PRÉFACE
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Premièrement, les différences entre l’expression orale et écrite, bien que
considérables, ne sont pas aussi profondes qu’on le suppose communément. Il
n’y a pas de ligne de démarcation nette entre la littérature orale et la littérature
écrite, et quand on veut les différencier — comme on a souvent tenté de le
faire — il apparaît qu’il y a constamment des chevauchements entre les deux
catégories. En linguistique, on a essayé de décrire une syntaxe de la langue
parlée distincte de la langue écrite. Mais on a constaté que les différences
consistent plutôt en « un plus ou moins » au sein des différences statistiques
qu’on peut étudier dans des corpus. Le noyau de la syntaxe, par contre ne se
distingue pas entre la langue écrite et la langue parlée. On ne peut pas exclure,
par exemple, l’apparition d’un marqueur discursif, typique pour la langue par-
lée, dans la langue écrite. De la même manière, des structures typiquement
écrites peuvent apparaître dans la langue parlée.
Deuxièmement, il faut étudier la pluralité des oralités et des écritures dans
les corpus. Cela implique des analyses statistiques et quantitatives, mais aussi
des analyses qualitatives qui peuvent mener à des modèles de l’oralité et de
l’écriture. Il y a déjà 25 ans que Peter Koch et Wulf Oesterreicher ont attiré
l’attention sur les incidences de l’opposition entre l’aspect médial et l’aspect
conceptionnel. Si l’on examine de façon systématique ce que signifient les ter-
mes d’oral et d’écrit, on constate qu'ils ont chacun deux acceptions qu’il faut
soigneusement distinguer. D’une part, la distinction entre l’oral et l’écrit peut
coïncider avec celle de deux moyens de communication: l’émetteur et le récep-
teur communiquent soit par la voie phonique, soit par l’intermédiaire de signes
graphiques. D’autre part, si l’on parle à propos d’une conférence universitaire
de langage scriptural, ou si l’on décèle dans une lettre familière des traits
d’oralité, on ne se réfère de toute évidence pas à la réalisation phonique ou
graphique de l’énoncé, mais à l’aspect conceptionnel. L’oralité et l’écriture
conceptionnelles ne dépendent alors pas du médium, mais correspondent à une
variation alternative de l’activité langagière humaine, engendrée par la diver-
sité des conditions situationnelles et des buts communicatifs.
Troisièmement, les médias ont produit des formes particulières de l’oralité
conceptuelle dont l’influence sur le développement de la langue reste à étudier.
On connaît la large réception des bandes dessinées et des slogans de publicité
qui utilisent des moyens de la langue parlée. Le langage des SMS et des chats
a subi des changements qui ne manqueront pas d’avoir une influence sur la lan-
gue généralement utilisée. L‘usage de moyens de la langue parlée est aussi
caractéristique de l’oralité simulée.
Dans ce volume, nous avons réuni différentes perspectives de travail et dif-
férentes conceptions de l’oralité et de l’écriture: approches linguistiques des
marqueurs de l’oralité et de l’écriture et de la relation entre l’oralité et
l’écriture dans l’histoire des langues ; approches pédagogiques de l’enseigne-
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ment de l’écriture et de l’oralité dans l’enseignement de langues étrangères ;
études sur l’utilisation de l’oralité simulée dans la littérature.
Nous avons suivi le principe selon lequel chacun s’exprime dans la langue
qu’il manie le mieux parmi les langues romanes, l’anglais et l’allemand, tout
en respectant le principe de l’intercompréhension, pour l’oral et surtout pour
l’écrit.
Finalement, nous voudrions surtout remercier tous ceux sans lesquels ce vo-
lume n’aurait pas été possible. L’Université Franco-Allemande a subventionné
le collège doctoral et ainsi le colloque et ce volume. Nous remercions les doc-
torants qui ont corrigé les articles et tous ceux qui les ont relus et évalués.
Potsdam, im Juli 2012
Gerda Haßler, Cordula Neis