahi venus de Logozohè. Les Idatcha de
Ouèdèmè ont émigré de Tchatchégou et Kpatélé, des localités de
Dassa. Leur origine lointaine est la région de Êgba derrière Kétou.
Ouèdèmè a été découvert par un chasseur Mahi de Logozohè. Au cours
de sa chasse, il découvrit la localité et fut impressionné par la végétation
et du sol. Au retour il informa ses amis et proches de la terre promise
découverte. Ils se rendirent ensemble sur les lieux et constatèrent que
c’est une terre très propice pour la culture d’igname. C’est alors qu’ils ont
décidé de créer leur ferme sur le domaine. Vivant là en paix et dans la
quiétude ils donnèrent à la zone le nom « wèèmè27 = terre de paix» qui
deviendra par déformation Ouèdèmè. C’est ainsi que la localité devint
27
-Ouèwèmè signifie terre de paix.
41
progressivement, avec l’arrivée d’autres Mahi, une grande ferme agricole
qui la consacra village.
Les Mahi et les Idatcha se rencontraient à la chasse. Leur rencontre était
souvent conflictuelle.
En effet,
quand un groupe de chasseurs Mahi rencontraient un Idatcha avec ses
gibiers, ils le malmenaient et lui prenaient tout ce qu’il a tué. La tendance
inverse se produisait aussi. C’est souvent les rapports de forces entre
chasseurs Mahi et Idatcha. Un intellectuel Mahi, l’un de nos enquêtés a
confirmé que dans le passé, les Idatcha ont été trop méprisés, malmenés par
les Mahi.
Dans l’ancien temps la démographie était peu considérable. Pour ne pas
vivre seul en brousse pour subir les affres des rongeurs, des oiseaux,
des animaux sauvages dans les champs, on invitait ses frères et amis à
vivre avec soi. On leur accordait des terres à exploiter sans limite. La
terre n’était monétarisée et n’avait autre valeur économique pour les
occupants que l’agriculture. La vie communautaire se passait comme s’il
n’arrivera de problèmes à l’avenir. Mais avec l’accroissement des
populations, les mentalités ont changé. Désormais, quand on accorde un
espace cultivable à un étranger on lui interdit de planter des arbres. Les
problèmes domaniaux ont commencé quand les chefs de terre
réclamèrent la rétrocession des terres, à cause de leurs enfants devenus
nombreux et qui sont en âge d’avoir leur propre espace cultivable. Ces
problèmes sont autant interethniques qu'intraethnique.
La communauté Idatcha de Ouèdèmè n’était pas installée dans le village
avant 195428.De ce fait ils ont une petite propriété foncière historique. En
effet, lorsqu’ils étaient venus de Tchatchégou et kpatélé, ils n’ont pas été
acceptés par les communautés Idatcha de Kpakpaza et Magoumi, sous
prétexte qu’ils sont des malfaiteurs chassés de leur lieu d’origine. Ne
28
1954- date d’arrivée à Ouèdèmè des Idatcha, information reçue de Joseph GANDJI ancien Chef District de
Savalou dans les années 60.
42
pouvant plus retourner au lieu de provenance, ils se sont installés au
bord d’une rivière à l’entrée de Ouèdèmè en venant de Glazoué. Cet
endroit était abandonné par les Mahi parce qu’il est régulièrement
inondé. Les premiers occupants Idatcha ont nommé le milieu
« Kpoba=zone
humide »29.Ils
étaient
régulièrement
victimes
des
inondations avec ses corollaires. Dépassés par les calamités auxquelles
ils sont assujettis, le jeune frère immédiat du plus âgé du groupe,
Issiaka, demanda au roi Gandji30 de Ouèdèmè, la permission de
s’installer sur son territoire pour être épargné des malheurs qui les
abattent. Cette demande leur a été accordée par le roi. Il vint alors
construire une maison à Ouèdèmè a un endroit à eux accordé par le roi.
Cet emplacement est une terre ferme et le prolongement direct de la
zone humide où ils habitaient. Quelques temps après, le roi invita le plus
âgé du groupe, Idissou, qui est son ami de jeunesse, à rejoindre son
jeune-frère Issiaka sur la terre ferme. Suite à cela, tout le groupe a
rejoint Ouèdèmè. Ils ont conservé le nom Kpoba de leur ancienne
localité.
Les communautés ont ainsi commencé leur cohabitation partageant les
mêmes infrastructures socio-communautaires. La barrière linguistique a
été source de conflits. Elle rendait les relations interpersonnelles
difficiles. Des violences survenaient régulièrement entre les groupes par
intolérance culturelle. Quand un Mahi passe devant des Idatcha qui
s’expriment dans leur langue, il présume que c’est de lui qu’ils parlent et
des injures en résultent. Il a fallu le brassage ethnolinguistique pour
diminuer ces tensions qui pourtant demeurent. Pour des raisons relatives
aux différences culturelles, le mariage interethnique demeure encore mal
perçu par les parents des deux communautés.
29
30
-Kpoba, mot Idatcha signifie zone humide
GANDJI, premier roi de Ouèdèmè
43
Les Mahi se prennent pour la référence. Le phénomène a été aggravé
en 1998 au moment du choix du site du nouveau marché de Ouèdèmè.
2- Création du marché de Ouèdèmè
Depuis l’avènement démocratique au Bénin en 1990, les problèmes
ethniques ont connu un nouvel épisode à Ouèdèmè. Tout était parti du
choix du site devant abriter le nouveau marché de l’arrondissement de
Ouèdèmè.
En effet l’historique marché de l’arrondissement devint trop exigu suite à
la construction des maisons d’habitation. Le congrès de l’Association de
développement composé des deux ethnies, tenu en 1994, décida de son
transfert. A cet effet, cinq sites ont été successivement proposés et
rejetés. La raison du rejet est le retrait des emplacements de la voie
principale Ouèdèmè -Glazoué. Le sixième site retenu et qui est le facteur
déclenchant des violences, est situé à l’entrée du village, au bord de la
voie principale. Les Idatcha se sont opposés à ce dernier choix.
Plusieurs raisons expliquent leur opposition. La première raison avancée
est que c’est leur propriété historique. La deuxième est qu’ils n’ont pas
été associés au choix de l’actuel site, alors que pour les cinq premiers
rejetés ils étaient associés et les activités de dessouchages étaient faites
ensemble. Pour la troisième raison le motif de rejet des sites
précédemment choisis ne sont pas fondés selon eux.
A cet effet, ils ont révélé que les vraies raisons des rejets, sont le refus
des propriétaires des domaines concernés de voir déclarer leur domaine
d’utilité publique. La dernière raison relève du fait qu’ils sont en pleine
activité agricole sur les lieux.
Pour vite occuper l’espace et mette fin aux éventuelles polémiques, le
chef d’arrondissement d’alors lança un appel aux populations pour la
constructions de paillotes sur le site. Construites sans les Idatcha, elles
44
ont été brûlées le troisième jour par ces derniers. Un généreux cadre
Mahi donna cinq cent mille franc (500.000fcfa) pour que les paillotes
soient construites cette fois-ci en tôles. Construites, les tôles ont été
détruites à coup de machette par les Idatcha. Dépassés, les Mahi ont
détruit leurs cultures agricoles et les affrontements commencèrent le 17
mai 1998. Les différents acteurs sont soutenus par des cadres leaders
de leur communauté.
