Dossier pédagogique IDIOT

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Dossier pédagogique
IDIOT
D’après le roman de Dostoïevski
Du 15 octobre au 24 novembre 2013
Mise en scène de Laurence Andreini
Traduction Sergueï Vladimirov
Scénographie et Costumes : Charlotte Villermet, Collaboration artistique : Gabrielle Piwnik, Assistant à
la mise en scène : Laury André, Création Lumière : Maurice Fouilhé, Régie Lumière : Thomas Laigle
et Fanny Perreau Création Son : Michaël Schaller, Régie Son : Boris Van Overtveldt, Régie Générale :
Laurent Semelier, Chargée de Production et de Diffusion : Emmanuelle Dandrel,
Chargé de Production : Guillaume Rouger, Attaché de Presse : Jean Philippe Rigaud
Administration : Solène Leroy
Avec
Valentine Alaqui, Eric Bergeonneau, Clémentine Bernard,
Romain Cottard, Philippe Maymat, et Bertrand Poncet
Théâtre AMAZONE - Solène Leroy
4, rue du Vélodrome – 17000 LA ROCHELLE
Tel : 06 37 69 86 75 – [email protected]
www.theatreamazone.com
Lucie Aounetse
Relations publiques Collèges, Lycées, Universités
Tel : 05 17 26 69 32
[email protected]
Emmanuelle Dandrel
Diffusion & Production
06 62 16 98 27 - [email protected]
Jean Philippe Rigaud - Relations Presse
06 60 64 94 27 - [email protected]
Céline Violet - Relations Publiques
Théâtre Belle Ville
Tel : 01 83 64 50 20 – [email protected]
Avec la participation du Jeune Théâtre National
Dossier pédagogique réalisé
par Gabrielle PIWNIK (Professeur certifiée de Lettres Classiques) - Avril 2013
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Les professeurs, à qui s'adresse en priorité ce dossier, y trouveront des outils pour préparer la venue
de leurs élèves au théâtre, puis des pistes d'exploitation pédagogique après la représentation.
Avant de voir le spectacle
Les objectifs :
 Préparer la venue au spectacle, maîtriser le lexique de la représentation
 Questionner tous les éléments de la représentation
Les documents proposés
 Etude iconographique de l’affiche du spectacle…………….…………………………………… p.4
 Biographie de Fédor Dostoïevski…………….………………………………………………………. p.6
 A propos de l’idiotie….…………………………………………………………………………………… p.10
 Entretien avec l’adaptatrice Pauline Thimonnier …………………………………………….... p.12
 Entretien avec le metteur en scène Laurence Andreini………………………………………. p.14
Les objectifs :
 Restituer les différents éléments de la représentation
Les pistes de travail proposées
 Les prolongements : pistes de réflexion et de travail…………………………………………… p.20
 Vademecum du lexique théâtral………………………………………………………………………. p.22

Groupement de textes n°1 : les incipit de roman (pour classes de troisième, seconde et
Première) ……………………………………………………………………………………………………… p.24
Texte 1 : L’Idiot, Première partie, chapitre I, p. 3-4, édition livre de poche…………. p.24
Texte 2 : Germinal, Première partie, chapitre 1, p. 19-20 - ed. Pocket)………………… p.29
Texte 3 : La Condition Humaine…………………………………………………………………….. p.32

