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"Intégrer les pays d'Europe centrale" dans Le Monde (9 décembre 1994)
Légende: Le 9 décembre 1994, le quotidien français Le Monde publie un article de Raymond Barre, ancien Premier
ministre français et Bronislaw Geremek, historien et homme politique polonais, qui reviennent notamment sur le rôle
moteur du groupe de Visegrád en ce qui concerne l’intégration des pays d'Europe centrale et orientale (PECO) dans
l'Union européenne.
Source: Le Monde. dir. de publ. Lesourne, Jaques. 09.12.1994, n° 15511, 51e année. Paris. "Intégrer les pays d'Europe
centrale", auteur:Barre, Raymond; Geremek, Bronislaw , p. 2.
Copyright: (c) Le Monde
URL: http://www.cvce.eu/obj/integrer_les_pays_d_europe_centrale_dans_le_monde_9_decembre_1994-fr-e29d779312e9-42fd-bac0-8c48e8e1a996.html
Date de dernière mise à jour: 03/07/2015
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Intégrer les pays d’Europe centrale
Revenant sur les propositions d'une conférence tenue à Bruges au début de l'été, Raymond Barre et
Bronislaw Geremek proposent une stratégie afin de réussir l'intégration des pays de l'Europe centrale
dans l'Union européenne. Le Français et le Polonais plaident pour la création d'une Organisation
d'experts, mandatée par les gouvernements pour formuler des propositions.
Il y a quelques mois, le 27 juin, des personnalités de quatre pays de l'Europe centrale - Hongrie, Pologne,
Slovaquie, République tchèque - occupant des postes de haute responsabilité, se réunissaient à Bruges afin
de mettre en œuvre un processus tendant à surmonter les obstacles qui subsistent encore sur la voie de
l'adhésion de leurs pays à l'Union européenne.
Elles ont relevé en particulier la nécessité d'une stratégie bien définie, et qui a fait jusqu'ici défaut, en vue de
préparer de part et d'autre l'intégration des pays de l'Europe centrale dans l'Union européenne. Elles ont aussi
souligné les difficultés actuelles de la communication entre les parties concernées qui conduisent à des
perceptions erronées de la situation ou à des craintes non fondées vis-à-vis des conséquences de cette
intégration. Elles ont encore noté l'absence d'une réelle approche concertée de questions d'intérêt commun
comme la modernisation des infrastructures, la sauvegarde de l'environnement, les restructurations de
certaines activités ou encore l'harmonisation de certaines réformes. Même si les transformations encours
dans ces pays en vue de leur passage complet à l'économie de marché ont acquis désormais un caractère
irréversible et sont, à bien des égards, très positives. Ces lacunes, s'il n'y est pas remédié, peuvent
compromettre la réalisation du grand dessein de l'intégration européenne des pays considérés.
Ce grand dessein, pour être pleinement exécuté, implique aujourd'hui une stratégie d'approche et
d'adaptation réciproque qui devra être acceptée à la fois par l'Union européenne et par les pays aspirant à y
adhérer. Cette stratégie devra être élaborée de concert par les candidats à l'adhésion, mais cela ne requiert
pas pour autant, que l'on préconise un traitement collectif de ces candidats par l'Union européenne,
traitement collectif dont ils ne veulent pas.
Les pays considérés restent, en effet, fortement attachés à leur indépendance en ce qui concerne les
négociations avec l'Union européenne: celles-ci, aujourd'hui, ne peuvent être conçues que de façon
bilatérale. Mais une communauté d'intérêt serait souhaitable. Une communauté d'intérêt entre pays qui, loin
d'être les semeurs de désordre comme on les présente parfois à l'opinion occidentale, partagent la même
volonté de passer à l'économie de marché et de rejoindre les autres nations de l'Union européenne. Ils l’ont
prouvé par les succès qu’ils ont déjà obtenus, par leur propre action et sans aucun conflit intérieur, dans le
domaine économique et par l’acceptation anticipée des règles de conduite appliquées par l’Union
européenne. Une telle communauté d'intérêt implique la possibilité et, au-delà, la nécessité de rechercher
ensemble des solutions aux problèmes, souvent identiques, qui se posent sur le chemin de la transformation
en cours.
En travaillant ensemble, en montrant qu'ils peuvent coopérer dans certains domaines, ces pays veulent aussi
donner plus de crédibilité à leur candidature à l'adhésion à l'Union européenne à un moment où cette
crédibilité est parfois mise en doute. Á cet égard, ils peuvent prendre comme référence l'organisation qui
s'est constituée face au plan Marshal en Europe, en 1948, l'OECE (Organisation européenne de coopération
économique), et s'inspirer de l'exemple de coopération réussie qui a été donné par les pays dé l'Europe
occidentale au lendemain de la seconde guerre mondiale.
C'est pourquoi, à Bruges, les représentants de ces pays ont décidé de proposer à leurs gouvernements et à
l'Union européenne de créer une organisation légère et flexible d'experts, qui, sans être explicitement une
structure intergouvernementale, serait soutenue et mandatée par les gouvernements afin de effectuer des
analyses et de formuler des propositions qui pourraient beaucoup faciliter les rapports entre l'Union
européenne et les pays de l'Europe centrale.
Cette organisation pourra oeuvrer selon trois axes principaux: contribuer à surmonter les obstacles qui se
dressent sur le chemin de l'intégration européenne des pays candidats de l’Europe centrale notamment en ce
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qui concerne leurs exportations vers l'Union européenne; trouver, ensemble, les solutions aux problèmes que
pose à ces pays la difficile et souvent douloureuse transition vers l’économie de marché, sans accepter
aucune intervention extérieure; faciliter le développement de leurs relations économiques avec l’Union
européenne, mais aussi entre eux, et contribuer à traiter ensemble des questions transfrontalières
(communications et autres infrastructures environnement, etc.) de manière à assurer leur mise à niveau pour
l'adhésion à l'Union européen.
En réalisant ce projet, les pays considérés se proposent, ainsi de donner un exemple de coopération
régionale, réalisé d’abord sur la base du noyau Visegrád, mais qui pourra être suivi par d'autres pays de la
région. Nous appelons donc les gouvernements concernés des pays d l'Europe centrale et les responsables de
l'Union européenne, Commission et gouvernement des Etats membres, à soutenir une initiative qui nous
apparaît opportun et important pour l'avenir de l'Europe.
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