3- Le soutien des cadres leaders
Les protagonistes étaient tous armés et soutenus dans l’ombre par des cadres
de leur communauté respective. C’est ainsi que selon les informations du
terrain, un cadre Idatcha aurait fourni des munitions d’armes aux siens. Il
aurait également financé les communautés Idatcha voisines de lui exterminer
les Mahi de Ouèdèmè. Parait-il qu’il aurait promis aux siens un projet japonais
de riziculture. Pour ce faire il les aurait exhorté à ne pas laisser leur échapper
ce domaine très favorable à un tel projet.
Notons que les Mahi aussi auraient eu à leur disposition des armes de
guerres. Par solidarité ethnique, les communautés Mahi voisines étaient
venues au secours à leurs frères de Ouèdèmè. Les Idatcha ont fuit le
village pour deux semaines parce qu’on a menacé d’incendier leurs
maisons. Suite à ces évènements, les cadres du village ont convoqué
une rencontre pour que finissent les antagonismes. Une délégation
ministérielle avait joué l’apaisement des tensions.
4- L’intervention des autorités politiques et administratives
Cette situation n’est pas restée sans l’intervention des autorités politiques et administratives. A cet effet, les autorités du village
adressaient des correspondances aux Préfet et Sous- Préfet d’alors pour les tenir informer des évènements. Mais ces différentes autorités
étaient restées impuissantes devant la situation. Vu la gravité et l’ampleur que prenaient les différends, le ministre de l’intérieur avait
invité les représentants des protagonistes et le préfet d’alors. A l’issue de la rencontre et sur injonction du ministre le préfet vint délimiter
le site du marché en invitant les communautés à la raison. La Sous-préfecture y a construit quatre hangars. Ces hostilités ont fait tache
d’huile dans toute la commune.
Comment les conflits sont-ils manifestés entre les Mahi de Hocco et Idatcha de Magoumi ?
C- LES EVENEMENTS ENTRE MAHI DE HOCCC
ET IDATCHA DE MAGOUMI
Nous recherchons ici les sources des conflits dans les conditions d’attributions des terres cultivables aux paysans Idatcha et les
discriminations qui en résultent.
45
1- Système d’exploitation des terres
Magoumi et Thio sont des arrondissements frontaliers par le village Hoco, la limite nord de Magoumi. HOCO est un village Mahi de Thio
où les Idatcha font leurs activités agricoles.
Les paysans Idatcha obtiennent sur demande, des terres que leur
octroient les propriétaires fonciers Mahi, et, pour lesquelles ils paient des
redevances en nature, à la fin de la campagne agricole. Leur contrat est
donc régi par le système de métayage. Les paysans Idatcha
respectaient le contrat, en donnant après chaque récolte, un demi sac de
maïs aux propriétaires domaniaux Mahi. Au-delà des clauses du contrat,
certains propriétaires Mahi font encore de prêt d’argent chez leurs
métayers.
2- Le déboire des paysans Idatcha
En 1998, l’un des propriétaires terriens qui empruntaient de l’argent chez
les métayers sans rembourser, demanda à son métayer de lui payer la
redevance. Le paysan lui demanda de lui rembourser d’abord ses prêts
ou de les remplacer par la redevance. Aussi, les propriétaires ont-ils
augmenté la redevance qui passe d’un demi de 50kg à un sac de 50kg.
Les paysans se sont opposés à ces nouvelles donnes. Les Mahi leur ont
demandé de laisser les terres s’ils ne veulent pas obtempérer. Dans
cette opposition un paysan Idatcha laboura son champ. Son propriétaire
lui interdit de faire la semence. Le paysan la fit malgré l’opposition. Le
propriétaire domanial alla miner le champ avec des rameaux, empêchant
ainsi le paysan de continuer ses activités. Mécontents, des paysans
Idatcha ont pris d’assaut ledit propriétaire dans son champ et l’ont mis à
tabas. Les jeunes Mahi apprenant la nouvelle, se sont soulevés contre
les paysans Idatcha et ce fut le début des violences interethniques entre
les Mahi de HOCO et les Idatcha de Magoumi. Il s’en est suivi des
bagarres à l’issue desquelles le paysan Idatcha concerné et son ouvrier
agricole ont été arrêtés et détenus pendant près d’une semaine à la
46
brigade de Glazoué. Les jeunes de Magoumi frustrés par cette détention
se sont portés à la brigade pour réclamer la libération de leurs
compagnons. Ayant constaté à leur retour au village qu’il y a eu de dégât
dans leurs champs, ces jeunes, pour manifester leurs mécontentements,
ont bloqué la principale voie d'accès au marché de Glazoué pendant
deux semaines. Il y a eu des agressions physiques. Un jeune Mahi de
HOCO a été atteint par une balle mais n’en est pas mort. Un camp peuhl
appartenant aux paysans Idatcha a été saccagé et les bovins abattus.
Les exploitations de quelques paysans Idatcha furent détruites et les
terres retirées. Un ultimatum des mahi a été alors lancé à l’ensemble de
tous les Idatcha de libérer tous les domaines qu’ils occupent sur le
territoire Mahi de Assanté. Les Mahi de HOCO se réclament propriétaires
des terres des villages Idatcha de Orokoto et de Glazoué. Les Idatcha se
sont plaints au roi Egbakotan de Dassa qui demanda aux protagonistes
de revenir à de meilleurs sentiments. Il
déplora les évènements en
rappelant que les Mahi et idatcha avaient tous contribué à la construction
du palais de Dassa. Le roi se demanda pourquoi cette harmonie ne peut
plus exister aujourd’hui entre les deux peuples.
Les évènements entre Mahi d’Aklamkpa et les Idatcha peuvent aussi
nous éclairer dans notre recherche d’identifications des sources des
conflits ethniques entre Mahi et Idatcha de Glazoué.
D- LES EVENEMENTS ENTRE Mahi d’Aklamkpa ET LES Idatcha
Aklamkpa est l’arrondissement le plus éloigné du chef lieu de la commune.
C’est la localité Mahi qui n’a jamais connu des problèmes domaniaux avec les
Idatcha. Néanmoins il y a eu des situations de tension entre ces deux groupes
socioculturels.
1. Différends entre chasseurs Mahi et Idatcha
47
Sur le territoire d’Aklamkpa il n’y a pas de communauté Idatcha comme c’est le
cas dans d’autres arrondissements mahi. C’est pour éviter des problèmes que
les dignitaires ont refusé
d’affecter des terres aux paysans de ladite
communauté. Selon l’histoire, les chasseurs Idatcha vinrent à la chasse avec
ceux d’Akamkpa dans les forêts de Djagbalo et de Lozin à Bantè. IL s’est fait
que deux Idatcha soient allés acheter des viandes chez leur beau-frère
chasseur. Au retour ils ont eu le malheur de tomber dans les mailles des
agents des eaux et forêts. Le forestier leur a pris tous les gibiers en leur
demandant de l’amener vers celui chez qui ils les ont achetés. De peur que leur
beau-frère chasseur soit arrêté par le forestier, ils l’ont conduit dans le
campement d’un autre chasseur Idatcha. Ce dernier, innocent, a été conduit
chez le roi d’Aklamkpa pour être amené à Savalou pour être jugé.
