Les gouvernements sont en train de devenir trop petits pour les

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« Les gouvernements sont en train de devenir trop petits pour les grands
problèmes et trop grands pour les petits problèmes ». Daniel Bell.
© 2009 Joël Hermet
Introduction :
Dans son livre, Le modèle français, grandeur et décadence, Jacques Lesourne évoque le déclin
de la souveraineté des Etats en raison de l’internationalisation des marchés, et des entreprises, de la
multiplicité des acteurs internationaux, des NTIC. Il ajoute que « Simultanément, dans les pays
développés, la décentralisation érode le pouvoir des administrations centrales. Communes,
départements et régions choisissent et financent une part significative des investissements publics,
fondent des écoles, cherchent à attirer des entreprises étrangères. » (p. 80).
Effectivement, de nos jours le rôle des Etats semble pris en tenaille par le haut avec la
mondialisation et la montée des pouvoirs supranationaux, et par le bas avec la montée des pouvoirs
régionaux et de la société civile. C’est ce double mouvement qu’exprime la phrase du sociologue
américain Daniel Bell. Il représente une rupture fondamentale avec les deux ou trois siècles précédents
qui avaient marqué l’apogée de l’Etat-nation. Le rôle des gouvernements, entendu comme l’ensemble
des personnes et des services chargés du pouvoir exécutif au sein d’un Etat, est contesté.
L’enjeu du sujet concerne donc la modification de l’horizon des Etats, la place de l’Etat-nation.
En quoi y a-t-il une disproportion entre le niveau d’intervention de l’action étatique et l’échelle des
problèmes rencontrés ? L’échelon national est-il encore pertinent pour traiter les problèmes actuels ?
I) Les gouvernements sont trop petits pour les grands problèmes
Outil de raisonnement : la suppléance.
Idée générale : les grands types de problèmes se posant à l’échelle internationale peuvent être mieux
résolus au niveau supranational car l’union fait la force.
A – Les problèmes économiques :
- la récession : la relance budgétaire dans un seul pays ne fonctionne pas (multiplicateur en économie
ouverte très faible) d’où l’idée d’une relance dans un cadre régional (l’UE par exemple) ou mondial
(idée présente lors de la préparation du G20 d’avril 2009).
- l’instabilité monétaire et financière : gestion de l’euro par la BCE, institution supranationale, ce qui
permet une crédibilité accrue de la politique monétaire, la suppression des fluctuations de change, une
baisse de la prime de risque sur les taux d’intérêt ; intervention du FMI lors des crises financières,
signature des accords de Bâle en 1988 (ration Cooke), idée de taxe Tobin
- le protectionnisme : rôle de l’OMC avec son tribunal pour avancer vers le libre-échange via le
multilatéralisme, rôle des unions douanières et des zones de libre-échange
B – Les problèmes politiques :
- les conflits militaires : rôle de l’ONU, l’OTAN
- le terrorisme (rôle des NTIC), les trafics d’armes, de drogue, d’hommes : Interpol et Europol
- le développement des armes nucléaires : traité de non prolifération des armes nucléaires (1968)
- le non respect des droits de l’homme : rôle de la Cour Pénale Internationale (1998)
C – Les problèmes de société :
- la pollution : protocole de Kyoto (1997), le marché des émissions de CO2 en Europe en 2005
- le non respect des normes sociales : rôle du BIT
- l’aide aux pays pauvres : rôle de la Banque mondiale, de la Cnuced, objectif des pays riches de verser
0.7% du PIB aux pays pauvres (théorie du big push de R. Nurske)
La résolution de ces problèmes à l’échelle internationale entraîne l’essor des zones
d’intégration régionales, des organisations, traités et accords internationaux, de la co-souveraineté des
Etats. Mais symétriquement les Etats sont concurrencés « par le bas ».
II) Les gouvernements sont trop grands pour les petits problèmes
Outil de raisonnement : la subsidiarité.
Idée générale : la centralisation est inefficace, il faut laisser les acteurs de terrain opérer. Ici, les petits
problèmes sont ceux qui peuvent être réglés à un niveau inférieur à celui du gouvernement.
A – Les problèmes économiques
- lien avec l’ordo-libéralisme allemand : l’Etat fixe seulement les règles du jeu ; dans ce cadre les
entreprises sont capables de produire efficacement si on leur en laisse la liberté. L’Etat étant souvent
un mauvais actionnaire et un mauvais stratège.
- exemple du chômage : l’action de Etat est relativement inefficace (Cf. Bastiat et sa critique des
emplois publics comme moyen de créer de l’emploi) ; par contre la baisse des charges et la liberté
contractuelle permettraient de créer des milliers d’emplois.
- exemple de la fiscalité : la concurrence fiscale entre Etats (USA) ou cantons (Suisse) peut permettre
une meilleure adéquation entre l’offre et la demande de biens publics
B – Les problèmes sociaux
- relations professionnelles : intérêt du paritarisme et des négociations décentralisées entre patronat et
syndicats pour traiter les questions de salaires et de conditions de travail (modèle rhénan). Est-ce à
l’Etat de fixer le montant des salaires, des bonus, des stocks options ?
- sécurité sociale : constat de crise de l’Etat providence (Rosanvallon) ; les acteurs locaux peuvent
faire aussi bien voire mieux que l’Etat par la mise en concurrence des caisses d’assurance, le rôle des
fondations privées, la départementalisation de certaines aides (RMI en France) permettant de mieux
évaluer les besoins, d’assurer un suivi plus serré, d’impliquer plus fortement les acteurs
- éducation : la concurrence scolaire permet d’améliorer la qualité des écoles, les mauvaises écoles
doivent s’améliorer sous peine de disparaître, systèmes des vouchers ; cf. aussi la réforme Pécresse de
l’Université en 2008 visant à accroître les liens avec les entreprises
C – Les problèmes politiques
- essor du fédéralisme (rôle des Länders en Allemagne, des régions autonomes en Espagne, en Italie et
en Belgique), de la décentralisation en France (Loi Defferre de 1982), éclatement de certains Etats
(Tchécoslovaquie, Yougoslavie, URSS).
- gestion des problèmes de Police et de Justice (peine de mort aux USA)
- gestion des questions de société (avortement, drogue, etc.)
La résolution de ces problèmes peut se trouver facilitée par l’action des collectivités locales, des
associations, des fondations, des communautés, des entreprises, de la société civile plus généralement.
III) Cependant, les hommes de l’Etat tentent de conserver leurs prérogatives
A – Le refus de partager le pouvoir au niveau international
Céder sa liberté à une entité plus large est-il une bonne chose ? Le souverainisme, le manque
d’efficacité de la coopération internationale, la peur d’un Etat mondial tentaculaire et liberticide.
B – Le refus de déléguer le pouvoir à la société civile
L’étatisme, le dirigisme, le désir de réglementer.
C – Pourquoi une tendance à la croissance de l’Etat à long terme ?
Effet cliquet (Peacock et Wiseman), effet du jeu électoral (Public Choice), effet sécurisant en temps de
crise (l’Etat nounou, Mathieu Laine).
Conclusion : * Substitution ou empilement des échelons de pouvoir politique (Cf. le cas français) ?
* Déclin de l’Etat ou au contraire formation d’un super Etat mondial (le Léviathan) ?
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