L`insuffisance cardiaque aiguë dans la pratique clinique

CARDIOLOGIE
V1238F_2009
L’insuffisance cardiaque aiguë dans
la pratique clinique
David Raes
Service de Cardiologie, GZA Ziekenhuizen Campus Sint Augustinus
Pour le Belgian Working Group on Heart Failure and Cardiac Function
Keywords: acute heart failure – guidelines – treatment
Définition de l’insuffisance
cardiaque aiguë
Il existe plusieurs définitions de l’insuffisance
cardiaque aiguë. Nous prendrons comme point
de départ celle de la Société européenne de car-
diologie, l’insuffisance cardiaque aiguë (ICA)
est décrite comme un syndrome caractérisé par
l’apparition rapide ou progressive de symptômes
et signes d’insuffisance cardiaque nécessitant un
traitement immédiat.
L’ICC peut se manifester pour la première fois
ou résulter de l’aggravation d’une insuffisance
cardiaque chronique. Différentes cardiopathies
peuvent être à l’origine de l’ICA.
L’insuffisance cardiaque aiguë est une patho-
logie importante dans la pratique quotidienne
du généraliste et du spécialiste et représente
une charge substantielle pour la société, comme
l’indiquent les chiffres épidémiologiques.
L’insuffisance cardiaque aiguë apparaît d’ailleurs
comme la cause la plus fréquente d’hospitalisa-
tion chez les plus de 65 ans dans les études Euro
Heart Survey II (Europe) et ADHERE (Etats-Unis)
et dans les fichiers nationaux italien, français
et finlandais.
L’insuffisance cardiaque aiguë affecte essentiel-
lement une population âgée caractérisée par une
comorbidité importante, cardiovasculaire ou non,
et un pronostic défavorable à court et à long
terme. Le pronostic est le plus pessimiste pour
le choc cardiogénique aigu, avec environ 50% de
mortalité hospitalière, et le plus favorable pour
l’oedème pulmonaire aigu hypertensif. Le nom-
bre moyen de journées par hospitalisation est de
neuf jours. Parmi les patients quittant l’hôpital,
environ un tiers est à nouveau admis au cours des
six mois consécutifs à la sortie et quelque 50%
seront réhospitalisés dans le courant de l’année.
La proportion combinée de réhospitalisations ou
de décès dans les 60 jours est de 30 à 50%! Plus
de 25% des patients décèdent dans le courant
de l’année suivant l’hospitalisation!
Autant de raisons pour lesquelles la prévention
revêt une importance capitale, notamment
via le dépistage et le traitement précoces de
tous les facteurs de risque cardiovasculaire et
l’identification précoce de tous les stades, du
disfonctionnement ventriculaire gauche à l’insuf-
fisance cardiaque, outre la mise en oeuvre d’une
stratégie adéquate pendant et après l’hospitali-
sation. Différentes initiatives sont pour l’instant
en chantier, dont l’instauration de programmes
de soins relatifs à l’insuffisance cardiaque et
d’un trajet de soins national afin d’optimiser
la collaboration entre médecins hospitaliers et
généralistes.
L’arbre qui cache la forêt
Divers tableaux peuvent se présenter, allant d’un
premier épisode d’insuffisance cardiaque, égale-
ment appelé insuffisance cardiaque «de novo», à
l’aggravation d’une insuffisance cardiaque chro-
nique, en passant par un oedème pulmonaire
aigu, une congestion droite chronique et un choc
cardiogénique.
Ce syndrome peut être à différents problè-
mes, dont les défaillances systolique et dias-
tolique, lesquelles se subdivisent à la lumière
des connaissances actuelles en «insuffisance
cardiaque à fraction d’éjection basse» lorsque
la fraction d’éjection est inférieure à 40% et
en «insuffisance cardiaque à fraction d’éjec-
tion préservée» en cas de fraction d’éjection
normale ou légèrement diminuée, soit 40% ou
plus sur une base arbitraire, mais correspondant
aux grandes études cliniques. Au nombre des
causes et facteurs déclenchants figurent plu-
sieurs pathologies telles que l’hypertension, la
valvulopathie et les arythmies cardiaques. Les
syndromes coronariens aigus sont la cause la
plus fréquente d’insuffisance cardiaque aiguë
«de novo».