Groupement de texte n°2 : le double et ses avatars romanesques (pour classes de
secondes, premières et terminales) ………………………………………………………………….. p.36
Texte 1 : L’Idiot, Fédor Dostoïevski, Première partie, chapitre I, p. 3-4, édition livre de
poche…….…………………………………………………………………...………………………………... p.36
Texte 2 : Spendeurs et misères des courtisanes, Honoré de Balzac, Première partie
« Comment aiment les filles », chapitre I, p.35-36, édition livre de poche….....……. p.40
Texte 3 : Le Horla de Guy de Maupassant (1887)…………………………………………….. p.46
Ateliers de pratique artistique - Modalités pratiques……………………....................................... p.44
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Avant de voir le spectacle
I – Etude iconographique de l’affiche du spectacle
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Demander aux élèves de décrire l'affiche :
1. Affiche à dominante claire, deux couleurs principales pour l’illustration : bleu et blanc.
2. Sur le côté gauche de l’affiche, en amorce, un visage d’homme et le haut de son corps, vêtu d’une
cravate d’une chemise, l’homme a les yeux fermés, le visage semble serein.
3. Le fond de l’affiche est divisé en deux parties : une inférieure qui représente, semble-t-il, la neige,
et une supérieure qui figure le ciel. La partie du bas est blanche, celle du haut est bleu nuit.
Quelques notes de bleu azur aux contours très indécis apparaissent à la jonction entre haut et bas et
sont reprises au centre du ciel bleu nuit. Au centre de la neige, et au centre de l’affiche, court une
crevasse qui se prolonge sur le visage de l’homme en surimpression, de son œil à son front.
4. Le titre est placé au bas de l’affiche, en surimpression lui aussi, les lettres sont rouge sombre, ce
qui contraste fortement avec les couleurs pâles du fond, de même les lettres sont très nettement
découpées sur le fond alors que le visage semble se fondre (se confondre) avec la neige.
5. Le titre utilise un lettrage qui évoque l’écriture cyrillique (forme du D)
6. La lettre finale du titre (T) évoque une croix, peut-être les élèves y verront également la forme plus
pointue (haut de la lettre) d’un couteau.
Commentaire
Le visage endormi (qui est celui de Romain Cottard, le comédien qui interprète le rôle de l’Idiot)
donne des signes à la fois d’une époque, un choix esthétique qui rappelle des photographies
anciennes, moustaches, vêtements.
Le décor enneigé évoque à la fois les déserts glacials de la Russie du Nord (première lecture), mais
aussi l’idée de la solitude, voire de la mort, idée qui est renforcée par les yeux fermés du visage et la
croix du titre qui fait penser à la croix d’une pierre tombale.
La Russie est également rappelée par le choix du lettrage qui renvoie à l’alphabet russe.
Les yeux fermés évoquent également le sommeil et les rêves, cette atmosphère onirique est appuyée
par le fond bleu nuit et les volutes d’un bleu plus clair aux contours flous, d’autant que ces volutes
sont en surimpression sur les yeux du « rêveur », cette allusion au rêve nous donne aussi des
indications sur le personnage du Prince, qui rencontre des problèmes avec la crudité du Réel et
aime à « rêver », car le Réel ne le satisfait pas ou le fait souffrir.
Le blanc bleuté dominant qui couvre également le visage renvoie aussi à l’idée de pureté et
d’innocence du personnage endormi (un des aspects fondamentaux du Prince Mychkine, héros
éponyme de L’Idiot), idée renforcée par l’impression de sérénité du visage, adouci par une ombre
de sourire. Mais il y a dans la crevasse qui « fend » littéralement en deux l’affiche l’intervention d’une
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forme de violence, l’idée d’une blessure, puisque cette fissure se prolonge sur le visage. Cette «
fracture » est reprise par le fort contraste du titre dont le rouge se découpe nettement sur le fond
blanc bleuté, comme des gouttes de sang sur la neige, de même la forme agressive du T qui se
termine comme un couteau reprend cette thématique de la violence et évoque le meurtre final, ou la
tentative de meurtre de Rogojine sur le Prince. Le choix de prolonger la fissure sur le front du
personnage est également riche de possibilités interprétatives : le front étant la représentation
physique de la vie mentale, on peut y lire que le problème qui se joue vient d’une « fissure mentale »,
une forme de folie, que le titre IDIOT vient renforcer : le personnage principal souffre d’une
blessure d’ordre mental ou psychologique.
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II - Biographie de Fédor Mikhailovitch Dostoïevski
Jeunesse douloureuse et mort de la mère
Fédor Dostoïevski naît le 30 octobre 1821 à Moscou, dans un logement de l'hôpital Marie, où son
père exerce la médecine.
Le docteur, brutal, ivrogne, avare, distribue les coups et les injures pour se faire obéir, sans épargner
sa femme. Fédor entendra longtemps la voix soumise et suppliante de sa mère, semblable à celle de
ces « douces » qui peupleront son œuvre et feront s'écrier Raskolnikov : « Pourquoi ne pleurent-elles
pas ? Elles donnent tout avec un regard doux et calme… ».
Fédor a neuf ans lorsque sa mère, atteinte de phtisie, se retire à la campagne, sur les terres de
Darovoïe, que la famille vient d'acheter. Elle écrit, pour l'apaiser, de tendres lettres à sa « petite
colombe » de mari, que le vin et l'absence de sa victime rendent plus hargneux que de coutume :
« Ne te fâche pas contre Fedia, tu sais bien, c'est du feu ! » Déjà elle a pressenti la bouillonnante
ardeur sous la fragilité de ce garçon toujours souffrant, que secouent les spasmes et les malaises
nerveux. On fait remonter la première crise d'épilepsie de Dostoïevski à l'âge de sept ans.
Les sentiments que l'enfant ressent devant ce père ivrogne et brutal, on peut, sans doute, s'en faire
une idée en relisant ces mots placés dans la bouche de Dmitri Karamazov : « Peut-être que je ne le
tuerai pas ; peut-être que je le tuerai ; j'ai peur que, juste à ce moment-là, son visage ne me paraisse
trop haïssable ! J'éprouve à le voir un dégoût personnel […]. » Mais ce tyran qu'il déteste, Dostoïevski
découvre bientôt à quel point il lui ressemble : « Il y a en moi une force qui résiste à tout, celle des
Karamazov, la force qu'ils empruntent à leur bassesse », avoue Ivan. Comme son père, il se sait
sentimental et cruel…
La mère est morte en 1837, emportée par la phtisie. Le père, qui sombre dans l'alcool, confie, pour
s'en décharger, son fils à l'école des ingénieurs militaires de Saint-Pétersbourg. On y apprend les
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mathématiques, l'artillerie, les fortifications. Mais surtout Fedia trouve le temps de lire avec passion
les chefs-d'œuvre de la littérature, qu'il commente par lettre à son frère chéri, Mikhaïl : Pouchkine,
Gogol, Schiller, Shakespeare, Hoffmann, Racine, Corneille, Balzac, Eugène Sue.
La mort du père
Un matin de 1839, on retrouve le docteur Dostoïevski au bord de la route, le corps torturé, sans
doute assassiné par des moujiks qu'exaspérait sa cruauté. Deux mois plus tard, alors que Fédor se
promène dans une rue en compagnie d'un de ses camarades, Dmitri Vassilïevitch Grigorovitch
(1822-1889), un catafalque suivi d'un cortège débouche au coin d'une rue. Le jeune homme veut fuir,
mais ses jambes se dérobent sous lui. Il tombe à terre, râlant, terrassé par une crise d'épilepsie.
L'hypersensibilité de Dostoïevski, sa névropathie précoce, ses pressentiments, ses rêves, son
psychisme trop développé pour un corps débile vont donner à l'œuvre sa sombre coloration. Si la
constitution organique n'explique pas le génie, du moins éclaire-t-elle la prédilection pour certains
thèmes. Les crises nerveuses contribuent à marquer Dostoïevski d'un sceau d'exception ; elles le
plongent, de son aveu, dans une sorte d'extase éblouie, où se révèle, par-delà le bien et le mal,
l'existence d'un monde suprarationnel. Sans doute aussi peut-on dire avec André Suarès que « son
art ne vient pas de son mal ; mais [qu'] il y a du mal dans son art ».
Un nouveau Gogol est né !
Fédor a vingt-trois ans ; il vient de démissionner de l'armée et, pour remédier à ses difficultés
financières, entreprend la traduction d'Eugénie Grandet. Un soir, enfin, il lit son premier roman, Les
Pauvres Gens, à son ami, qui pleure d'émotion et porte aussitôt le manuscrit au poète Nekrassov.
Deux jours plus tard, à 4 heures du matin, il est réveillé par des coups frappés à sa porte ; il ouvre ;
Nekrassov, pâle et ému, les yeux rougis de larmes, se jette dans ses bras en s'écriant : « Un nouveau
Gogol est né ! » Le redoutable critique Bielinski, à qui l'on soumet l'œuvre, donne à son tour libre
cours à son enthousiasme et interpelle l'auteur : « Comprenez-vous seulement vous-même, jeune
homme, ce que vous avez écrit ? ».
Dostoïevski est devenu un homme à la mode ; il se rengorge, court les dîners, joue les dandys, grisé
par les compliments et naïvement vaniteux. Sur la lancée de ce premier succès, il écrit coup sur coup
deux petits récits dans lesquels il met plus encore de lui-même, Le Double et La Logeuse, mais qui
reçoivent du public un accueil plutôt froid. Bielinski en fait une critique d'autant plus sévère qu'il
regrette ses premières louanges, et bientôt celui qu'on s'arrachait devient la risée des salons : on se
moque de sa gaucherie ; on raille ses accès d'humeur ; Tourgueniev tourne en ridicule « ce chevalier
de la triste figure ». Ces mécomptes prennent la proportion de drames, et les murailles de la solitude
se referment sur un Dostoïevski plus écorché vif que jamais, en proie à toutes les angoisses…
Découragé, criblé de dettes, le romancier fréquente le vendredi le cercle libéral de Mikhaïl
Vassilïevitch Petrachevski (1821-1866). Plus bavards que mûrs pour l'action révolutionnaire, les
jeunes gens discutent jusqu'à l'aube, dans les vapeurs de fumée et de vodka, de l'abolition du servage
et des misères du régime. Dostoïevski jugera plus tard avec sévérité ces idées progressistes et sociales
d'alors. Le 23 avril 1849, la police, sans ménagement, le conduit dans un cachot de la forteresse
Pierre-et-Paul. La réaction qui suit les révolutions de 1848 est brutale : tous les membres du complot
Petrachevski sont arrêtés. Dostoïevski est accusé d'avoir diffusé des écrits antigouvernementaux à
l'aide d'une imprimerie clandestine. Après quelques mois, les juges prononcent la sentence de mort.
Une expérience de la mort, Le bagne et l’exil
Le 22 décembre 1849, à 6 heures du matin, sur la place Semenovski blanche de neige, les jeunes
gens, en camisole, les mains liées, la tête encapuchonnée, attendent leur exécution. Les trois
premiers condamnés sont attachés au poteau, tandis que le peloton les met en joue. « Et si je ne
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mourrais pas ? Si la vie m'était rendue ? Quel infini… Alors je changerais chaque minute en siècle »,
songe Dostoïevski.
Mais les soldats ne tirent pas. La sentence a été commuée par le tsar quelques heures plus tôt en
quatre ans de travaux forcés. On délivre les prisonniers ; Dostoïevski regagne sa cellule, alors qu'un
de ses camarades sombre dans la folie. Il racontera à deux reprises cette scène dramatique dans
l'Idiot et dans le Journal d'un écrivain.
Le travail est dur au bagne militaire, par des étés insupportables qui succèdent à des hivers glacés,
ponctué par les coups des verges et les crises d'épilepsie. Mais pire que le froid et la faim, pire que la
souffrance physique la détresse morale de l'homme abandonné : durant ces quatre années,
Dostoïevski ne reçoit pas une seule lettre de son frère chéri Mikhaïl ni de sa famille.
Mais Dostoïevski découvre, dans la chambrée nauséabonde, le peuple russe et le cœur à nu des
hommes, dépouillés de leurs conventions sociales : « Même au bagne, parmi les bandits, j'ai fini en
quatre ans par découvrir des hommes. Le croiras-tu ? Il y a des natures profondes, fortes,
merveilleuses, et comme c'était bon de découvrir l'or sous la rude écorce […] » (lettre à Mikhaïl,
22 février 1854).
En 1854, Dostoïevski quitte le bagne et est incorporé comme simple soldat dans un régiment
sibérien à Semipalatinsk. Un an après, il est promu officier, et sa vie devient supportable ; on lui
permet d'écrire, de recevoir des lettres et de reprendre ses activités littéraires. Sauvé de la maison des
morts, l'ancien forçat renaît à la vie ; riche d'amour inassouvi, il épouse là-bas une jeune veuve
tuberculeuse et misérable, de caractère irritable, Maria Dmitrievna Issaïeva ; mais l'émotion le
terrasse, et sa nuit de noces s'achève en crise d'épilepsie devant l'épouse terrifiée. L'expérience
conjugale se révèle un échec, le laissant plus solitaire que jamais. Sans doute inspirera-t-elle ces
peintures de l'amour malheureux, inséparable du sacrifice et de la souffrance.
Retour à la vie sociale : Le Temps
En 1860 Dostoïevski obtient la permission de s'établir à Saint-Pétersbourg Il se remet à écrire avec
passion et publie dans la revue Le Temps, puis dans L'Époque, qu'il dirige avec son frère Mikhaïl,
Humiliés et offensés (1861), les Souvenirs de la maison des morts (1861-1862) et un grand nombre
d'articles, d'inspiration slavophile, imprégnés d'une sorte de populisme mystique : les Notes d'hiver
sur des impressions d'été (1863), en condamnant la civilisation occidentale bourgeoise, matérialiste et
impie, veulent rappeler au peuple russe le sens de sa mission.
Grandeur et décadence d’un génie
C’est la période de sa plus grande production d’écrivain : Mémoires écrits dans un souterrain (1864),
Crime et Châtiment (1866), le Joueur (1866), l'Idiot (publié dans le Messager russe en 1868-1869),
l'Éternel Mari (publié dans l'Aurore en 1870), les Possédés (publiés dans le Messager russe en 18711872), Journal d'un écrivain, l'Adolescent (publié dans les Annales patriotiques en 1875). Le succès
arrive, les éditions de ses ouvrages se multiplient et son influence grandit à travers toute la Russie.
Mais cette production est accompagnée d’une grande souffrance morale et d’événements très
douloureux pour l’écrivain. Coup sur coup, Dostoïevski a perdu ses deux plus grandes affections, sa
femme et son frère Mikhaïl (1864), et leurs dettes pèsent sur lui aussi lourdes que ses fers de forçat.
Pour apaiser les créanciers, il faut emprunter, rembourser, écrire coûte que coûte jusqu'à
l'épuisement. Dès qu'il a quelques roubles, il les joue à la roulette et les perd. Les crises d'épilepsie se
font de plus en plus fréquentes et graves. Malgré cela, Dostoïevski garde une « vitalité de chat ». Pris
à la gorge par ses créanciers, il signe en 1866 un contrat qui l'oblige à donner un roman en quatre
mois, faute de quoi l'éditeur se retrouvera propriétaire de ses œuvres à venir, et il engage pour l'aider
une jeune fille sténographe de dix-neuf ans, sage et douce, presque une femme-enfant, qu'il épouse.
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Les créanciers deviennent si pressants qu'ils contraignent le ménage à s'exiler ; commence alors une
période d’errance à travers les villes et les casinos d'Europe : Dresde, Baden-Baden, Genève,
Florence, etc. Dostoïevski et sa femme travaillent jour et nuit, s'abîmant les yeux pour économiser les
bouts de chandelle ; ils mangent peu, dorment dans des meublés misérables, engagent leurs derniers
objets personnels au mont-de-piété, implorent leurs quelques amis de leur adresser la somme
suffisante pour expédier les manuscrits en Russie. Une petite fille naît et meurt quelque temps plus
tard ; Dostoïevski continue à jouer, à perdre et à se repentir. Il tousse et crache du sang. La
souffrance est le terrain de prédilection où pousse son génie.
A cinquante ans, vieilli, il rentre à Saint-Pétersbourg. Ses derniers livres ont imprégné la mentalité de
l'époque, et les Frères Karamazov lui valent la première place parmi les romanciers. On écoute
désormais sa puissante voix de prophète, de guide spirituel de la Russie ; le 8 juin 1880, pour le
centième anniversaire de la mort de Pouchkine, il prononce un discours sur l'« union universelle des
hommes » qui arrache des larmes à l'assistance et provoque des tempêtes d'applaudissements.
Mais celui qui avouait, en terminant les Frères Karamazov, « J'ai bien l'intention de vivre et d'écrire
encore vingt ans » a le corps ravagé. Après de nouvelles souffrances, il succombe à une hémorragie le
28 janvier 1881.
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III - A propos de l’Idiotie…
Idiot : étymologie
« Un mot exprime à lui seul ce double caractère, solitaire et inconnaissable, de toute chose au
monde : le mot idiotie. Idiôtès, idiot, signifie simple, particulier, unique ; puis, par une extension
sémantique dont la signification philosophique est de grande portée, personne dénuée d’intelligence,
être dépourvu de raison. Toute chose, toute personne sont ainsi idiotes dès lors qu’elles n’existent
qu’en elles-mêmes, c’est-à-dire sont incapables d’apparaître autrement que là où elles sont et telles
qu’elles sont : incapables donc, et en premier lieu, de se refléter, d’apparaître dans le double du
miroir » (C. Rosset, Le Réel. Traité de l’idiotie, Paris, Éditions de Minuit, coll. « Critique », 1977)
Comment la rencontre est-elle possible, puisque chaque « idiot reste dans sa bulle ? la rencontre,
selon Deleuze ne saurait être parlementaire : dégoût constant du philosophe pour les simagrées de la
discussion, du colloque, de la communication, de « l’échange d’idées ». On ne peut se rencontrer de
cette manière puisque chaque individu ayant son propre monde, il s’agit toujours de cannibaliser
l’autre, de le dissoudre dans son propre langage, sa propre doublure. La rencontre parlementaire
s’apparente à une guerre des mondes, où l’enjeu de pouvoir se cristallise vite. Parlons-nous ! Parlons
le même langage ! Oui, mais lequel ? Le mien, forcément – tout comme certains États disent vouloir
imposer la démocratie.
Rencontrer, pour Deleuze, c’est précisément ne pas comprendre, reconnaître ce qu’on ne connaît
pas (et non reconnaître ce qu’on connaît, comme dans la rencontre parlementaire), tolérer
l’intrusion en soi de signes illisibles, qu’on ne peut intégrer, que l’on se sait condamné à lire de
manière aberrante. Autrement dit : en avoir un usage idiot, devenir idiot, du moins du point de vue
du monde adverse. Le contresens, l’incompréhension est ici la base de la rencontre, expérience aussi
rare que périlleuse (c’est l’intégrité de son propre monde qu’on joue là) : elle ravit littéralement.
L’idiot, celui qui ne comprend pas, celui qu’on dit souvent replié sur soi, serait-il aussi celui qui
rencontre vraiment, le grand rencontreur ? On pourrait par facilité lui imputer une nature quasi
végétale, dire qu’il n’a pas de monde « parasite » (contrairement au fou qui présente, lui, un excès de
monde, un délire qui le déborde) et serait ainsi directement enraciné dans la terre muette du réel.
C’est sûrement un peu plus compliqué : l’idiot a bien un monde propre mais particulièrement
resserré, donc d’autant moins capable de se conformer à des situations inconnues, de les digérer
dans la doublure de la familiarité. Ne maîtrisant ou ne percevant qu’un certain type de signes, il
n’oublie jamais l’unicité, la singularité, l’incomplétude de son monde, ne rêve jamais, contrairement
à celui qui a « les pieds sur terre ». Il est dès lors aussi celui qui travaille perpétuellement, ne se
repose jamais, est toujours aux aguets : non pas passif, comme le laisse parfois croire son apparence,
mais au contraire monstre d’activité, la poussant juste à son comble, l’inertie d’un nœud qui, à se
tendre dans tous les sens, est trop serré. Il réfléchit trop, doute plus que de raison, il est celui à qui se
refusent toujours la joie de l’intuition et l’euphorie de l’ivresse. Il reconnaît ainsi en permanence ce
qu’il ne connaît pas, il rencontre à chaque instant, comme un fakir hébété sautillant d’un charbon
ardent à l’autre.
Dostoïevski dit tout de cela lorsqu’il décrit le prince Mychkine approchant de la crise d’épilepsie –
pour Deleuze, les personnages dostoïevskiens vont « d’urgence en urgence » : telle est la panique de
la rencontre perpétuelle. L’Idiot ne voit d’abord plus rien, marche machinalement dans la ville sans
le molleton de la doublure. Il ne perçoit dans la rue que des mondes illisibles, étrangers à lui, bulles
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contiguës ignorantes les unes des autres. Confusion grandissante, vertige nauséeux : tout d’un coup, il
voit tout, il a tous les mondes en tête, tous les doubles, ce maelström de bulles, et cela ne peut se
tolérer. Un trait de lumière, il défaille et s’évanouit, cisaillé par une clairvoyance trop intense.
Extrait d’un article de Hervé Aubron « La nef des idiots, en quel monde se rencontrer ? »
12
IV - Entretiens avec l’adaptatrice Pauline Thimonnier et le metteur en scène Laurence Andreini
Entretien du 10 avril 2013
Pauline Thimonnier, dramaturge, adaptatrice de l’Idiot,
·
En quoi consiste exactement le travail de l’adaptateur/trice ?
Il s’agit de passer d’un genre à l’autre. En l’occurrence ici, passer du roman au théâtre (les
adaptations avec lesquelles nous sommes le plus familiarisées sont celles qui passent du roman au
scénario de film…).
Ici, il s’agit donc de raconter l’histoire de l’Idiot avec seulement des dialogues (sans l’usage ou
presque du récit).
·
Quels sont les problèmes posés par le passage de l’écriture romanesque à l’écriture
dramatique ?
Dans la majorité des cas, la simple réduction aux dialogues déjà présents dans le roman ne permet
pas de raconter toute l’histoire. Il faut donc parfois écrire des répliques ou ajouter de quoi
comprendre ce qui se passe (le lieu, le temps, ce que chaque personnage sait de l’intrigue et
comment, etc.).
·
Avez-vous été contrainte de faire des choix difficiles ? Lesquels par exemple ?
Dans le cas de l’adaptation pour huit acteurs, le premier choix a été celui des personnages (il y en a
une quarantaine dans le roman ; il était donc impossible de tous les garder !). Par exemple, pour la
famille Epantchine qui contient les parents et leurs trois filles, nous n’avons joué qu’avec Aglaïa (la
benjamine de la famille) sans laquelle il aurait été vraiment difficile de raconter l’intrigue…
Ce premier choix était tellement conséquent qu’il impliquait forcément des contraintes vis-à-vis de
l’intrigue : il nous a fallu choisir ce que nous préférions raconter. Pour cette adaptation, nous avons
choisi de garder les personnages « jeunes » et donc de resserrer l’intrigue autour du quatuor
amoureux (Mychkine, Nastassia, Rogojine, Aglaïa). Les autres personnages (Gania, sa sœur Varia et
le Double) permettaient de nourrir le propos sur cette génération « perdue » tout en nuançant le rôle
de l’idéal amoureux (l’ambition financière de Gania ; l’abnégation/ le sacrifice de Varia ; la réflexion
pessimiste du Double).
La partition pour 10 acteurs a permis quant à elle de faire jouer les questions de génération les unes
vis-à-vis des autres et d’être ainsi plus proche de la manière dont Dostoïevski les met en perspective
13
dans son roman.
·
Au moment de choisir la version de l’Idiot sur laquelle vous alliez travailler, quels critères ont
dirigé votre choix ?
Nous avons travaillé avec la traduction et la complicité de Sergueï Vladimirov… cela permettait de
modeler la langue selon nos exigences de plateau tout en restant au plus juste du sens donné par
Dostoïevski.
·
Une des premières versions du texte contient un personnage qui n’existe pas dans le roman,
il s’agit du DOUBLE : pourquoi l’avoir imaginé ? Comment avez-vous construit ses
dialogues/ monologues ?
Le personnage du Double a été pour nous une manière de faire respirer l’intrigue qui, ainsi réduite
pour 8 acteurs, se déroulait à un rythme effréné ! Ce personnage était aussi l’occasion de donner à
entendre la part plus réflexive du roman ; il s’agissait à chaque fois de faire entendre les pensées
intimes du Prince Mychkine, ses hésitations et ses contradictions. Ces scènes étaient ainsi toujours
l’occasion de faire le point au moment d’une crise (crise d’épilepsie, crise morale, crise de
conscience).
·
Pourquoi avoir adapté spécifiquement l’Idiot ? Est-ce un choix personnel ou une commande
professionnelle ?
J’ai fait cette adaptation sur demande du metteur en scène Laurence Andreini. J’ai également été son
assistante dramaturge tout au long de la création.
Cependant, l’univers de Dostoïevki m’était connu depuis quelques temps et c’est avec un grand
plaisir que j’ai accepté de travailler à cette aventure.
14
Entretien du 18 avril 2013 avec Laurence Andreini
Metteur en scène
·
Pourquoi avez-vous décidé de mettre en scène cette histoire de l’Idiot ?
IDIOT adapté du roman L’Idiot de Dostoïevski clôt la trilogie d’ « Une méditation sur le mal ou la
figure du monstre » que j’ai amorcée en 2008 avec la création de Britannicus de Racine et prolongée
avec Barbe bleue, texte inédit de Christian Caro créé en juillet 2009. Dans Britannicus la matrice du
pouvoir c’est la Famille, dans Barbe Bleue c’est l’Amour et ses déchirements avec l’homme-animal,
l’homme-blessé, dans Idiot c’est la Maladie. De retour en Russie après plusieurs années en Suisse
pour soigner son épilepsie et une forme d’idiotie, le Prince Mychkine est monstrueux parce qu’il ne
sait pas, il EST tout simplement. Sans passé, sans avenir, Mychkine est un être désincarné qui n’a
d’existence que dans l’instant des rencontres qu’il vit au moment où elles se présentent à lui. Comme
un être à part, il offre et propose un nouveau regard, une nouvelle façon de voir le monde. En
révélant la nature profonde, les souffrances des êtres qu’il rencontre, il fait tomber les masques,
piétine avec son cœur l’égo de chacun. C’est absolument monstrueux et magnifiquement généreux.
Au delà de cette trilogie, IDIOT, c’est l’histoire d’un homme qui veut sauver l’humanité à en perdre
la raison et c’est magnifiquement tragique !
·
Il existe des adaptations théâtrales du roman, vous avez pourtant choisi de créer vous-même
une nouvelle adaptation, pour quelle raison ? En quoi cette nouvelle adaptation se
démarque-t-elle des précédentes?
Une seule a été éditée, celle d’André Barsacq qui date de 1966 et elle date précisément ! D’autres
ont en effet étaient créées mais les textes n’ont pas été édités, je pense à la mise en scène de Vincent
Macaigne notamment en 2009 au Théâtre de Chaillot.
A ma demande Sergueï Vladimirov, homme de théâtre russe, collaborateur d’Anatoli Vassiliev en
France a traduit « notre » Idiot en restant très proche de l’écriture polyphonique de Dostoïevski qui
nous a donnée la matière vivante de cette partition pour 6 acteurs puisée aux sources mêmes des
dialogues du roman.
Une écriture proche du cinéma qui avance « par sauts », en traduisant tour à tour enthousiasme et
fatalité. Une partition en accélération comme une pensée poétique qui traduit l’hébétude irrévocable
dans laquelle tombe le Prince Mychkine. Une écriture résolument contemporaine qui dévoile les
15
mécanismes de la folie et interroge notre état d’être au monde. Avec Pauline Thimonnier, jeune
dramaturge issue de l’Ecole du Théâtre National de Strasbourg dans un premier temps, puis avec
Gabrielle Piwnik, professeur certifiée de Lettres Classiques, femme de Théâtre, nous avons travaillé
à mettre en lumière les forces qui structurent le roman de Dostoïevski. Au cœur des contradictions
et des ambitions de la société déclinante de Dostoïevski, nous avons construit une partition en quatre
mouvements comme les quatre parties du roman pour les quatre saisons : l’hiver, le printemps, l’été
et l’automne. Chaque mouvement agit avec une grande rapidité d’action qui a l’allure de catastrophe,
dans le sens d’un mouvement tourbillonnant.
J’aime cette adaptation parce qu’elle donne à entendre une parole qui rassemble, qui donne le goût
de l’autre. La chair des mots que nous avons choisie à plusieurs cœurs et plusieurs mains est
humaniste et cela me touche profondément.
Depuis plus de 25 ans maintenant, je défends et pratique un théâtre organique, pulsionnel, généreux
et populaire. Idiot s’inscrit dans cette nature de théâtre là !
·
Le roman comporte une vingtaine de personnages « importants », et comporte 900 pages,
vous avez donc été amenée à supprimer des épisodes et des personnages. Quel aspect du
roman avez-vous choisi de garder?
Plutôt que de supprimer ou éliminer, je me suis demandée en tout premier lieu ce qui m’était restée
en mémoire, en émotions, de ma dernière lecture du roman qui remonte à mon adolescence - j’avais
15 ans -. Nastassia Philippovna s’est imposée la première. La liberté de cette femme, sa
désobéissance, sa beauté sidérante, sa déchirure m’avaient bouleversées et me bouleversent encore.
La tragédie intime du Prince, sa relation aux femmes, l’animalité de Rogojine, sa puissance
destructrice, la révolte d’Aglaïa, fille d’un général au pouvoir, retenaient toute mon attention … Alors,
Comme des loups dans la steppe, assoiffés de liberté, au centre de notre adaptation siège le quatuor
Mychkine-Rogojine-Aglaïa-Nastassia qui incarne la cruauté de la fin d’un monde, d’une société
épuisée qui cherche désespérément de nouveaux repères.
IDIOT interroge ce passage, la transition que nous vivons d’un monde à l’autre, qui nous donne le
vertige par peur de ne pas être à la hauteur.
La question fondamentale au centre de l'œuvre de Dostoïevski, et reprise comme titre par Giorgio
Agamben, c’est “Qu’est-ce que le contemporain ? ” Être contemporain, c’est “fixer le regard sur son
temps pour en percevoir non les lumières, mais l’obscurité.” C’est donc “savoir voir cette obscurité,
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et être en mesure d’écrire en trempant la plume dans les ténèbres du présent. C’est celui qui perçoit
l’obscurité de son temps comme une affaire qui le regarde et n’a de cesse de l’interpeller, quelque
chose qui, plus que toute lumière, est directement et singulièrement tourné vers lui. Contemporain
est celui qui reçoit en plein visage le faisceau de ténèbres qui provient de son temps.”
Notre Idiot propose UN ETAT D’ETRE AU MONDE. La chute de Mychkine et la destruction de
sa raison par sa maladie sont à l’image de la chute de notre monde. Une mutation de civilisation, que
l’on nomme « crise » pour limiter et contenir la peur, est en marche depuis plusieurs décennies et il
devient vital de changer profondément les fondements de notre société pour essayer de préserver et
réinventer l’humain et son humanité. Entre d’autres termes, par l’exercice de multiples contraintes
sociales, politiques, économiques notre société est schizophrène, épileptique … comme Mychkine !
Pétersbourg est le théâtre de la Russie de Dostoïevski qui connaît une crise collective et intime sans
précédent. Idiot raconte cette crise où l’homme est embarqué dans une fuite vers une chute à un
moment de l’histoire de la Russie où sourdent les élans de la révolution à venir. Un monde qui
s’écroule et qui chute à l’image des crises d’épilepsie de Mychkine, crises qui clôturent les
mouvements 2, 3 et 4.
·
Comment avez-vous choisi vos acteurs ? Aviez-vous des exigences particulières ou vous êtesvous laissée convaincre par des acteurs ?
L’acteur est au centre du théâtre. Sans acteur, le metteur en scène ne peut pas s’incarner. Le choix
de mes acteurs est donc déterminant pour l’humanité du plateau que je souhaite partager avec le
public. Pour Mychkine, j’ai auditionné 17 comédiens en mars 2011 et Romain Cottard s’est imposé
à moi parce que le temps s’est suspendu à son entrée. Une poésie à couper le souffle se dégageait de
son être ; le silence s’est fait musique ; son corps n’existait plus, son âme seule, lumineuse et
puissante, m’a littéralement transportée et émue. J’étais envoûtée. Je choisis aussi mes acteurs en
fermant les yeux. La partition vocale, les timbres, les vibratos, les fêlures de la voix me guident dans
mon ressenti et c’est la chair des mots qu’ils incarnent qui me transpercent essentiellement. J’ai
rencontré Valentine Alaqui pour Aglaïa lors d’auditions au JTN – Jeune Théâtre National – elle
vient du TNS, elle m’étonne, me séduit, son corps est celui d’une femme-enfant, une fée avec un
caractère bien trempé et des staccatos dans la voix très émouvants et rares. J’essaye à chaque
création d’aller à la rencontre des jeunes acteurs qui sortent des écoles d’Etat pour être au plus près
de la nouvelle génération, pour ne pas s’installer dans « un savoir être ensemble » avec des acteurs
17
que je connais déjà. Du sang neuf pour questionner toujours ma direction d’acteurs et renouveler
des états d’être. Clémentine Bernard pour Nastassia, jouait Junie dans Britannicus et la dernière
femme de Barbe Bleue, Marguerite (audition JTN en 2008, vient du CNSAD de Paris). Il était
important pour moi qu’elle soit notre Nastassia avec le vécu des femmes d’avant, celles de la trilogie
… Elle est Nastassia, belle, ténébreuse ; sa voix me déchire l’âme, elle est slave ! Eric Bergeonneau
pour Rogojine, c’est Néron, Barbe Bleue … une histoire d’amour de théâtre au long cours comme il
en existe souvent, 8 spectacles ensemble, une source d’inspiration majeure pour le metteur en scène
que je suis. Un acteur caméléon, félin, sans âge, un athlète sensuel, qui travaille profondément ses
rôles, généreux et positif et ça c’est du pain béni pour un metteur en scène. Et puis deux autres que
je vais découvrir et qui vont me faire découvrir d’autres territoires, d’autres secrets : Philippe Maymat
et un jeune acteur du JTN à nouveau.
·
Pensez-vous qu’un adolescent du XXIème siècle puisse se sentir concerné par cette histoire ?
OUI ! Car l’enjeu mystique et transcendantal de l’Idiot est de mourir à soi-même pour renaître à
l’autre et au monde … la traversée que je propose avec cet Idiot est à l’image des bouleversements
qui opèrent en chacun de nous au moment du passage entre l’adolescence et le monde adulte.
Dostoïevski nous révèle que les images ont un pouvoir « humanisant » et humaniste et la distance
qu'elles créent entre l’homme et ses émotions offre à celui-ci les conditions de sa liberté. À lui de ne
pas subir les images, de les refuser. Regarder le “caché”, le “en dessous”, car il n’est question que de
cela. Même si on ne nous montre pas tout, savons-nous voir ce qu’on nous montre afin de
comprendre et penser ce que l’on ne nous montre pas ? Le hors-champ, c’est-à-dire ce qui n’est ni
dans le champ des mots ni dans celui de la scène, peut seul permettre de construire du sens, un récit
signifiant. Sans séparation, il n'y a pas d'image et l’homme est sans regard.
Mychkine est celui qui parle à cœur ouvert, qui dit ce qu’il pense parce qu’il ne sait pas et qui
n’existe que par le regard de l’autre. Mychkine est condamné à estimer les situations et les êtres
comme s’il les rencontrait, à jamais, pour la première fois. Libéré du poids de l’expérience, chaque
instant de sa vie, l’invite, ou le condamne, à l’expérimentation. L’idiotie pourrait ainsi nous inviter à
réfléchir avec un souci permanent d’expérimentation. La pratique de l’idiotie s’imposerait alors
comme « un retour conscient et réfléchi aux données de l’intuition », pour reprendre les termes de
Bergson et nous en aurions fini pour un temps avec ce monde de certitudes sur-gonflé de bienpensants. Idiot est un appel urgent à respirer ensemble, à être impliqués en conscience dans la
18
marche de notre Histoire. L’adolescent dans ses révoltes, ses questionnements, ses désirs de
dépassement trouvera matière à réfléchir à son destin. Je souhaite que la pensée « Mychkinienne » :
« (…) Pourquoi disparaître et laisser la place aux autres, quand nous pouvons rester à l’avant-garde et
en tête ? Si nous sommes l’avant-garde, nous serons en tête ! Devenons des serviteurs, pour être des
chefs ! », le mette en mouvement et l’aide à s’incarner avec humanisme pour construire l’avenir de sa
société.
·
Le roman se déroule dans des lieux très divers, l’unicité de lieu d’une scène de théâtre oblige
à réfléchir à la manière dont les lieux du roman vont être adaptés à la scène. Quels ont été
vos choix en ce qui concerne l’espace ?
C’est un espace unique, un espace labyrinthique comme un goulag mental. L’Espace naît de
Mychkine, de sa vision du monde, du regard qu’il porte sur l’autre. Charlotte Villermet (qui a créée
la scénographie de Barbe Bleue notamment) a réalisé un décor comme l’envers d’un décor avec des
châssis de 2m50 évidés qui seront mis en action à chaque mouvement par les acteurs eux-mêmes
sauf par Mychkine, parce que Mychkine met les êtres qu’il rencontre face à leur propre espace, à
leur vide. Il voit à l’intérieur de chacun. Il est clairvoyant, omniscient et donne à voir l’envers du
décor de chacun. Il les pousse à se révéler à eux-mêmes, à révéler leurs propres limites. Au Premier
mouvement, tombera de la neige, noire. Une neige tour à tour blanche avec les effets de la lumière
et noire comme de la cendre au moment où la tragédie se déploie. Un cyclo au lointain suivra le
rythme des saisons et nous permettra de voyager au gré des pérégrinations des figures qui sont tantôt
à Pétersbourg en hiver, tantôt à Pavlovsk en été, tantôt à Moscou à l’automne …
Pour incarner la langue de Dostoïevski, au centre est le corps de l’acteur. Les études de Chopin, les
fugues de Bach, les hoquets d’une locomotive mêlés au travail de création de Michael Schaller
nourrissent la partition sonore.
·
Vous avez choisi de ne pas marquer par les costumes l’ancrage historique du roman, pour
quelles raisons ?
Pour l’intemporalité ! Pour donner à voir des figures universelles, des personnages qui nous
ressemblent. Seul le Prince Mychkine aura un costume de couleur claire, parce qu’il est pur et
différent. Les autres seront sombres et se dévoileront au fil des saisons et à mesure que l’histoire
lèvera le voile de la tragédie. Un costume trois pièces pour le Général Epantchine qui se
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transformera à vue en Général Ivolguine débrayé, aviné, défait …
Les femmes seront élégantes et belles parce que la beauté peut renverser le monde, c’est Dostoïevski
qui le dit et je partage sa vision !
·
Quel est votre personnage préféré ? Pourquoi ?
Je n’ai pas de personnage préféré, chacun d’entre eux parle d’un aspect de l’être humain qui
m’intéresse, me questionne. L’empathie que ressentira un spectateur pour un personnage sera parce
qu’il raconte quelque chose de lui-même. Chacun se reconnaîtra en l’un ou en l’autre, ou même se
reconnaîtra en Rogojine dans une situation de sa vie et en Mychkine dans une autre parce que
chaque figure ou personnage fait écho à l’inconscient de chacun à un instant donné de son existence
psychique, ce n’est pas pour rien que les critiques évoquent si souvent l’ « universalité » de
Dostoïevski….
20
Après le spectacle
V - Les prolongements : pistes de réflexion et de travail
I - Une adaptation
On peut aborder avec les élèves le problème de l’adaptation : étudier, par exemple, l’adaptation de
Kurosawa au moyen d’extraits du film, afin prendre conscience des difficultés qu’implique le
passage de l’écriture romanesque à l’écriture filmique ou à l’écriture scénique.
II - Scénographie et personnages
Avant le spectacle, on peut établir avec les élèves un questionnaire qui permettra de rendre compte
du spectacle. Ce travail qui s’inscrit dans l’objet d’étude « le théâtre : texte et représentation » est
particulièrement adapté à une classe de 1ère mais peut parfaitement fonctionner avec une classe de
seconde ou une classe de Terminale L.

