UNIVERSITÉ DE NANTES UFR SCIENCES PHARMACEUTIQUES ET BIOLOGIQUES ____________________________________________________________________________ ANNÉE 2015 N° 004 THÈSE pour le DIPLÔME D’ÉTAT DE DOCTEUR EN PHARMACIE par Cécile Duval Née le 02 janvier 1992, à Vannes (56) ----------------------------------------- Présentée et soutenue publiquement le 27 mars 2015 Expertise pharmacologique en psychiatrie: un regard spécialisé pour optimiser la prise en charge médicamenteuse des troubles de l’humeur complexes Président : Madame Virginie FERRE, Professeur de Virologie – Praticien Hospitalier Directrices de thèse : Madame Anne SAUVAGET, Psychiatre - Praticien Hospitalier Madame Caroline VICTORRI-VIGNEAU, Maitre de Conférence des Universités de Pharmacologie Clinique – Praticien Hospitalier Membres du jury : Monsieur Samuel BULTEAU, Psychiatre - Chef de Clinique Monsieur Cyrille MOREAU, Docteur en Pharmacie Monsieur Jean-Marie VANELLE, Professeur de Psychiatrie – Praticien Hospitalier Remerciements Je tiens tout d’abord à remercier toutes les personnes qui ont contribué à l’élaboration de cette thèse et qui acceptent de juger ce travail Caroline Victorri-Vigneau, Je souhaite vous exprimer ici mes plus sincères remerciements. Vous m’avez non seulement accompagnée dans la mise en place de ces consultations pharmacologiques et dans la rédaction de cette thèse mais vous avez également fait preuve d’une disponibilité et d’une écoute sur des sujets qui me tenaient à cœur. J’espère avoir la chance de travailler de nouveau avec vous dans l’avenir. Anne Sauvaget, Je vous remercie d’avoir accepté d’encadrer cette thèse. Vous avez enrichi mon stage et ce travail de votre expertise en psychiatrie. Malgré la distance, votre dynamisme n’a cessé de m’accompagner. Madame Le Doyen Virginie Ferré, Vous me faites l’honneur de présider ce jury. Que ce soit sur les bancs des amphithéâtres, au sein de votre laboratoire ou lors de conseils universitaire, vous avez toujours placé l’épanouissement et la réussite des étudiants de cette faculté au cœur de vos préoccupations. Je vous exprime ici mon profond respect. Monsieur le Professeur Jean-Marie Vannelle, Mon stage au sein de votre service a été très formateur. Vous m’avez d’abord accordé votre confiance lors de la mise en place du projet, et aujourd’hui vous acceptez de prendre place dans ce jury ; soyez assuré de mes vifs remerciements et de mon plus grand respect. Samuel Bulteau, Je vous remercie pour la qualité de votre accueil durant ce stage et pour vos qualités humaines. Complétant mon approche pharmaceutique, vous avez su me faire découvrir des aspects passionnants de la psychiatrie. M. Moreau Votre présence dans ce jury vient compléter la formation que vous m’apportez au quotidien dans votre officine. Je vous remercie pour votre accompagnement dans ces derniers moments de formation. Anne Pichot et Pierre Valrivière, J’ai eu le plaisir de collaborer avec vous : sans vous, ce travail aurait été beaucoup plus difficile. Je vous remercie pour votre écoute, votre dynamisme et votre bonne humeur. Je souhaite également remercier ceux qui m’ont aidé à être le pharmacien que je deviens Les enseignants de l’UFR des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques de Nantes qui ont su nous transmettre leur passion et leur savoir. Tous les pharmaciens qui m’ont fait confiance et ont pris le temps de me former sur le terrain : M. et Mme Boëdec, M. Guieu, Mme Moreau, M. Patin, ainsi que leurs équipes. Vous m’avez montré un beau visage de la pharmacie et donné envie suivre vos pas. Les équipes du CHU de Nantes m’ayant accueillie au cours de cette 5 ème année AHU : l’équipe de la feu PUI de l’hôpital St Jacques et tout particulièrement Brigitte Maulaz, le service de virologie de l’Hôtel Dieu. Le service des relations internationales de l’UFR des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques de Nantes. Au-delà de l’enrichissement personnel qu’ils m’ont apporté, les stages à l’étranger m’ont permis de découvrir un autre visage de la pharmacie. Le département de pharmacie de l’Hôpital Maisonneuve Rosemont : les pharmaciens, les assistants techniques et les étudiants. Vous m’avez fait découvrir une autre façon d’exercer la pharmacie. Le professeur Hildgen et son équipe (Axe Formulation et Analyse du médicament du laboratoire de nanotechnologie pharmaceutique de la faculté de Pharmacie de l’Université de Montréal), pour leur accueil le temps d’un stage, et notamment Valéry Aoun pour notre collaboration. Tous les professionnels de santé avec qui j’ai pu collaborer. Le travail en équipe est un excellent moteur de découvertes et d’apprentissage. Ensuite, je souhaite remercier ceux qui ont fait de ces années d’étude ce qu’elles ont été et ce qu’elles vont devenir La promo 2015, et le groupe B en particulier, La corpo, le bureau auquel j’ai appartenu, et ceux qui nous ont succédé. Les membres de la team pharma, Cosette, puisque le début de mes années pharma marque aussi le début de notre amitié. Je sais que je peux continuer à compter sur ton soutien. Enfin, je souhaite remercier ceux qui ont toujours été là Mes parents, pour tout. Je vous aime Mes frères et sœurs : Sophie, Thomas et Claire et les nouveaux membres de la famille qu’ils ont apportés : Franck, Angélique, Arsène et Archibald. Table des matières Liste des abréviations .................................................................................................................. I Liste des figures ......................................................................................................................... III Liste des tableaux ...................................................................................................................... IV Liste des annexes........................................................................................................................ V Introduction................................................................................................................................ 