Synthèse du rapport sur l`exercice des droits des passagers aériens

Euro-Info-Consommateurs Centre Européen des Consommateurs France
Euro-Info-Verbraucher e. V. Europäisches Verbraucherzentrum Deutschland - Kehl
www.euroinfo-kehl.eu
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Kehl, le 7 septembre 2010
Synthèse du rapport sur l’exercice
des droits des passagers aériens en Europe :
la mise à l’épreuve de la règlementation européenne
Suite aux perturbations de l’espace aérien dues à l’éruption du volcan en Islande en avril 2010, Euro-
Info-Consommateurs (EIC)/Centre Européen des Consommateurs (CEC) France a reçu de
nombreuses réclamations.
Quatre mois après cet évènement exceptionnel, EIC/CEC France a souhaité, au regard de son
expérience :
1/ dresser un bilan sur l’application du Règlement Européen 261/2004 relatif aux droits des
passagers aériens par les compagnies aériennes, les agences de voyages, les autorités et
organismes existants. Il concerne non seulement les litiges liés au nuage volcanique mais aussi les
autres situations fréquemment rencontrées par les passagers (à l’exception des pertes ou retards de
bagages régis par la Convention de Montréal).
2/ soumettre des propositions pour améliorer le traitement des litiges dans ce domaine.
Constat :
dans la pratique, l’application du Règlement est synonyme de difficultés et
manquements. Pour les passagers, il en découle une certaine confusion : à quoi ont-ils véritablement
droit ?
De façon générale : difficultés et manquements constatés
Les annulations de vol
Si d’une façon générale, les compagnies aériennes européenne s’acquittent de leur obligation de
réacheminer les consommateurs dans des délais raisonnables ou de leur rembourser leur billet d’avion
non utilisé, il n’en est pas toujours de même pour l’assistance, l’hébergement ou le paiement de la
compensation forfaitaire
Assistance et hébergement : le Règlement prévoit que ces prestations d’assistance et
d’hébergement doivent être offertes aux consommateurs. Il arrive fréquemment que ces derniers
doivent avancer ces frais ou s’organiser eux-mêmes pour se loger et se restaurer. Ils tentent
ensuite de demander le remboursement aux compagnies aériennes avec plus ou moins de succès
selon les compagnies. Ces dernières exigent systématiquement des justificatifs que bien souvent
les consommateurs n’ont pas conservés.
La compensation forfaitaire :
N’étant pas due lorsque le vol est annupour des «circonstances exceptionnelles », beaucoup
de compagnies aériennes se retranchent derrière cette notion floue et peu définie pour
s’exonérer de ce paiement : de la neige en hiver, en passant par des causes techniques difficiles à
apprécier pour des non-experts ou des problèmes de personnels (grèves, rotations d’équipes,…).
Difficile donc pour les consommateurs de comprendre et d’apprécier le bien fondé du caractère
« exceptionnel » de certaines de ces causes, qui leur ferme le droit à cette compensation souvent
bienvenue lorsque l’annulation leur occasionne d’importants préjudices annexes (perte de jours de
congés, frais supplémentaires pour d’autres moyens de transport….).
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Les retards de vol
L’apport de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européenne du 19 novembre 2009
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(CJCE)
Selon cet arrêt, les passagers qui ont subi un retard de trois heures ou plus à l’arrivée à leur destination finale,
ont droit à une indemnisation dans les mêmes conditions que dans le cas d’une annulation de vol.
Cette interprétation ajouterait donc à l’obligation d’assistance et d’hébergement prévue expressément dans le
Règlement en cas de retard, la compensation forfaitaire de 250 à 600€ prévue dans les cas d’annulation de
vol, reconnaissant ainsi la similarité de préjudice pour un consommateur entre une annulation et un retard de
plus de 3 heures: dans les deux cas, le consommateur n’arrivera pas à l’heure prévue à destination.
Leur application pratique : une incertitude juridique pour les passagers
Depuis cet arrêt, le CEC France a tenté de traiter à l’amiable des dossiers sur le fondement de cette
jurisprudence afin que les consommateurs puissent obtenir une compensation forfaitaire lors de retard important
(parfois jusqu’à 72h !)
A ce jour, la majorité des compagnies aériennes que nous avons contactées refusent de suivre cette
interprétation du règlement 261/2004. Elles considèrent généralement que cet arrêt n’a pas la valeur d’un
Règlement, et n’a été rendu que dans un cas d’espèce, ce qui ne lui donnerait pas de portée générale.
