la situation dans la troupe inspire bon nombre de personnages goldoniens2
vers l’avant-scène du texte, trace de manière nette les contours d’une grande
part de sa genèse.
L’image n’est pas si incongrue si l’on songe un seul instant à la part
non négligeable du paratexte explicatif goldonien en coulisse (au sens
quasiment propre du terme) de ses comédies. Nous en voulons pour preuve
en premier lieu bien sûr Il teatro comico où Goldoni-Orazio ouvre la « porta
di dietro » et les affres de sa réforme au public par une « poétique mise en
action »3, puis les textes des Introduzioni4 aux saisons théâtrales (1753-
1761) qui mettent en scène concrètement leur inauguration ; d’une certaine
manière aussi La cameriera brillante, sorte de symétrique contre-manifeste
d’ouverture au San Luca qui fait écho au texte manifeste du Sant’Angelo. Et
enfin et surtout, les Prefazioni Pasquali (aussi appelées Memorie italiane)
qui représentent en somme l’ultime lever de rideau, tant côté jardin que côté
cour, sur les ficelles de la création goldonienne.
Mais au-delà des ficelles ouvertement déclarées, ou plus exactement
du paratexte ayant cette fonction, les comédies goldoniennes recèlent aussi
les traces, entre les lignes, de l’histoire de leur genèse. Il nous appartiendra
ici d’en déceler les indices plus ou moins manifestes, du Servitore di due
padroni jusqu’aux années françaises.
À l’instigation d’Antonio Sacchi, Goldoni écrit en 1746 Il servitore di
due padroni. Non seulement l’auteur reconnaît dans l’Autore a chi legge
l’avoir ébauchée « espressamente per lui », mais surtout que « mi ha egli
medesimo l’argomento proposto »5, euphémisme qui dissimule mal à quel
point l’acteur est bien co-auteur de la comédie initiale, sous forme de pacte
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
2 Ainsi, la Baccherini est à l’origine, en 1743, du modèle de La donna di garbo ; le
Pantalon Golinetti fonde la trilogie de Momolo au San Samuele qui deviendra L’uomo di
mondo, Il prodigo et La bancarotta. La gastalda est écrite pour Maddalena Marliani en
1751, Cesare D’Arbes inspire Il frappatore, I due gemelli veneziani, pour ne citer que
quelques exemples parmi les plus significatifs.
3 Ginette Herry, Le Théâtre comique, Paris, Imprimerie Nationale, 1990, p. 9-70 et Carlo
Goldoni, Mémoires, II, VII, Paris, Aubier, 1992, p. 267.
4 Voir Carlo Goldoni, Introduzioni, prologhi, ringraziamenti, Prefazioni e polemiche, éd.
Roberta Turchi, vol. 2, Venezia, Marsilio, 2011.
5 Il servitore di due padroni, L’Autore a chi legge, Venezia, Marsilio, 2011, p. 111.
Demandée par Sacchi en 1745, la pièce n’est publiée qu’en 1753, soit 8 ans après, chez
l’éditeur Paperini.