1 1 Partie théorique et clinique ............................................................................................... 3 1.1 Les principaux troubles de l’humeur .......................................................................... 3 1.1.1 Syndrome dépressif ................................................................................................ 4 1.1.1.1 Epidémiologie ............................................................................................... 4 1.1.1.2 Description clinique ...................................................................................... 4 1.1.1.3 Physiopathologie ........................................................................................... 5 1.1.2 Trouble bipolaire .................................................................................................... 5 1.1.2.1 Epidémiologie ............................................................................................... 5 1.1.2.2 Description clinique ...................................................................................... 6 1.1.2.3 Physiopathologie ........................................................................................... 7 1.1.3 Principales comorbidités psychiatriques des troubles de l’humeur ...................... 7 1.1.3.1 Troubles anxieux et phobiques ..................................................................... 7 1.1.3.1.1 Epidémiologie ........................................................................................... 7 1.1.3.1.2 Description ............................................................................................... 8 1.1.3.1.3 Physiopathologie ...................................................................................... 9 1.1.3.2 Les troubles addictifs .................................................................................... 9 1.1.3.2.1 Données épidémiologiques ...................................................................... 9 1.1.3.2.2 Description ............................................................................................. 10 1.1.3.2.3 Physiopathologie .................................................................................... 11 1.1.3.3 1.2 Une forme frontière : le trouble schizo-affectif ......................................... 12 Classes médicamenteuses impliquées dans le traitement des troubles de l’humeur 12 1.2.1 Antipsychotiques .................................................................................................. 13 1.2.1.1 Antipsychotiques de 1ère génération .......................................................... 13 1.2.1.2 Antipsychotiques de 2ème génération ......................................................... 17 1.2.1.3 Formes retard ............................................................................................. 19 1.2.1.4 « Syndrome malin des neuroleptiques » .................................................... 20 1.2.1.5 Théorie intégrée de la schizophrénie et des antipsychotiques .................. 20 1.2.2 Antidépresseurs ................................................................................................... 22 1.2.2.1 Antidépresseurs imipraminiques ................................................................ 23 1.2.2.2 ISRS = Inhibiteurs Sélectifs de la Recapture de la Sérotonine .................... 24 1.2.2.3 IRSNa = Inhibiteurs de la Recapture de la Sérotonine et de la Noradrénaline .............................................................................................................. 25 1.2.2.4 IMAO = Inhibiteurs de la Mono-Amine Oxydase ........................................ 26 1.2.2.4.1 Inhibiteur non sélectif ............................................................................ 26 1.2.2.4.2 Inhibiteur sélectif de la MAO-A .............................................................. 27 1.2.2.5 Autres antidépresseurs ............................................................................... 27 1.2.2.5.1 Les NASSA = Antidépresseurs spécifiques de la sérotonine et noradrénaline ........................................................................................................... 27 1.2.2.5.2 Tianeptine (Stablon®) ............................................................................. 27 1.2.2.5.3 Agomélatine (Valdoxan®) ....................................................................... 28 1.2.3 Thymorégulateurs ................................................................................................ 29 1.2.3.1 Lithium ........................................................................................................ 