L`INSUFFISANCE RESPIRATOIRE CHRONIQUE

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FACULTE de MEDECINE - UNIVERSITE LOUIS PASTEUR - STRASBOURG
Service de Réanimation Médicale
1999-2000
Pr J.D. Tempé
L'INSUFFISANCE RESPIRATOIRE
CHRONIQUE
DECOMPENSEE (IRCD) (QI n°101)
Pr J.D. Tempé
Objectifs assignés aux étudiants :
- savoir reconnaître cliniquement une décompensation aiguë d’une insuffisance
respiratoire chronique
- savoir dépister cliniquement une hypoventilation alvéolaire aiguë ou subaiguë
- savoir lire des gaz du sang et surveiller leur évolution sur un diagramme de
Davenport
- savoir reconnaître les signes (cliniques et paracliniques) justifiant le transfert en
réanimation d’un malade en insuffisance respiratoire chronique décompensée
- connaître les modalités de l’assistance respiratoire d’un insuffisant respiratoire
chronique (avantages, inconvénients, risques)
- connaître les moyens thérapeutiques médicaux (hors assistance ventilatoire)
permettant de traiter un insuffisant respiratoire chronique
- connaître les médicaments contre-indiqués chez un insuffisant respiratoire chronique
- savoir prescrire une kinésithérapie respiratoire chez un insuffisant respiratoire
chronique
- connaître les moyens de prévention des décompensations cardiaque et respiratoire
chez un insuffisant respiratoire chronique
- savoir le pronostic d’une assistance respiratoire chez un insuffisant respiratoire
chronique (en particulier après intubation et ventilation mécanique contrôlée)
I. Introduction
Les IRCD sont des insuffisances respiratoires aiguës survenant chez des insuffisants
respiratoires chroniques. Elles constituent la variété la plus fréquente de détresse respiratoire.
Leur incidence exacte est difficile à chiffrer mais étroitement liée à la morbidité de la
bronchite chronique qui va en augmentant. Certaines statistiques avancent qu'elles sont
responsables de 1 à 3 % de la mortalité globale et d'environ 10 % des décès survenant chez les
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hommes de plus de 50 ans. Les IRCD tuent autant que l'infarctus du myocarde. Une centaine
de décompensations graves sont traitées annuellement dans les deux services de Réanimation
Médicale du CHU de Strasbourg. Les formes moins sévères sont prises en charge en
Pneumologie, en Médecine, en Cardiologie.
II. Etiologies des IRCD
Ce sont celles des IRC. Elles sont dominées par les broncho-pneumopathies chroniques
obstructives (BPCO) qui représentent environ 80 % des causes d'IRCD et sont la 3ème cause
de mortalité en Europe.
A. Causes pulmonaires
Ce sont les broncho-pneumopathies chroniques ou pulmonaires chroniques.
1) La bronchite chronique, cause essentielle , représente 9/10e des pulmonaires
chroniques. Elle atteint plus fréquemment l'homme que la femme (4 hommes pour
une femme).
2) L'emphysème pulmonaire : on compte environ 1 emphysémateux pour 20
bronchiteux. Le plus souvent, il s'agit d'emphysème diffus "centrolobulaire" se
développant
sur
une
broncho-pneumopathie
chronique;
parfois
il
s’agit
d'emphysème localisé, d'emphysème du vieillard ou encore d'emphysème
idiopathique destructif panacineux.
3) Fibroses pulmonaires : elles sont rares, de causes diverses, elles peuvent être soit
primitives (maladie de Hamman Rich), soit secondaires au cours de : collagénoses,
sarcoidoses, carcinomatoses, pneumopathies toxiques ou médicamenteuses, etc...)
4) Les bronchopneumopathies d'origine diverse telles que les séquelles de tuberculose
pulmonaire étendue (dont la fréquence a fortement régressé), les poumons
cardiaques, les maladies asthmatiques évoluées, les bronchectasies, les kystes
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bronchogéniques, les pneumoconioses (asbestoses, beryllioses et surtout silicoses),
les exérèses pulmonaires...