En raison de la diversité des tableaux cliniques, le
traitement doit systématiquement être adapté
à chaque patient.
Pour conclure, nous insisterons sur l’importance
de l’instauration à grande échelle de mesures et
de structures favorisant un accompagnement à la
fois intensif et individualisé du patient insuffisant
cardiaque par-delà les limites de l’hôpital même,
dans un esprit de collaboration entre patient,
généraliste et spécialiste.
Causes et déclencheurs de
l’insuffisance cardiaque aiguë
En cas d’insuffisance cardiaque aiguë chez un
patient, il est essentiel que le médecin identifie
rapidement la cardiopathie sous-jacente et les
facteurs déclenchants afin de les contrôler.
Les causes et les facteurs déclenchants les plus
fréquents sont énumérés ci-après.
- Syndromes coronariens aigus: première cause
d’insuffisance cardiaque aiguë récente (new
onset):
- dysfonctionnement ischémique (systo-
lique ou diastolique);
- complications mécaniques (rupture du
muscle papillaire, déchirure du septum);
- infarctus du ventricule droit.
- Arythmie aiguë: SVT VKF VT VF.
- Crise hypertensive artérielle.
- Cardiopathie valvulaire:
- sténose ou insuffisance préexistante;
- endocardite bactérienne;
Vaisseaux, Coeur, Poumons n Numéro spécial n 2009
31
Cet article s’est basé sur les directives européennes de l’ESC (ESC guidelines on the diagnosis
and treatment of acute heart failure. European Journal of Heart Failure 2008, volume 10)
et est adapté à la pratique clinique.
- dissection aortique.
- Myocardite et cardiomyopathie.
- Déclencheurs et facteurs déclenchants car-
diovasculaires:
- syndromes de haut débit cardiaque (sep-
sie, thyréotoxicose, anémie, shunt);
- tamponnade;
- embolie pulmonaire aiguë.
- Facteurs déclenchants non cardiovasculaires:
- traitement non suivi,
- drogues et alcool,
- interférence médicamenteuse,
- surcharge volumique,
- infection telle que pneumonie,
- traumatisme ou chirurgie majeurs,
- asthme et BPCO,
- insuffisance rénale.
En cas de syndrome coronarien aigu, il importe
de combattre rapidement et efficacement l’is-
chémie, de ralentir ou de réguler le plus vite
possible l’arythmie instable hémodynamique et
de maîtriser sans attendre l’hypertension grave.
Ces trois éléments majeurs, qui sont aussi les
causes les plus fréquentes, sont faciles à retenir.
Les facteurs déclenchants non cardiovasculaires,
autrement dit «externes», constituent une cause
essentielle de déstabilisation de l’insuffisance
cardiaque chronique et doivent systématique-
ment être contrôlés et corrigés en cas d’aggrava-
tion clinique ou de réhospitalisation. Des interro-
gations insistantes à la suite de réhospitalisations
récurrentes mettent régulièrement en évidence
des manquements, conscients ou non, à la thé-
rapie médicamenteuse ou aux règles d’hygiène
de vie. Un infirmier responsable des insuffisants
cardiaques peut à cet égard jouer un rôle essen-
tiel en matière d’éducation et de contrôle. Cette
intervention généralement bien acceptée par les
patients a d’ailleurs prouvé son utilité dans la
pratique. L’infirmier responsable des insuffisants
cardiaques joue donc un rôle essentiel dans les
programmes de soins instaurés dans une mesure
croissante dans les hôpitaux afin d’assurer un
accompagnement intensif et individualisé des
patients. Autant de mesures qui se traduisent par
une diminution de la durée d’hospitalisation et
du nombre de réhospitalisations inopinées pour
insuffisance cardiaque aiguë. Le Groupe de travail
belge sur l’insuffisance cardiaque de la Société
belge de cardiologie mentionne dans sa réunion
du 6/7/2005 que la présence d’un infirmier res-
ponsable des insuffisants cardiaques constitue un
élément essentiel de tout programme de soins
en la matière. Les programmes de soins relatifs
à l’insuffisance cardiaque sont en outre consi-
dérés par la Société européenne de cardiologie
comme une recommandation de classe IA pour
la diminution de la morbidité et de classe IIA
pour la baisse de la mortalité. La mention «IA»
fait référence à la recommandation la plus dé-
terminante, formulée sur la base des données
scientifiques les plus probantes. Les «Numbers
Needed to Treat» pour une diminution de la
réhospitalisation pour maladie progressive ou de
la mortalité sont évalués à cinq. Autrement dit, il
suffit de procéder au suivi de cinq patients dans le
cadre d’un programme de soins pour insuffisance
cardiaque pour prévenir un «critère» par an.