29 1.2.3.2 Anticonvulsivants ........................................................................................ 31 1.2.3.3 Antipsychotiques......................................................................................... 32 1.2.4 Anxiolytiques ........................................................................................................ 32 1.2.4.1 Benzodiazépines ......................................................................................... 32 1.2.4.2 Antidépresseurs .......................................................................................... 35 1.2.4.3 Buspirone .................................................................................................... 35 1.2.4.4 Hydroxyzine................................................................................................. 36 1.2.4.5 Etifoxine ...................................................................................................... 36 1.2.5 Hypnotiques ......................................................................................................... 37 1.3 1.2.5.1 Benzodiazépines ......................................................................................... 37 1.2.5.2 Apparentés aux benzodiazépines ............................................................... 38 Traitements non médicamenteux des troubles de l’humeur .................................. 39 1.3.1 Psychothérapies ................................................................................................... 39 1.3.1.1 Psychothérapie de soutien ......................................................................... 40 1.3.1.2 Psychothérapie analytique ......................................................................... 40 1.3.1.3 Psychothérapies cognitives et comportementales ..................................... 40 1.3.1.4 Psychothérapies brèves .............................................................................. 40 1.3.2 Stimulation cérébrale ........................................................................................... 41 1.4 1.3.2.1 Electroconvulsivothérapie .......................................................................... 41 1.3.2.2 Stimulation magnétique transcranienne .................................................... 41 Recommandations ................................................................................................... 42 1.4.1 Prise en charge du syndrome dépressif ............................................................... 42 1.4.2 Prise en charge du trouble bipolaire .................................................................... 43 1.4.3 Prise en charge des troubles anxieux et phobiques ............................................ 44 1.5 Notion de pharmacorésistance ................................................................................ 46 1.5.1 Définition .............................................................................................................. 46 1.5.2 Classification de la résistance............................................................................... 46 1.5.3 Problématiques liées à la pharmacorésistance.................................................... 48 1.5.3.1 La pathologie traitée est-elle celle dont souffre le patient ? ..................... 48 1.5.3.2 Le patient bénéficie-t-il de la bonne prescription ?.................................... 49 1.5.3.3 L’évaluation de l’efficacité est-elle adéquate ? .......................................... 49 1.5.3.4 Le patient a-t-il accès à son médicament ?................................................. 50 1.5.3.5 Le patient prend-il son traitement tel que prescrit ? ................................. 50 1.5.3.6 Le patient métabolise-t-il bien son médicament ? ..................................... 50 1.5.3.7 Le médicament peut-il agir ? ...................................................................... 51 1.5.3.8 Le médicament est-il toléré ? ..................................................................... 51 1.5.3.9 Le patient a-t-il confiance en son traitement ? .......................................... 51 1.5.4 Quantifier ces limites ........................................................................................... 51 1.5.4.1 Evaluation de l’observance ......................................................................... 51 1.5.4.1.1 Méthodes directes.................................................................................. 52 1.5.4.1.1.1 Dosage biologique du médicament ou d’un marqueur .................. 52 1.5.4.1.1.2 Mesure de l’effet biologique du médicament ................................ 52 1.5.4.1.1.3 Utilisation de « mouchards » .......................................................... 52 1.5.4.1.2 Méthodes indirectes............................................................................... 52 1.5.4.1.2.1 Examen clinique............................................................................... 52 1.5.4.1.2.2 Questionnaires ................................................................................ 52 1.5.4.1.2.3 Contrôle de renouvellement des ordonnances .............................. 58 1.5.4.1.2.4 Décompte des comprimés restants, ou « pills counts » ................. 