B. Les causes non pulmonaires
a) IRC d'origine pariétale (atteinte des constituants de la paroi thoracique)
Il peut s'agir :
-
d'IRC d'origine neuromusculaire : séquelles de poliomyélite, myopathie, dystrophie
neuromusculaire...
-
d'atteintes du squelette thoracique : scoliose, gibbosité, spondylarthrite ankylosante,
thoracoplastie....
-
d'atteintes pleurales : pachypleurites fibreuses ou calcifiées étendues.
b) Les hypoventilations alévolaires d'origine centrale :
Il peut s'agir d'atteinte dégénérative, vasculaire ou inflammatoire du centre respiratoire
(syndrome de Shy et Drager, syndrome de la "malédiction d'Ondine"...)
c) Les obésités et les syndromes Pickwickiens : les maladies des apnées du
sommeil...
d) Le myxoedème sévère, exceptionnel de nos jours.
III. Circonstances d’installation de la décompensation
A. IRCD d'installation progressive , insidieuse, sans facteur déclenchant
apparent ; elle représente l'aboutissant d'une dégradation progressive de l'échangeur
pulmonaire associé à un épuisement des muscles respiratoires. Son pronostic est
habituellement grave, puisqu'en dehors de la mise au repos des muscles respiratoires par des
techniques d'assistance ventilatoire, les moyens thérapeutiques restent réduits.
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B. IRCD d'installation rapide ou brutale le plus souvent à la suite d'un facteur
déclenchant. Il peut s'agir :
a) De causes pulmonaires et thoraciques
-
Les infections bronchopulmonaires : ce sont les causes de loin les plus fréquentes,
ayant fréquemment pour origine une virose des voies respiratoires compliquée d'une
surinfection bactérienne : bronchite aiguë, bronchite suppurée qui peuvent
comporter des atteintes parenchymateuses associées, bronchopneumonies ou
pneumonies.
-
Embolies pulmonaires : leur diagnostic est souvent cliniquement difficile à affirmer
d'autant plus qu'il peut s'agir de petits embols itératifs. Elles sont souvent
confondues avec des foyers infectieux.
-
Il peut s'agir enfin de complications diverses : tels un pneumothorax, un
épanchement pleural, un traumatisme thoracique (une simple fêlure costale peut
expliquer une décompensation d'une IRC), une insuffisance ventriculaire gauche, un
oedème aigu du poumon...
b) Les causes extra-pulmonaires
Les causes médicamenteuses et iatrogènes.
Elles sont parmi les plus fréquentes des causes extra-pulmonaires. Elles peuvent
constituer un rôle aggravant des causes pulmonaires.
•
L'oxygénothérapie nasale mal conduite et insuffisamment surveillée chez un
insuffisant respiratoire chronique sévère, hypercapnique, peut précipiter la
décompensation en supprimant le stimulus essentiel du centre respiratoire qu'est
l'hypoxémie.
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•
Les dépresseurs centraux tels que barbituriques, tranquillisants, neuroleptiques,
volontiers prescrits en raison de l'insomnie ou l'agitation de ces malades liés à
l'encéphalopathie respiratoire débutante ; il peut s'agir de morphiniques, codéine,
antitussifs : tous ces dépresseurs centraux peuvent entraîner une décompensation à
doses thérapeutiques , et a fortiori à l'occasion d'un surdosage volontaire ou
accidentel.
•
Les diurétiques : ils retentissent sur l'équilibre ionique et acidobasique.
Les diurétiques alcalinisants provoquent une fuite de chlore, de sodium, de
potassium et d'eau, et une rétention compensatrice de bicarbonate. Ils déterminent une
alcalose métabolique hypochlorémique et hypokaliémique. Cette alcalose métabolique
entraine une légère dépression des centres respiratoires et de ce fait une majoration de
l'hypercapnie.
