Diagnostic différentiel
Les aspects à prendre en consi-
dération dans le diagnostic diffé-
rentiel de la dépression sont les
troubles thyroïdiens et autres
troubles endocriniens, les effets
secondaires des médicaments, les
tumeurs malignes et les troubles
neurologiques. L’anxiété peut être
causée par des troubles thyroï-
diens, par divers médicaments,
dont des médicaments en vente
libre et des produits de phyto-
thérapie, et par l’abus de subs-
tances psychoactives.
Comme les symptômes an-
xieux sont courants chez les
personnes atteintes du TDM, il
est important de chercher aussi
des symptômes de comorbidités
psychologiques tels que le trou-
ble d’anxiété, le trouble bipolai-
re et la psychose. En fait, la U.S.
National Comorbidity Survey in-
dique que la dépression et le
trouble d’anxiété comorbides sont
la règle plutôt que l’exception
chez près de 60 % des personnes
atteintes de TDM.
Il est néanmoins impératif de
faire une anamnèse et un exa-
men physique, et de demander
toutes les épreuves de laboratoi-
re nécessaires afin de dépister
des maladies susceptibles de
provoquer une dépression. Il faut
aussi faire une revue des médi-
caments que prend le patient afin
de déterminer si certains d’entre
eux risquent d’exacerber des
symptômes dépressifs.
TRAITEMENT
On emploie habituellement les
termes réponse, rémission, re-
chute et récurrence pour décrire
le traitement du TDM. La répon-
se, définie comme une réduction
de 50 % des symptômes, a long-
temps été considérée comme un
résultat satisfaisant, mais par la
suite, on a plutôt visé la rémis-
sion ou l’absence relative de
symptômes (score inférieur à
7 sur l’échelle HAM-D) et un
retour au fonctionnement psy-
chosocial de départ (c.-à-d. un
rétablissement fonctionnel).
Le traitement comporte géné-
ralement deux phases (figure 2).
L’objectif de la phase aiguë, qui
dure de 8 à 12 semaines, est d’ob-
tenir la rémission des symptômes.
La phase d’entretien, d’une durée
d’au moins six mois, mais sou-
vent plus, vise à prévenir les
rechutes ou les récurrences.
La différence entre la rechu-
te et la récurrence est une ques-
tion de durée dans le temps: une
rechute est une exacerbation des
symptômes dépressifs se produi-
sant durant un même épisode de
dépression (c.-à-d. dans les six
mois suivant une rémission),
tandis qu’une récurrence est un
nouvel épisode dépressif se
produisant après une période de
rémission de six mois.
Éducation des patients
Comme la dépression est une ma-
ladie chronique cyclique, l’édu-
cation des patients joue un rôle
essentiel. Plusieurs importants
messages doivent être assimilés
par les patients dès le début du
traitement. Le premier est qu’ils
sont tous susceptibles de subir
des rechutes et que l’adhésion au
traitement et le respect des
rendez-vous de suivi sont indis-
pensables pour garantir des
progrès constants. Il faut égale-
ment expliquer aux patients que
les antidépresseurs ne sont pas
générateurs de dépendance, qu’il
faut les prendre tous les jours et
qu’il faudra attendre deux à quatre
semaines avant de commencer à
obtenir une réponse. Les patients
doivent aussi savoir que leurs
symptômes peuvent croître et dé-
croître, et qu’il ne faut pas cesser
de prendre les antidépresseurs,
même si on se sent mieux. Les
effets secondaires potentiels
doivent être passés en revue en
mettant particulièrement l’accent
sur le fait que des effets secon-
daires modérés sont courants,
mais qu’ils ne sont généralement
que temporaires.
Une évaluation régulière est
essentielle pour surveiller les
risques de suicide et pour détec-
ter le plus tôt possible des re-
ch ut e s p r é c o c e s o u d e s
rémissions partielles afin que le
traitement puisse être modifié
au besoin. Des mesures de résul-
tats valides doivent être utilisées
à tous les stades pour surveiller
la réponse au traitement.
De façon générale, les méde-
cins de première ligne ont ten-
dance à être moins intéressés
par l’obtention d’une rémission
que par un soulagement rapide
et une amélioration notable des
symptômes, tandis que les
psychiatres préfèrent se concen-
trer sur l’obtention d’une rémis-
sion. Mais ils opteront tous pour
un médicament qui soit à la fois
bien toléré pour favoriser l’adhé-
sion au traitement et suffisam-
ment efficace pour obtenir une
rémission et améliorer le bien-
être. L’impact de l’échec de
l’obtention d’une rémission est
important. Les patients qui
n’obtiennent pas une rémission
complète sont plus susceptibles
de devenir des dépressifs chro-
niques, de subir des rechutes et,
en fin de compte, de passer une
plus grande partie de leur vie
dans un état dépressif.
Une méta-analyse a montré
que les psychothérapies et les
traitements par antidépresseurs
fondés sur des données pro-
bantes sont tout aussi efficaces
pour les patients atteints de TDM
de léger à modéré. Pour les cas
graves, cependant, l’issue du trai-
tement est grandement améliorée
grâce à un traitement associant
pharmacothérapie et psychothé-
rapie. De plus, on sait que la pré-
férence des patients pour la psy-
chothérapie plutôt que pour les
antidépresseurs peut jouer un
rôle dans l’adhésion au traite-
ment (tableau 3).
