Une meilleure prise en charge des personnes vivant avec le VIH au

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Une meilleure prise en charge des personnes vivant avec le VIH au Tchad
01/12/14
Vivre avec le VIH. Cette triste réalité concerne 35.3 millions de personnes à travers le monde selon les chiffres
de 2012 rapportés par l'ONUSIDA, l'instance des Nations unies chargée de coordonner l'action des différentes
agences spécialisées de l'ONU dans la lutte contre le VIH/SIDA. Certes, derrière ce chiffre se cachent d'autres
statistiques, encourageantes celles-là. En effet, on compte environ 33% de nouvelles infections en moins
depuis 2001 et environ 29% de décès liés au SIDA en moins depuis 2005. Néanmoins, les statistiques globales
cachent toujours de fortes disparités, géographiques en l'occurrence. En effet, c'est toujours dans les pays
pauvres ou à ressources limitées que les défis restent les plus nombreux, tant pour l'accès aux traitements que
pour la prise en charge des patients. C'est sur ce dernier point que la thèse de Chatté Idékhim Adawaye apporte
un éclairage que l'on qualifiera autant de pragmatique que d'utile. Sa recherche s'intéresse à une situation bien
particulière, celle du Tchad, et développe des solutions adaptées et efficaces. Ceci afin que les personnes
vivant avec le VIH dans ce pays bénéficient enfin d'une prise en charge digne de ce nom permettant notamment
de détecter la résistance du VIH aux traitements antirétroviraux (ARV) et par conséquent, de proposer à temps
un autre traitement. Pour aboutir à un tel résultat, il est primordial que tous les acteurs concernés aient bien
conscience des enjeux cruciaux qui entourent la question de la résistance du VIH aux ARV. C'est à cette
condition que pourra s'organiser la mise en place d'une prise en charge pertinente des patients, condition
essentielle à la réussite des traitements. Le tout dans un pays le test de résistance n'existe pas, ce qui
demande de développer des méthodes alternatives pour une meilleure surveillance épidémiologique de la
résistance du VIH au traitement.
Afin de mieux appréhender
l'importance de la détection de la résistance aux traitements antirétroviraux (ARV), il convient à ce stade
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de faire une précision d'ordre terminologique. Le VIH n'est pas le SIDA. Or, malheureusement, la confusion
continue à perdurer dans les esprits. Le VIH est un virus qui affaiblit le système immunitaire chez l'être
humain. On parle de SIDA lorsque le VIH a, avec le temps, affaibli le système immunitaire et qu'une personne
commence à développer des signes de l'infection. D'où il résulte qu'une personne qui a le SIDA a donc
nécessairement le VIH, puisque c'est le VIH qui cause le SIDA. En revanche, avoir le VIH ne signifie pas
que l'on a ou aura le sida, si le stade avancé de l'infection n'est pas atteint. On distingue quatre phases
d'infection : primo-infection, séropositif sans symptômes, séropositif avec symptômes, SIDA. Avec l'évolution
des traitements, on ne passe plus automatiquement de la première phase à la quatrième. Au contraire, un
séropositif peut désormais atteindre la phase 3 et ensuite revenir à la phase 2, voire même sortir de la phase
4 pour retourner à la phase 2. Par contre, il n'est pas possible d'envisager un retour à la phase 1, la primo-
infection.
La digression qui précède témoigne qu'il n'y a pas de fatalité dans l'évolution de la maladie. A condition d'avoir
le traitement adéquat. Voilà qui nous ramène aux tests de résistance du VIH aux ARV. Sans ces tests, les
traitements ne peuvent pas être pleinement efficaces et ne peuvent donc pas permettre d'éviter la progression
fatale du virus. Au Tchad justement, « il n'y a pas de laboratoire de biologie moléculaire digne de ce nom, et
on ne fait donc pas de test de résistance », rappelle Chatté Adawaye, doctorant au sein du Laboratoire de
Référence Sida du CHU de Liège.