Les chasseurs Mahi d’Aklamkpa s’étaient indignés contre l’injustice en
promettant de retrouver le vrai coupable. Ils ont réussi à mettre la main sur le
présumé vrai coupable et l’ont conduit chez le roi. Cette histoire remonte à la
période du cercle de Savalou. Le jour du procès à Savalou, on demanda aux
chasseurs Mahi de témoigner les faits. Leur témoignage rétablit la vérité
permettant de libérer le premier dont l’innocence a été prouvée. Le vrai
coupable a été condamné à une peine d’emprisonnement. Cette vérité révélée
par un Mahi pour dénoncer une injustice entre Idatcha a été la source de
tension entre les deux ethnies. Les chasseurs Idatcha se méfient désormais de
leurs homologues Mahi de peur d’être dénoncé aux agents des eaux et forêts.
Les Mahi d’Aklamkpa sont aussi venus secourir leurs confrères en crise avec
les Idatcha.
2. La solidarité ethnique des Mahi d’Aklamkpa
Autre situation de crise est celle de 1998 qui a fait débarquer les chasseurs d’Aklamkpa à Glazoué, pace que indignés des traitements que
subissaient leurs populations qui se rendaient au marché. Ils étaient aussi révoltés contre les traitements que subissaient les autres
communautés Mahi de Glazoué. Grâce à leur intervention, le rituel de création du marché de Ouèdèmè a été fait et les agressions sur les
chemins de marché ont cessé.
La dernière situation qui faillit les mettre en guerre avec les idatcha de
Glazoué centre fut une affaire de jalousie, d’exclusion ethnique. De
sources informées, les Idatcha de Glazoué ont demandé le départ d’un
pharmacien d’Aklamkpa en activité à Glazoué. Le motif était de faire
48
disparaître la pharmacie pour qu’un Idatcha puisse s’installer afin de
s’approprier toute la clientèle. Dans cette situation où le pharmacien est
menacé, les chasseurs d’Aklamkpa descendirent pour dire non à
l’injustice, à la jalousie et à la discrimination interethnique. Ces crises
font d’Aklamkpa une localité respectée et crainte.
Explorons à présent la situation dans l’arrondissement de Glazoué
E- LES EVENEMENTS ENTRE MAHI ET IDATCHA DE
L’ARRONDISSEMENT DE GLAZOUE
Deux versions des faits ont été recueillies.
1. Version Idatcha
Aux dires des enquêtés de cette communauté linguistique, au Bénin, la région
naturelle des Idatcha est la commune de Dassa et celle de Glazoué. Ils y vivent
depuis des temps immémoriaux. Mais aujourd’hui, les Mahi se disent
propriétaires de Glazoué et renvoient les paysans Idatcha de leurs champs.
Les différends fonciers
Des problèmes fonciers opposaient des paysans Idatcha de Zaffé
résidents à la ferme Offè aux Mahi d’Agouagon. La situation a dégénéré
au point où les champs des Idatcha aient été incendiés par les Mahi en
leur absence le mercredi 25 mars 1998. Ce jour un exploitant Idatcha qui
tentait de s’opposer à L’agression des Mahi a été grièvement blessé. De
sources informées, le commanditaire des actes est un Mahi d’Agouagon
qui aux dires des enquêtés a décidé de se faire justice en obligeant les
Idatcha paysans à quitter les lieux. L’intéressé a été arrêté en juin 1999.
Mais, il faut signaler que cette situation a commencé depuis 1994, quand
un paysan Idatcha a été invité à la mairie, pour signer un engagement de
libérer les terres qu’il exploite et qui lui aurait été octroyées par un Mahi
d’Agouagon. Tout s’était passé sous les auspices du Secrétaire Général
de la mairie d’alors, Mahi lui aussi, qui a légalisé ledit document et l’a fait
49
enregistrer sous le N°4-H/023/SPG/BPAS du 20/04/199431. Suite à cet
acte le paysan a accusé le Secrétaire Général de l’avoir obligé à signer
un acte qui a servi de prétexte pour le présumé propriétaire Mahi et ses
acolytes pour incendier les cases de la ferme Offè le mercredi 25 mars
1998. Selon les Idatcha, ce crime a été le point de départ de toutes les
hostilités dans la commune. De leur point de vue, il ressort que le
présumé propriétaire foncier Mahi et le Secrétaire Général sont les
principaux instigateurs des violences interethniques à Glazoué.
2-Version Mahi
« L’histoire des Mahi de Glazoué n’est pas pour exclure mais il faut que
l’on comprenne les réalités » : propos du roi de Hlassoé.
2.1. L’histoire du transfert du marché Houndjlo de Hlassoé à
Abomey
Hlassoé est un village qui existait avant les guerres expansionnistes des
Aboméen. Le village en question est situé à trois (3km) de l’actuel
Glazoué. C’est Hlassoé qui est devenu par déformation Glazoué.
En effet, Hlassoé est un village historique au même titre que Agouagon,
HOCO, Soclogbo, Kpaouignan. Le marché Houndjlo s’animait dans ce
village. Toutes les populations de la zone y venaient vendre leurs
produits agricoles.
Le roi d’Abomey avait signé un pacte de non agression avec le roi
Djokpé de Hlassoé. Pour violer le pacte et exterminer la communauté
Mahi de la localité, Djokpé fut invité à Danhomè par son homologue sous
prétexte qu’il a besoin de son aide. Cette trahison a permis aux guerriers
de Danhomè de déporter les communautés Mahi en plein marché
Houndjlo à Hlassoé. Certains sont tués sur les lieux parce q’ils
s’opposaient à la déportation; d’autres se suicidèrent. La plupart des
31
Rapport des conflits à Glazoué en 1998, présenté à la délégation ministérielle qui avait joué à l’apaisement.
50
déportés ont été tués pour le rituel du transfert du marché Houndjlo à
Abomey. Désormais, il n’y a plus marché Houndjlo en milieu Mahi. Suite
à cet évènement les habitants ont tous fuit pour se réfugier dans les
forêts. Ces derniers commencèrent à animer un nouveau marché à
Agouagon.
Le roi d’Abomey crut avoir réussi son forfait. Ils en étaient là quand des
signes de malheur planaient sur le royaume. Les devins de la cour
royale ont révélé que si le roi Djokpé ne retourne pas en pays Mahi, des
malheurs vont s’abattre sur le peuple. Suite à cette révélation Djokpé fut
conduit à Hlassoé avec deux de ses frères et une femme. Constatant le
village décimé, ces frères qui l’ont suivi ont rejoint Agouagon. Mais le roi
Djokpé refusa d’y aller avec eux. Ces frères l’ont invité de les suivre de
peur que les hyènes le dévorent. Mais il leur répliqua qu’il ne veut pas
que le nom Hlassoé disparaisse et si l’hyène le dévore tant mieux. Il y
avait dans le village une colline au cœur d’une forêt où vivaient des
hyènes. Vivant dans le milieu sans être mangé par les Hyènes, il fut
rejoint par certains de ses frères de Agouagon. En réalité Hlassoé
signifie littéralement « colline des hyènes ».
Aux dires des orateurs il n’avait aucun village Idatcha dans le milieu. A
l’époque ils étaient à Sokponta où ils faisaient le champ aux pieds des collines.
Leurs paysans venaient vendre leurs produits au marché d’Agouagon.