Insuffisance cardiaque aiguë
versus insuffisance cardiaque
chronique
Ci-après figure une distinction intéressante,
peut-être même philosophique, entre insuffi-
sances cardiaques aiguë et chronique.
En ce qui concerne l’insuffisance cardiaque chro-
nique à fonction systolique diminuée, nous dispo-
sons de données probantes étendues relatives aux
inhibiteurs ECA et aux bêtabloquants nous per-
mettant d’améliorer la morbidité et la mortalité à
long terme. Dans le cas de l’insuffisance cardiaque
chronique à fraction d’éjection «préservée», nous
pouvons au minimum affirmer que ces mêmes
inhibiteurs ECA et bêtabloquants ne jouent pas le
même rôle capital et que nous en sommes réduits
à une thérapie symptomatique.
En cas d’insuffisance cardiaque aiguë à fraction
d’éjection préservée, les inhibiteurs ECA et les
bêtabloquants peuvent jouer un rôle important
dans la stabilisation aiguë, notamment en ce qui
concerne l’insuffisance cardiaque aiguë déclen-
chée par une arythmie ou une poussée aiguë
d’hypertension artérielle. En revanche, pour ce
qui est de l’insuffisance cardiaque aiguë à fonction
systolique très altérée, la plus grande prudence
s’impose en matière d’inhibiteurs ECA et de bêta-
bloquants, l’administration irréfléchie d’inhibiteurs
ECA et de bêtabloquants risquant notamment de
susciter une insuffisance rénale aiguë et un choc
généralisé en cas de bas débit cardiaque. Il est
donc essentiel de distinguer cette situation de
celle d’un patient stabilisé chronique ayant une
tension faible. Dans ce cas, la tension faible ne
s’apparente pas à un choc et sera donc ciblée en
tant que partie intégrante du traitement, l’arrêt ou
la diminution de l’inhibiteur ECA ou du bêtablo-
quant étant alors contre-indiqués. La compétence
requise pour établir cette distinction dépend de
l’expérience et des aptitudes cliniques.
Tableaux cliniques de
l’insuffisance cardiaque aiguë
L’insuffisance cardiaque aiguë se caractérise par un
large éventail d’éléments et de tableaux cliniques.
Si ces signes et symptômes cliniques de l’insuffi-
sance cardiaque peuvent effectivement être consi-
dérés comme des bases cliniques, il apparaît que
les spécialistes et les généralistes ont souvent
tendance à négliger ou à prêter une attention
insuffisante à des éléments tels qu’une pression
veineuse centrale. Cette situation s’explique par
le fait qu’il s’agit d’une technique compliquée,
coûteuse en temps et dépendant de nombreux
facteurs, qui requiert en conséquence une expé-
rience et une pratique quotidienne considérables.
A la longue, les intervenants se fient davantage
aux résultats techniques, alors que les examens
techniques ne s’avèrent pas nécessairement plus
fiables et certainement pas plus rapides.
Eléments cliniques
- Pression veineuse centrale: congestion droite.
- Reflux hépatojugulaire: congestion gauche
(expérience!).
- Troisième bruit du coeur: congestion gauche
(expérience!).
- Turgor cutané: liquide extravasculaire.
- Râles et crépitations et orthopnée: conges-
tion gauche:
- à distinguer des râles ronflants (ronchi)
et de la respiration sifflante.