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
On veillera à énumérer avec les élèves les différents éléments qui contribuent à l’élaboration
d’un spectacle théâtral. C’est aussi l’occasion de préciser la signification du mot scénographie
On complètera les propositions des élèves, puis on recherchera quelles questions se poser
afin d’obtenir une plus grande acuité lors de la représentation.
On pourra ensuite faire un bilan écrit de cette réflexion sous forme d’un questionnaire à lire
juste avant le spectacle et à compléter juste après. Il est possible et recommandé de
« distribuer » les rôles : un groupe d’élèves se chargera de prendre des notes sur la lumière,
un autre sur le son et les techniques, un autre sur le décor, etc.
On pourra aussi faire réfléchir les élèves sur ce texte extrait de l’Encyclopédia Universalis
Décor de théâtre : Partie essentielle de la composition scénique, le décor est au centre de
l'extraordinaire évolution de la mise en scène contemporaine. Élément fondamental de la
scénographie, le décor définit un espace, soit en limitant l'action, soit en s'intégrant à elle.
Longtemps témoin de la représentation de l'action, le décor tend à devenir de moins en moins
décoratif, de plus en plus représentatif du lieu scénique lui-même, donc de l'action. Au début du
siècle, Edward Gordon Craig et Adolphe Appia proposent de remplacer les décors en toile
peinte par des volumes dont les lignes créent le rythme visuel de l'espace dramatique. Jacques
Copeau, très influencé par ces théories, a remis en honneur le tréteau nu. Après la Première
Guerre mondiale, deux écoles importantes se développent en Europe. En Allemagne, celle de
l'expressionnisme, avec des metteurs en scène comme Reinhardt, Piscator ; en U.R.S.S., le
constructivisme avec Meyerhold, Evreinov... L'attention portée au décor concourt à la réalisation
d'un théâtre de vastes espaces, bousculant la disposition scénique à l'italienne. Le théâtre français
du Cartel connaît peu ce lyrisme scénique, encore que Baty et Pitoëff ne partagent pas la rigueur
dogmatique de Jouvet et de Dullin, très attachés au texte. Jean-Louis Barrault s'inspire de
l'expressionnisme baroque par l'intermédiaire d'Artaud et des peintres marqués par le
surréalisme (Masson, Labisse). Jean Vilar trouve une tout autre place pour le décor. Sur les
vastes espaces d'Avignon ou du palais de Chaillot à Paris, le dispositif scénique a recours aux
seuls éléments indispensables pour situer l'action. Les éclairages jouent le premier rôle, et le
dépouillement est de règle. Le grand espace crée son propre décor, où apparaissent les costumes
dus au peintre Gischia. Cette réaction était salutaire : trop souvent, la réalisation scénique n'était
que la présentation d'un décor et de costumes, sans souci de la signification de l'œuvre.
21
Exemple de questionnaire
La Scénographie :