2.2. Histoire de l’actuel marché de Glazoué
La communauté Mahi était des producteurs d’ignames. Les ignames étaient
convoyées des campements au marché d’Agouagon. Le vieux Djokpé était
dans sa forêt quand Djahunta Gomez, Ouidanais, vint lui demander de terre
cultivable. Gomez est un agent des réseaux ferroviaires. Il voulait faire la
culture d’ignames. L’endroit qui l’a plu est l’actuel quartier Zonhungo de
Glazoué. Le roi lui donna la permission. Gomez y produisit d’ignames avec un
bon rendement. Vu la quantité d’ignames produites dans la zone et les
51
difficultés de les transporter au marché d’Agouagon, il a essayé de convaincre
les paysans de la zone pour que le marché s’anime devant sa maison. Ainsi
naquit le marché de Glazoué. Aussi a-t-il réussi à convaincre ses responsables
hiérarchiques et le train commença à s’arrêter à Glazoué pour acheminer les
marchandises vers Cotonou. Vu le développement des activités commerciales,
Djahunta Gomez demanda au roi de Hlassoé s’il peut permettre la création
d’une gare de train sur son territoire. Le roi accepta. Il fit les négociations avec
les responsables à Ouidah qui acceptèrent la requête. Arrivée chez le roi pour
l’acquisition du domaine devant abriter la gare, la délégation lui offrit une
bouteille de boisson pour la libation.
Suite à cette cérémonie, le domaine a été mesuré et une convention a
été établie à cet effet. Le roi a signé la convention en qualité de
propriétaire de la zone. Au moment de la convention on demanda au roi
le nom à donner à la gare. Mais il répondit qu’il n’y a plus autre nom que
Hlassoé. Le représentant du réseau ferroviaire a déformé le nom en
écrivant Glazoué.
L’actuel site Glazoué était donc une ferme des habitants de Hlassoé
selon les orateurs.
2.3. Les différends fonciers dans l’arrondissement de Glazoué
Aux dires des orateurs les Mahi et Idatcha étaient en parfaite harmonie et
s’assistèrent mutuellement. Vue l’importance que prenait le marché et la
disponibilité des terres inexploitées, des paysans Idatcha amis au roi Djokpé,
lui demandèrent des espaces cultivables. Il les leur octroya. Ils commencèrent
leurs activités agricoles avec leur chasse habituelle. Très tôt, leurs frères de
Sokponta et de Dassa les rejoignirent. C’est ainsi qu’ils sont devenus
progressivement nombreux à Glazoué.
52
Glazoué se développe progressivement à travers son marché, sa
traversée par la voie ferrée et la voie inter-Etat. La localité constitue un
pôle d’attraction pour les commerçants. Pour ce faire, certains cadres
Idatcha et Mahi se sont concertés pour lancer le premier lotissement de
la ville rurale. En ce moment, les dignitaires paysans ne s’y intéressaient
pas et n’étaient même pas associés à l’initiative. Ces dignitaires
n’avaient aucune notion pécuniaire de la terre en dehors de l’agriculture.
Mais comme les deux communautés étaient représentées dans le
comité, les dignitaires mahi n’ont plus rien dit. La première phase de
lotissement a été donc faite dans une parfaite harmonie et les membres
du comité se sont partagés des parcelles de terre sans polémique. La
deuxième phase arriva et c’est là que les problèmes domaniaux
survinrent. A cette phase, ledit représentant des Mahi dans le comité,
s’opposa sous prétexte que la zone à lotir est sa propriété foncière. Les
autres membres Idatcha rejetèrent son intention. Hors en ce temps, les
membres du comité ont tous pris goût déjà aux intérêts pécuniaires
afférant au foncier. Les Idatcha du comité s’étonnèrent du comportement
du Mahi qui se présumait propriétaire foncier. A cet effet naquirent les
conflits fonciers qui demeurent jusqu’à ce jour dans l’arrondissement de
Glazoué.
Face à cette situation mettant en mal l’harmonie entre les communautés,
les notables et dignitaires Mahi de même que des notables Idatcha se
sont rencontrés pour y réfléchir. Il a été demandé aux protagonistes de
faire l’histoire d’occupation de Glazoué. Aucun d’entre eux n’en était
capable. Le roi de Hlassoé leur fit l’histoire en attirant leur attention sur
comment ils abusent de leur patience et ignorance. La cristallisation de
la situation entraînera l’incendie des fermes Idatcha à offè. La même
situation a conduit au procès foncier entre des collectivités d’Agouagon
et des collectivités de Zaffé.
53
Le pouvoir traditionnel n’est-il pas aussi une arène de conflits ethniques
dans l’arrondissement de Glazoué.
F- LES PROBLEMES DE CHEFFERIE TRADITIONNELLE A
GLAZOUE
Bien qu’il y ait deux communautés linguistiques majoritaires, il y a une seule
communauté qui a un chef traditionnel. Il s’agit de la communauté Idatcha
représentée par sa majesté le roi Arodjoko. Pour les Mahi, le pouvoir des
Idatcha à Glazoué n’est pas fondé. Ils ont révélé à cet effet la source de leur
pouvoir.
1. Source du pouvoir traditionnel des Idatcha à Glazoué
La source du pouvoir traditionnel des Idatcha de Glazoué remonte à
l’histoire de la gestion du marché de Glazoué. Djahunta Gomez gérait le
marché dont il est l’initiateur avec les dignitaires Mahi. Après son départ
de la localité, les dignitaires ont confié la gestion à son fils aîné Emile et
à un commerçant Idatcha Tchédjinnagni. Le second fait mieux le travail
que Emile qui passe son temps dans l’alcool. Pour ce faire, les sages et
notables du marché ont investi Tchédjinnagni de plein pouvoir pour
continuer la gestion. Cette investiture est la référence de l’origine du
pouvoir traditionnel des Idatcha à Glazoué.
2. Intronisation d’un chef traditionnel Mahi à Glazoué
Les notables et sages Mahi entreprirent des concertations pour que leur
communauté ait un chef traditionnel à Glazoué. Les Idatcha se sont opposés à
l’initiative sous prétexte qu’il ne peut avoir « deux capitaines » dans un bateau.
Les concertations étaient en cour quand les sages et notables ont reçu une
information surprise que Gandé Gbesso Paulin sera intronisé roi des Mahi de
Glazoué. Les Mahi n’étaient pas unanimes sur son choix. Des délégations ont
été faites à son endroit pour que la date d’intronisation soit repoussée afin
d’avoir l’unanimité autour de la question. Ils en étaient là quand le 23 novembre
2002 ils ont appris à la radio que Gandé Gbesso a été intronisé roi Mahi de la
54
commune. Des mêmes sources, les populations ont appris que juste après son
intronisation, son palais a été détruit par un groupe de jeunes Idatcha. Selon
les informations reçues sur le terrain il semblerait qu’il y a dans l’ombre des
mains des hommes politiques.
G- LES PROBLEMES POLITIQUES DANS LA COMMUNE DE
GLAZOUE
La politique est l’une des sources principales des divisions interethniques à Glazoué a dit le roi de Hlassoé.
1. L’ethnisation politique
Depuis l’avènement du pluralisme politique au Bénin en 1990,
l’ethnisation politique des communautés à la base
a rendu la
cohabitation interethnique difficile. Traditionnellement, les communautés
soutiennent les candidats relevant de leur ethnie ou proposés par un
leader de leur groupe socioculturel. Au cours des campagnes
électorales, les politiciens développent des idéologies tribales et
ethnocentriques. Pour le Idatcha, le Mahi est un prototype de Fon et vu
toutes les atrocités dont ils ont été victimes par les guérillas des anciens
rois d’Abomey, choisir un dirigeant de ces communautés serait de
renouer avec le passé horrible. Les Mahi quant à eux jugent insensés le
choix de ceux qu’ils considèrent comme des sous êtres. Toutes les
communautés sont sensibilisées pour la cause et sont très vindicatives.