- Sudation/pâleur/périphérie froide = vaso-
constriction:
- hypertensif: vasoconstriction (pas
nécessairement surcharge);
- hypotensif: bas débit cardiaque (pas
nécessairement sous-charge).
- Hépatomégalie: congestion droite, à distin-
guer de l’hépatite.
- OEdème prenant le godet: congestion droite,
à différencier de l’hypoalbuminémie/throm-
bose veineuse profonde.
Six tableaux cliniques
Les nouvelles directives européennes identifient
grosso modo six tableaux cliniques.
- Décompensation de l’insuffisance cardia-
que chronique: aggravation des signes et des
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symptômes en cas d’insuffisance cardiaque
stable préexistante traitée, souvent accom-
pagnée de signes de congestion modérés.
- Oedème pulmonaire aigu: tableau clinique
classique avec anhélation aiguë, orthopnée
et râles ou crépitations pulmonaires.
- Syndrome de bas débit: hypotension accom-
pagnée de signes de perfusion organique
insuffisante: peau pâle, froide et moite;
reins produisant trop peu d’urine (moins de
50ml/h); impact cérébral avec modification
de la conscience ou tendance à la syncope.
- OEdème pulmonaire hypertensif: oedè-
me pulmonaire aigu avec TA très élevée. Ce
type d’insuffisance cardiaque aiguë n’est
généralement pas basé sur une surcharge
importante, mais plutôt sur une résistance
vasculaire élevée, et va le plus souvent de
pair avec une fraction d’éjection préservée
et un pronostic favorable à condition d’être
traitée rapidement de façon ad hoc.
- Insuffisance cardiaque droite: syndrome de bas
débit avec PVC et hépatomégalie sensible.
- Syndrome coronarien aigu: l’insuffisance
cardiaque à haut débit est prise en compte
en tant que sixième tableau clinique dans les
directives de l’American College of Cardiology/
American Heart Association. Dans la version
européenne, la sixième place est occupée
par l’insuffisance cardiaque aiguë en cas de
syndrome coronarien aigu. Les syndromes co-
ronariens aigus constituent la cause majeure
d’insuffisance cardiaque aiguë de novo ainsi
qu’une cause importante d’aggravation de
l’insuffisance cardiaque chronique. Le traite-
ment est essentiellement axé sur l’élimina-
tion rapide de l’ischémie. Les directives en la
matière sont amplement détaillées ailleurs.
Pronostic de l’insuffisance
cardiaque aiguë
L’insuffisance cardiaque aiguë se caractérise par
un pronostic variable selon la population, le ta-
bleau clinique et les différents facteurs de risque.
Le clinicien sera alors en mesure de déterminer
l’urgence d’un traitement et l’utilité d’une orien-
tation ultérieure. Le pronostic est moins favora-
ble chez les personnes âgées avec comorbidité.
Le tableau clinique joue également un rôle, la
mortalité en cas de choc cardiogénique s’avérant
particulièrement élevée (mortalité hospitalière
d’environ 50%). Par contre, l’ICA hypertensive
est associée à un pronostic favorable.
Divers facteurs de risque ont été constatés et
validés au fil des ans. Les facteurs liés aux in-
suffisances cardiaques aiguë et chronique sont
grosso modo identiques. Tous ne sont cependant
pas utiles ou pertinents pour le clinicien, telle la
détermination du facteur de nécrose tumorale.
Ci-dessous une sélection des prédicteurs d’une
évolution clinique défavorable:
- âge: plus l’âge est élevé, plus le pronostic est
défavorable;
- cardiomyopathie ischémique;
- fraction d’éjection basse;
- classe NYHA III-IV – VO2max faible;
- complexes QRS larges;
- arythmie ventriculaire complexe, et réani-
mation;
- BNP élevé augmentation de la troponi-
ne hyponatriémie augmentation de la
créatinine et/ou de l’urée.
Stratification des risques de
l’insuffisance cardiaque aiguë
En la matière, trois classifications sont utilisées.