Les diurétiques acidifiants (l'acétazolamide : DIAMOXR) : ils favorisent
l'élimination urinaire des bicarbonates et la réabsorption des ions hydrogènes. Ils génèrent une
acidose métabolique. Cet effet est bénéfique si le malade est capable de compenser cette
acidose métabolique par une hyperventilation. Lorsque le malade est dans l'incapacité de
réaliser une hyperventilation compensatrice, il va en résulter une aggravation de l'acidose
puisqu'à l'acidose respiratoire viendra s'ajouter une acidose métabolique (fig 1).
Les antialdostérones n'ont que peu d'effet sur l'équilibre acidobasique.
•
Les corticoïdes : ils favorisent la déplétion potassique et agissent dans le même sens
que des diurétiques alcalinisants.
− Les complications neurologiques et tout particulièrement les accidents vasculaires
cérébraux peuvent constituer des causes graves de décompensation.
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− Toute intervention chirurgicale en particulier sur le thorax et l'abdomen peut être à
l'origine d'une décompensation dans laquelle peuvent intervenir l'anesthésie
générale, la plaie opératoire, la douleur post-opératoire, le décubitus, qui sont autant
de facteurs susceptibles de réduire la ventilation et l'expectoration.
− Les traumatismes et en particulier les polytraumatismes.
− La décompensation peut être la conséquence d'un accroissement des besoins en
oxygène de l'organisme à l'occasion d'un épisode fébrile, d'une crise convulsive,
d'une hyperthyroïdie, d'un accroissement d'activité physique, d'une augmentation
des apports nutritionnels avec hyperproduction de CO2.
− L'altitude : toute montée en altitude est accompagnée d'une réduction de la pression
inspiratoire en O2 et d'une réduction de la PaO2. Ainsi chez le sujet normal respirant
de l'air ambiant la PaO2 de 100 mmHg au niveau de la mer, ne sera plus que de 77
mmHg à 1500 m et de 58 mmHg à 3000 m
IV. Signes cliniques et paracliniques
A. Signes cutanéo-muqueux : deux signes essentiels
a) La cyanose : elle traduit l'hypoxémie, elle est généralisée et apparaît lorsque la
quantité d'hémoglobine désaturée au niveau du sang artériolo-capillaire est supérieure à 5 g
pour 100 ml de sang (elle est précoce chez le polyglobulique, tardive voire absente chez
l'anémique).
b) L'hypercrinie : elle traduit l'hypercapnie et plus particulièrement l'hypercapnie
aiguë. On peut noter : des sudations profuses, prédominant au niveau de la face, une injection
conjonctivale,
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B. Signes respiratoires : variables selon l'étiologie de l'IRC, la cause déclenchante
et le stade évolutif de la décompensation.
a) La dyspnée : il s'agit d'une dyspnée permanente avec orthopnée. Toutes les variétés
de dyspnée, de fréquence et de rythme respiratoire peuvent être observées. Le plus souvent il
s'agit d'une trachypnée superficielle. L'apparition d'une respiration paradoxale, est un signe de
gravité qui peut évoluer progressivement vers une respiration anarchique, des gasps et une
apnée.
b) Le tirage et les battements des ailes du nez traduisent l'intensité de l'hypoxémie.
c) La réduction et l'inefficacité de la toux : ils sont facteurs d'aggravation de
l'encombrement bronchique.
d) La réduction des volumes pulmonaires et en particulier de la capacité vitale facile à
mesurer au lit du malade. Une capacité vitale inférieure à 1500 ml est un signe de gravité.
C. Signes circulatoires
Toute IRC retentit sur l'appareil circulatoire et en particulier le coeur droit dont le
travail est accru aboutit au coeur pulmonaire chronique.
Le coeur pulmonaire chronique est la conséquence de deux facteurs essentiels :
-
une augmentation des résistances pulmonaires par vasoconstriction pulmonaire
d'origine hypoxique et par réduction du lit vasculaire pulmonaire consécutivement
à la fibrose, l'emphysème ou aux microthrombi, ou encore par endartérite primitive
ou secondaire.
