2 le Cerveau 1/2017
Editorial
Les enfants souffrant
de troubles du dévelop-
pement de type
autistique sont déroutés
par les mimiques et
les émotions.
Source: iStockphoto
Les enfants apprennent à différencier,
à interpréter et à admettre leurs
sentiments, mais supportent mal la
frustration jusqu’à leur entrée à l’école.
Source couverture: iStockphoto
La «Semaine du cerveau»
va avoir vingt ans!
Chère lectrice, cher lecteur,
En 1990 George Bush senior procla-
mait aux États-Unis la «Décennie du
cerveau». Si elle n’eut pas les résultats
révolutionnaires que l’on en attendait,
elle fit du moins comprendre combien
il est important que le public soit in-
formé de la recherche sur le cerveau.
Six ans plus tard, une fondation amé-
ricaine, la Dana Foundation, créait la
«Semaine du cerveau».
La première à être organisée en Suisse
eut lieu en mars 1998. Ce fut une véri-
table sensation que de voir des cher-
cheurs descendre de leur tour d’ivoire
et s’adresser au public, se rendre dans
des écoles et inviter des élèves à visiter
leurs laboratoires. Cela fait déjà 20
ans qu’ils vous parlent chaque année
des progrès réalisés dans le domaine
des neurosciences et que vous voyez
cette discipline aller de découverte en
découverte sur le cerveau et ses mala-
dies. Trouver contre celles-ci des trai-
tements efficaces est le but déclaré de
la recherche.
Notre programme annexé vous montre
la diversité des projets de recherche
conduits en Suisse. Entièrement con-
sacré à cet anniversaire, le numéro
spécial du magazine «le Cerveau»
vous explique les problématiques sur
lesquelles travaillent les neuroscien-
tifiques. Vous trouverez en outre sur
notre site Internet www.cerveau.ch
le programme détaillé des manifesta-
tions qui vous seront proposées dans
les différentes villes de Suisse.
Je vous souhaite une agréable lecture!
Dr Béatrice Roth
Membre du comité de la Ligue suisse
pour le cerveau
en âge, plus il est difficile de bien ap-
prendre une langue.
L’envers de la médaille
La plasticité cérébrale peut cepen-
dant devenir problématique lorsqu’un
enfant vit dans un environnement
néfaste. Un stress ininterrompu et
accablant peut par exemple avoir
sur lui des effets dommageables, sur-
tout durant les premières années de
vie. Un autre exemple d’effet négatif
que peut avoir la plasticité cérébrale
sont les douleurs fantômes consécu-
tives à l’amputation d’un membre. La
Suisse compte plusieurs institutions de
recherche où l’on étudie la plasticité
cérébrale chez des enfants sains et des
enfants souffrant de troubles neuro-
développementaux tels que la préma-
turité, le stress pré- ou postnatal ou
des aberrations du profil génétique.
Les émotions, ça s’apprend
Au fur et à mesure que le cerveau se
construit et se modifie, se développent
chez l’enfant des compétences cogni-
tives, émotionnelles et sociales. Très
tôt apparaissent chez lui des capacités
lui permettant d’identifier, de com-
prendre et de réguler ses émotions. La
faculté de distinguer les expressions
faciales s’observe dès la première an-
née. À sept mois, l’enfant est capable
de faire la différence entre certaines
émotions et comprend comment se
manifestent la colère ou la tristesse.
Il sait, dès l’âge de deux ans, catégo-
riser certaines émotions de base et
apprend qu’elles ne s’expriment pas
toujours avec la même intensité et
qu’elles peuvent avoir des causes dif-
férentes. Plus tard, vers la préadoles-
cence, apparaîtront chez lui des stra-
tégies de régulation émotionnelle; il
apprendra par exemple à endurer des
frustrations. De la même façon que les
compétences émotionnelles se mani-
festeront des compétences sociales;
de plus en plus discriminantes, elles
lui permettront d’attribuer à autrui
des intentions, des convictions ou des
désirs. A l’âge de trois ans, l’enfant
sait que l’on peut vouloir ou ressen-
tir des choses différentes. Vers l’âge
de quatre ou cinq ans, il comprend
que les individus agissent selon leur
propre conception du monde, quand
bien même celle-ci ne serait pas for-
cément en adéquation avec la réalité.
Des études de la cellule
à l’humain
De l’acquisition de ces compétences
dépend en partie quelle sera plus tard
la socialisation d’une personne. Ces
implications intéressent également la
recherche sur le cerveau pratiquée en
Suisse. Dans l’arc lémanique, cher-
cheuses et chercheurs étudient plus
particulièrement les effets que les
compétences émotionnelles et sociales
peuvent avoir sur les performances
scolaires et les comportements so-
ciaux. Ils s’efforcent aussi de mieux
comprendre, grâce à ce travail, l’ori-
gine de troubles du développement
tels que l’autisme, maladie se manifes-
tant généralement par un déficit de la
capacité à comprendre les intentions
d’autrui ainsi qu’à exprimer et réguler
ses émotions. La recherche s’intéresse
également aux mécanismes cellulaires
et moléculaires qui accompagnent le
développement du cerveau, de même
qu’à ceux qui sont à l’origine des
retards ou des troubles du dévelop-
pement.