Le décor : décrire les éléments présents sur la scène. Distinguer les éléments mobiles et les
éléments fixes. Vous pouvez éventuellement faire un schéma du dispositif. Le décor est-il
réaliste ? Comment l’espace est-il organisé ? Qu’y a-t-il à l’avant-scène ? au lointain ? A
cour ? A jardin ? Y a-t-il des couleurs ? Lesquelles ? Au cours du spectacle, le décor reste-t-il
toujours identique ou se transforme-t-il ? Comment ? A quel moment ?

Les lumières : la lumière organise-t-elle des espaces particuliers ? Quelle est son intensité,
forte ou atténuée? A quels moments ? D’où vient-elle ? (de face, de côté, de derrière)
Quelles impressions produit-elle dans chacun de ces cas ? Quelle ambiance induit-elle ?

Le son : repérer les moments où le spectacle utilise une bande-son. Quels sons sont
utilisés ? : des « bruitages » ? de la musique ? S’il y a de la musique, de quelle nature est-elle ?
( instrumentale ou électronique, quels types d’instrument ) ? Le silence fait aussi partie de
l’accompagnement sonore d’un spectacle, y a-t-il des moments de silence qui vous ont paru
importants ?

Les accessoires : noter les différents objets présent au cours de la représentation : quels sont
ceux qui ont un rôle de mimésis et ceux qui ont un rôle symbolique ? Par quel(s)
personnage(s) sont-ils utilisés ?

Autres techniques : le spectacle fait-il appel à des techniques particulières : images projetées,
vidéos, films, effets spéciaux ? A quel(s) moment(s) ? Comment interpréter ces
interventions ?
Les personnages :

Personnages dans l’espace : Observer si certains espaces sont « réservés » ou plus volontiers
utilisés par certains personnages. De même observer si certains personnages n’ont pas accès à
certains espaces : réfléchir à la signification de cet interdit. Quels personnages sont le plus
souvent sur scène ? Observer les personnages en mouvement ou statiques.

Les acteurs : Faire un portrait rapide des acteurs qui jouent les rôles principaux ( âge, stature,
façon de se mouvoir, voix, caractéristiques physiques): réfléchir à ce qui a pu retenir l’attention
du metteur en scène dans la personnalité de cet(te) acteur(-trice) pour lui faire incarner ce
personnage. Quels traits de caractère des personnages sont mis en valeur par le casting ? Quels
traits de caractère sont escamotés ?
Une fois l’ensemble des éléments de la représentation repérés, on peut faire imaginer aux élèves
leur propre scénographie ou leur propre casting par petits groupes : certains dans le groupe vont
travailler sur le décor, d’autres sur les accessoires, lumière et son, acteurs (Il faudra imaginer un
casting avec des acteurs connus). Les choix devront systématiquement être justifiés par un
paragraphe argumenté.
22
VI - Petit vade mecum du lexique théâtral
Une pièce de théâtre comprend :
Des actes : cinq actes dans le théâtre classique.
Des scènes : à l’intérieur de chaque acte, des scènes découpent le texte.
Des tableaux : en absence d’acte et de scène, il peut y avoir des tableaux.
La double énonciation :
La situation de communication d’un texte théâtral, comme tout texte écrit, met en relation un auteur
avec ses lecteurs ou spectateurs. Mais la situation d’énonciation est particulière, car s’expriment
plusieurs émetteurs (les acteurs) qui s’adressent en même temps à plusieurs destinataires (les
spectateurs).
Les didascalies : Ce sont les indications scéniques fournies par l’auteur dans le texte écrit par
lesquelles il s’adresse au lecteur, au metteur en scène et aux comédiens pour suggérer des jeux de
scène, décrire les lieux, les costumes, etc.
Le prologue : chez les Grecs, débité par un seul personnage, humain ou divin, annonce le sujet,
parfois le dénouement, et résout les difficultés premières comme si l'auteur craignait d'être mal
compris de la foule.
La scène d’exposition : c’est la première scène d’une pièce de théâtre classique qui a pour objet
d’informer le spectateur de tout ce qu’il a besoin de connaître pour comprendre l’action et en suivre
le déroulement. Dans le théâtre du XXème siècle, l’exposition peut ne plus exister ou bien exister
sous forme d’allusion.
Les répliques : brefs échanges de paroles entre les personnages.
Les tirades : longues répliques adressées à une ou plusieurs personnes présentes sur la scène. Les
personnages parlent entre eux tout en s’adressant au public.
Le monologue : discours théâtral prononcé par un personnage seul sur scène. Le personnage
s’adresse à lui-même, mais aussi aux spectateurs.
Les stances : poème lyrique comportant un nombre variable de strophes du même type. C’est une
forme de monologue mis en vers.
L’aparté : le personnage s’adresse soit au public, soit à un autre personnage comme en cachette.
L’intrigue : la trame d’une œuvre théâtrale classique, son fil rouge qui assure la cohésion de la pièce.
Du texte à la scène
Appuyer : faire monter un décor un rideau ou un accessoire dans les cintres (opposé à charger).
Avant-scène : Partie de la scène se trouvant devant le cadre de scène*
Cadre de scène : Ouverture fixe ou mobile de la scène
Cintre : Partie du théâtre située au dessus de la scène et qui comprend : les services* de chaque côté
du plateau, les passerelles * reliant les services, le gril* surplombant le tout, permettant de stocker et
de cacher les décors équipés* et d’accrocher les appareils d’éclairage.
Conduite : Ensemble des indications relatives au déroulement technique d’un spectacle (plateau,
son, lumière)
Console : Pupitre de mélange et de traitement du son ou de la lumière.
Contrepoids : Nombre de poids de fonte nécessaires pour contrebalancer le poids d’un décor sur
une tige. Aussi appelé charge.
Côté cour/ côté jardin : côté droit de la scène quand on est spectateur et côté gauche de la scène
quand on est spectateur. A l’origine de l’expression, la salle des “machine” aux Tuileries où s’était
installée provisoirement la Comédie française en 1770 donnait d’un côté sur l’intérieur de bâtiments
(la cour) et de l’autre sur le parc (le jardin). Le jardin est le “bon” côté, c’est le côté de l’entrée du
héros. Le danger, la menace viennent toujours du côté cour (en remontant le sens de la lecture).
Découverte : Partie des coulisses ou du cintre visible par les spectateurs ; petit rideau placé derrière
23
une porte ou une fenêtre pour simuler l’arrière plan.
Dessous : Étages se trouvant sous le plateau.
Douche : Faisceau lumineux dirigé verticalement de haut en bas.
Gril : Plancher à claire-voie situé au dessus du cintre et où se trouve l’appareillage de toute la
machinerie.
Herse : Appareil d’éclairage suspendu dans les cintres, équipé d’une série de lampes en ligne
restituant un éclairage en douche*.
Jauge : Capacité d’une salle en nombre de spectateurs ; recette d’une salle pleine.
L’avant scène ou proscenium : partie de la scène devant le cadre de scène. On dit, descendre à
l’avant scène.
La face : devant du plateau
La rampe : système d’éclairage en forme de herse posé en bordure d’avant-scène.
Le jeu d'orgues : pupitre et gradateurs qui commandent les lumières.
Le lointain : partie du plateau placée le plus loin du public, au fond de la scène. On dit, remonter au
lointain.
Le plateau : la scène
Le rideau de scène :
— à la française : rideau associant deux évolution, à l’allemande et à l’italienne.
— à la grecque : rideau équipé sur un rail métallique équipé de galets coulissants s’ouvrant du milieu
vers les côtés.
— rideau à la polichinelle : le rideau s’ouvre en se roulant sur lui-même par le bas.
— à l’allemande : rideau équipé sur une perche s’appuyant verticalement d’un seul bloc ; également
appelé “à la guillotine”.
— à l’italienne : rideau s’ouvrant en deux parties et remontant vers les côtés en drapé. Les cintres :
partie du théâtre située au-dessus de la scène
Les coulisses : espaces à proximité de la scène où attendent techniciens et acteurs avant que le
spectacle commence.
Les dessous : étages se trouvant sous le plateau.
Les loges : petits salons où les acteurs se préparent avant d’entrer en scène.
Les projecteurs : permettent d’éclairer le plateau.
Manteau d’Arlequin : Partie supérieure horizontale du cadre mobile coiffant les draperies et
permettant de régler la hauteur du cadre.
Noir : Effet sec ou lent pour éteindre tous les projecteurs.
Pan coupé : surface plane à l’angle de deux murs (élément de décor)
Pan droit : panneau vertical qui cache la coulisse (peut être un pendrillon en tissu)
Pendrillon : Rideau étroit et haut suspendu au cintre utilisé pour cacher les coulisses.
Perche ou porteuse : Tube métallique équipé dans les cintres pour accrocher les décors, les rideaux,
les projecteurs ...
Raccord lumière : répétition de la conduite lumière. Prise de marques des intervenants pendant le
spectacle.
Rampe : Système d’éclairage en forme de herse posé en bordure d’avant-scène.
Rideau de fer : Rideau métallique placé devant les draperies destiné à isoler la salle du plateau en cas
d’incendie. Il est essayé en présence des spectateurs à chaque représentation.
Services : Passerelles situées de chaque côté de la scène le long des cheminées de contrepoids et y
donnant accès.
24
Les incipit de roman
Pour les 3èmes, Secondes ou Premières
Le roman et ses personnages – visions de l’homme et du monde
Premières
Texte 1 : L’Idiot, Première partie, chapitre I, p. 3-4, édition livre de poche
Rogojine ( Vladimir Mashkov) dans l’adaptation TV russe de 2003
Le prince Mychkine(Gérard Philipe) dans l’adaptation cinématographique de Georges Lampin
25
de1946
Par une matinée de fin novembre, vers neuf heures, en plein dégel, le train de Varsovie approchait à
toute vapeur de Pétersbourg. L’humidité et le brouillard étaient tels que le soleil avait peine à
percer ; à dix pas, à droite et à gauche de la voie, il était difficile de discerner quoi que ce fût par les
fenêtres du wagon.
Parmi les voyageurs, certains revenaient de l’étranger : mais les compartiments de troisième, les plus
pleins, étaient remplis de gens de condition modeste se déplaçant pour affaire et ne venant pas de
loin.
Naturellement, tous étaient fatigués, transis, les yeux alourdis par l’insomnie, les visages blêmes, d’un
jaune de brouillard.
Dans un compartiment de troisième, deux voyageurs s’étaient trouvés face à face, depuis l’aube, près
de la fenêtre. Jeunes tous les deux, au visage assez marquant, ils n’avaient pas de bagages et étaient
vêtus sans grande recherche. On les sentait désireux d’engager la conversation. S’ils avaient pu savoir
ce que chacun d’eux présentait de singulier, ils se seraient certes émerveillés du hasard qui les avait si
étrangement réunis dans un wagon de troisième du train Varsovie-Pétersbourg.
L’un d’eux, de taille médiocre, les cheveux frisés, presque noirs, devait avoir environ vingt-sept ans.
Ils avait les yeux gris, petits mais pleins de flamme, le nez large et camus, les pommettes saillantes ;
sur ses lèvres minces se dessinait constamment un étrange sourire, persifleur, insolent, presque
haineux. Cependant, un front haut et bien modelé adoucissait l’impression désagréable que laissait le
bas de son visage vulgairement alourdi. Ce qui frappait surtout, c’était la pâleur cadavéreuse qui
donnait un air d’épuisement à cet homme pourtant solidement charpenté, et aussi quelque chose de
passionné, jusqu’à la souffrance, qui contrastait avec son sourire arrogant et grossier, son regard
agressif et suffisant. Il était chaudement emmitouflé dans une ample pelisse noire doublée de
mouton ; aussi n’avait-il pas ressenti le froid nocturne.
Par contre, son vis-à-vis avait dû subir en grelottant la caresse glacée et humide d’une nuit de
novembre russe à laquelle il n’était évidemment pas préparé. Il était enveloppé dans une épaisse
pèlerine, sans manche, surmonté d’un énorme capuchon, telle qu’en portent souvent les voyageurs,
l’hiver, quelque part loin à l’étranger, en Suisse ou en Italie du nord.
Mais ce vêtement convenait certes fort mal à un trajet aussi long que celui d’Eidkuhnen à
Pétersbourg ; parfaite pour l’Italie, sa tenue convenait peu au climat russe.
Le propriétaire de la pèlerine était un jeune homme, également de vingt-six à vingt-sept ans. D’une
taille un peu au-dessus de la moyenne, les joues creuses, il avait une épaisse chevelure blonde et une
petite barbiche en pointe, presque blanche. Il avait de grands yeux bleus au regard fixe ; ce regard
avait quelque chose de doux mais de pesant, une expression étrange, révélant aux yeux d’un
observateur averti un épileptique. Au reste, le visage du jeune homme était agréable et fin, quoique
incolore et même, en ce moment, bleui par le froid.
Introduction
Dostoïevski écrit l’Idiot en 1867, il a pour ambition d’y peindre « un homme parfaitement pur »
(lettre à A. N. Maïkov du 12 janvier 1867).
Lev Nikolaïevitch Mychkine, dernier représentant d’une famille princière ruinée, n’a aucun moyen
d’existence et en outre souffre d’épilepsie. Envoyé à l’étranger par un bienfaiteur, afin de suivre un
traitement auprès d’un médecin célèbre, il rentre à Pétersbourg quelques années plus tard. On le
découvre au début du roman, dans un wagon de troisième classe, au cours de ce voyage. L’incipit
met en place les différents thèmes qui se développeront au cours du roman et annonce l’esthétique
romanesque du romancier.
26
I - Le train d’une humanité en transit
Le cadre spatio-temporel
 Ainsi que le roman classique du XIXe le pratique souvent, l’incipit de l’Idiot met en place un
cadre précis à l’action qui va suivre. Nombre de notations marquent ainsi le cadre spatial de la
rencontre (train, voyageurs, voie du train, compartiments, wagon), un cadre original pour un
début de roman puisqu’il intègre une nouveauté industrielle et technologique, le train, et son
impact sur la vie des voyageurs qui l’empruntent.