-
un accroissement du débit cardiaque qui est un mécanisme compensateur pour
assurer une oxygénation tissulaire suffisante chez l'insuffisant respiratoire
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chronique . Au cours d'une poussée de décompensation le coeur pulmonaire
chronique peut présenter des signes de coeur pulmonaire aigu qui se traduit :
a) Cliniquement par
- une tachycardie sinusale (100 à 120 cp/mn), une turgescence jugulaire, une
hépatomégalie douloureuse, un reflux hépatojugulaire, un signe de Harzer, parfois des
oedèmes des membres inférieurs . A l'auscultation on note un assourdissement des bruits du
coeur, un éclat de B2 au foyer pulmonaire qui traduit l'hypertension artérielle pulmonaire et
parfois un galop droit ou un souffle systolique d'insuffisance tricuspidienne.
b) Des signes électrocardiographiques : les signes électrocardiographiques de coeur
pulmonaire chronique sont majorés lors des poussées de décompensation et l'on peut noter :
-
une augmentation des signes de surcharge droite
-
des signes ischémiques au niveau des précordiales droites
-
la survenue de troubles du rythme (présents dans 40 % des cas lors des poussées).
Il s'agit le plus souvent d'arythmies d'origine auriculaire (extrasystoles, flutter,
fibrillation auriculaire, tachycardie jonctionnelle), parfois de troubles de la
conduction auriculo-ventriculaire, parfois enfin il s'agit d'arythmie ventriculaire
(extrasystoles, tachycardie ventriculaire).
Ces troubles du rythme s'expliquent par la mise en jeu de différents facteurs :
-
mécaniques telle qu'une distension aiguë du coeur droit
-
électrolytiques (hypokalicytie)
-
l'hypoxie, l'hypocapnie, l'acidose
-
l'insuffisance coronarienne ou encore une hypersécrétion de catécholamines.
c) Conséquences hémodynamiques
Les explorations hémodynamiques réalisées au cours des poussées de décompensations
mettent
en
évidence
une
hypertension
artérielle
pulmonaire.
Cette
hypertension
caractéristique du coeur pulmonaire chronique est majorée lors des poussées, mais régressive
avec elle.
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La pression capillaire normale au cours du coeur pulmonaire chronique est augmentée
lors des poussées de décompensation traduisant une dysfonction ventriculaire gauche
associée.
Enfin, le débit et l'index cardiaque sont parfois augmentés lors de l'insuffisance
respiratoire chronique et en particulier lors des poussées de décompensation. Il s'agit de ce fait
d'une "insuffisance cardiaque à haut débit" qui s'oppose aux signes de l'insuffisance
ventriculaire gauche ou au stade terminal de l'insuffisance ventriculaire droite qui réalisent
une insuffisance à bas débit.
D. Les signes neuropsychiques
Ils réalisent l'encéphalopathie respiratoire . L'encéphalopathie respiratoire est la
conséquence de l'hypoxémie, de l'hypercapnie, de l'acidose, de l'hyperammoniémie, des
troubles électrolytiques qui peuvent entraîner un certain degré d'oedème cérébral et
d'hypertension intracranienne. Cette encéphalopathie métabolique, est à distinguer de la
carbonarcose (hypercapnie isolée) ou de l'encéphalopathie hypoxique.
a) Les troubles de la conscience
Ils évoluent en 4 stades :
-
stade I : signes fonctionnels mineurs ; ce sont des céphalées occipito-frontales, des
insomnies nocturnes contrastant avec une somnolence diurne, des troubles de
l'attention. Ces signes sont souvent méconnus et peuvent entraîner la prescription
de sédatifs. L'hospitalisation est indiquée dès ce stade.
-
stade II : ce sont des troubles de la vigilance qui viennent se surajouter aux
troubles précédents : troubles psychiques mineurs, troubles de la mémoire ,
ralentisement intellectuel, irrascibilité.
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-
stade III : ce sont des troubles psychiques majeurs : un syndrome confusionnel
avec désorientation temporo-spatiale, une somnolence pouvant alterner avec des
phases d'agitation.