Résistance du VIH aux ARV : l'exemple de la Triomune
A titre d'exemple servant à illustrer la résistance du virus, un test a été réalisé lors des 8 mois d'observation des
116 patients constituant l'échantillon de référence sur lequel s'appuie la thèse de Chatté Adawaye. Ce test a
été mené par le doctorant et à son initiative. Il s'agissait d'évaluer la résistance du virus chez les patients traités
à la Triomune, soit 48 patients sur les 116 au total. Les résultats sont confondants : « le taux d'échec à la
Triomune est de 43.75% et concerne donc 21 patients sur 48 ». Ces résultats doivent bien entendu faire l'objet
d'une analyse plus poussée, et prendre en compte l'environnement entourant les personnes concernées et les
modalités de prise en charge. « La résistance au traitement est souvent due au virus qui commet des erreurs
en se répliquant ce qui entraîne des mutations. Mais au Tchad nous devons aussi tenir compte du fait que la
prise de ce traitement ne se fait pas toujours dans des conditions normales, loin de là. Nous avons des patients
qui ne prennent pas leur médicament, ou sautent des prises. Ils ne bénéficient pas d'évaluation régulière.
Donc, dans ce cas précis, l'échec est directement lié à la non-observance des modalités du traitement. » Il est
important de souligner que « depuis fin 2012, au Tchad, la trithérapie par la Triomune ou trithérapie du pauvre
ne fait plus partie des traitements dispensés. Cette décision du gouvernement n'a rien à voir avec l'échec
du traitement puisque celui-ci ne peut être prouvé qu'avec un test de résistance. Ce sont plutôt les effets
secondaires vraiment néfastes de ce traitement qui sont à l'origine de cette mesure. Au moment nous avons
effectué les prélèvements, cette trithérapie était abandonnée graduellement et nous avons saisi l'occasion
de dresser une évaluation immunovirologique du traitement. » Une fois constaté l'échec de la Triomune, il
faut non seulement stopper son usage mais également éviter les « résistances croisées », et pour cela ne
pas administrer à un patient un traitement contenant un médicament appartenant à la même famille que ceux
contenus dans la Triomune.
Par ailleurs, d'autres facteurs périphériques mais qui influent sur la réussite du traitement entrent en jeu dans
un pays comme le Tchad. « Il faut prendre en compte les ruptures de stocks. Il y a des périodes il n'y
a tout simplement pas de médicaments ». Le Tchad est effectivement un pays enclavé qui partage 5 676
kilomètres de frontières avec 6 pays limitrophes : le Soudan, la République centrafricaine, la Lybie, le Nigéria,
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le Cameroun et le Niger. Autant dire qu'avec un tel enclavement, le Tchad demeure largement tributaire de
la situation chez ses voisins et n'a bien entendu rien à attendre de bon des conflits, crises ou désordres
géopolitiques y ayant cours. A noter que le port le plus proche est celui de Douala (Cameroun) à 1700 km
de N'Djamena et que les routes ne sont pas toutes bitumées. L'état des infrastructures a un impact certain
tant sur l'approvisionnement du Tchad en médicaments que sur la motivation des patients vivant loin de la
capitale à se déplacer.
On le voit, vivre avec le VIH au Tchad diffère totalement de ce que vit un patient en Europe par exemple. Par
conséquent, la lutte contre cette maladie implique de développer des stratégies adaptées au terrain rencontré.
Investir dans la biologie moléculaire et le personnel qualifié
C'est exactement ce que propose Chatté Adawaye dans sa thèse(1). Son constat de départ se trouve renforcé
par une connaissance empirique aiguë. En effet, Chatté Adawaye fait partie d'un groupe, le HCNC (Haut
Conseil National de Coordination pour l'accès au Fonds Mondial pour la lutte contre le paludisme, le Sida
et la Tuberculose) chargé de négocier les fonds nécessaires pour lutter contre ces trois fléaux que sont au
Tchad le paludisme, le VIH et la tuberculose. Cette position particulière lui permet de constater que la volonté
politique existe et que les moyens financiers sont là. « Chaque année, la Banque mondiale augmente les
financements. De plus, au Tchad, les personnes vivant avec le VIH ont un accès gratuit aux ARV ainsi qu'aux
examens complémentaires depuis 2007. Pour tout couronner, depuis 2003, le pays est devenu une nation
pétrolière. » Ces atouts ne sont toutefois pas suffisants si dans le même temps les ressources ne sont pas
allouées efficacement. « Il ne sert à rien d'investir dans des moyens techniques si on ne dispose pas du
personnel qualifié pour l'utiliser. Tout est affaire de ressources humaines et c'est le sens du message que
nous avons lancé vers les instances compétentes à l'issue de cette étude. » Cela signifie concrètement qu'il
faut créer un Centre de Référence Sida pour une meilleure prise en charge des personnes vivant avec le VIH
et il faut d'urgence investir dans la biologie moléculaire et dans le personnel qualifié. Cela va de pair avec des
infrastructures solides et fiables. Nous avons évoqué plus haut le problème des transports. A cela s'ajoutent
les fréquentes coupures de courant, ce qui constitue un handicap majeur quand on sait qu'un prélèvement
de sang veineux requiert une conservation à une température de -80°C ! Rompre la chaîne du froid a comme
conséquence de fausser les résultats.
