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Portrait
Difcile d’échapper à la ré-
putation du Toiny quand
on commence à parler gas-
tronomie à Saint-Barth. Le Toiny est
d’abord réputé pour son brunch pan-
tagruélique, qui se consomme sans
n dans le cadre idyllique de sa ter-
rasse face à la mer sur la côte sud-est
de l’île. Un brunch si varié et copieux
qu’on se croirait dans la cave d’Ali
Baba relocalisée sous le soleil des
Caraïbes. Mais, bien sûr, ce brunch,
qui déplace chaque habitant de l’île
au moins une fois par an, n’est que la
vitrine du savoir-faire d’un chef, Sté-
phane Mazières, qui est au piano de-
puis désormais quatre ans. Rencontre
avec un homme timide et passionné
qui commence son interview par une
question qui en dit long.
Stéphane Mazières : Alors, vous
avez bien mangé ?
Trends : Oui très bien.
Stéphane Mazières : Vraiment ?
Vous savez la seule chose importante
pour moi, c’est que les clients aient
passé un bon moment. Après, les
questions techniques...
Trends: Néanmoins, on a
des questions à vous poser.
La première qui nous vient à
l’esprit est : comment arrive-t-
on à être chef à Saint-Barth ?
La cuisine est un métier qui demande
du temps et de la passion. Mon par-
cours a d’abord été celui d’un sai-
sonnier. C’est lié à la découverte de
ma passion, qui s’est faite tout jeune
quand, pendant les vacances scolaires,
j’accompagnais un de mes oncles qui
est pâtissier. Vers quinze ans, mes pa-
rents m’ont posé la question de ce que
je souhaitais faire et ça été un choix
évident. J’ai donc fait différentes
écoles hôtelières. Je rêvais d’être pâ-
tissier. Je me suis renseigné, et on m’a
expliqué que, pour faire de la pâtis-
serie, il fallait d’abord apprendre les
bases de la cuisine. J’ai commencé
avec un CAP ; là, on m’a encouragé à
continuer, j’ai enchaîné avec un BEP,
puis le bac et un BTS. Quand j’ai vou-
lu reprendre une formation de pâtis-
sier, on m’a alors expliqué que c’était
trop tard
(rires)
. J’ai donc commencé
dans la vie active avec des saisons, sur
la Côte d’Azur et dans les Alpes, tou-
jours en visant les établissements 4 ou
5 étoiles, avec une préférence pour les
Relais & Châteaux. D’abord, commis
puis chef de partie, statut avec lequel
je suis venu à Saint-Barth, il y a dix
ans, pour une saison avec l’ancien
chef du Toiny. Rentré comme chef de
partie, je suis resté deux ans et ai ni
en tant que second.
Mais là vous n’étiez pas encore
chef.
Non je suis rentré en Métropole,
jusqu’au jour où le chef avec qui
j’avais gardé de bons contacts m’a
appelé pour me proposer de prendre
sa place. Et voilà, c’était l’occasion ou
jamais. Je suis ici depuis quatre ans.
Chef à Saint Barth… quelles
sont les difcultés que vous
rencontrez ?
Pour créer, tout part du produit et
j’essaie, malgré le climat qu’on a ici, de
suivre les saisons. En fait, j’essaie au
maximum de me caler sur les saisons
de la Métropole, mais je dois aussi
me caler sur les saisons des Etats-
Unis, qui nous fournissent certains
produits, et celles de la Guadeloupe,
qui nous en fournit d’autres. En gros,
80% des produits viennent de Mé-
tropole, 5%, de Guadeloupe (fruits
et légumes), le reste vient des Etats-
Unis (la viande, principalement) et de
la production locale (pêche, surtout).
Et les produits de la mer ?
On en utilise, mais assez peu par
rapport à la richesse de notre carte.
On a le lambi, l’espadon et les lan-
goustes. En fait, on se sert prin-
cipalement des produits locaux
le mardi soir, lors de notre dîner
Fish Market.
Peu de produits locaux, donc ?
Très peu, on a néanmoins la
chance d’avoir nos propres serres
qui nous fournissent les tomates
et les herbes aromatiques.
Cyrille Hugon