-
stade IV : est un stade de coma léger, d'un coma vigil, (puisque le malade est
éveillable), ou un état de torpeur profonde. L'existence d'un coma profond doit
faire rechercher des facteurs associés ou aggravants telle que la prescription de
sédatifs, d'oxygénotharapie ou la survenue d'un accident neurologique.
b) Les signes neurologiques
Les gestes sont maladroits, la démarche instable ou impossible. Un des signes les plus
précoces réside dans l'apparition de troubles de l'écriture. On peut noter :
-
des tremblements fins des extrémités, un asterixis (flapping tremor) aussi
caractéristique de l'encéphalopathie respiratoire que de l'encéphalopathie
hépatique.
-
des hypertonies : hypertonie extrapyramidale ou hypertonie pyramidale.
Les crises convulsives et les déficits moteurs (hémiplégie) traduisent une complication
neurologique cérébrale intercurrente.
c) Les signes sensoriels :
Ils peuvent comporter une baisse de l'acuité auditive (hypoacousie) et de l'acuité
visuelle. L'examen ophtalmologique peut montrer : une injection conjonctivale, un chémosis,
un oedème palpébral, un larmoiement, une exophtalmie uni- ou bilatérale, un déficit de la
convergence, qui signent le plus souvent l'hypercapnie chronique.
Enfin le fond d'oeil peut montrer une cyanose, des veines dilatées et parfois un oedème
rétinien et papillaire.
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d) L'EEG
On décrit 4 stades de gravité croissante à l'EEG. Ces tracés sont caractérisés par un
ralentissement diffus avec désorganisation de l'activité électrique. Le plus souvent il n'y a pas
de spécificité de ces tracés.
e) Le LCR
Il est hypertendu.
E. Signes rénaux
Lors de l'IRC il existe une adaptation du rein à l'hypercapnie chronique grâce à une
réabsorption accrue des bicarbonates. C'est le "rein pulmonaire".
Au cours de l'IRCD peut apparaitre une insuffisance rénale fonctionnelle (oligurie,
protéinurie modérée, azotémie aux environs de 30 mmol/l, diminution de la clairance de la
créatinine et de l'urée). Cette insuffisance rénale est liée à l'hypoxémie. Elle est rapidement
réversible dès normalisation des gaz du sang.
F. Signes hépatiques
La souffrance hépatique résulte de deux mécanismes : la stase d'origine circulatoire et
l'hypoxémie. Cette atteinte hépatique se manifeste par des perturbations biologiques ; des
signes de cytolyse, des signes d'insuffisance hépato-cellulaire avec abaissement des facteurs
du complexe prothrombinique et parfois une cholestase modérée. L'élévation de
l'ammoniémie régulièrement retrouvée est proportionnelle à l'intensité de la désaturation oxyhémoglobinée.
G. Troubles hydroélectrolytiques
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Les troubles électrolytiques sont complexes, ils résultent de la conséquence des
perturbations de la fonction rénale, et des mesures thérapeutiques (diurétiques...).
Le profil ionique le plus fréquemment rencontré consiste en une tendance à
l'hyperkaliémie ; la natrémie peut être normale, augmentée ou diminuée et dépend de l'état
circulatoire et de l'hydratation ; l'hypochlorémie est habituelle, consécutive à une réabsorption
accrue des bicarbonates sous l'effet de l'hypercapnie prolongée. Elle peut être majorée par la
prescription de diurétiques alcalinisants.