Une description qui, sous couvert de précision (date heure, localisation spatio
temporelle « matinée », « fin novembre », « à dix pas », « Pétersbourg », etc.) noie la précision
dans une atmosphère d’indécision, d’à peu près, de clair-obscur (vers 9 heures, difficile de
discerner, indistinction des provenances : certains revenaient de l’étranger, ne venant pas de
loin). Même la localisation n’est en fait pas précise, entre Varsovie et Pétersbourg. Choix de
situer ce début de roman à la fois dans un entre-deux et dans une dynamique.

Passagers rassemblés dans un « brouillard » accordés au temps environnant. « brouillard » utilisé
deux fois, la seconde pour désigner la couleur des voyageurs (« d’un jaune de brouillard »),
l’atmosphère imprègne les êtres qui se trouvent là. Sensation d’humidité (« dégel », « humidité »,
« brouillard ») et d’inconfort. Lumière étouffée « le soleil avait peine à percer » couleurs pâlies,
visibilité réduite (« il était difficile de discerner quoi que ce fût »), humanité indistincte sur
laquelle vont se détacher les figures des deux héros.
27
II - L’incipit met en place deux figures de héros à la fois antagonistes et similaires
 Structure du passage : Effet de resserrement de la description, on passe d’un plan panoramique
(train dans la matinée de dégel) au compartiment de troisième, vue d’ensemble, et plan
« américain » sur les deux personnages avant de focaliser sur l’un puis l’autre des personnages.
L’incipit se concentre alors sur les portraits des deux héros, qu’il développe inégalement, puisque
le portrait de Rogojine ne prend qu’un § quand celui du Prince se développe sur deux §. Le
lecteur se doute que cette répartition désigne le Prince comme le véritable héros du roman.
Structure en chiasme : on commence par le visage et on termine par le vêtement pour Rogojine,
on commence par le vêtement, on termine par le visage pour le Prince.

Des personnages en miroir : apparition des deux héros : thématique du double deux voyageurs/
face à face. « Jeunes tous les deux », « au visage assez marquant » deux personnages qui
s’individuent dans une différence // aux autres. Même attirail « presque pas de bagages », deux
personnages sans histoire (pas de famille, rien qui ancre le personnage dans la réalité). Vêtements
similaires « vêtus sans grande recherche ». Le paragraphe se clôt sur les termes qui l’ouvraient
« compartiment de troisième »/« wagon de troisième » effet de miroir redoublé par cette
clausule.
Cette similitude entre les deux situations se confirmera par la suite : ils sortent tous les deux
d’une maladie, tous deux bénéficient d’un héritage qui va changer leur vie, tous deux tomberont
amoureux de la même femme.

Portrait de Rogojine : un portrait « convulsif », contrastes forts, organisation de la description
« désordonnée » comme si le sujet choisi imprimait une idée de confusion, haut/ bas/haut/ bas
grandeur et décadence, encore un des thèmes du roman amorcé ici. Mélange de douceur
(adoucissait) et de violence (flamme, haineux, agressif), de vulgarité et de grandeur, de sourire et
de souffrance. Epuisement et robustesse (pâleur cadavérique/solidement charpenté), (suffisance,
persifleur, insolence et sourire -2 fois évoqué dans le portrait) ces oppositions sont appuyés par
des liens logiques « petits mais pleins de flamme », « cependant », « pourtant », « qui contrastait ».

Portrait du Prince : Contraste avec le portrait de Rogojine, le sujet semble comme effacé. Tout
d’abord présenté par ses vêtements comme caché, enveloppé en eux, personnalité moins précise
et moins claire, difficile à cerner, passivité (sujet de verbe « subir », ou de verbes au passif « était
enveloppé » « n’était pas préparé » )Les autres sujets désignant les vêtements. Jeu d’opposition :
Rogojine a chaud/ le Prince grelotte, blondeur du Prince (blancheur)/cheveux bruns de Rogojine,
yeux gris/yeux bleus, Robustesse de Rogojine/ maladie du Prince, regard agressif/regard doux,
hyper expressivité de Rogojine / regard « fixe » du Prince, « expression étrange ». Alors que le
portrait de Rogojine accumule les notations précises sur les traits de son visage, celui du Prince
« escamote » les traits pour se concentrer sur le regard, la couleur, des détails beaucoup moins
concrets que le nez, les pommettes, le front « haut et modelé », le bas de visage « vulgairement
alourdi » de Rogojine indications sur le caractère terrien et sensuel de l’un et idéaliste et « pur
esprit » de l’autre.
28
III - Les amorces d’une tragédie – Un héros « inapte » au monde qui l’environne.
 Une humanité souffrante : lexique de la pauvreté de l’épuisement contraste avec un début de
roman, tout paraît déjà fini, atmosphère de fin du monde. Evocation du désespoir de Rogojine,
de sa souffrance, de la maladie du Prince

Le Bien et le Mal : haine et désespoir. Dostoïevski oriente le personnage de Rogojine vers son
héros shakespearien favori : Othello. Son physique est caractéristique : cheveux noirs et frisés,
nez large et épaté, pommettes saillantes, partie inférieure du visage grossière. Le Prince est
identifié au Christ (blondeur, maigreur, regard doux)

Une symbolique inquiétante : un héros qui semble inadapté au monde qui l’entoure avec de
nombreuses notations sur ses vêtements qui ne le protègent pas assez, sensation d’une trop
grande fragilité du Prince (notation sur l’épilepsie accentue encore cette fragilité) renforcée par la
thématique de l’Etranger, « ces vêtements convenaient certes fort mal » « sa tenue convenait peu
au climat russe ». Le vêtement du Prince préfigure sa personnalité : épaisse pèlerine, énorme
capuchon, mais « sans manches » sensation d’un vêtement grotesque, incohérent, comme peut
apparaître le Prince aux gens qui l’entourent.