58 1.5.4.1.2.5 Systèmes d’enregistreurs ................................................................ 58 1.5.4.1.3 Exploitation des résultats ....................................................................... 59 1.5.4.2 Représentation des médicaments .............................................................. 59 1.5.4.3 Intérêt du suivi pharmacologique ............................................................... 62 1.5.5 Poser le diagnostic de pharmacorésistance ......................................................... 62 2 Partie pratique.................................................................................................................. 64 2.1 Le CAPPA et le service de Pharmacologie clinique .................................................. 64 2.2 Les patients............................................................................................................... 64 2.3 La consultation pharmacologique = Matériel et Méthodes .................................... 65 2.3.1 Structuration de la consultation pharmacologique ............................................. 65 2.3.1.1 Avant l’entretien ......................................................................................... 65 2.3.1.2 Entretien ..................................................................................................... 67 2.3.1.2.1 Historique ............................................................................................... 67 2.3.1.2.2 Questionnaire sur l’observance ............................................................. 67 2.3.1.2.3 Questionnaire sur les représentations ................................................... 69 2.3.1.3 Après la consultation .................................................................................. 71 2.3.1.3.1 Analyse des interactions......................................................................... 71 2.3.1.3.2 Analyse biologique ................................................................................. 72 2.3.1.3.3 Synthèse ................................................................................................. 72 2.3.2 Quand la réalité rencontre la théorie .................................................................. 72 2.4 Applications pratiques = Résultats ........................................................................... 73 2.4.1.1 Un problème d’absorption.......................................................................... 75 2.4.1.2 Un problème d’observance......................................................................... 76 2.4.1.3 Un problème de tabac ................................................................................ 77 2.4.1.3.1 Une efficacité partielle ........................................................................... 77 2.4.1.3.2 Une efficacité à expliquer ....................................................................... 77 2.4.1.4 Un problème d’enzymes ............................................................................. 79 2.4.1.5 Un problème d’interactions ........................................................................ 80 2.4.1.5.1 Une efficacité partielle ........................................................................... 80 2.4.1.5.2 Une inefficacité....................................................................................... 81 2.4.1.6 2.5 Un problème d’effets secondaires .............................................................. 82 Discussion ................................................................................................................. 82 2.5.1 A propos de la méthode ....................................................................................... 82 2.5.2 A propos de la pharmacorésistance ..................................................................... 88 2.5.3 A propos de l’observance ..................................................................................... 88 2.5.4 A propos des propositions d’optimisation ........................................................... 89 3 Conclusion ........................................................................................................................ 90 Bibliographie ............................................................................................................................ 91 Annexes .................................................................................................................................... 