H. Hématologie
L'hématocrite est élevé. Il existe une polyglobulie parfois associée à une
hémoconcentration à l'occasion des poussées. La volémie est le plus souvent augmentée de
l'ordre de 20 à 50 %. Cette élévation porte aussi bien sur la masse globulaire que sur le
volume plasmatique. Enfin, l'hypercoagulabilité sanguine est fréquente favorisée par
l'augmentation de la masse globulaire, et de la stase sanguine.
a) Equilibre acido-basique et gaz du sang
L'équilibre acido-basique est apprécié par la mesure de la PaCO2, du pH, et des
bicarbonates dont les valeurs doivent être inscrites sur le diagramme de Davenport ou sur le
diagramme de Van Ypersele de Strihou. Les malades en IRCD figurent dans la zone d'acidose
respiratoire située entre la zone de confiance de l'hypercapnie aiguë et la zone de confiance de
l'hypercapnie chronique. La PaCO2 est comprise entre 60 et 90 mmHg, le pH artériel entre
7,35 et 7,20, le taux des bicarbonates plasmatiques entre 30 et 40 mmol. Si le malade est
soumis à une oxygénothérapie la PaCO2 peut atteindre des valeurs considérables dépassant
100 mmHg.
L'importance de l'hypoxémie est appréciée par la mesure de la PaO2 et de la SaO2. La
PaO2 à l'air ambiant est inférieure à 50 mmHg et parfois effondrée à moins de 30 mmHg. La
saturation est toujours inférieure à 80 % et peut atteindre 50 %. Saturation et PaCO2 peuvent
être projetées sur le diagramme SaO2-PaCO2.
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Une SaO2 inférieure à 75 %, une PaO2 inférieure à 50 mmHg, une PCaCO2 supérieure
à
60 mmHg, un pH inférieur à 7,30, constituent des signes de gravité biologique d'une
insuffisance respiratoire.
V. Traitement
Le traitement essentiel est préventif. Il devrait se situer en amont de la réanimation :
-
prévention et traitement des maladies respiratoires chroniques et de l'IRC
-
prévention des facteurs de décompensation
Toute poussée de décompensation respiratoire doit être hospitalisée dans une unité de
surveillance continue ou de réanimation.
A. Le traitement médical
Le traitement médical appliqué à un malade en position semi-assise comporte les
mesures suivantes :
a) L'oxygénothérapie administrée le plus souvent par sonde nasale, en continue, à
faible débit (o,5 à 1,5 l/mn) sous surveillance régulière des gaz du sang (la technique de choix
est réalisée par la mesure en continue de la SpO2 et de la PCO2 transcutanée du fait des
risques d'une majoration de l'hypercapnie (hypoventilation) par réduction du stimulus de
l'hypoxie sur les centres respiratoires et aggravation des anomalies du rapport VA/Q.
b) Antibiothérapie : l’infection respiratoire est de règle, souvent le facteur déclenchant,
l'antibiothérapie doit être quasi systématique. Le choix de l'antibiotique tiendra compte du
niveau de l'infection respiratoire (trachéobronchique ou parenchymateuse), de l'origine de la
contamination (communautaire ou nosocomiale), et dès que possible du résultat de l'examen
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bactériologique et de l'antibiogramme. Macrolides ou Pénicilline A peuvent constituer des
antibiotiques de première intention.
c) Bronchodilatateurs et anti-inflammatoires doivent être utilisés pour réduire le
syndrome obstructif. Leur utilisation doit se discuter dans chaque cas particulier en fonction
de la gravité du bronchospasme, du bénéfice thérapeutique, et des effets secondaires
potentiels.
-
La théophylline et ses dérivés : administrées de préférence en perfusion continue
avec surveillance du taux thérapeutique a en plus de ses effets bronchodilatateurs,
des propriétés analeptiques centrales, circulatoires et diaphragmatiques.
-
Les corticoïdes par leur action anti-inflammatoire et antibronchoconstrictives
améliorent le syndrome obstructif. Malgré sa grande efficacité sur le syndrome
obstructif la corticothérapie ne s'impose pas systématiquement et devra tenir compte
des contre-indications.