C’est le mot d’ordre ethnique qui prend l’envol en périodes électorales.
C’est dans cette ethnicité politique que le candidat tête de liste du
Rassemblement pour la Démocratie et le Panafricanisme (RDP), parti
créé par un Idatcha, est toujours élu député par la communauté Idatcha
de Glazoué. Il a gagné la confiance de sa communauté à la base qui le
prend pour le porte flambeau de leur groupe socioculturel.
Les Mahi quant à eux adoptent le même comportement mais avec
nuances. Ils ne se regroupent jamais aussi facilement autour d’un
candidat unique comme le font les autres. Ils ne soutiennent non plus les
55
candidatures Idatcha. C’est dans cette perspective qu’ils sensibilisent
leur communauté à ne jamais voter pour les Idatcha. Voter pour un
candidat de l’autre groupe « c’est permettre à l’esclave de diriger son
maître ». Pour eux c’est inadmissible de se laisser diriger par la
communauté d’en face. Pendant les élections, on entend des propos
comme : « nous ne seront jamais dirigés par un Idatcha, ne voter jamais
pour celui qui ira vous vendre aux Idatcha, ne voter jamais pour ifun
(ifun=mahi) ». Les communautés à la base sont manipulées par les
politiciens de leur groupe ethnique.
Dans cette situation naquirent des partis politiques et mouvement à
connotation ethnique où on ne trouve quasiment pas un membre de
l’autre ethnie. Les leaders politiques, pour assouvir leur faim, pendant les
périodes électorales, se rabattent sur les communautés à la base pour
se prévaloir les défenseurs de leurs intérêts. Ils divisent ainsi les
populations qui, jadis cohabitaient sans incidents majeurs. Cette
situation a été très remarquable pendant les élections communales.
2. Les élections communales de 2003 à Glazoué
Les élections communales de 2003 ont été vraiment houleuses et tourmentées. Une élection qui devrait permettre aux communautés à la
base de s’exprimer librement a été prise en otage par les hommes politiques.
En effet, les cadres des différentes communautés s’étaient mobilisés pour que la gestion de la mairie revienne à un ressortissant de leur
ethnie. Ainsi dans chaque arrondissement, les conseillers élus sont toujours de l’ethnie majoritaire. L’élection du maire et ses adjoints
n’a pas tenu compte de la configuration ethnique de la commune. Des quinzes conseillers élus, il y a sept Mahi et huit Idatcha. Les
Idatcha étant majoritaires, le maire et les deux adjoints ont été élus parmi eux. Les Mahi se sont retirés après que le premier adjoint a été
élu. Dans une mairie à majorité mahi et idatcha une seule ethnie vient ainsi de prendre tous les postes du bureau communal. Frustrés, les
conseillers Mahi n’étaient pas à la cérémonie d’installation du bureau communal. Ils ont unanimement boycotté le conseil municipal
pendant un bon moment. La communauté Mahi les soutenait et attendait de voir comment la mairie serait gérée. La situation avait
envenimé la crise qui prévalait et un moindre incident allait suffire pour embraser la commune.
Le constat est que les leaders politiques et autres cadres ont essayé de
mobiliser les sages, les notables, les chefs traditionnels de leur
communauté respective autour de leurs ambitions tribales. Il a fallu que
le maire, dans le souci du développement harmonieux de Glazoué se
départît des querelles interethniques pour que les passions se fussent
calmées.
56
CHAPITRE V : ANALYSE ET APPROCHE DE
SOLUTION
A- ANALYSE
1. Les différentes sources et leurs fondements
Il ressort des résultats que les causes des conflits entre Mahi et Idatcha
de la commune de Glazoué sont identitaires, domaniales, économiques
et politiques. Elles varient d’une localité à une autre et sont dynamiques
dans le temps et l’espace.
2. Fondements culturels
57
L’identité culturelle est la base de l’ethnicité entre différends groupes
vivant sur un même espace géographique. La lutte pour la défense de
l’identité culturelle permet la cohésion interne et dans sa dynamique crée
la division interethnique. Les ethnies étant considérées comme des
entités culturelles stables, localisées et numériquement quantifiables,
elles participent de la culture close de Bergson32, et ne peuvent que
rejeter ce qui n’est pas à elles (Mbock 2000 :2). C’est ce qui explique
des
mépris interethniques,
la haine.
Les questions
identitaires
nourrissent des tensions ethniques. La lutte identitaire amène un groupe
à porter un jugement de valeur de toute nature sur un autre. La crise
entre Mahi et Idatcha s’inscrit dans ce schéma explicatif.
En effet, les Mahi proche des Fon d’Abomey ont forgé leur ethnie sur la
valorisation de l’image de soi. Ils se prennent pour les chefs de terre,
détenteurs de pouvoir en mettant les autres au second plan. La lutte
autour de la chefferie en est un exemple. Il en est de même pour la
course à la magistrature suprême locale qu’est la mairie. Les Mahi voient
inadmissibles de se laisser diriger par les Idatcha. Pour eux c’est une
insulte à leur endroit. Pour les Idatcha par contre, le moment est venu de
s’affirmer et de montrer qu’ils sont aussi capables de beaucoup de
choses au même titre que leurs collaborateurs.
3. Fondements domaniaux
Dans la commune, les problèmes domaniaux constituent une cause des
crises et aussi un facteur déclenchant. Les conflits
ont pour source
profonde des questions d’identité culturelle. C’est dans cette logique que
chaque ethnie se met à faire l’histoire d’occupation des sols. Il en résulte
des problèmes d’allogènes et d’autochtones.
32
- Charly Gabriel Mbock 2000, « construire l’ethnie et déconstruire l’Etat ou le syndrome du sablier » pp2
58
Selon l’histoire d’occupation du sol, les Mahi se réclament propriétaires
fonciers. Cela voudrait signifier qu’ils sont les "premiers occupants". Il en
ressort qu’ils sont les chefs de terre. En se référent à l’anthropologie
juridique, « les chefs de terre disposent du droit de propriété foncières
puisque exerçant l’autorité sur le sol parce qu’ils ont le pouvoir sur les
hommes ».33 Dans cette perspective ils détiennent le pouvoir de la terre
elle-même à partir des alliances conclues par les ancêtres fondateurs
avec les dieux de la terre. Tout nouveau venu après les alliances est
étranger à la tribu déjà en place. C’est dans cette logique que le pouvoir
traditionnel du roi Arodjoko de Glazoué est non fondé pour les Mahi.
Puisque selon eux, les Idatcha ne connaissent l’histoire d’occupation de
la localité et de ce fait ne peuvent exercer aucun pouvoir sur les
hommes. Ils sont considérés comme des allogènes par les Mahi.
La distinction entre allogènes et autochtones est une source de clivage
dont les effets s’étendent jusqu’à l’intérieur des ethnies. Déjà, au sein
d’une même ethnie, et dans un même espace, il suffit d’habiter à
quelques kilomètres de la route pour s’entendre appeler allogène par les
riverains de la route.
4. Fondements économiques
Les problèmes domaniaux sont économiques.