97 Liste des abréviations ADH : Antidiuretic hormon AINS : Anti-inflammatoire non stéroïdien AMM : Autorisation de mise sur le marché ANSM : Agence nationale de la sureté du médicament ARA II : Antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II AVK : Antivitamine K BCM : Bilan comparatif des médicaments BMQ : Beliefs about Medicine Questionnaire CAPPA : Centre ambulatoire pluridisciplinaire de psychiatrie et d’addictologie CEIP : Centre d’Evaluation et d’Information sur la Pharmacodépendance CETTHC : Centre d’évaluation et traitement des patients souffrant de troubles de l’humeur complexes CHS : Centre Hospitalier Spécialisé CHU : Centre Hospitalier Universitaire CIM : Classification internationale des maladies CPK : Créatine phosphokinase CYP : Cytochrome P450 DMP : Dossier médical personnel DSM : Diagnosis and Statistical Manual of Mental Disorders ECG : Electrocardiogramme ECT : Electroconvulsivothérapie GABA : Acide gamma-aminobutyrique Gamma-GT : Gamma-glutamyltransférase IEC : Inhibiteur de l’enzyme de conversion IMAO : Inhibiteur de la monoamine oxydase I IMC : Indice de masse corporelle IRSNA : Inhibiteur de recapture de la sérotonine et noradrénaline ISRS : Inhibiteur sélectif de recapture de la sérotonine MADRS : Montgomery and Asberg depression rating scale MAO : Monoamine oxydase MEMS : Medication event monitoring system MMAS : Morisky Medication Adherence Scale MSTP : Meilleur schéma thérapeutique possible NFS : Numération formule sanguine OMS : Organisation mondiale de la Santé PTSD : Post traumatic stress disorder RAMQ : Régie de l’assurance maladie du Québec RCP : Résumé des caractéristiques du produit rTMS : Stimulation magnétique transcranienne répetée SEP : Syndrome extra-pyramidal TCC : Thérapie cognitivo comportementale TMS : Stimulation magnétique transcranienne Toc : Trouble obsessionnel compulsif TSQM-9 : Tratment satisfaction questionnaire for medication VIH : Virus de l’immunodéficience humaine II Liste des figures Figure 1: Estimation du nombre de consommateurs (en millions) de substances psychoactives parmi les 11-75 ans, 2011(11) .......................................................................... 10 Figure 2 : Pharmacodynamie des antidépresseurs(8) .............................................................. 22 Figure 3 : Niveau d'action des traitements médicamenteux et des psychothérapies (d’après Psychiatrie et neurosciences, Schulz, 2012)............................................................................. 39 Figure 4 : Classification de la dépression résistante au traitement selon Thase et Rush : Niveaux de résistance(49) ........................................................................................................ 46 Figure 5 : Classification de la dépression résistante selon Souery (50) ................................... 47 Figure 6 : Classification du Massachussetts General Hospital de la dépression résistante au traitement(13) .......................................................................................................................... 47 Figure 7 : Classification de la dépression résistante selon la méthode Maudsley(14) ............ 48 Figure 8 : Questionnaire d'évaluation de l'observance proposé par l'Assurance Maladie ..... 54 Figure 9 : Items du TSQM-9(60) ............................................................................................... 55 Figure 10 : Questionnaire Satmed-Q (partie 1/2) .................................................................... 56 Figure 11 : Questionnaire SatMed-Q (partie 2/2) .................................................................... 57 Figure 12 : Un exemple de pilulier électronique(64) ............................................................... 59 Figure 13 : Items du BMQ mis au point par Robert Horne(72) ................................................ 61 Figure 14 : Ensemble des paramètres conditionnant l’efficacité d’un traitement. Le médecin et le pharmacologue s’intéressent chacun à des paramètres différents, leur action se complète................................................................................................................................... 63 Figure 15 : Extrait de l’historique d’un patient ........................................................................ 66 Figure 16 : Questionnaire d'évaluation de l'observance utilisé au cours des entretiens pharmacologiques .................................................................................................................... 68 Figure 17 : Items du BMQ (partie 1/2) ..................................................................................... 69 Figure 18 : Items du BMQ (partie 2/2) ..................................................................................... 70 Figure 19 : Questionnaire d'évaluation de la perception des médicaments utilisé lors des consultations pharmacologiques ............................................................................................. 71 Figure 20 : Cinétique de comprimés à libération immédiate et libération prolongée ............ 76 Figure 21 : Historique médicamenteux de M. D. ..................................................................... 78 Figure 22 : Organisation de la réalisation des BCM (modèle rétroactif) ................................. 85 Figure 23 : Réalisation de l'histoire pharmacothérapeutique(80) ........................................... 86 III Liste des tableaux Tableau 1 : Vue d’ensemble de l’épidémiologie par type de trouble anxieux(5) ...................... 7 Tableau 2 : Récapitulatif des différentes conduites addictives ............................................... 10 Tableau 3 : Symptômes de la schizophrénie ............................................................................ 12 Tableau 4 : Théorie intégrée de la schizophrénie et des neuroleptiques (d’après Psychopharmacologie essentielle : bases neuroscientifiques et applications pratiques, F. Stahl)......................................................................................................................................... 