-
Les bétamimétiques : à l'exception des maladies asthmatiques, ils ont en général peu
d'efficacité chez les bronchiteux chroniques ; leur emploi ne se justifie qu'après un
test thérapeutique positif.
d) La kinésithérapie respiratoire a deux objectifs : favoriser la toux et l'expectoration
: ("toux et l'expectoration dirigées"), et augmenter la ventilation, ("ventilation dirigée"). Elle
n'est efficace que chez un malade en état de coopérer.
e) Aérosolothérapie et fluidifiants bronchiques peuvent constituer des mesures
d'appoint.
f) Analeptiques respiratoires : les analeptiques centraux ont des effets thérapeutiques
nuls ou minimes par rapport à leurs inconvénients (augmentation de la consommation en
oxygène, agitation, convulsion, tachycardie...). Le seul analeptique dont l'indication est à
discuter est l'Almitrine (Vectarion) qui améliore la ventilation et réduit les anomalies du
rapport VA/Q. L'almitrine agit par l'intermédiaire des chémorécepteurs périphériques sur les
centres inspiratoires et entraîne une augmentation de l'activité des muscles respiratoires. Son
utilisation est de ce fait souvent délétère en présence d'un syndrome obstructif ou chez un
malade épuisé.
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g) Traitement déplétif : il ne se justifie qu'en présence d'une surcharge manifeste :
-
saignée en présence d'une hypervolémie associée à une polyglobulie importante
-
diurétiques choisis de manière à ne pas aggraver les perturbations acido-basiques
et électrolytiques. Les diurétiques alcalinisants sont en général contre-indiqués et
le choix se portera sur l'acétazolamide (DIAMOX) ou une spirolactone. La
normalisation des gaz du sang par la ventilation mécanique déclenche le plus
souvent, sans apport de diurétique, une bonne reprise de la diurèse.
h) Tonicardiaques : la normalisation des gaz du sang constitue le meilleur
cardiotonique en réduisant le travail cardiaque. Les tonicardiaques ne se justifient qu'en cas
d'insuffisance cardiaque refractaire à l'oxygénothérapie.
i) Antiarythmiques : les troubles du rythme répondent le plus souvent à l'amélioration
des gaz du sang. L'administration d'antiarythmiques, rarement justifiée, ne se conçoit qu'après
correction des troubles métaboliques et respiratoires.
j) Anticoagulants : sauf contre-indication, une prévention des complications thromboemboliques doit être systématiquement appliquée, la méthode de choix étant réalisée par
l'héparinothérapie en perfusion veineuse continue.
k) Apports hydroélectrolytiques et nutritionnels : l'apport hydroélectrolytique et
nutritionnel doit être adapté en fonction de l'état d'hydratation et des perturbations
électrolytiques. Le choix de la voie d'abord (parentérale ou entérale) est à discuter en fonction
de l'état du patient, les apports caloriques en fonction de la dépense énergétique et de l'état
nutritionnel.
Rappelons enfin, la contre-indication formelle que constitue l'administration de soluté
alcalinisants à des patients en acidose respiratoire aiguë.
B. Le traitement instrumental comporte
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a) L'intubation trachéale : (de préférence naso-trachéale) elle nécessite chez un
malade asphyxique d'être réalisée par un médecin expérimenté selon une technique
rigoureuse.
L'intubation permet :
-
le rétablissement de la liberté des voies aériennes
-
la suppression de l'encombrement bronchique par les bronchoaspirations et la
réalisation de la ventilation mécanique.
b) La ventilation mécanique
Soit : - ventilation mécanique non invasive (masque) (malade coopérent et non
encombré)
Soit : - ventilation mécanique après intubation trachéale
La ventilation doit être réalisée au moyen d'un ventilateur "lourd" "performant" ; on
réalise une ventilation mécanique contrôlée en pression positive intermittente. La mise sous
ventilation mécanique peut entrainer un collapsus tensionel ("collapsus de reventilation") lié à
une correction trop rapide de l'hypercapnie.
Ce collapsus peut être prévenu par l'utilisation de faibles volumes de ventilation
associés à une FiO2 élevée, et corrigé par un remplissage vasculaire ou une perfusion de
dopamine.
c) Indications de l'intubation et de la ventilation mécanique
-
Indications formelles : basées essentiellement sur l'état clinique du patient
- état asphyxique avec une ventilation spontanée superficielle voire nulle
- effondrement de la capacité vitale inférieure à 1 l
- encombrement bronchique avec inefficacité de la toux
- troubles de la conscience : encéphalopathie respiratoire au stade III et IV
- troubles circulatoires majeurs, troubles du rythme, insuffisance coronaire,
insuffisance ventriculaire gauche aiguë.