Ce raisonnement obligerait donc les consommateurs qui veulent se prévaloir de cette interprétation de porter
systématiquement leur litige devant un tribunal et de demander l’application de l’arrêt interprétatif de la CJCE par
un juge national.
Les suites du nuage volcanique islandais :
EIC/CEC France dresse un bilan mitigé des pratiques des compagnies aériennes et application du Règlement
261/2004. Les principales difficultés sont liées au :
réacheminement ou remboursement des passagers soumis au bon vouloir des compagnies :
Si les compagnies nationales ont, dans la plupart des cas, laissé le choix aux passagers et très souvent
réacheminés les voyageurs vers leur destination finale, les compagnies « à bas prix » ont fréquemment
proposé des réacheminements à des dates très éloignées du départ initialement prévu.
Plusieurs consommateurs nous ont rapporté avoir réussi à réserver sur le site de la compagnie des
places pour des vols programmés avant le vol de remplacement proposé par la compagnie.
Dans ces cas, les consommateurs ont racheter au prix fort le billet pour le vol qu’ils ont pu trouver
plus tôt, sur la même compagnie aérienne.
inégalités en cas d’’assistance : variable selon les transporteurs
A l’aéroport, de nombreux passagers n’ont pas reçu l’assistance prévue par le Règlement et ont été
obligés de trouver par leurs propres moyens des solutions d’hébergement, même en cas de
réacheminement proposé par la compagnie quelques jours plus tard.
De retour de voyage, les demandes de remboursement des frais d’hébergement ou de repas,
adressées aux compagnies n’ont souvent pas reçu de réponse positive.
fausses informations données aux passagers :
Il semble que l’obligation d'informer les passagers de leurs droits (art.14 du règlement) n’ait pas été
respectée pendant les perturbations aériennes dues à l’éruption du volcan en Islande. De nombreux
consommateurs nous ont en effet rapporté avoir été mal informés au guichet de la compagnie à
l’aéroport : les agents leur assurant par exemple qu’ils obtiendraient le remboursement des billets
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Arrêt de la CJCE du 19 novembre 2010 dans les affaires jointes C-402/07 Sturgeon contre
Condor Flugdienst GmbH et C-432/07Böck- Lepuschitz contre Air France
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rachetés auprès d’une autre compagnie pour rejoindre leur destination ou le remboursement d’autres
moyens de transport, comme le train.
Or, le règlement prévoit le remboursement du billet annulé et non le remboursement du billet racheté
ou des retours « organisés » par les consommateurs eux-mêmes.
Beaucoup de consommateurs ont donc préféré reprendre des billets sur d’autres compagnies
aériennes ou utiliser d’autres modes de transport (train, bateau, voiture) et ainsi refuser un
réacheminement plus tardif en pensant obtenir le remboursement intégral de leur retour organisé
par leurs soins, mais souvent à des tarifs très élevés.
pratiques commerciales équivoques des compagnies aériennes « à bas prix »
Euro-Info-Consommateurs/CEC France a par ailleurs constaté un manque de cohérence
dans le traitement des litiges de la part de certaines compagnies aériennes.
Alors que le Règlement européen prévoit en cas d’annulation le remboursement du billet
annulé et des frais de repas et d’hôtel, une compagnie « à bas prix » a par exemple accepté
dans certains dossiers d’aller au-delà de ces droits et a remboursé le billet de train
acheté par les consommateurs pour rejoindre la France, mais en revanche refuse
parfois de rembourser l’assistance normalement due.
La vente de vols secs par des agences en ligne : une source supplémentaire de difficultés pour les
consommateurs, qui se retrouvent otages des relations entre les compagnies et les agences qui vendent leurs
billets.
Parmi les difficultés les plus souvent constatées, citons :
- Le problème de l’information sur les conditions de transport ou les conditions de vente du billet d’avion qui
généralement relèvent de la compagnie aérienne, mais ne sont pas relayées directement par l’agence de
voyage,
- L’information sur les annulations ou reports de vol lorsqu’elle intervient bien avant le départ. Cette obligation
incombe à la compagnie aérienne mais doit souvent être relayée par l’agence qui est parfois seule à posséder
les coordonnées complètes des consommateurs. En cas de défaut d’information, les consommateurs sont donc
systématiquement renvoyés de l’agence vers la compagnie aérienne, chacune se rejetant la faute : la première
alléguant que l’obligation d’information prévue par le Règlement est à la charge uniquement des compagnies, la
seconde prétendant qu’elle ne dispose pas des coordonnées complètes des consommateurs pour effectuer
directement cette information et que c’est à l’agence de jouer son rôle d’intermédiaire. Pour finir, le
consommateur ne trouve pas de solution, ni de responsable clairement défini pour être indemnisé.