Traitement pharmacologique
Les antidépresseurs les plus cou-
ramment prescrits sont les inhibi-
teurs sélectifs du recaptage de la
sérotonine (ISRS) et les inhibiteurs
du recaptage de la sérotonine-
noradrénaline (IRSN). Ce sont les
pierres angulaires de l’approche
pharmacologique. Les antidépres-
seurs atypiques, comme le bupro-
pion et la mirtazapine, sont égale-
ment couramment prescrits.
Pour choisir un antidépresseur,
on doit connaître l’historique du
traitement de la dépression du
patient et l’historique de ses ré-
ponses ou non-réponses à d’autres
antidépresseurs utilisés précé-
demment, et dresser la liste de ses
autres maladies et des médica-
ments sur ordonnance et en vente
libre qu’il prend.
L’étude STAR*D
L’étude randomisée STAR*D (Se-
quenced Treatment Alternatives
to Relieve Depression), menée
dans 18 cabinets de médecine gé-
nérale et dans 23 services de con-
sultations psychiatriques exter-
nes, a comparé les résultats à long
terme de divers traitements appli-
qués à des malades externes pré-
sentant un TDM non psychotique.
L’objectif principal de l’étude était
de déterminer quels traitements
sont les plus efficaces quand un
premier traitement pharmacolo-
gique n’a pas donné une réponse
satisfaisante.
Les patients ont d’abord été
traités par le citalopram en mono-
thérapie. Si les symptômes de-
meuraient après 8 à 12 semaines
de traitement, jusqu’à 4 autres
niveaux de traitement étaient pro-
posés, dont une thérapie cogni-
tivo-comportementale (TCC) et
d’autres médicaments. Aucun
placebo n’a été utilisé.
Au niveau 2, les sujets pou-
vaient choisir entre, d’une part,
changer de traitement pour le
bupropion à libération prolon-
gée, la sertraline ou la venlafaxi-
ne, et, d’autre part, opter pour la
TCC ou pour une augmentation
de la dose de citalopram asso-
ciée au bupropion, à la buspiro-
ne ou à la TCC.
Les sujets qui n’avaient tou-
jours pas obtenu de rémission se
sont vu proposer les choix de
traitement du niveau 3, soit chan-
ger de médicament pour la mirta-
zapine ou la nortriptyline, ou y
ajouter du lithium, de la triiodo-
thyronine, de la sertraline ou de
la venlafaxine. Le niveau 4 com-
prenait le passage à la tranylcy-
promine ou à une association de
mirtazapine et de venlafaxine.
Au niveau 1, environ un tiers
des participants ont obtenu une
rémission et 10 % à 15 % ont réagi
sans toutefois obtenir de rémis-
sion. Au niveau 2, dans le groupe
des sujets qui ont changé de
médicament, les symptômes ont
disparu chez environ 25 % des
participants. Les trois nouveaux
médicaments ont donné à peu
près les mêmes résultats et ont
tous été aussi sécuritaires et bien
tolérés. Dans le groupe où des
médicaments ont été ajoutés, les
symptômes ont disparu chez envi-
ron un tiers des participants. La
TCC figurait aussi au niveau 2 en
tant que traitement de remplace-
ment ou d’appoint, mais les résul-
tats n’avaient pas été publiés au
moment de mettre sous presse.
Au niveau 3, les symptômes
ont disparu chez 12 % à 20 % des
participants et les deux médica-
ments utilisés ont à peu près
donné les mêmes résultats, ce qui
laisse penser qu’il n’y a pas eu
d’avantage clair pour l’un ou
l’autre des médicaments en ma-
tière de taux de rémission ou
d’effets secondaires. Au niveau 4,
les symptômes ont disparu chez
7 % à 10 % des participants sans
différences significatives sur le
plan statistique entre les médi-
caments pour ce qui est de la
rémission, du taux de réponse ou
des effets secondaires.
Globalement, les symptômes
ont disparu chez environ la moitié
des sujets de l’étude STAR*D après
deux niveaux de traitement. Sur
l’ensemble des quatre niveaux de
traitement, les symptômes ont
Le trouble dépressif majeur
LISTE MNÉMONIQUE SIGECAPS DES CRITÈRES DU TDM
S: Sommeil perturbé (insomnie, hypersomnie)
I: Intérêt (perte de l’intérêt, du plaisir et de la joie de vivre)
G: Grand sentiment de culpabilité et autodénigrement
E: Énergie diminuée et fatigue
C: Concentration (problèmes de)
A: Appétit modifié (diminué = perte de poids; accru = gain de poids)
P: Psychomotricité perturbée (ralentissement psychomoteur ou agitation)
S: Suicide (pensées suicidaires)
Tableau1
FACTEURS DE RISQUE DE SUICIDE
Psychosociaux Historiques Cliniques/Diagnostiques
Premières Nations Tentative de suicide antérieure Désespoir
Sexe masculin Antécédents familiaux de suicide Psychose
Âge avancé Antécédents familiaux d’utilisation Problème médical
Célibataire de substances Abus de substances
ou personne vivant seule
Tableau2
Les effets secondaires
sont associés à l’abandon
précoce du traitement.