La classification de la NYHA (New York Heart As-
sociation) ne sera pas prise en considération dans
cette section. Un deuxième mode de classement,
dénommé «classification de Forrester», est fondé
sur des mesures invasives dans une unité de soins
intensifs ou coronariens. Il en résulte une classifi-
cation clinique plus simple et anonyme permettant
de déterminer la stratégie initiale rapidement et de
façon non invasive. Enfin, la troisième classification
ou classification de Killip n’est pas spécifique à
l’insuffisance cardiaque et répertorie les risques
liés aux syndromes coronariens aigus.
Forrester
Cette classification se fonde sur la mesure in-
vasive du débit cardiaque (cathéter PICO ou
cathéter de thermodilution de Swan-Ganz) et
sur la mesure invasive de la pression capillaire
pulmonaire ou PCW (Pulmonary Capillary Wed-
ge) (cathéter de Swan-Ganz), qui se rapproche
généralement de la pression auriculaire gauche.
Une PCW en forte augmentation est associée
à une congestion ou un oedème pulmonaires,
alors qu’une diminution importante de l’index
cardiaque ou débit cardiaque normalisé est as-
sociée à un choc ou syndrome de bas débit. La
combinaison d’une congestion pulmonaire et
d’un bas débit cardiaque, appelée insuffisance
cardiaque globale, représente le tableau clinique
le plus grave, associé au pronostic le plus pessi-
miste (Tableau 1).
Clinique
Dans la pratique, la classification de Forrester
peut également être établie de façon non in-
vasive en évaluant le patient cliniquement sur
la base de signes de congestion pulmonaire et
d’hypoperfusion organique. Une approche perti-
nente s’impose tout particulièrement en ce qui
concerne le patient présentant une combinaison
des deux tableaux cliniques, un état associé au
pronostic le plus pessimiste. Sur le plan clinique,
le patient se caractérise par des poumons «humi-
des» et des extrémités «froides» (Tableau 2).
Killip
La classification de Killip est en principe réservée
à l’infarctus myocardique aigu, dont le pronostic
dépend des signes d’insuffisance cardiaque aiguë.
Ainsi, le pronostic faiblit en présence de signes
de congestion pulmonaire et devient pessimiste
en cas de signes associés de choc cardiogénique.
Une orientation immédiate en vue d’une inter-
vention invasive est alors indiquée.
- Killip I: pas d’insuffisance cardiaque.
- Killip II: insuffisance cardiaque modérée: râles
au niveau de la moitié inférieure des champs
pulmonaires.
- Killip III: insuffisance cardiaque sévère: râles au
niveau de l’ensemble des champs pulmonaires.
- Killip IV: choc cardiogénique (syndrome de
bas débit).
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Tableau 1
PCW < 18mmHg PCW > 18mmHg
CI > 2,l/min/m2 Normal Congestion pulmonaire
CI < 2,2l/min/m2 Hypoperfusion Insuffisance cardiaque globale
Tableau 2
Poumons propres Congestion pulmonaire
Perfusion normale Chaud et sec Chaud et humide
Perfusion anormale Froid et sec Froid et humide
CARDIOLOGIE
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Identification et évaluation de
l’insuffisance cardiaque aiguë
L’établissement rapide d’un diagnostic correct
revêt de toute évidence une importance capi-
tale. L’algorithme de diagnostic de l’insuffisance
cardiaque aiguë est identique à celui de l’insuf-
fisance cardiaque chronique.
Algorithme de diagnostic
• Cliniquetypique=insufsancecardiaque=
traitement et tri
• Cliniqueatypique=>exclusionautres
• Cliniqueincertain=>ECG/RXTX/BNP
- Normal:ICimprobable=>exclusion
autres
- Anormal=>échocardiographie-doppler
cardiaque/cardiologue
=> Pas d’insufsance cardiaque =>
exclusion autres
  =>Insufsancecardiaque=>traiterettri
En cas de clinique typique, telle l’orthopnée
paroxystique nocturne, le diagnostic doit être
posé sans examen ultérieur. Il est alors essentiel
de ne pas perdre de temps. Si la clinique met
en évidence un risque mortel, comme en cas
d’insuffisance cardiaque globale avec oedème
pulmonaire et choc, une aide spécialisée est
requise sur-le-champ.