Dès le début du roman, indices d’un combat entre les forces du Bien et celles des Ténèbres,
mais le « soleil avait peine à percer ». Description du Prince inquiète : couleurs pâles « presque
blanche », nombreux indices mortifères : maladie et pâleur du Prince, blancheur de sa barbiche,
visage « incolore », ses yeux sont bleus mais son regard « fixe », la note finale sur son visage
« bleui par le froid » évoque irrésistiblement le visage d’un homme mort.
29
Texte 2 : Germinal, Première partie, chapitre 1, p. 19-20 - ed. Pocket)
Dans la plaine rase, sous la nuit sans étoiles, d'une obscurité et d'une épaisseur d'encre, un homme
suivait seul la grande route de Marchiennes à Montsou, dix kilomètres de pavé coupant tout droit, à
travers les champs de betteraves. Devant lui, il ne voyait même pas le sol noir, et il n'avait la sensation
de l'immense horizon plat que par les souffles du vent de mars, des rafales larges comme sur une
mer, glacées d'avoir balayé des lieues de marais et de terres nues. Aucune ombre d'arbre ne tachait le
ciel, le pavé se déroulait avec la rectitude d'une jetée, au milieu de l'embrun aveuglant des ténèbres.
L'homme était parti de Marchiennes vers deux heures. Il marchait d'un pas allongé, grelottant sous le
coton aminci de sa veste et de son pantalon de velours. Un petit paquet, noué dans un mouchoir à
carreaux, le gênait beaucoup; et il le serrait contre ses flancs, tantôt d'un coude, tantôt de l'autre, pour
glisser au fond de ses poches les deux mains à la fois, des mains gourdes que les lanières du vent
d'est faisaient saigner. Une seule idée occupait sa tête vide d'ouvrier sans travail et sans gîte, l'espoir
que le froid serait moins vif après le lever du jour. Depuis une heure, il avançait ainsi, lorsque sur la
gauche, à deux kilomètres de Montsou, il aperçut des feux rouges, trois brasiers brûlant au plein air,
et comme suspendus. D'abord, il hésita, pris de crainte; puis, il ne put résister au besoin douloureux
de se chauffer un instant les mains.
Un chemin creux s'enfonçait. Tout disparut. L'homme avait à droite une palissade, quelque mur de
grosses planches fermant une voie ferrée; tandis qu'un talus d'herbe s'élevait à gauche, surmonté de
pignons confus, d'une vision de village aux toitures basses et uniformes. Il fit environ deux cents pas.
Brusquement, à un coude du chemin, les feux reparurent près de lui, sans qu'il comprit davantage
comment ils brûlaient si haut dans le ciel mort, pareils à des lunes fumeuses. Mais, au ras du sol, un
autre spectacle venait de l'arrêter. C'était une masse lourde, un tas écrasé de constructions, d'où se
dressait la silhouette d'une cheminée d'usine; de rares lueurs sortaient des fenêtres encrassées, cinq
ou six lanternes tristes étaient pendues dehors, à des charpentes dont les bois noircis alignaient
vaguement des profils de tréteaux gigantesques; et, de cette apparition fantastique, noyée de nuit et
de fumée, une seule voix montait, la respiration grosse et longue d'un échappement de vapeur, qu'on
ne voyait point.
Alors, l’homme reconnut une fosse.
Introduction :
En 1885, Zola, romancier naturaliste du XIXe siècle, fait paraître Germinal, qui retrace la dure vie
des mineurs dans le Nord de la France. Ce titre est en soi un programme, car il rappelle le mois de
mars du calendrier révolutionnaire, avec sa promesse d’une renaissance, voire d’une révolution, avec
ses hommes prêts à sortir de la terre, de la mine… Or l’incipit du roman nous plonge dans un milieu
hostile : un homme marche dans le froid et la nuit, puis aperçoit les feux rougeoyants d’une fosse. A
une description réaliste se substitue alors une vision, une « apparition fantastique » offerte au lecteur
par le regard subjectif de cet homme, ouvrier vagabond à la « tête vide ».
Comment Zola passe-t-il d’un registre réaliste à un registre fantastique ? Comment ce début oriente-til le reste de la fiction ?
Nous verrons tout d’abord que l’incipit s’ouvre sur le récit réaliste d’une marche nocturne et difficile
dont on peut, dans un deuxième temps, tirer un sens symbolique grâce à la vision fantastique du
personnage, qui amorce alors une descente en Enfer.
Ce récit réaliste met en scène la marche difficile d’un homme, dans le froid et les ténèbres, et fait
30
entrer le lecteur dans un monde hostile.
Le cadre spatio-temporel présente d’emblée un paysage hostile. Cet incipit met en relation, pour les
confronter, un homme et la nature environnante. Autant l’homme se révèle faible, seul et démuni
dans cette immensité glacée d’une nuit de mars, autant la nature manifeste sa puissance hostile et
démesurée.
- entrée dans un espace avec le premier mot « dans » = entrée dans la fiction, dans le roman,
et dans un espace précisément décrit.
Omniprésence de cette nature, ce paysage écrasant.
- paysage caractérisé par le champ lexical : - de la nuit, comme « ténèbres », mis en valeur à la
fin du premier paragraphe ; « obscurité » « épaisseur d’encre » = mise en valeur de la « nuit sans
étoiles » par le rythme ternaire de la première phrase.
- Du froid, alors qu’on est en mars : « glacées », « froid »…
- Platitude et géométrie du paysage : l’ « horizon plat », la « rectitude », « tout droit»…
=
tout est « à ras du sol », même le village aux toitures « basses et uniformes » qui forment une «
masse lourde » ; impression d’être écrasé par ce paysage. = Réalisme
de cette description avec
précisions spatiales (noms des villes Marchiennes, Montsou, droite, gauche…) et temporelles (mars,
deux heures…)
Description motivée et construite autour du motif de la marche du personnage : on suit cet homme
qui souffre.
Cet incipit nous fait compatir avec un héros souffrant.
C’est un vagabond, « sans travail et sans gîte », un ouvrier « à la tête vide », fatigué, souffrant, qui n’a
qu’un espoir : que le froid « soif moins vif »… la description de sa tenue : veste « aminci[e] », « petit »
paquet sans un « mouchoir » qui, ironiquement le gênait « beaucoup ».
Personnage maltraité, fouetté par le vent avec la métaphore des « lanières » de vent = comme un
esclave dont les mains « saignaient ».
« besoin douloureux » renforce sa peine.
Impression d’un personnage qui est en lutte contre les éléments naturels hostiles :
- la terre : « le sol noir »…
- l’eau : la comparaison puis la métaphore de la mer, « embruns », les « marais »…
- l’air, le vent, « rafales »
- le feu : brasiers, rouges…. Qui inquiètent d’abord le personnage.
Impression d’enferment, dans un espace vide, nu, comme le montrent les nombreux privatifs
« sans » « nues » « vide » etc…
Il est « sous » et « dans » comme écrasé, sans horizon, sans perspective et donc sans espoir. Idée de
prison avec le mur et le « talus » à droit, renforcée par la description des toits bas et du participe
passé « surmonté ».
= personnage déshumanisé, un corps souffrant (un animal ? un esclave ?)
On le suit et c’est aussi à travers ses yeux que l’on perçoit le paysage et la fosse : sa vision.
31
Une marche vers l’Enfer ?
La description réaliste se mêle d’éléments fantastiques, à travers la vision d’Etienne : c’est par lui et
avec lui que l’on découvre la mine.
La description s’organise autour du point de vue d’Etienne : point de vue subjectif, avec focalisation
interne. Le verbe « aperçut » qui lance une nouvelle description et marque une rupture dans la
monotonie de la marche (imparfait/passé simple) fonctionne comme un signal : passage à une
description à travers les yeux d’Etienne. Voir la dernière phrase « alors l’homme reconnut une fosse
» : d’abord vision floue, mystérieuse, puis retour à une vision plus objective.
Il cherche à avoir des repères, à reconnaître l’espace et semble perdu « sans qu’il comprit » : aspect
mystérieux de la « nuit » et de la « fumée » qui accompagne cette « apparition fantastique ».
Personnification : la « voix » et la « respiration » de la machine que l’on ne « voyait point », comme
un monstre tapi dans l’ombre, prêt à dévorer sa proie = les mineurs ?
Fonction symbolique du texte : on s’attend à un printemps, on a une sorte d’hiver. On s’attend à un
espoir, on plonge dans le noir…. Et quand les « feux rouges » apparaissent, ils contrastent avec le
noir, pourraient être un phare dans la nuit, mais sont symboliquement source de violence, de sang…
[peut-être rouge et noir, couleurs de l’anarchie ?]
Et ils provoquent la « crainte » : signal d’un danger, mais le héros « ne put résister » : idée de la
tentation ; les feux fonctionnent alors comme ceux de l’enfer, du tentateur diabolique, avec ce
monstre infernal, souterrain de la mine.
Quand Zola ébauche son roman, il souligne l’intérêt symbolique de la saison hivernale : « le roman
aura lieu l’hiver, la misère devant être plus grande ». De même, le site du Voreux, créé à partir
d’éléments composites empruntés à Denain, Anzin, Bruay, est conçu pour préparer la catastrophe
finale. Zola, en authentique poète qu’il est, réussit, par le rythme des phrases et les images, à
suggérer, dans ce texte à la fois narratif et descriptif, le drame humain qu’implique cette relation de
l’homme à la nature : le lecteur se demande si le titre plein de promesse de « germination », de
printemps et de renouveau va porter ses fruits ou si tout espoir n’est pas déjà à abandonner dans la
noirceur de la fosse que l’on devine et découvre ici. La germination printanière, évoquée dans le
dernier chapitre de Germinal, fait antithèse avec ce premier chapitre. Il est peut-être significatif que
l’arrivée d’Etienne au Voreux se produise en mars, sans que soit évoqué le renouveau.
(Pour que le printemps s’impose et revête une fonction symbolique, il faudra qu’il mûrisse et germe
dans la conscience des mineurs, moyennant une lutte – celle du Travail aux prises avec le Capital,
thème fondamental de Germinal.)
32
Texte 3 : La Condition Humaine
Première partie
21
mars
1927
Minuit et demi
Tchen tenterait-il de lever la moustiquaire ? Frapperait-il au travers ? L’angoisse lui tordait
l’estomac ; il connaissait sa propre fermeté, mais n’était capable en cet instant que d’y songer avec
hébétude, fasciné par ce tas de mousseline blanche qui tombait du plafond sur un corps moins
visible qu’une ombre, et d’où sortait seulement ce pied à demi incliné par le sommeil, vivant quand
même — de la chair d’homme. La seule lumière venait du building voisin : un grand rectangle
d’électricité pâle, coupé par les barreaux de la fenêtre dont l’un rayait le lit juste au-dessous du pied
comme pour en accentuer le volume et la vie. Quatre ou cinq klaxons grincèrent à la fois.
Découvert ? Combattre, combattre des ennemis qui se défendent, des ennemis éveillés !
La vague de vacarme retomba : quelque embarras de voitures (il y avait encore des embarras de
voitures, là-bas, dans le monde des hommes…). Il se retrouva en face de la tache molle de la
mousseline et du rectangle de lumière, immobiles dans cette nuit où le temps n’existait plus.
Il se répétait que cet homme devait mourir.
Bêtement : car il savait qu’il le tuerait. Pris ou non, exécuté ou non, peu importait. Rien n’existait
que ce pied, cet homme qu’il devait frapper sans qu’il se défendît, — car, s’il se défendait, il
appellerait.
Les paupières battantes, Tchen découvrait en lui, jusqu’à la nausée, non le combattant qu’il
attendait, mais un sacrificateur. Et pas seulement aux dieux qu’il avait choisis : sous son sacrifice à la
révolution grouillait un monde de profondeurs auprès de quoi cette nuit écrasée d’angoisse n’était
que clarté. « Assassiner n’est pas seulement tuer… » Dans ses poches, ses mains hésitantes tenaient, la
droite un rasoir fermé, la gauche un court poignard. Il les enfonçait le plus possible, comme si la nuit
n’eût pas suffi à cacher ses gestes. Le rasoir était plus sûr, mais Tchen sentait qu’il ne pourrait jamais
s’en servir ; le poignard lui répugnait moins. Il lâcha le rasoir dont le dos pénétrait dans ses doigts
crispés ; le poignard était nu dans sa poche, sans gaine. Il le fit passer dans sa main droite, la gauche
retombant sur la laine de son chandail et y restant collée. Il éleva légèrement le bras droit, stupéfait
du silence qui continuait à l’entourer, comme si son geste eût dû déclencher quelque chute. Mais
non, il ne se passait rien : c’était toujours à lui d’agir.
© Éditions Gallimard.
33
Introduction
 En 1933, André Malraux fait paraître La Condition humaine. Ce roman historique, dont l’action
se situe en 1927 dans la Chine de Tchang Kaï- Chek, obtient un très gros succès et se voit décerner
le prix Goncourt.
 Le récit s’ouvre sur une scène dramatique : Tchen, un jeune communiste, est sur le point de tuer
dans son sommeil un trafiquant d’armes afin de récupérer un ordre de vente qui permettrait à ses
camarades de s’approvisionner en armes. L’intérêt de ce texte réside dans le drame intérieur qui se
joue au cœur de cette scène très tendue.
 Aussi peut-on s’intéresser au caractère très cinématographique d’une ouverture de roman qui n’a
d’autre fonction que de mettre en scène l’angoisse que ressent le jeune révolutionnaire.
Une ouverture cinématographique
 Du côté d’un nouvel art : le cinéma. Selon Malraux lui-même, d’après le manuscrit du roman, ce
début de roman fait référence à la technique cinématographique. Un des temps forts de l’œuvre :
tout concourt dans cet incipit à créer une atmosphère tendue, mystérieuse, angoissante qui rappelle
celle des films en noir et blanc des années 30-50 comme La Dame de Shanghaï d’Orson Welles qui
commence par une agression nocturne dans un parc ou bien Citizen Kane qui s’ouvre sur la mort
d’un homme solitaire, et d’abord les films sombres de Murnau, Faust et Nosferatu ou de Fritz Lang
tels Le docteur Mabuse ou M. le maudit
 Incipit « in medias res » : le lecteur est plongé au cœur de l’action, du drame, par deux verbes
d’action « lever « et « frapperait » (l.1), et même dans l’intériorité du personnage nommé Tchen sans
informations ni explications préliminaires sur les circonstances, le mobile de l’acte, sans présentation
du personnage. Malraux transgresse là le protocole d’ouverture des œuvres romanesques écrites à la
manière de Balzac. La future victime désignée deux fois par « cet homme » (l. 15 et 17), reste
anonyme : réduite à un corps immobile, et par une synecdoque, à un pied (l.5, 8 et 16)
conformément aux limites de la perception de Tchen, donc en grande partie invisible (comparaison
l. 4-5), elle est identifiée seulement comme ennemie de la révolution. A ce stade, le meurtre en soi
importe plus que le mobile ou la victime.
 Temps arrêté, comme suspendu, alors que l’action devrait être minutée comme le suggèrent les
indications précises au-dessus du texte dans le style d’un reportage. Paradoxalement, l’action reste en
suspens et l’acte est différé. Ainsi s’instaure une tension entre d’une part, des indications ponctuelles,
une date et une heure précise, « minuit et demi » et d’autre part, des imparfaits dans le récit qui
inscrivent l’action dans une durée pesante. Les quelques passés simples (l.11, 13, 30) ne parviennent
pas à remettre en mouvement le récit ; au contraire, ils soulignent par contraste son immobilisation.
On a une sorte d’arrêt sur image : un homme brandissant un couteau au- dessus d’un lit…. L’attente
du lecteur devient pénible, son impatience est exacerbée. Dès ce moment se cristallise la disjonction
entre le temps objectif de l’histoire, « 21 mars 1927 » à « Minuit et demi » et le temps subjectif, celui
que perçoit Tchen. Pour lui, le temps s’est un moment arrêté « dans cette nuit où le temps n’existait
plus. » (l.14)
Importance de la mise en scène et charge symbolique du décor
 Le cadre de l’action n’est pas vraiment décrit : pas de plan d’ensemble de la chambre, peu de
34
 Les jeux d’ombre et de lumière semblent réglés comme dans un film des années 30. Ils sont
appropriés à la nature de l’acte en cours : un meurtre, acte illicite, ne peut qu’être commis dans la
pénombre, loin du regard des hommes. Le meurtrier reste dans l’ombre, la victime aussi. De même
l’intensité décroissante des sons évoquée à l’aide d’images –klaxons déchirant le silence nocturne
comme le suggère l’emploi métaphorique du verbe « grincer », puis « vacarme retomba[nt] » assimilé
à un « vague », montre que Tchen s’éloigne peu à peu du monde des vivants et s’enferme dans son
monde intérieur. Les bruits soulignent par contraste le silence de la chambre avant de s’estomper et
de disparaître.
 Le décor est symbolique : La seule source de lumière vient de la ville, espace vivant, animé, par
opposition à la chambre obscure où rien ne bouge ; Tchen a fait de cette chambre anodine un lieu
clos voué à la mort. Le rectangle blanc coupé par les barreaux de la fenêtre, c’est la prison dans
laquelle Tchen va mentalement s’enfermer. Tchen est encore à la frontière entre deux mondes, celui
de la lumière symbolisant le monde des vivants et celui de la nuit évoquant la mort.
Le drame intérieur d’un personnage
Un tueur ( ?) débutant
 Le drame intérieur du personnage, nous le découvrons d’emblée grâce au narrateur omniscient
qui nous permet d’entrer dans la conscience du personnage. Au moyen d’un monologue intérieur, il
nous livre ses pensées les plus secrètes, la voix du narrateur se mêlant à celle de son personnage, à
travers des phrases de types variés : interrogatives (l.1, 9), exclamatives (l.10) et déclaratives (l.15-16) ;
leur brièveté traduit l’angoisse du héros. Tchen affronte une situation imprévue et inédite et se
découvre à cette occasion.
Tchen paraît hésitant : la double interrogation initiale et l’analyse du narrateur (l.1-4) semblent
l’indiquer. Le motif de son hésitation tient à la manière d’exécuter le meurtre (l.25-26). Sa motivation
n’est pas en cause car c’est un militant déterminé, lucide et convaincu de la nécessité de son acte. Les
modalités de la certitude et du devoir sont très présentes dans son discours intérieur : « cet homme
devait mourir », « il savait qu’il le tuerait », « cet homme
 qu’il devait frapper… ». Par ailleurs l’emploi d’un vocabulaire religieux, « sacrificateur »,
« sacrifice », « dieux » (l.20-21) suggère qu’il s’est mis entièrement au service d’une cause qui le
dépasse, pour laquelle il est prêt à mourir lui-même et qui se trouve ainsi sacralisée.
 Son hésitation s’explique par le fait que Tchen n’est pas un tueur professionnel. Tchen est un
novice, un révolutionnaire néophyte qui fait l’apprentissage de l’action. Plus loin, dans le roman, le
premier meurtre sera assimilé à un dépucelage. Son hésitation s’explique aussi par le fait que Tchen
avait imaginé un autre scénario : une victime qui résiste. Agir comme un prêtre- sacrificateur et non
comme un combattant, c’est se comporter comme un lâche, d’où son malaise et même sa rage
35
Un personnage à la découverte de lui-même
 Tchen éprouve, face au dormeur deux sentiments contradictoires : de la fascination, mais aussi
de la répulsion. Il est « fasciné par [le] tas de mousseline blanche » qui le plonge dans un état d’
« hébétude » (l.3). En réalité, il est fasciné par la pensée de la mort, par son pouvoir de destruction.
C’est déjà « l’extase par le bas » dont il parlera à son ami Kyo. Mais il éprouve aussi une sorte de
répugnance, exprimée par le mot « nausée », à l’idée d’entrer dans le domaine de l’interdit absolu, le
meurtre étant en contradiction avec les principes chrétiens que lui a inculqués le pasteur Smithson.
 Il éprouve surtout une angoisse profonde quand il prend conscience qu’ « assassiner, ce n’est
pas seulement tuer… » (l.23). Il découvre qu’un assassinat n’est pas seulement un acte physique qui
fait passer la victime de vie à trépas, mais un acte qui engage le meurtrier lui-même et qui révèle les
profondeurs insondables de l’inconscient, du psychisme humain. Tchen sera d’ailleurs incapable de
faire partager aux autres ce qu’il aura ressenti. Il restera seul, muré dans son angoisse.
Conclusion
 Malgré l’intérêt que Malraux attache à la création d’une atmosphère angoissante, c’est avant
tout l’homme qui l’intéresse dans la mesure où il peut incarner une interrogation universelle.
 Tchen, écartelé entre deux cultures car ce marxiste a été élevé dans la foi chrétienne, est à la
recherche de lui-même. Sa fascination pour la mort va s’affirmer au point qu’il verra dans
l’autodestruction le seul moyen d’accomplissement de son être.
36
Le Double et ses avatars romanesques
Introduction au groupement de textes
Le groupement de textes ci-dessous montre trois versions du Double dans le roman : le duo
Mychkine / Rogojine est un double fraternel, où les personnages sont sur un pied d’égalité mais
s’opposent dans un affrontement entre le Bien et le Mal, dans une tension perpétuelle entre ces deux
opposés. Dans l’extrait les personnages sont face-à-face, comme dans un duel. Le couple Lucien de
Rubempré/ l’abbé Herrera met en scène un duo plus trouble, où les forces sont inégales, l’un est la
marionnette de l’autre, cette inégalité se manifeste dans cette première apparition par le fait que, loin
d’être face-à-face, les personnages se suivent et le premier ignore qu’il est suivi par l’autre. La
troisième apparition du double est plus troublante encore puisqu’elle préfigure la folie, dans la
mesure ou ce Double n’existe pas, est une pure création mentale du Narrateur. Chacun des textes
offre une fonction romanesque spécifique du Double : chrétienne chez Dostoïeski, sociale chez
Balzac et psychanalytique chez Maupassant.
Texte 1 : L’Idiot, Fédor Dostoïevski, Première partie, chapitre I, p. 3-4, édition livre de poche
L’Idiot, mise en scène de Laurence Andreini, Rogogine (Eric Bergeonneau) et le Prince
Mychkine (Romain Cottard) – A La Recherche de l’Idiot - juillet 2011 Par une matinée de fin novembre, vers neuf heures, en plein dégel, le train de Varsovie approchait à
toute vapeur de Pétersbourg. L’humidité et le brouillard étaient tels que le soleil avait peine à
percer ; à dix pas, à droite et à gauche de la voie, il était difficile de discerner quoi que ce fût par les
fenêtres du wagon.
Parmi les voyageurs, certains revenaient de l’étranger : mais les compartiments de troisième,
les plus pleins, étaient remplis de gens de condition modeste se déplaçant pour affaire et ne venant
pas de loin.
Naturellement, tous étaient fatigués, transis, les yeux alourdis par l’insomnie, les visages
blêmes, d’un jaune de brouillard.
Dans un compartiment de troisième, deux voyageurs s’étaient trouvés face à face, depuis
l’aube, près de la fenêtre. Jeunes tous les deux, au visage assez marquant, ils n’avaient pas de bagages
et étaient vêtus sans grande recherche. On les sentait désireux d’engager la conversation. S’ils avaient
pu savoir ce que chacun d’eux présentait de singulier, ils se seraient certes émerveillés du hasard qui
37
les avait si étrangement réunis dans un wagon de troisième du train Varsovie-Pétersbourg.
L’un d’eux, de taille médiocre, les cheveux frisés, presque noirs, devait avoir environ vingtsept ans. Ils avait les yeux gris, petits mais pleins de flamme, le nez large et camus, les pommettes
saillantes ; sur ses lèvres minces se dessinait constamment un étrange sourire, persifleur, insolent,
presque haineux. Cependant, un front haut et bien modelé adoucissait l’impression désagréable que
laissait le bas de son visage vulgairement alourdi. Ce qui frappait surtout, c’était la pâleur cadavéreuse
qui donnait un air d’épuisement à cet homme pourtant solidement charpenté, et aussi quelque chose
de passionné, jusqu’à la souffrance, qui contrastait avec son sourire arrogant et grossier, son regard
agressif et suffisant. Il était chaudement emmitouflé dans une ample pelisse noire doublée de
mouton ; aussi n’avait-il pas ressenti le froid nocturne.
Par contre, son vis-à-vis avait dû subir en grelottant la caresse glacée et humide d’une nuit de
novembre russe à laquelle il n’était évidemment pas préparé. Il était enveloppé dans une épaisse
pèlerine, sans manche, surmonté d’un énorme capuchon, telle qu’en portent souvent les voyageurs,
l’hiver, quelque part loin à l’étranger, en Suisse ou en Italie du nord.
Mais ce vêtement convenait certes fort mal à un trajet aussi long que celui d’Eidkuhnen à
Pétersbourg ; parfaite pour l’Italie, sa tenue convenait peu au climat russe.
Le propriétaire de la pèlerine était un jeune homme, également de vingt-six à vingt-sept ans.
D’une taille un peu au-dessus de la moyenne, les joues creuses, il avait une épaisse chevelure blonde
et une petite barbiche en pointe, presque blanche. Il avait de grands yeux bleus au regard fixe ; ce
regard avait quelque chose de doux mais de pesant, une expression étrange, révélant aux yeux d’un
observateur averti un épileptique. Au reste, le visage du jeune homme était agréable et fin, quoique
incolore et même, en ce moment, bleui par le froid.
Introduction
Lev Nikolaïevitch Mychkine, dernier représentant d’une famille princière ruinée, n’a aucun moyen
d’existence et en outre souffre d’épilepsie. Envoyé à l’étranger par un bienfaiteur, afin de suivre un
traitement auprès d’un médecin célèbre, il rentre à Pétersbourg quelques années plus tard. On le
découvre au début du roman, dans un wagon de troisième classe, au cours de ce voyage.
Le début du roman met en place une des thématiques fondamentales, non seulement du roman
l’Idiot, mais de l’œuvre de Dostoïevski, qui écrira à propos de son roman Le Double qu’il n’a jamais
rien écrit de plus « sérieux ». Dostoïevski écrit l’Idiot en 1867, il a pour ambition d’y peindre « un
homme parfaitement pur » (lettre à A. N. Maïkov du 12 janvier 1867). Il choisit de confronter dans
ce début de roman cette incarnation romanesque du Christ qu’est Mychkine, à son frère souffrant et
diabolique Rogojine, meurtrier en devenir, abandonné à des passions violentes et destructrices.
I - Le train d’une humanité en transit
 Le cadre spatio-temporel. Ainsi que le roman classique du XIXe le pratique souvent, l’incipit de
l’Idiot met en place un cadre précis à l’action qui va suivre. Nombre de notations marquent ainsi
le cadre spatial de la rencontre (« train », « voyageurs », « voie du train », « compartiments »,
« wagon »), un cadre original pour un début de romanà cette époque puisqu’il intègre une
nouveauté industrielle et technologique, le train, et son impact sur la vie des voyageurs qui
l’empruntent.

