Le Bureau de projet : un inventaire des cadres conceptuels d’analyse de
l’efficience
Monique Aubry* et Denis Thuillier**
* étudiante au programme de doctorat conjoint en administration, ESG-UQAM.
** professeur au département de Management et Technologie, ESG-UQAM.
RÉSUMÉ
La gestion de projet a connu une évolution importante au cours des dernières années, mais le cadre conceptuel qui
permet de comprendre son positionnement dans les entreprises a été peu travaillé. Ce texte propose un inventaire des
cadres conceptuels d’analyse permettant d’aborder la question de l’efficience des structures organisationnelles en
gestion de projet et notamment celle du Bureau de projet. La revue de cinq approches d’évaluation de la performance
en gestion de projet permet de conclure : que l’évaluation de la performance ne peut plus se mesurer uniquement par
des éléments de coûts et d’échéance et qu’elle doit tenir compte de l’atteinte des objectifs stratégiques de la firme.
L’évolution du champ organisationnel de la gestion de projet tire profit des éclairages jetés par la théorie de
l’isomorphisme et par la théorie évolutionniste. La théorie des parties prenantes enrichit notre compréhension des
relations entre acteurs participants à des projets qui constituent autant de réseaux et qui se superposent à la structure
hiérarchique de la firme. La théorie des coûts de transaction et la théorie de l’agence apportent une dimension
économique aux interrelations dans ces réseaux, le projet étant alors considéré comme un « nœud » de contrats,
explicites ou non. La théorie de l’ordre négocié fait ressortir le choc des champs sociaux auxquels appartiennent les
acteurs (hiérarchie) qui se croisent par leur participation à différents réseaux (projet). Une proposition de recherche
empirique qui permettra d’avancer dans notre compréhension de la performance en gestion de projet s’appuiera sur
l’ensemble des cadres conceptuels évoqués dans ce travail.
Mots-clefs : Bureau de projet, efficience, performance, coûts de transaction, agence.
INTRODUCTION
La gestion de projet a connu une évolution importante au cours des dernières années. La gestion de projet envahit
même nos écoles élémentaires et secondaires. La gouvernance des projets dans les moyennes et grandes entreprises
s’est enrichie d’une nouvelle composante : le Bureau de projet. Le cadre conceptuel n’a cependant pas suivi la même
évolution (Winch, 2004). Comment aborder dans un tel contexte le thème de l’efficience et de la performance en
gestion de projet ? Il s’agit d’un défi important, non pas parce que la matière manque mais plutôt au contraire parce
que la littérature foisonne (Pinto et Slevin, 1988 ; Lester, 1998 ; Crawford, 2000; Cooke-Davies, 2002 ; Schlichter,
2002 ; Yeo, 2002 ; Pennypacker et Grant, 2003; Jugdev, 2004). Ces travaux abordent cependant la performance
uniquement d’un point de vue opérationnel et pratique. Sans nier la nécessité d’aborder cette question sous cet angle,
il nous paraît important de revoir les fondements conceptuels de la gestion de projet à la lumière de son évolution au
cours des dernières décennies afin de mieux comprendre ses possibilités de développement à moyen terme dans les
organisations. Les approches conceptuelles actuelles en gestion de projet situent les organisations dans une relation
contingente vis-à-vis de leur environnement : les organisations s’adaptent à leur environnement en fonction d’un
certain nombre de paramètres (Mintzberg, 1989). Le projet peut être vu comme une micro organisation. Dans ce
contexte, les organisations influencent aussi leur environnement dans une interrelation dynamique. Cette nouvelle
approche fait appel à un ensemble de théories peu explorées jusqu’ici (et qui sortent du champ traditionnel de
l’analyse économique) pour expliquer le choix d’une structure organisationnelle dans les firmes orientées projet.
Nous tenterons de définir dans une première section ce qu’est un Bureau de projet et nous proposons dans une
deuxième section un historique de la gestion de projet en jetant un regard sur l’évolution parallèle de trois volets : la
gestion de projet, la structure organisationnelle en gestion de projet et le bureau de projet. La troisième section
présente cinq «modèles» actuels de mesure de la performance en gestion de projet. Le texte des quatre sections
suivantes est construit autour de perspectives théoriques différentes mais complémentaires qui permettent de
répondre successivement aux questions portant (1) sur la définition de la performance en gestion de projet tant du
point de vue des parties prenantes que dans une perspective économique, (2) sur les changements dans la