En effet, les populations qui jadis étaient quelques centaines, sont de
nos jours très nombreuses. Il se pose donc un problème de gestion
d’espace cultivable pour les paysans. Les agriculteurs, en quête de
terres fertiles, demandent aux paysans qui en ont en réserve. Cette
situation les amène à accepter les obligations que leur imposent leurs
propriétaires fonciers. C’est dans cette perspective que les paysans
Idatcha de Magoumi reçoivent des terres à cultiver chez les dignitaires
33
Introduction à l’anthropologie juridique du Professeur Fagla AHOUANGAN, 2 ème année, 1998-1999.
59
Mahi de Hocco contre des redevances en nature. Les métayers Idatcha
sont obligés d’accepter les clauses pour subvenir aux besoins de leurs
familles.
5. Fondements politiques
Les crises interethniques sont activées et entretenues par les leaders
politiques des deux communautés. Les élites sont des vecteurs de la
dislocation parce qu’elles exportent ou enveniment les clivages
interethniques à des fins de clientélisme électoral. Pour montrer au
régime en place qu’ils ont un électorat important afin d’être nommé à des
postes politiques, certains cadres ressuscitent les vieilles querelles, en
font des motifs de défense de leur identité ethnique. Ils suscitent la
division entre les paisibles populations. Ils montent les populations les
unes contre les autres. Ils entretiennent la division ethnique afin de
satisfaire leurs besoins personnels.
Les pouvoirs publics tirent ouvertement avantage de la division des
communautés, dans la mesure où la manipulation ethnique est devenue
un fond de commerce pour la plupart des politiciens et des hauts
responsables d’Etats. Pour corroborer l’idée,
Jules Amougou34 a pu
affirmer, dès 1986, que le tribalisme est la seule institution d’Etat qui
fonctionne efficacement en Afrique (Mbock 2000 :5). Dans le même
ordre d’idée le Professeur Sylvain Anignikin, dans son intervention lors
du congrès d’un parti politique à Bantè le 28 Août 2004, a déclaré : « les
partis politiques au Bénin sont moins nationaux et peuvent être source
de conflits ».
Les conflits ethniques sont en réalité des problèmes de gestion de la
cité. Cette gestion peut être conflictuelle ou apaisée selon l’homme qui
en a la responsabilité. C’est dire donc que les problèmes entre Mahi et
34
Charly Gabriel Mbock dans « construire l’ethnie et déconstruire l’Etat ou le syndrome du sablier » , 2000,
60
Idatcha résultent aussi du mode de fonctionnement de la commune
depuis 1990. Les responsables politiques et administratifs qui ont eu la
charge de la gestion des affaires de la commune de 1996-2003 n’ont pas
pu apporter des solutions idoines aux velléités conflictuelles. Car, c’est
dans cette période qu’il a eu des conflits déplorables entre les ethnies.
Cela traduirait leur volonté sournoise d’entretenir les divisions ethniques
en soutenant dans l’ombre les acteurs des conflits.
Comment comprendre que le palais d’un roi a été détruit, saccagé juste
après son intronisation, alors qu’il y a des forces de l’ordre à disposition
pour veiller au bon déroulement des cérémonies ? Tout porte à croire
que les autorités sont envoyées dans la localité pour les intérêts de leur
communauté d’appartenance. Elles étaient certainement à la solde des
leaders politiques qui ont œuvré à leur nomination.
Les populations, par ignorance et manque de discernement se laissent
embarquer par les cadres assoiffés de pouvoir, et sont les seules à subir
les déconvenues. Les paysans ont vu leurs champs brûlés, leurs
maisons détruites, leurs cheptels saccagés ; certains sont dépossédés
de leur terre, d’autres sont blessés et même essuyé des tirs alors que
les leaders instigateurs vivent paisiblement.
6. Conflits entre Mahi et Idatcha : un phénomène social
Le conflit est un phénomène social qui résulte du rapport de l’interaction
de différents acteurs sociaux. Dans tout conflit les protagonistes
s’inscrivent
dans
une
logique
bien
donnée.
C’est
une
réalité
indispensable à la dynamique sociale. Les conflits entre Mahi et Idatcha
de Glazoué s’inscrivent dans une nouvelle dynamique du changement
social. Le conflit est inhérent à la vie communautaire parce qu’il est
généré par l’inégalité des parties et institué par les règles qui organisent
cette participation. C’est le procédé par lequel chaque acteur social
61
essaie d’améliorer sa position et sa maîtrise des enjeux. Pour Héguel35
toutes les situations ne sont que des étapes transitoires dans le
développement sans fin de la société humaine. Ces conflits ont permis
aux deux ethnies de mieux s’organiser en leur sein. C’est donc un
facteur de cohésion intraethnique. C’est une occasion pour chaque
communauté de laisser les problèmes internes pour faire face à l’ennemi
externe.
Les conflits sont aussi une expression des frustrations accumulées.
Claude Rivière, soutient que « la lutte sociale est un fondement du droit,
une force créatrice de la loi. Quelle aboutisse à des réformes ou à des
révolutions. Dès lors se renforcent les structures, soit par confirmation
d’une structure d’une interprétation contestée, soit au contraire en
donnant satisfaction au groupe revendicatif ».
7- Diversité culturelle , richesse des peuples
La diversité culturelle quoi que conflictuelle est une richesse des
communautés vivant sur un territoire donné. Les idatcha ont des valeurs
socio culturelles qui leur sont propres. Il en est de même pour les mahi.
Dans l’environnement des idatcha comme mahi il existe des sites
touristiques dont chaque ethnie est la seule à détenir le secret.
L’exploitation judicieuse des différentes cultures est une source de
rentabilité économique de la commune.
8. Conflits ethniques et l’ordre social
Les conflits débouchent sur un nouvel équilibre social après avoir risqué
à perturber l’ordre existant et constituent ainsi les épisodes entre deux
phases d’intégration plus ou moins marquées. A Ouèdèmè par exemple,
les Idatcha sont désormais associés à toutes initiatives allant dans
l’intérêt de l’arrondissement. A Glazoué le comité de gestion du marché
35
- FODE Diawara, « le manifeste de L’homme primitif »
62
a été revu et rééquilibré par l’actuel maire. Pour des postes à pourvoir
dans les structures communales, le maire recommande qu’on tienne
compte des deux ethnies majoritaires. Tenant compte du passé, le
maire, tient à corriger des discriminations qui pouvaient alimenter de
nouveaux conflits. Les conflits lui ont donc permis de se mettre très tôt
au-dessus des intérêts ethniques pour être au service de toutes les
communautés sociolinguistiques dont il a la charge.
L. Coser36 a particulièrement mis en relief, l’utilité du conflit comme signal
d’alerte sociale, comme procès de réajustement des valeurs et des
influences. C’est dire donc que les conflits interethniques ont une
certaine utilité pour les communautés. Comme l’a dit l’un des
enquêtés : « désormais les Mahi et Idatcha se respectent mutuellement
puisqu’ils se sont mieux connus à travers les évènements, même si les
conflits demeurent ».
L’utilité des conflits n’est pas une raison pour les susciter. Si le conflit est
indispensable à la dynamique sociale, s’il est générateur de nouvelles
valeurs sociales, sa maîtrise et sa canalisation éviteraient des effets
néfastes obstacles de l’épanouissement des acteurs sociaux. C’est ce
manque de maîtrise des tensions entre les communautés qui a conduit
aux affrontements interethniques qui ont failli dégénérer en ethnocide.
Les conflits ont perturbé l’ordre social sans l’avoir rompu.