Une description qui, sous couvert de précision (date heure, localisation spatio
temporelle « matinée », « fin novembre », « à dix pas », « Pétersbourg », etc.) noie la précision
dans une atmosphère d’indécision, d’à peu près, de clair-obscur (vers 9 heures, difficile de
discerner, indistinction des provenances : « certains revenaient de l’étranger », « ne venant pas de
38

Passagers rassemblés dans un « brouillard » accordés au temps environnant. « brouillard » utilisé
deux fois, la seconde pour désigner la couleur des voyageurs (« d’un jaune de brouillard »),
l’atmosphère imprègne les êtres qui se trouvent là. Sensation d’humidité (« dégel », « humidité »,
« brouillard ») et d’inconfort. Lumière étouffée « le soleil avait peine à percer » couleurs pâlies,
visibilité réduite (« il était difficile de discerner quoi que ce fût »), humanité indistincte sur
laquelle vont se détacher les figures des deux héros.
II - L’incipit met en place deux figures de héros à la fois antagonistes et similaires
 Structure du passage : Effet de resserrement de la description, on passe d’un plan panoramique
(train dans la matinée de dégel) au compartiment de troisième, vue d’ensemble, et plan
« américain » sur les deux personnages avant de focaliser sur l’un puis l’autre des personnages.
L’incipit se concentre alors sur les portraits des deux héros, qu’il développe inégalement, puisque
le portrait de Rogojine ne prend qu’un § quand celui du Prince se développe sur deux §. Le
lecteur se doute que cette répartition désigne le Prince comme le véritable héros du roman.
Structure en chiasme : on commence par le visage et on termine par le vêtement pour Rogojine,
on commence par le vêtement, on termine par le visage pour le Prince.

Des personnages en miroir : apparition des deux héros : thématique du double deux voyageurs/
face à face. « Jeunes tous les deux », « au visage assez marquant » deux personnages qui
s’individuent dans une différence // aux autres. Même attirail « presque pas de bagages », deux
personnages sans histoire (pas de famille, rien qui ancre le personnage dans la réalité). Vêtements
similaires « vêtus sans grande recherche ». Le paragraphe se clôt sur les termes qui l’ouvraient
« compartiment de troisième »/« wagon de troisième » effet de miroir redoublé par cette closule.
Cette similitude entre les deux situations se confirmera par la suite : ils sortent tous les deux
d’une maladie, tous deux bénéficient d’un héritage qui va changer leur vie, tous
deux
tomberont amoureux de la même femme.

Portrait de Rogojine : un portrait « convulsif », contrastes forts, organisation de la description
« désordonnée » comme si le sujet choisi imprimait une idée de confusion, haut/ bas/haut/ bas
grandeur et décadence, encore un des thèmes du roman amorcé ici. Mélange de douceur
(adoucissait) et de violence (flamme, haineux, agressif), de vulgarité et de grandeur, de sourire et
de souffrance. Epuisement et robustesse (pâleur cadavérique/solidement charpenté), (suffisance,
persifleur, insolence et sourire -2 fois évoqué dans le portrait) ces oppositions sont appuyés par
des liens logiques « petits mais pleins de flamme », « cependant », « pourtant », « qui contrastait ».

Portrait du Prince : Contraste avec le portrait de Rogojine, le sujet semble comme effacé. Tout
d’abord présenté par ses vêtements comme caché, enveloppé en eux, personnalité moins précise
et moins claire, difficile à cerner, passivité (sujet de verbe « subir », ou de verbes au passif « était
enveloppé » « n’était pas préparé »), les autres sujets désignant les vêtements. Jeu d’opposition :
Rogojine a chaud/ le Prince grelotte, blondeur du Prince (blancheur)/cheveux bruns de Rogojine,
yeux gris/yeux bleus, Robustesse de Rogojine/ maladie du Prince, regard agressif/regard doux,
hyper expressivité de Rogojine / regard « fixe » du Prince, « expression étrange ». Alors que le
portrait de Rogojine accumule les notations précises sur les traits de son visage, celui du Prince
39
III - Les amorces d’une tragédie – Un héros « inapte » au monde qui l’environne.
 Une humanité souffrante : lexique de la pauvreté de l’épuisement contraste avec un début de
roman, tout paraît déjà fini, atmosphère de fin du monde. Evocation du désespoir de Rogojine,
de sa souffrance, de la maladie du Prince

Le Bien et le Mal : haine et désespoir. Dostoïevski oriente le personnage de Rogojine vers son
héros shakespearien favori : Othello. Son physique est caractéristique : cheveux noirs et frisés,
nez large et épaté, pommettes saillantes, partie inférieure du visage grossière. Le Prince est
identifié au Christ (blondeur, maigreur, regard doux)

Une symbolique inquiétante : un héros qui semble inadapté au monde qui l’entoure
nombreuses notations sur ses vêtements qui ne le protègent pas assez, sensation d’une trop
grande fragilité du Prince (notation sur l’épilepsie accentue encore cette fragilité) renforcée par la
thématique de l’Etranger, « ces vêtements convenaient certes fort mal » « sa tenue convenait peu
au climat russe ». Le vêtement du Prince préfigure sa personnalité : épaisse pèlerine, énorme
capuchon, mais « sans manches » sensation d’un vêtement grotesque, incohérent, comme peut
apparaître le Prince aux gens qui l’entourent.