En ce qui concerne les gaz du sang , il n'existe pas de limite précise de la dégradation
des gaz du sang qui impose la ventilation artificielle. Celle-ci est cependant quasi formelle
lorsque la PaCO2 est supérieure à 70 mmHg et la PaO2 inférieure à 50 mmHg.
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En l'absence d'indication formelle d'emblée, l'intubation et la ventilation mécanique,
seront décidées en fonction des résultats du traitement médical apprécié en continu sur des
critères cliniques, spirométriques et biologiques. L'absence d'amélioration et a fortiori
l'aggravation de l'état respiratoire et circulatoire en dépit d'un traitement médical bien conduit,
imposent formellement la réanimation instrumentale. Une sédation est souvent nécessaire au
cours des premiers jours de ventilation mécanique.
d) Durée de la ventilation et évolution à court terme.
La durée moyenne de la ventilation se situe entre une et deux semaines. Il existe en
réalité de grandes variations et le sevrage peut être excessivement difficile, voire impossible.
On peut distinguer trois possibilités évolutives :
-
Evolution favorable : malade pour lequel le sevrage du ventilateur peut être réalisé
en moins de 15 jours et sans complication.
-
Evolution intermédiaire : sevrage difficile nécessitant une ventilation mécanique
continue ou discontinue prolongée durant plusieurs semaines, la mise ne place
d'une trachéotomie. Certains patients peuvent être justiciables d'une trachéotomie
prolongée ou définitive, d'une ventilation intermittente ou continue. Leur retour à
domicile peut être envisagé grâce à une prise en charge par une association telle
l'ADIRAL.
-
Evolution défavorable et décès : du fait de complications diverses : infectieuses,
thromboemboliques,
défaillance
cardiaque,
pneumothorax,
complications
digestives, neurologiques...
I.
Résultats du traitement et facteurs pronostiques
Les poussées de décompensation qui réagissent rapidement au seul traitement médical
ont un taux de mortalité qui se situe entre 5 à 10 %. Lorsque la décompensation nécessite le
recours aux techniques de réanimation instrumentale, la mortalité d'une poussée asphyxique
est de l'ordre de 20 - 30 %. Le pronostic est plus défavorable dans les emphysèmes
panlobulaires primitifs. Des facteurs de pronostic défavorable sont : un âge supérieur à 70 ans,
FACULTE de MEDECINE - UNIVERSITE LOUIS PASTEUR - STRASBOURG
Service de Réanimation Médicale
1999-2000
Pr J.D. Tempé
les décompensations d'installation progressive (correspondant habituellement à un
emphysème), l'existence de tares viscérales associées (cirrhose, insuffisance cardiaque,
insuffisance rénale...) la survenue de complications évolutives, une encéphalopathie
respiratoire , absence de récupération d'une capacité vitale antérieure (courbe de restitution de
la capacité vitale).
En revanche, le degré de perturbation des gaz du sang à l'admission, le nombre de
décompensations antérieures n'ont pas de valeur pronostique.
La survie à 5 ans reste médiocre, elle est de l'ordre de 20 %.
Pour en savoir plus :
- Recommandations pour la prise en charge des bronchopneumopathies chroniques
obstructives. (Société de Pneumologie de Langue Française). In : Revue des Maladies
Respiratoires 1997, supplément 2 ; 14 : 2S11-2S30.
- L’assistance ventilatoire au cours des décompensations aiguës des insuffisances respiratoires
chroniques de l’adulte : XIIIème conférence de Consensus de la Société de Réanimation de
Langue Française. In : Réanimation – Urgences 1995, volume 4, n°1bis pp 61-156, Texte long
de la conférence pp 61-68
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