222222 Page 2
inobservable. Il s’agit d’un prix théorique. C’est donc la théorie dominante qui va le définir6 : il s’agit
du prix que l’on observerait dans une économie en concurrence parfaite, c’est-à-dire une économie de
libres marchés où les agents sont rationnels, n’ont aucun pouvoir de marché et disposent de toute
l’information nécessaire pour réaliser leur choix. Le prix réel, la valeur réelle est ainsi définie sur base
d’un modèle théorique ou irréel (par définition, un modèle, ce n’est pas la réalité).
Par exemple, le prix de l’immobilier est le prix moyen de vente à une période donnée. Le prix réel est
celui qui prévaudrait sur un marché immobilier en concurrence parfaite. Si le prix observé est plus
élevé que le prix réel, on parlera de bulle immobilière.
Le prix d’une action est le prix auquel je peux l’acheter à la bourse. Le prix réel de cette action est le
prix auquel je l’achèterais en disposant d’une information parfaite sur un marché boursier en
concurrence parfaite. L’action étant un titre de propriété d’une entreprise (une part), on estime la
valeur réelle d’une action comme étant la somme des dividendes (parties du bénéfice distribué aux
actionnaires) futurs actualisés (c'est-à-dire ramenés en € d’aujourd’hui7) auxquels cette action donnera
droit. Si le prix boursier est supérieur au prix réel, on parlera de bulle boursière. On parlera de décote
dans le cas contraire. Le prix boursier peut être supérieur au prix réel parce que l’acheteur ne dispose
pas de toute l’information permettant d’évaluer la valeur réelle de l’entreprise. Une autre raison de la
création d’une bulle boursière tient au comportement moutonnier des acheteurs (Keynes parlait
d’esprits animaux) : je n’y connais rien, mais puisque d’autres achètent, je suppose qu’il s’agit d’une
bonne affaire et j’achète à mon tour8. La spéculation se nourrit de ce comportement moutonnier.
Une bulle éclate quand le prix chute jusqu’à revenir à son prix réel. Parfois, la chute continue et il y a
décote. Néanmoins la baisse d’une action n’est pas toujours liée à un phénomène de bulle : le prix
d’une action peut aussi diminuer parce que l’entreprise à laquelle l’action est attachée est devenue
moins rentable.
Lorsqu’il y a bulle, les prix ne sont plus ceux des marchés en concurrences parfaites et ne sont donc
plus fiables pour assurer des décisions d’allocation de ressource. Le capitalisme peut nourrir des bulles
et entre alors en contradiction avec l’efficacité d’une organisation économique basée sur les marchés.
La notion de valeur
Les économistes se sont de tous temps penchés sur la notion de valeur. Pour certains, la valeur
fondamentale était la valeur monétaire (école des mercantilistes) ; pour d’autres elle provient de
l’agriculture (école des physiocrates), du travail (école classique) ou de l’usage marginal (école
néoclassique). Etc.
La valeur est une notion subjective, nous n’accordons pas tous la même valeur à un même bien. Adam
Smith distinguait la valeur d’usage (ce que je retire comme satisfaction) et la valeur d’échange (taux
auquel j’échange ou achète).
Les économistes classiques avaient, par convention, définit la valeur d’échange de manière objective :
coût exprimé en temps de travail nécessaire à la production. Il s’agit là, pour eux, de la valeur réelle.
La valeur monétaire (déterminée par le marché) gravite autour de cette valeur réelle.
Les économistes néoclassiques sont eux passés à une analyse subjective de la valeur : la valeur
d’échange est fondée sur la valeur d’usage : le fondement de la valeur est fondée sur l’utilité d’un bien
(d’où importance de la demande). Pour être plus précis, la valeur d’un bien est déterminée par sa
valeur marginale, c'est-à-dire la hausse de satisfaction apportée par la consommation de la dernière
unité. Ce qui explique que l’eau qui a une valeur d’usage très élevée a une valeur d’échange faible :
comme l’eau est déjà abondamment consommée, son utilité marginale est très faible9. Dans un monde
en concurrence parfaite, cette valeur est le prix du marché (déterminé par la rencontre entre l’offre et
la demande).
6 Voir encadré 1 pour une présentation de différentes théories de la valeur.
7 Les économistes pardonneront ici mes approximations dans les définitions…
8 Keynes comparait cela à un concours de beauté où il faut non pas voter pour la plus belle, mais bien pour celle qui, croit-on, va
recueillir le plus de suffrages.
9 On voit directement ici une des limites importantes de cette théorie de la valeur : le prix de l’eau ne reflètera pas le besoin
qu’en ont certaines populations, mais bien ce qu’est prêt à payer le consommateur de la dernère gorgée d’eau vendue sur le
marché.