Si la clinique suggère une autre pathologie, il
convient de suivre dans un premier temps cette
orientation.
Lorsqu’un généraliste, un urgentiste ou un spé-
cialiste se trouve face à une clinique incertaine,
une surveillance limitée sera mise en oeuvre
dans un premier temps:
- antécédents de cardiopathie ou de patho-
logie pulmonaire ou risque élevé;
- examen clinique;
- ensemble complet de paramètres vitaux:
tension artérielle, fréquence cardiaque, tem-
pérature, fréquence respiratoire et, le cas
échéant, saturation;
- ECG: toujours: pour exclure une ischémie
aiguë et une arythmie;
- RXthorax:toujours,sipossible;
- laboratoire: BNP (NT-pro-BNP):
- toujours: cyto/creat et iono/CRP/
Troponine/D-dimères/GAZ SANGUINS
si possible/glucose;
- sur indication: INR (antico/insuffisance
cardiaque sévère)/ensemble hépatique/
urine.
Si l’ECG est tout à fait normal, une insuffisance
cardiaque s’avère peu probable. Dans la pratique,
l’ECG diverge souvent légèrement. Si la radiologie
thoracique est tout à fait normale, une insuffi-
sance cardiaque s’avère peu probable. La radiologie
du thorax est essentiellement utile pour mettre
d’autres pathologies en évidence ou pour confir-
mer un tableau typique d’oedème pulmonaire.
L’un des tests essentiels dont dispose le
généraliste est le Brain Natriuretic Peptide (BNP)
ou son produit de clivage, le N-terminal-pro-BNP
(NT-pro-BNP).
BNP et NT-pro-BNP
La signification diagnostique du BNP et du NT-
pro-BNP est notamment examinée dans le cadre
de l’étude Breathing Not Properly.
Si le titre est normal, un diagnostic d’insuffisance
cardiaque s’avère hautement improbable étant
donné la sensibilité élevée de ce test (90%).
Si un diagnostic d’insuffisance cardiaque s’avère
probable en cas d’augmentation de la valeur,
d’autres tableaux cliniques peuvent cependant
être associés à une hausse du BNP ou du NT-
pro-BNP, telle une embolie pulmonaire. Le test
présente une spécificité de 76%. Plus le titre est
élevé, plus la probabilité augmente et plus le
pronostic est défavorable. Un titre BNP < 200pg/
ml est l’indice d’un pronostic favorable.
Le BNP et le NT-pro-BNP ont une fonction d’ex-
clusion en cas d’incertitude en raison d’une haute
prédictivité négative.
En ce qui concerne le BNP, le généraliste peut
appliquer la règle pratique selon laquelle un dia-
gnostic d’insuffisance cardiaque est improbable
en présence d’un niveau < 100pg/ml. Le patient
se trouve dans la zone grise en cas de niveau
situé entre 100 et 500pg/ml. Enfin, le diagnos-
tic est probable lorsque les valeurs sont égales
ou supérieures à 500pg/ml. Cette règle admet
quelques exceptions, dont la plus importante est
celle de l’oedème pulmonaire hyperaigu, qui peut
se caractériser par un niveau restant normal au
cours des premières heures. Dans ce cas, il ne faut
pas attendre les résultats de laboratoire. En pré-
sence d’une insuffisance rénale, le seuil peut être
doublé – jusqu’à 200pg/ml –, la clairance étant
alors ralentie. Le seuil sera diminué jusqu’à
50pg/ml en cas d’obésité morbide à partir d’un
IMC de 40. D’autres valeurs s’appliquent en ce
qui concerne le NT-pro-BNP.
En cas d’incertitude persistante après l’ECG, la
radiologie thoracique et le BNP, une orientation
en vue d’une échographie-doppler cardiaque
s’avère indiquée afin de confirmer ou d’infirmer
le diagnostic d’insuffisance cardiaque.
L’échographie-doppler cardiaque est indiquée
chez tous les patients en cas de diagnostic d’in-
suffisance cardiaque, que le diagnostic soit
clairement établi ou non sur le plan clinique.