9. La responsabilité politique et administrative
Les autorités politiques et administratives ont une part de responsabilités
dans les violences de par leur gestion des affaires de la commune.
Certains cadres, leaders politiques, animés d’esprit
égoïste et de
division alimentent et entretiennent la haine au sein des populations
locales. Ils créent des partis politiques ethniques pour ressusciter les
36
Claude Rivière, 1978 « l’analyse dynamique en sociologie »
63
vieilles querelles entre les deux communautés. Ils soulèvent les
communautés les unes contre les autres dans l’ombre et quand la
situation déborde ils viennent jouer aux pompiers. L’artiste musicien,
l’Ivoirien Tiken Dja Fakoli l’a si bien exprimé dans l’une de ses chansons
en ces termes : « ils allument le feu, ils l’activent et après ils viennent
jouer aux pompiers, on a tout compris. » Les paisibles populations se
laissent guider par les assoiffés de pouvoir et sont par la suite les seules
victimes des désastres.
B- APPROCHE DE SOLUTION
Parmi les procédures habituelles de règlement des conflits, après que
les parties en présence ont confronté leurs revendications et mesuré
leurs forces respectives, les plus fréquentes sont l’arbitrage, le
compromis et la compétition institutionnalisée :
- dans l’arbitrage d’un tiers, une juridiction est reconnue apte à trancher les
différends sur la base de règles impersonnelles admises pour les deux
parties ;
- le compromis est le résultat ou d’une négociation qui tend à ajuster les
positions en fonction de la puissance respective des acteurs, ou d’une
concertation dans laquelle se transmettent de part et d’autre des
informations,
éventuellement
par
l’intermédiaire
d’un
consultant
détenteur d’un pouvoir ;
- la compétition organisée entre concurrents (institutionnalisation du
conflit) adopte dans d’autres cas des règles du jeu institutionnalisées
comme les mécanismes électoraux de représentation et les procédures
d’expression des partis au parlement. Les parlementaires ont cette
fonction vicariante de se substituer à leurs mandants pour apporter des
solutions (Rivière 1978 :140-141).
64
La valeur de l’un ou l’autre de ces mécanismes dépend évidemment des
croyances qui soutiennent leur efficacité et de la légitimité de l’institution
qui leur donne un sens. « L’institution quand à elle, comme ensemble de
normes de base et de règles du jeu, n’a de pouvoir qu’en raison du
consensus qui la vitalise ». Elle ne saurait par elle-même traiter
les
conflits qui portent sur ses propres fondements. Pour qu’elle soit en
mesure d’accomplir correctement ses fonctions d’assomption des
conflits, il faut qu’elle présente comme caractéristique d’être d’abord
complexe et d’offrir des possibilités de stratégies suffisamment
sophistiquées et flexibles pour éviter qu’un blocage n’aboutisse à une
violence.
Par institution, nous entendons un corps d’usage, de normes sociales ou
de règles imposant des sanctions régissant un groupe : ethnie, cité, Etat.
C’est dire donc que les mécanismes Institutionnalisés de résolution des
conflits dépendent des habitudes culturelles.
Il arrive que les mécanismes habituels soient inadaptés à l’importance
du conflit à résoudre, qu’ils ne s’attaquent pas aux racines des
désaccords. La culture ne se modifiant pas au même rythme que la
société, il se peut aussi que les mécanismes habituels soient
anachroniques et déphasés : l’ordalie cesse d’être efficace lorsque les
hommes cessent de croire en l’intervention directe des dieux dans le
règlement des situations épineuses.
Pour parvenir à gérer les conflits, une certaine marge de consensus est
indispensable. Le consensus suppose la concession, le compromis et la
tolérance.
1. Rôle des communautés pour une solution apaisée
Le développement à l’ère de la décentralisation nécessite la synergie de
toutes les composantes sociales. Les Mahi et Idatcha de Glazoué
65
constituent déjà une société globale, une communauté, une famille,
compte
tenu du temps de cohabitation et des liens de parenté qui
existent entre eux. De ce fait, nul ne peut séparer les uns des autres. Ils
sont obliger de taire des querelles vindicatives qui ne promeuvent pas
leur cohésion sociale. Aucune solution magique de réconciliation ou de
gestion des différends ne peut venir de l’extérieur. Les communautés
dans lesquelles naissent les problèmes sont mieux placées pour trouver
les solutions appropriées et durables. C’est à juste titre que Rivière
(1978 :141) dit : « les mécanismes de résolution des conflits dépendent
des habitudes culturelles ». Seule la prise de conscience des différents
acteurs des conflits, permettra donc le règlement progressif et définitif
des violences.
Les communautés Mahi et Idatcha de Glazoué ont heureusement ou
malheureusement un destin commun. Elles sont condamnées à vivre
ensemble quelle que soit la situation qui les oppose. Pour ce faire elles
sont obligées d’être tolérantes les unes envers les autres. A travers la
tolérance mutuelle, les communautés pourront concéder à chacun un
certain privilège afin d’éviter des frustrations.
2 La tolérance, culture de la paix
La tolérance est un gage de la paix. Elle fait partie intégrante des droits
de l’homme et de la paix. Comme l’indique le Directeur Général de
l’UNESCO, « la tolérance fait partie intégrante des droits de l’homme du
respect des droits de l’homme et de l’instauration de paix, et elle leur est
indispensable. »37 Sous sa forme la plus simple et la plus fondamentale,
la tolérance consiste à accorder aux autres les droits de voir leur
personne et leur dignité respectée. Les valeurs politiques et sociales
modernes dont sont issues les normes internationales actuelles en
37
cf « l’éducation à la tolérance, pourquoi ? » UNESCO, 1994
66
matière des droits de l’homme furent d’abord formulées dans un appel à
la tolérance en tant que condition essentielle du maintien de l’ordre
social. Reconnaître que la tolérance est un facteur cardinal de la paix
entre les communautés fut un élément important du climat historique qui
aboutit aux premières déclarations modernes des droits couronnés trois
siècles plus tard par la déclaration universelle des droits de l’homme.
L’esprit de tolérance fait triompher la raison plutôt que la passion et
l’émotion. Sans la tolérance il ne peut avoir compromis et consensus
entre Mahi et Idatcha de Glazoué et c’est le développement de la localité
qui prendra le coup. La tolérance n’est pas une fin mais un moyen. C’est
la qualité essentielle minimale de relations sociales qui refusent la
violence et la contrainte. Sans tolérance, il ne peut y avoir de paix. Avec
la tolérance, toute une série de possibilités humaines et sociales
positives peuvent être recherchées, dont l’instauration d’une culture de
paix.
3. Rôle des autorités politiques et administratives pour le maintien
l’ordre social
Les conseillers municipaux ont intérêt à œuvrer pour l’éducation à la
tolérance dans les communautés. C’est ambitieux mais cela vaut la
peine. Car, c’est dans une ambition conviviale qu’ils peuvent contribuer
réellement à la construction de Glazoué. La tolérance est une éducation,
une vertu à cultiver par les différents acteurs des communautés pour
maintenir l’ordre social. Elle permettrait aux politiciens de se mettre audessus des ambitions tribales, de se départir de leur ego, et de servir les
communautés avec équité. L’actuel maire de Glazoué l’a certainement
très tôt compris. C’est pour cela que pour corriger les frustrations créées
par les élections communales aux Mahi, il leur a confié la présidence de
quatre (4) commissions sur les six (06). Cela fait prévaloir un
engagement à se mettre au-dessus de la politique. Aussi cela traduit-il
67
un esprit de partage de pouvoir. La commune étant composée de deux
ethnies majoritaires, permettre à une seule de prendre tout le pouvoir et
l’exercer sur la seconde, c’est encourager la division et partant les
violences interethniques ; c’est mettre en mal la paix sociale et le
développement local.