Face à ces contraintes, la thèse de Chatté Adawaye se veut pragmatique et vise à proposer des méthodes
alternatives de prise en charge des personnes vivant avec le VIH intégrant les réalités du terrain. Ces
propositions s'articulent autour de trois axes principaux que sont la méthode de prélèvement des échantillons
sur papier buvard ou DBS en anglais pour Dried Blood Spot, la mesure des CD4 et de la charge virale et
enfin la détection de mutations de résistance ponctuelles.
La première étape de la prise en charge est évidemment le prélèvement sanguin qui précède les
analyses proprement dites. Nous avons précisé plus haut que les fréquentes coupures de courant
notamment rendaient difficiles la conservation et le transport du plasma. L'alternative consisterait
à utiliser une autre technique de prélèvement qui n'avait pas encore été testée au Tchad : la
méthode DPS ou DBS. La technique consiste à collecter du sang total (DBS) ou du plasma
(DPS) sur un papier filtre appelé buvard. Cette technique a plusieurs avantages non négligeables.
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Tout d'abord, elle ne nécessite
pas de chaîne du froid puisque l'échantillon doit être conservé à température ambiante. De plus, il peut être
prélevé par du personnel non qualifié en biologie moléculaire ce qui veut dire que les patients peuvent se
rendre dans un centre médical même en périphérie. Enfin, l'échantillon peut être envoyé par simple courrier
postal. Les contraintes de conservation et d'acheminement sont donc évitées. Quant aux résultats, ils sont
aussi fiables que ceux obtenus par prélèvement standard (plasma). Pour les enfants, il suffit de piquer le bout
du doigt pour obtenir un prélèvement correct. La méthode n'est donc vraiment pas contraignante !
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Une fois que le prélèvement a été
effectué, et dans le cas du VIH, il convient ensuite de mesurer le taux de lymphocytes CD4 ainsi que la
charge virale plasmatique. « Ce sont les deux meilleurs marqueurs d'évolutivité de la maladie. Ils permettent
de suivre l'évolution du virus et l'efficacité du traitement au cours de l'infection au VIH. » Si la charge virale
est élevée et que le taux des lymphocytes TDC4 est faible, « cela témoigne de l'évolution rapide vers la
maladie SIDA et amène à se poser des questions sur le traitement administré ». La charge virale doit ainsi
rester au seuil indétectable ou inférieure à 50 copies/ml. Le problème est que la technique la plus simple et
la moins onéreuse de mesure de la charge virale, la technique de l'ANRS, n'est pas praticable dans les pays
à ressources limitées car elle nécessite un personnel qualifié et des infrastructures de laboratoire suffisantes.
C'est pourquoi c'est encore la méthode Abbott RealTime qui est à privilégier même si elle est plus chère.
C'est une technique de choix pour les pays à forte diversité génétique comme le Tchad car elle détecte en
plus des sous-types du groupe M (A-H), le groupe N, O et des formes recombinantes. Elle ne demande pas
de qualification spécifique en biologie moléculaire.
Enfin, pour une meilleure prise en charge des personnes vivant avec le VIH, il faut absolument pouvoir effectuer
des tests de résistance pour juger de l'efficacité du traitement. Or, une fois encore, les techniques standards
de détection de mutations de résistance pour le monitoring des patients sont très coûteuses et demandent des
équipements sophistiqués et un personnel formé. « Ici, en Europe, on fait le séquençage complet d'une partie
du gène pour chercher différents types de mutations de résistance. Nous, nous nous sommes intéressés à
une méthode alternative qui permet de détecter une mutation ponctuelle. C'est la méthode Allele-Specific
PCR (ASPCR). » En s'aidant d'une métaphore, la technique peut être expliquée de la manière suivante : si l'on
considère l'Union européenne, Bruxelles représente son centre. C'est le cœur de l'Europe. Par conséquent,
nul n'est besoin de viser tous les Etats membres pour atteindre l'Europe. Il suffit d'atteindre Bruxelles. Ceci
signifie dans le sujet qui nous occupe qu'il n'est pas indispensable d'identifier toutes les mutations présentes
sur une partie du gène. Il faut plutôt « identifier les chefs de file ». Leur présence indique que le traitement
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