Dossier La route du rhum Dossier La route du rhum

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Tourisme
Distribution
AVRIL-MAi 2012
N°27 avril-mai 2012 - € 8.00 - Numéro ISSN 21051704 - CPPAP N° 0611 T 90450
Dossier
La route du rhum
Saga
Bacardi, un siècle
et demi de succès
international !
Equipement
Severin, la qualité
avant tout
Tourisme
Air Caraïbes,
un bel envol
Portrait
D
ifficile d’échapper à la réputation du Toiny quand
on commence à parler gastronomie à Saint-Barth. Le Toiny est
d’abord réputé pour son brunch pantagruélique, qui se consomme sans
fin dans le cadre idyllique de sa terrasse face à la mer sur la côte sud-est
de l’île. Un brunch si varié et copieux
qu’on se croirait dans la cave d’Ali
Baba relocalisée sous le soleil des
Caraïbes. Mais, bien sûr, ce brunch,
qui déplace chaque habitant de l’île
au moins une fois par an, n’est que la
vitrine du savoir-faire d’un chef, Stéphane Mazières, qui est au piano depuis désormais quatre ans. Rencontre
avec un homme timide et passionné
qui commence son interview par une
question qui en dit long.
Stéphane Mazières : Alors, vous
avez bien mangé ?
Trends : Oui très bien.
Stéphane Mazières : Vraiment ?
Vous savez la seule chose importante
pour moi, c’est que les clients aient
passé un bon moment. Après, les
questions techniques...
Trends: Néanmoins, on a
des questions à vous poser.
La première qui nous vient à
l’esprit est : comment arrive-ton à être chef à Saint-Barth ?
La cuisine est un métier qui demande
du temps et de la passion. Mon parcours a d’abord été celui d’un saisonnier. C’est lié à la découverte de
ma passion, qui s’est faite tout jeune
quand, pendant les vacances scolaires,
j’accompagnais un de mes oncles qui
est pâtissier. Vers quinze ans, mes parents m’ont posé la question de ce que
je souhaitais faire et ça été un choix
évident. J’ai donc fait différentes
écoles hôtelières. Je rêvais d’être pâ-
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Cyrille Hugon
tissier. Je me suis renseigné, et on m’a
expliqué que, pour faire de la pâtisserie, il fallait d’abord apprendre les
bases de la cuisine. J’ai commencé
avec un CAP ; là, on m’a encouragé à
continuer, j’ai enchaîné avec un BEP,
puis le bac et un BTS. Quand j’ai voulu reprendre une formation de pâtissier, on m’a alors expliqué que c’était
trop tard (rires). J’ai donc commencé
dans la vie active avec des saisons, sur
la Côte d’Azur et dans les Alpes, toujours en visant les établissements 4 ou
5 étoiles, avec une préférence pour les
Relais & Châteaux. D’abord, commis
puis chef de partie, statut avec lequel
je suis venu à Saint-Barth, il y a dix
ans, pour une saison avec l’ancien
chef du Toiny. Rentré comme chef de
Pour créer, tout part du produit et
j’essaie, malgré le climat qu’on a ici, de
suivre les saisons. En fait, j’essaie au
maximum de me caler sur les saisons
de la Métropole, mais je dois aussi
me caler sur les saisons des EtatsUnis, qui nous fournissent certains
produits, et celles de la Guadeloupe,
qui nous en fournit d’autres. En gros,
80% des produits viennent de Métropole, 5%, de Guadeloupe (fruits
et légumes), le reste vient des EtatsUnis (la viande, principalement) et de
la production locale (pêche, surtout).
Et les produits de la mer ?
On en utilise, mais assez peu par
rapport à la richesse de notre carte.
On a le lambi, l’espadon et les langoustes. En fait, on se sert principalement des produits locaux
le mardi soir, lors de notre dîner
Fish Market.
Peu de produits locaux, donc ?
Très peu, on a néanmoins la
chance d’avoir nos propres serres
qui nous fournissent les tomates
et les herbes aromatiques.
partie, je suis resté deux ans et ai fini
en tant que second.
Mais là vous n’étiez pas encore
chef.
Non je suis rentré en Métropole,
jusqu’au jour où le chef avec qui
j’avais gardé de bons contacts m’a
appelé pour me proposer de prendre
sa place. Et voilà, c’était l’occasion ou
jamais. Je suis ici depuis quatre ans.
Chef à Saint Barth… quelles
sont les difficultés que vous
rencontrez ?