Dès le début du roman, indices d’un combat entre les forces du Bien et celles des Ténèbres,
mais le « soleil avait peine à percer ». Description du Prince inquiète : couleurs pâles « presque
blanche », nombreux indices mortifères : maladie et pâleur du Prince, blancheur de sa barbiche,
visage « incolore », ses yeux sont bleus mais son regard « fixe », la note finale sur son visage
« bleui par le froid » évoque irrésistiblement le visage d’un homme mort.
40
Texte 2 Spendeurs et misères des courtisanes, Honoré de Balzac, Première partie « Comment
aiment les filles », chapitre I, p.35-36, édition livre de poche
Lucien de Rubempré et Carlos Herrera (gravure. école française)
La sortie du bal masqué de l'Opéra en 1860. Auteur anonyme, La Semaine illustrée, 24 février 1860
41
Un spectacle des plus amusants est l’embrasement que produit à la porte, dès l’ouverture du bal,
le flot des jeunes gens qui s’échappent aux prises avec ceux qui y montent. Donc les hommes
masqués sont des maris jaloux qui viennent espionner leurs femmes, ou des maris en bonne fortune
qui ne veulent pas être espionnés par elles, deux situations également moquables. Or le jeune
homme était suivi, sans qu’il le sût, par un masque assassin, gros et court, roulant sur lui-même
comme un tonneau. Pour tout habitué de l’Opéra, ce domino trahissait un administrateur, un agent
de change, un banquier, un notaire, un bourgeois quelconque en soupçon de son infidèle. En effet,
dans la haute société, personne ne court après d’humiliants témoignages. Déjà, plusieurs masques
s’étaient montré en riant ce monstrueux personnages, d’autres l’avaient apostrophé, quelques jeunes
s’étaient moqués de lui, sa carrure et son maintien annonçaient un dédain marqué pour ces traits
sans portée : il allait où venait le jeune homme, comme va un sanglier poursuivi qui ne se soucie ni
des balles qui sifflent à ses oreilles, ni les chiens qui aboient après lui. Quoiqu’au premier abord le
plaisir et l’inquiétude aient pris la même livrée, l’illustre robe noire vénitienne, et que tout soit confus
au bal de l’Opéra, les différents cercles dont se compose la société parisienne se retrouvent, se
reconnaissent et s’observent. Il y a des notions si précises pour quelques initiés que ce grimoire
d’intérêts est lisible comme un roman qui serait amusant. Pour les habitués, cet homme ne pouvait
donc pas être en bonne fortune, il eût infailliblement porté quelque marque convenue, rouge,
blanche ou verte, qui signale les bonheurs apprêtés de longue main. S’agissait-il d’une vengeance ?
En voyant le masque suivant de si près un homme en bonne fortune, quelques désœuvrés revenaient
au beau visage sur lequel le plaisir avait mis sa divine auréole.
Introduction
Splendeurs et misères des courtisanes raconte l’ascension sociale et la chute d’un jeune provincial
ambitieux, Lucien de Rubempré. Idéalement beau mais d’un caractère faible, le héros est poussé
dans les milieux aristocratiques par un homme venu des bas-fonds, un ancien bagnard, qui réalise à
travers le jeune homme ses rêves de réussite. Dans cette première scène du roman, à travers une
description réaliste de l’événement mondain célèbre qu’était le Bal de l’Opéra, Balzac ménage une
entrée de « star » à son héros qui se détache d’une foule bigarrée, tout en restant anonyme pour le
lecteur. Mais, tout aussi anonyme et masqué de surcroît, un être étrange suit à la trace ce héros,
insinuant dans l’esprit du lecteur une inquiétude larvée : quel rôle joue cet être dans la vie du héros,
qui est le véritable héros ?
I - Une société du spectacle décryptée par un narrateur-guide
 Première phrase : description du bal caractérisée par le mouvement (« embrassement », « flot »,
s’échappent, montent), le nombre (pluriels), l’idée du divertissement et de la jeunesse : ce
mouvement lui-même est un spectacle. Un univers marqué par la foule et la confusion
abondance des pluriels qui désignent des catégories, (« jeunes gens », « hommes masqués »,
« plusieurs masques », « les différents cercles », « quelques initiés », « les habitués »)

Deux premières phrases au présent gnomique, présence d’un narrateur omniscient qui décrypte
la description pour le lecteur : révèle les identités cachées un homme masqué à l’Opéra.
Présence de ce narrateur en complicité avec le lecteur, « sans qu’il le sût », on en sait plus que le
personnage/héros.

Le cadre choisi : une scène de la vie parisienne La Comédie Humaine. Instantané de la société :
les masques révèlent « administrateur, agent de change, banquier, notaire, bourgeois » catégorie
sociale accumulation complexité et richesse des strates de la société, mais également
42

Distinguo entre « la haute société » sans masque, et les bourgeois ridicules (« moquables »)
masqués ( Esther et Herrera sont masqués, n’appartiennent pas à la haute société, contraints au
masque, personnages dont l’identité ne peut être révélée au grand jour )
II - Deux héros dont l’auteur soigne l’entrée comme celle de comédiens et qui jouent une partition à
deux voix
 Deux imageries concomitantes : nous sommes au carnaval, ici dans l’apparition du « masque
assassin » dominent les notations qui se rapportent aux grotesques (« gros et court roulant sur
lui-même comme un tonneau », « monstrueux personnage », comparaison avec le sanglier),
tandis que le texte emprunte pour le jeune homme des connotations divines (« divine
auréole »). On retrouve ici cette opposition (cf. extrait de l’Idiot) entre l’Enfer ( les grotesques
dans l’imagerie du Moyen-Age) et le Paradis. On trouve également l’opposition entre la
Beauté et la Laideur (beau visage/ laideur du Masque).

Apparition duelle : On ne cesse de passer du jeune homme au masque et du masque au
jeune homme annonce (nous sommes au début du roman) des relations qui uniront les deux
personnages, l’un est l’ombre de l’autre, son double inversé. Idée du couple déjà amorcée
dans la phrase 2. La proximité avec la phrase suivante désigne Lucien et Herrera comme un
couple. Les deux hommes sont réunis dans la proposition « il allait où venait le jeune
homme » structure en chiasme qui met les deux personnages en miroir

Mise en valeur des héros. Le Narrateur cherche à intriguer son lecteur, dans la présentation
de ses héros, en ne lui révélant pas tout de suite l’identité de ses deux personnages ; tour de
force du narrateur qui présente au lecteur des personnages qui lui sont déjà connus (Herrera
comme Lucien sont des personnages que le lecteur de Balzac a déjà rencontrés, Lucien dans
Illusions Perdues et Herrera dans Le Père Goriot). La mise en scène du passage les met en
lumière, ils se détachent dans leur différence par rapport au groupe. Tous les deux ignorent
la foule qui les entoure. Ce détachement est souligné par le « dédain » du masque vis-à-vis
des réactions qu’il suscite, quant au jeune homme, il s’échappe également de la foule
puisqu’il porte la « divine auréole » du plaisir.
III - Un mystère inquiétant
 Une énigme à déchiffrer : le Double de Lucien pose un problème de lecture aux habitués
(remarquer la similitude de construction entre « Pour tout habitué de l’Opéra » l. 6 et « Pour
les habitués », l. 17). Lexique du dévoilement, du déchiffrage difficile (« espionné »,
« trahissait », « annonçaient », « grimoire », « lisible ») , les habitués formulent des
hypothèses : 3 phrases consacrées à ces hypothèses, (« Pour tout habitué… », « Pour les
habitués… », « S’agissait-il d’une vengeance ? ») Usage de l’irréel (« eût infailliblement »l. 18).
Discours indirect libre le point de vue des habitués.

Une énigme inquiétante : l’incapacité des habitués à déchiffre l’identité du masque donne à
ce dernier une force inquiétante, cette foule, pourtant avertie (« les différents cercles dont se
compose la société parisienne se retrouvent, se reconnaissent et s’observent ») est mise en
43

Un extrait qui met en scène des relations ambivalentes et délétères. Le masque est qualifié
d’« assassin » on sait que Balzac a voulu cette ambiguïté sur le terme (voir note) qui annonce
la personnalité dangereuse de Trompe-la-Mort/Herrera, ancien bagnard, véritable assassin,
son masque le révèle. Le fait que le jeune homme ignore qu’il est suivi par le masque (« sans
qu’il le sût »), inquiète également, le lecteur est en droit de se demander, comme le badaud
du bal de l’Opéra, si cette poursuite ne tend pas à nuire au jeune homme, d’autant que cette
poursuite est effectuée « de si près » qu’elle ressemble presque à une menace, annonce de la
fin, même si Herrera joue dans cette scène un rôle de protecteur, il sera la cause de la mort
de Lucien.
44

Texte 3 : Le Horla de Guy de Maupassant (1887)
Le personnage est hanté par un être invisible qui le vampirise et le force à dépérir en se nourrissant
de son énergie. Cet être manifeste sa présence en buvant l’eau de son verre ou en cueillant une fleur
à ses côtés. Toutes les tentatives pour échapper à son emprise ayant échoué, le narrateur décide de
lui tendre un piège afin de le tuer.
Je le tuerai. Je l’ai vu ! Je me suis assis hier soir, à ma table ; et je fis semblant d’écrire avec une
grande attention. Je savais bien qu’il viendrait rôder autour de moi, tout près, si près que je pourrais
peut-être le toucher, le saisir ? [… ]
En face de moi, mon lit, un vieux lit de chêne à colonnes ; à droite, ma cheminée ; à gauche ma
porte fermée avec soin, après l’avoir laissée longtemps ouverte, afin de l’attirer ; derrière moi, une
très haute armoire à glace, qui me servait chaque jour pour me raser, pour m’habiller, et où j’avais
coutume de me regarder, de la tête aux pieds, chaque fois que je passais devant.
Donc je faisais semblant d’écrire, pour le tromper, car il m’épiait lui aussi ; et soudain, je sentis, je fus
certain qu’il lisait par-dessus mon épaule, qu’il était là, frôlant mon oreille.
Je me dressai, les mains tendues, en me tournant si vite que je faillis tomber. Eh bien ?…. on y voyait
comme en plein jour, et je ne me vis pas dans ma glace ! Elle était vide, claire, profonde, pleine de
lumière ! Mon image n’était pas dedans… et j’étais en face, moi ! Je voyais le grand verre limpide du
haut en bas. Et je regardais cela avec des yeux affolés ; et je n’osais plus avancer, je n’osais plus faire
un mouvement, sentant bien pourtant qu’il était là, mais qu’il m’échapperait encore, lui dont le corps
imperceptible avait dévoré mon reflet.
Comme j’eus peur ! Puis voilà que tout à coup je commençai à m’apercevoir dans une brume, au
fond du miroir, dans une brume comme à travers une nappe d’eau ; et il me semblait que cette eau
glissait de gauche à droite, lentement, rendant plus précise mon image, de seconde en seconde.
C’était comme la fin d’une éclipse. Ce qui me cachait ne paraissait point posséder de contours
nettement arrêtés, mais une sorte de transparence opaque, s’éclaircissant peu à peu.
Je pus enfin me distinguer complètement, ainsi que je le fais chaque jour en me regardant.
Je l’avais vu ! L’épouvante m’en est restée, qui me fait encore frissonner.
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Propositions de questionnaire préalable à l’étude du texte et devoir d’expression écrite en
prolongement.
Questionnaire
Compréhension de l’écrit
1. Le narrateur présente le récit de son aventure sous forme de journal intime.
a. Relevez dans le texte les indices qui le prouvent.
b. Pourquoi, à votre avis, utilise-t-il cette forme ?
2. a. Qui est selon vous le personnage évoqué par le narrateur ?
b. Comment le désigne-t-il ?
c. Décrivez les rapports que le narrateur entretient avec ce personnage.
3. Relevez les passages qui annoncent :
a. la venue du mystérieux personnage ;
b. le début du fantastique ;
c. la fin de la crise (retour à la normale)
4. a. Qu’entendez-vous par : la chose a « dévoré mon esprit »
b. Quelles sont les expressions qu’on peut associer au champ lexical de
« dévoré » ? justifier votre réponse
5. Justifiez les modalités verbales du premier paragraphe.
6. « Mes organes surexcités »
a. Donnez un synonyme de « surexcité »
b. Comment est formé le mot
c. Trouvez d’autres mots formé avec la particule « sur ».
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Production écrite
Sujet
Le texte s’achève sur le verbe « frissonner ». Ces frissons qui agitent encore l’auteur, nous indiquent
bien que nous n’avons pas vraiment quitté le monde du fantastique dans lequel la peur et l’angoisse
mènent la ronde.
-En vous inspirant de cette fin du texte, imaginez une suite fantastique à ce récit.
Plan de commentaire de texte
Introduction
Dans le Horla de Maupassant, le Double prend une dimension plus inquiétante encore puisqu’il est
un être surnaturel, menaçant la vie mentale du héros. Dans cette nouvelle fantastique, Maupassant
décrit le journal d’un être confronté à son double maléfique.
Le texte que nous proposons d’étudier est extrait de la seconde version de la nouvelle, il relate les
événements survenus lors de la soirée du 19 août. Le narrateur se trouve face à son double
angoissant qu’il tente de piéger
Nous assistons à travers une énonciation à la première personne qui renforce la proximité du danger
pour le lecteur à la description d’un phénomène étrange, où le surnaturel intervient dans un décor
réaliste et banal.
Il s’agit d’une scène d’affrontement qui se traduit par une lutte désespérée contre la mort, qui
formera le dénouement de la nouvelle.
I - Une scène d’affrontement
1. Mise en place du piège
2. Opposition clarté ténèbres
II - Une rencontre surprenante
1. Un adversaire sans visage
2. Une tension accrue (verbes à différents temps, récurrence des adverbes de temps qui
évoque une accélération)
3. La peur
III - L’Autre moi
1. Dédoublement du lecteur et du narrateur
2. Le miroir mise en miroir du texte (« transparence opaque » oxymore microstructure du
double)
3. Annonce de la folie
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MODALITES PRATIQUES
RENCONTRE ET/OU ATELIER DE PRATIQUE ARTISTIQUE EN DIRECTION DES
ÉLÈVES
En amont des représentations, le metteur en scène et/ou un comédien peuvent venir 1 à 4 heure(s)
dans votre classe parler du spectacle.
Le jour de la représentation, il nous est aussi possible d’organiser une rencontre avec l’équipe
artistique.
En direction des élèves de 3ème et des lycées :
Atelier de sensibilisation au Théâtre autour de la thématique du spectacle –
Exercices de training d’acteurs, improvisations - (2h ou 3h)
Un Atelier du regard - Etude des signes de la représentation et des codes de jeu, écriture de la mise
en scène, choix des costumes et création de la scénographie – (2h)
Un atelier d’interprétation - Mise en jeu de scènes choisis par le professeur et/ou le metteur en scène
ou comédien intervenant(s). (2x2h ou 3h)
Une rencontre avec le metteur en scène ou un acteur du spectacle autour de leur métier. (1h)
Intervenant dans vos classes : Laurence Andreini, Metteur en scène et/ou un comédien
Coût de l’heure d’intervention : aligné sur vos tarifs
Durée : de 3 à 4 heures
Lieu : à définir en fonction de la date et de l’atelier choisi
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SPECTACLE EN SOIREES (ou, sur demande, EN MATINEE)
Représentations à 21h15 - au Théâtre Belle Ville du mardi 15 octobre au dimanche 24 novembre inclus - relâche du 27 octobre au 5 novembre
Représentations scolaires possibles sur demande à 14h, les mardis 5, 12 et 19 novembre
Durée du spectacle : 2h
TARIFS
Le tarif jeune est de 10 euros + 2 invitations pour les professeurs
LIEU DU SPECTACLE : adresse et accès
THEATRE BELLE VILLE, 94 rue du Faubourg du Temple 75011 PARIS
Métro : Belleville
GENERALE PRESSE
Le 15 OCTOBRE 2013 à 21h15
Une soirée autour d’un verre où vous pourrez rencontrer l’équipe du Théâtre Amazone
Merci de nous confirmer votre venue avant le 30 septembre au plus tard
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CONTACT, INFORMATIONS & RÉSERVATION
Theatre AMAZONE – Cie Laurence Andreini
Théâtre de BELLE VILLE
Contact : Solène LEROY
Contact : Céline VIOLET
4, rue du Vélodrome – 17000 LA ROCHELLE
94 rue du Faubourg du Temple
Tél : 06 37 69 86 75
[email protected]
Tél : 01 48 06 72 34
[email protected]
www.theatreamazone.com
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