L’examen permet de déterminer s’il s’agit d’une
insuffisance cardiaque à fraction d’éjection
diminuée ou préservée et fournit des indica-
tions sur les causes de l’insuffisance cardia-
que. L’échographie-doppler cardiaque sera de
préférence effectuée au début de la mise au
point, à un moment dépendant de la gravité
du tableau clinique.
Traitement initial de
l’insuffisance cardiaque aiguë
Le traitement initial d’une insuffisance cardia-
que aiguë vise à améliorer immédiatement les
symptômes, à stabiliser le patient et à prendre
une décision fondée en vue de l’orientation vers
un service d’urgence, un service de «medium
care», une unité de soins coronariens ou intensifs
ou un cath-lab.
- Amélioration immédiate des symptômes
- Stabilisation
- Tri
A cet effet, la trousse du généraliste doit en
permanence comporter les produits suivants:
comprimés et ampoules de furosémide (Lasix®)
et bumétamide (Burinex®), comprimés de cap-
topril capoten
®
25mg, ampoules de chlorhydrate
de morphine 10mg et comprimés de Cedocard®
5mg. En cas de prédominance de la dyspnée, le
patient doit en premier lieu être installé en posi-
tion assise les jambes tombantes. Du furosémide
ou du bumétamide lui sera alors administré par
voie intraveineuse. Si la tension artérielle est
suffisante et que le patient n’est pas en état
de choc, du cédocard sera administré par voie
sublinguale. De la morphine sera administrée par
voie sous-cutanée en cas d’anhélation impor-
tante. Lorsque la tension artérielle a fortement
augmenté et que l’administration de nitrates
par voie sublinguale produit un effet insuffisant,
un demi-comprimé de captopril sera administré
par voie sublinguale. En cas de tableau clinique
dominé par une hypoperfusion organique, le pa-
tient doit être placé en position de Trendelenburg
afin de maintenir la perfusion cérébrale et de
favoriser le retour veineux. Une fois stabilisé,
Vaisseaux, Coeur, Poumons n Numéro spécial n 2009
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le patient sera transféré au service d’urgence le
plus proche via un moyen de transport approprié,
ambulance ou clinimobile, sans oublier toutes
les informations liées aux antécédents médicaux,
aux médicaments et, le cas échéant, au timing
des troubles d’angor ainsi que les données rela-
tives à la tension artérielle et au pouls. En cas de
syndrome coronarien aigu avec choc cardiogé-
nique, le patient doit être transféré dans un hô-
pital avec cath-lab interventionnel (programme
B2), sauf lorsque son état est tellement mauvais
qu’une stabilisation préalable dans l’hôpital le
plus proche s’avère nécessaire.
Les opérations suivantes doivent être effectuées
au service d’urgence:
- ensemble complet de paramètres vitaux;
- ECG pour l’exclusion d’un syndrome coro-
narien aigu et d’une arythmie;
- monitoring ECG;
- monitoring de la saturation;
- ligne IV;
- ligne artérielle sur indication: pour le moni-
toring des gaz sanguins en cas d’hypoxémie
avec rétention de dioxyde de carbone ou de
respiration artificielle; pour le monitoring de
la tension artérielle en cas de syndrome de
bas débit; en cas de prélèvements sanguins
fréquents;
- mesures de ressuscitation immédiates si
nécessaire;
- diminution du stress ou de la douleur: anal-
gésie ou sédation. Un certain nombre de
remarques s’imposent. Le timing de la dou-
leur peut se révéler important dans le cas
de certains syndromes coronariens aigus tels
que l’infarctus myocardique sans élévation
du segment ST et ne peut donc être camouflé
par la morphine. La morphine peut égale-
ment réprimer la respiration et entraîner
une diminution de la tension artérielle et
doit être évitée en cas d’hypoventilation/
rétention de dioxyde de carbone et d’hy-
poperfusion organique;
- corriger l’hypoxémie: via l’administration
d’oxygène et, le cas échéant, par ventilation
non invasive en pression positive (non inva-
sive positive pressure ventilation (NIPPV)) ou
intubation;
- corriger le rythme cardiaque: pacing en cas de
bradycardie sévère, anti-arythmiques et/ou
cardioversion en cas de tachyarythmie sévère.