- Qui rembourse en cas d’annulation ou retard de vol ? D’après les textes et en cas de vol sec, cette obligation
incombe à la compagnie aérienne, mais cette dernière renvoie parfois vers l’agence de voyage pour des raisons
techniques de paiement. Les agences quant à elles, ont tendance aussi à renvoyer la balle directement aux
compagnies aériennes n’étant pas responsables directement des annulations ou retard. De la même façon que
pour l’information, le consommateur peut se retrouver sans interlocuteur ou responsable clairement défini et au
final sans l’indemnisation à laquelle il a normalement droit.
Les différentes coopérations du CEC France pour un traitement des
litiges plus efficace :
1/ avec le nouveau Médiateur Voyage Annulés Volcan (nommé le 27 avril 2010) : ses compétences
étant limitées aux professionnels établis en France, le CEC France a proposé de travailler en
coopération avec ses services afin de pouvoir aider les consommateurs en litige avec des
professionnels basés dans un autre Etat membre de l’Union Européenne, l’Islande et la Norvège.
Les services du Médiateur Voyages Annulés Volcan ont ainsi pu nous transmettre près de 500
réclamations transfrontalières impliquant, indifféremment, des professionnels basés dans l’Union
Européenne ou en dehors.
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Faute de prolongation des fonctions du Médiateur Voyages Annulés Volcan, les retardataires se sont
naturellement tournés vers nos services puisque EIC/ CEC France est actuellement le seul organisme
mentionné sur le site du Médiateur.
2/ avec la DGAC : Les différentes difficultés (absence de concertation entre les services de la DGAC
et le CEC France au sujet des dossiers liés à l’éruption volcanique ; pour les autres dossiers : longueur
du délai de traitement des réclamations individuelles, travail en réseau des NEB non systématique,
procédure de sanction entamée plutôt dans un cadre « collectif » et non individuel, indemnisation du
préjudice subi non garantie) semblent surtout dues à un manque de moyens des services de la DGAC
compte tenu du nombre de sollicitations reçues par ces services.
Pour améliorer le traitement des litiges dans ce domaine, voici nos
propositions :
Préciser certains points du Règlement 261/2004 (définition de ce qu’est une circonstance
exceptionnelle, différence entre une annulation et un retard important de vol) et la valeur de la
jurisprudence interprétative de la CJCE
Renforcer l’information des consommateurs sur leurs droits :
1- Imposer la remise d’une notice explicative sur les droits des passagers aériens dès l’achat
du billet,
2- Prévoir des sanctions en cas de manquement à l’obligation d’information,
3- Préciser la responsabilité de chaque professionnel du tourisme (agence de voyage et
compagnie aérienne) aux consommateurs dans le cadre de l’achat de vols secs,
notamment pour invoquer le Règlement 261/2004.
Renforcer la coopération avec les autorités de contrôle du secteur aérien
1/ Renforcer le réseau des NEB pour ce qui est des moyens d’action et de la coopération.
Les consommateurs disposent dorénavant d’interlocuteurs pour faire appliquer le Règlement
sur les droits des passagers aériens.
2/ Investir le NEB français d’un réel pouvoir de sanction pour chaque cas individuel afin de
faire appliquer efficacement le Règlement Européen.
3/ Imposer une appréciation des NEB dans les cas de circonstances exceptionnelles
invoquées par les compagnies aériennes (à défaut d’encadrement législatif plus précis de cette
notion), car ces organismes sont seuls parfois à disposer des compétences techniques pour
juger du caractère exceptionnel ou non de ces circonstances (notamment en cas d’annulation
pour raisons techniques ou climatiques).
Pérenniser en France un Médiateur spécialisé dans les litiges liés au tourisme et aux
voyages :
Avec un champ de compétence élargi, ce médiateur pourrait être notif auprès de la
Commission européenne et deviendrait alors l’interlocuteur direct du réseau des Centres
Européens des Consommateurs pour les litiges transfrontaliers liés au tourisme.
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