La décentralisation est une arène de développement à la base. Pour
qu’elle se réalise, les acteurs du développement local doivent se départir
du mentaux de la vieille politique qui consiste à diviser pour régner. Elle
a besoin du concours de toutes les composantes sociales vivant sur un
espace donné pour son effectivité. C’est à cela que les autorités locales
doivent s’atteler pour rassembler toutes les ethnies dans un creuset
commun de développement durable. Elles doivent mettre tout en œuvre
pour éviter les prises de positions ethniques face aux enjeux de
développement local dans la commune. Il faut un leadership social.
4. Rôle des autorités traditionnelles dans le maintien de l’ordre
social
Les têtes couronnées mahi et idatcha ont une grande responsabilité
dans le maintien de la paix dans la commune de Glazoué. La chefferie
traditionnelle demeure une arène de conflits ethniques. Pour ce faire un
cadre de concertation regroupant les rois et autres chefs traditionnels
des deux communautés est utile pour réfléchir périodiquement sur les
problèmes de leurs différentes communautés. Dans le processus de
décentralisation chaque acteur doit jouer sa partition pour favoriser le
développement local et la démocratie à la base. Dans ce cas, il est
souhaitable que le pouvoir traditionnel ne se laisse prendre en otage par
les politiciens afin de garder leur autonomie et leur dignité pour peser
dans les instances de prise de décisions.
68
Pour ce faire il faudra que chacune des deux ethnies majoritaires aient
son représentant traditionnel. Il faudra donc un chef traditionnel Mahi et
un chef traditionnel Idatcha à Glazoué. L’opposition interethnique face à
ce problème est une source durable de conflit. Le pouvoir traditionnel ne
peut être confondu à celui moderne qui est unique à toutes les
communautés. Les autorités politiques et administratives sont alors
conviées à faire preuve de leadership communal pour la gestion apaisée
de leur localité.
5. Rôle de la jeunesse dans la paix durable
Les jeunes constituent des éléments essentiels pour le retour de la paix
durable dans la commune. C’est la cible à prendre en compte dans toute
initiative de maintien de l’ordre social. Majoritaires dans la commune, les
jeunes des deux communautés sont la couche sollicitée pour les troubles
sociaux. C’est eux que les vrais instigateurs, dans l’ombre, incitent à la
violence. Pour preuve lorsqu’on observe les conflits qui agitent le monde
on constate que c’est essentiellement les jeunes qui sont aux fronts.
La jeunesse doit alors faire attention à toute manipulation et prendre
conscience que c’est à elle de favoriser l’intégration interethnique pour
apaiser les velléités.
Pour ce faire les jeunes des deux groupes ethniques doivent être la cible
principale d’une série d’actions de conscientisation sur la nécessité de
surpasser les tendances conflictuelles néfastes pour faire face au
rayonnement de la commune de Glazoué.
En somme pour prévenir et gérer les conflits il faudra :
- Faire une bonne gestion foncière des milieux ruraux ;
- Développer et promouvoir l’esprit de tolérance au sein des
communautés ;
69
- Prendre en compte tous les groupes socioculturels dans toute
initiative de développement local ;
- Créer et animer régulièrement un cadre de réflexion et de
concertation pour tous les acteurs sociaux sans distinction aucune ;
- Prendre conscience du passé pour éviter des tendances subversives ;
- Prendre conscience des enjeux de la décentralisation et œuvrer pour
l’union des différents groupes sociaux ;
- Susciter la maturité d’esprit aux populations locales afin de ne plus être
la marionnette des hommes politiques.
- Exploiter positivement les opportunités qu’offre la diversité culturelle
pour le rayonnement des communes.
70
CONCLUSION
En somme il convient de retenir que comme causes premières à la base
des conflits interethniques, on trouve généralement un sentiment de
frustration profonde chez l’une ou les deux parties en présence, qui
peuvent avoir des causes très diverses mais étroitement liées. C’est dire
donc que les conflits entre Mahi et Idatcha résultent des frustrations
accumulées par les différents acteurs par rapport aux problèmes
historiques, aux questions d’identité ethnique, aux questions foncières,
économiques, démographiques et politiques. Plusieurs éléments se sont
donc combinés pour aggraver la situation tendue entre les différents
groupes et déclencher ou alimenter le conflit interethnique Mahi/Idatcha.
Les conflits naissent aussi et surtout du fait des inégalités sociales
internes dans la commune. Les hommes politiques profitent des
inégalités pour mettre en confrontation les populations afin de satisfaire
leurs intérêts personnels et égoïstes.
L’avenir des communes et leur développement durable suppose
l’acceptation par tous de la différence, de la tolérance dans l’expression
plurielle des opinions et des préférences. C’est comme cela que les
communautés à la base peuvent s’approprier la démocratie pluraliste.
Mais cette démocratie elle-même suppose un apprentissage de ses
contours, de ces mécanismes et c’est précisément la vocation de la
culture de la paix de la développer et de la véhiculer par tous les moyens
et les structures de diffusion de la pensée. Culture de paix pour les
leaders politiques, pour les citoyens et ce dès la base, c'est-à-dire dans
les écoles et universités. C’est à juste titre que l’UNESCO a édité en
1994 une brochure intitulée : « l’éducation à la tolérance pourquoi ? »
71
Par ailleurs, les contradictions interethniques sont aussi une source de
vitalité entre les groupes en situation de conflits. Ce sont des situations
qui surgissent spontanément pour dynamiser les interactions.
S’inscrivant dans la perspective Durkheimienne, les différends entre
Mahi et Idatcha sont des manifestations normales qui résultent de
l’interaction des acteurs sociaux. Mais ces
antagonismes sont
anomiques à cause de l’ampleur et des effets désastreux sur les
populations. Selon Bartholy et Despin (1976 :43), le conflit est normal
parce qu’une société qui en serait exempt est tout à fait impossible.
Les protagonistes doivent comprendre qu’aucune ethnie ne peut à elle
seule gérer la commune ; c’est une œuvre collective et communautaire.
La prévention des conflits autant que leur gestion, reposent au moins sur
cinq (5) piliers :
- la promotion de l’unité nationale ;
- la nécessité d’une répartition équitable des richesses ;
- la promotion du développement démocratique à la base ;
- le respect du pluralisme pour l’épanouissement individuel et collectif ;
- la justice, car tant que les responsables des crimes resteront impunis,
les victimes ne seront pas durablement apaisées.
Epousant les idées Durkheimiennes sur le « crime » (1963 :65-67), pour
que dans une société donnée, les actes réputés conflictuels pussent
cesser d’être commis, il faudrait donc que les sentiments qu’ils blessent
se retrouvassent dans toutes les consciences individuelles sans
exception et avec le degré de force nécessaire pour contenir les
sentiments contraires. Or, à supposer que cette condition pût être
effectivement réalisée, le conflit ne disparaît pas pour cela, il changerait
seulement de forme ; car la cause même qui tarirait ainsi les sources des
conflits en ouvrirait immédiatement de nouvelles.
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