Une tachycardie sinusale secondaire à l’insuf-
fisance cardiaque ne constitue pas un trouble
du rythme et ne doit pas nécessairement être
traitée. Le ralentissement médicamenteux
d’une tachycardie sinusale compensatoire
peut susciter un choc sévère;
- corriger la précharge, la post-charge et le
débit cardiaque:
- corriger l’oedème pulmonaire (précharge
élevée) avec des diurétiques;
- corriger l’hypertension (post-charge
élevée) avec des vasodilatateurs;
- corriger l’hypoperfusion (débit cardiaque
bas) avec des inotropes;
- après correction de la sous-charge
(précharge basse): fluid challenge;
- après correction de la vasoplégie
(post-charge basse): vasopresseurs;
- dans ce cas, procéder également de
toute urgence à une échographie-
doppler cardiaque et à un monitoring
invasif.
Le traitement initial est basé sur la clinique en
fonction du diagramme décrit précédemment
(Tableau 3).
La stratégie sera à nouveau titrée sur la base de
mesures invasives dès qu’il est question d’un
choc, en cas d’état menaçant où le remplissage
ne peut être interprété cliniquement de façon
appropriée ou lorsque le patient ne réagit pas
comme prévu (Tableau 4).
La mise en oeuvre du
traitement sera suivie d’une
évaluation continue.
Sur le plan clinique, les efforts visent à soulager
les troubles respiratoires et à améliorer la
saturation et la perfusion tissulaire par le
maintien d’un débit urinaire adéquat.
Lors d’un monitoring invasif, les efforts doivent
se concentrer sur la correction de l’hypoxie
tissulaire: l’objectif est de combattre l’acidose
métabolique et de cibler une saturation veineuse
mixte SvO2 de 65% ou plus.
Evaluer également la nécessité d’une instrumen-
tation diagnostique et thérapeutique:
- cardiac bedside imaging (TTE/TEE);
- cathéter central/cathéter artériel/Swan-
ganz/PICO;
- ultrafiltration;
- ballon de contrepulsion intra-aortique (IABP);
- transfert pour coronarographie urgente ou
assist device (en concertation avec le cardio-
logue ou l’intensiviste).
Dosage de la thérapie médi-
camenteuse pour insuffisance
cardiaque aiguë
Ci-dessous le dosage actuel de la thérapie médi-
camenteuse pour insuffisance cardiaque aiguë:
- oxygénothérapie: 100% de FiO2 avec mas-
que «non-rebreather» visant une saturation
périphérique de 90% ou plus. En cas d’échec,
une ventilation non invasive en pression po-
sitive ou une ventilation artificielle classique
par intubation doivent être envisagées;
- chlorhydrate de morphine par voie sous-
cutanée ou intraveineuse: 2,5 à 5mg;
- diurétique de l’anse en IV: furosémide en am-
poules de 20mg: dosage de 1 à 5 ampoules.
Le furosémide peut également être admi-
nistré sous perfusion continue de 5-40mg/
heure. Le dosage dépend de la gravité, de la
fonction rénale et du traitement précédent.
Tableau 3
Clinique
Poumons propres Congestion pulmonaire
Perfusion normale / Diurétiques/vasodilatateurs
Hypoperfusion Trendelenburg/colloïdes – liquide TA > 100 mm Hg:
=> diurétiques/vasodilatateurs
TA 85-100 mm Hg:
=> diurétiques/inotropie
TA < 85 mm Hg:
=> Inotropie/vasopresseurs
Tableau 4
Monitoring invasif
PCW < 18mmHg PCW > 18mmHg
IC > 2,2 l/min/m2 / diurétiques/vasodilatateurs
IC > 2,2 l/min/m2 1.
fluid challenge
MAP > 70mmHg:
2. MAP < 70mmHg: => diurétiques/vasodilatateurs
=> vasopresseurs map < 70mmHg:
=> inotropie/vasopressoren
MAP = Mean Arterial Pressure
CARDIOLOGIE
1 / 6 100%

L`insuffisance cardiaque aiguë dans la pratique clinique

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