Stéphane Mazières
Le plaisir,
un bien essentiel
Le Gaïac, restaurant de l’hôtel Toiny,
est l’une des meilleures tables de
Saint-Barth. Le talentueux Stéphane
Mazières, premier grand chef
Relais & Châteaux des Caraïbes,
y concocte une cuisine créative
et inventive aux saveurs françaises
agrémentées de produits locaux.
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Portrait
Quelles sont vos relations avec
les fournisseurs locaux ?
Nous avons une carte riche et il est
difficile d’avoir, ici, une régularité des
approvisionnements (Saint-Barth est
un cailloux volcanique, NDLR). Il
n’y a pas de viande ici, à part le cabri. On a bien tenté le boudin au dé-
but que je travaillais ici, mais ça ne
passe pas avec les Américains (rires).
Les fournisseurs locaux, ce sont donc
d’abord des importateurs avec lesquels on travaille en confiance. Je leur
demande de me trouver les produits
que je veux travailler, on fait des essais et on passe commande ensuite.
Et les pêcheurs ?
Pour les langoustes, c’est régulier,
mais pour la pêche, l’arrivage est assez
aléatoire. Le mardi, jour du Fish Market, on travaille le mahi mahi (dorade
doriphène), on travaille la bourse, on
travaille le wahou, l’œil de bœuf, le vivano et le colin. Les recettes pour ces
produits-là sont composées autour
des poissons que l’on trouve le plus
facilement, le mahi mahi et le wahou,
ensuite j’adapte mes compositions en
fonction de l’arrivage, l’œil de bœuf
ou la bourse pouvant disparaître des
filets pendant plus de quinze jours.
Ce jour-là, je fais donc toujours mes
entrées autour du wahou et je travaille
beaucoup les poissons à la plancha ou
la grillade, ce qui permet d’être souple
en fonction des arrivages.
En parlant de composition,
quels sont vos grands principes
culinaires ?
Mon grand principe est de me limiter
à trois saveurs par plat, pour ne pas
partir dans tous les sens. Je veux que
la personne qui lise la carte retrouve
dans son assiette ce qu’elle a choisi et
que ça lui explose en bouche, pour
ne pas tricher. Ensuite, je travaille
les textures et j’aime bien surprendre
à travers l’aspect visuel de l’assiette.
J’aime bien casser les codes tout en
restant fidèle aux saveurs du produit.
Question facile, comment
définiriez-vous votre style ?
On me pose souvent cette question.
C’est une cuisine marquée par ma formation. Une cuisine que je qualifierai
de française avec, bien sûr, une touche
provençale et une influence de mes
origines toulousaines, même si on
cherche à apporter des notes créoles.
Notre clientèle est principalement
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une clientèle américaine qui vient
sur un territoire français, et donc à la
recherche de cuisine française. C’est
vrai qu’en Métropole on arrive à trouver tous les produits qu’on veut et que
la cuisine s’internationalise. Ici, c’est
plus compliqué, puisqu’on ne peut pas
faire le marché et qu’on doit travailler
avec des importateurs.
sons et les fruits et légumes. Cette
confiance m’a fait grandir. Avec
Maxime, ça a été la grande aventure,
apprendre à ne rien lâcher, car le métier n’est pas toujours facile ici.
Et vous-même, que souhaitezvous transmettre ?
Je suis ouvert et j’aime la communication. Je demande toujours l’avis
de mes assistants. Il existe un menu
création auquel ils participent activement. Ils viennent me voir avec une
recette prête à 70% que nous finissons ensemble. S’il y a un retour, je
suis aux premières loges (rires) ! q
Pouvez-vous nous parler des
chefs qui vous ont marqué ?
Je citerai Maxime Deschamp, l’ancien
chef du Toiny, le chef qui l’a précédé
dans ma formation, Laurent Tarridec, du Leï Mouscardins, à Saint-Tropez, et, enfin, le troisième chef qui
m’a marqué, Sylvain Humbert, qui
travaille au château de Valmer.
Que vous ont-ils appris
spécifiquement pour que vous
les citiez ?
Le premier, Sylvain Humbert, un chef
à l’ancienne, m’a enseigné la rigueur,
le travail carré. Laurent Tarridec, lui,
m’a fait découvrir beaucoup de produits et m’a appris à aller chercher les
produits. A la fin de ma collaboration
avec lui, j’allais seul chercher les pois-
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