21 Tableau 5 : Classification biologique des antidépresseurs(30) ................................................ 29 Tableau 6 : Cinétique du lithium en fonction de la forme considérée(31) .............................. 29 Tableau 7 : Demi-vie des benzodiazépines anxiolytiques(37) ................................................. 33 Tableau 8 : Tableau récapitulatif des recommandations de prise en charge médicamenteuse des troubles anxieux et phobiques (44–46) ............................................................................. 45 Tableau 9 : Comparaison des items du MMAS-4 et du MMAS-8............................................. 53 Tableau 10 : Problèmes identifiés lors des consultations pharmacologiques ......................... 74 Tableau 11 : Intéractions médicamenteuses entre les différents traitements pris par Mme E. .................................................................................................................................................. 81 IV Liste des annexes Annexe I : Recommandations de prise en charge d'un épisode dépressif caractérisé(34) ..... 97 Annexe II : Recommandations de prise en charge du trouble bipolaire(34) ........................... 98 Annexe III : Recommandation de prise en charge du trouble anxieux généralisé(34) ............ 99 Annexe IV : Recommandations de prise en charge du trouble panique(34) ......................... 100 Annexe V : Recommandations de prise en charge du trouble obsessionnel compulsif(34) . 101 Annexe VI : Organigramme du service de pharmacologie clinique ....................................... 102 Annexe VII : Exemple de formulaire de consentement (78) .................................................. 103 Annexe VIII : Exemple de formulaire de collecte de données (1/2)(78) ................................ 104 Annexe IX : Exemple de formulaire de collecte de données (2/2)(78) .................................. 105 Annexe X: Poster présenté lors du Congrès Français de Psychiatrie ..................................... 106 V Introduction La cinquième année des études de Pharmacie permet une mise en application des connaissances théoriques acquises au cours des années précédentes à l’occasion de stages effectués en milieu hospitalier. Ces stages se déroulent pour moitié au sein de services cliniques. Dans ce contexte, j’ai intégré le service d’Addictologie et Psychiatrie de liaison du CHU de Nantes, et plus particulièrement le CAPPA Jacques Prévert (Centre ambulatoire pluridisciplinaire de psychiatrie et d’addictologie) de mars à mai 2014. Ce stage m’a permis d’appréhender la psychiatrie sous un nouveau jour : j’ai pu découvrir la psychiatrie de liaison, suivre des consultations, observer des techniques de stimulation (ECT, rTMS). Cela m’a permis de prendre du recul sur les médicaments psychotropes, d’avoir un regard critique sur les traitements. J’ai également entendu parler d’échecs, de patients résistants. Si cette notion de résistance semble évidente en infectiologie (une espèce développe des mécanismes de défense pour sa survie), elle me paraissait beaucoup plus abstraite pour la psychiatrie. En parallèle, des demandes d’avis pour certains patients étaient faites au service de pharmacologie clinique, au cas par cas. Afin de systématiser ces évaluations, nous nous sommes donc intéressés avec le service de pharmacologie clinique à ces patients, décrits comme résistants, pour approfondir cette notion de résistance et mieux la comprendre. Il nous fallait pour cela mieux comprendre l’histoire médicamenteuse de ces patients, leur rapport au médicament. Les consultations pharmacologiques sont nées, afin de disposer d’un véritable temps de discussion avec le patient autour de son traitement, suivies d’une analyse approfondie des traitements pour ensuite proposer un avis spécialisé afin d’optimiser la prise en charge médicamenteuse. Nous allons dans un premier temps aborder les connaissances nécessaires pour s’inscrire dans une telle démarche, concernant les pathologies et leur mécanisme, les traitements, leur mode d’action, leurs effets indésirables et leurs interactions avec les autres médicaments ainsi que les moyens de prise en charge recommandés dans l’état actuel des connaissances. Nous aborderons ensuite la notion de pharmacorésistance avant d’expliquer 1 la démarche proposée et de dresser un premier état des lieux moins d’un an après la mise en place de cette expertise pharmacologique. 2 1 Partie théorique et clinique 1.1 Les principaux troubles de l’humeur Un consensus quant aux critères de diagnostic des maladies est indispensable pour une médecine de qualité. Ces critères doivent être homogènes et largement applicables. Des systèmes de classification ont été créés pour faciliter la compilation des dossiers et des statistiques sanitaires. Le DSM-I (Diagnostic and statistical manual of mental disorders), créé par les psychiatres américains, a été le premier outil publié, en 1952. Au même moment, l’OMS introduit les troubles mentaux dans la CIM (1). Compte tenu de l’évolution des connaissances dans le domaine, de nouvelles versions mises à jour sont proposées régulièrement. Ainsi, nous utilisons aujourd’hui le DSM-5 (publié en mai 2013) et la CIM-10 (publiée en 1994 et dernière mise à jour en mai 2008, la révision est en cours, pour une publication en 2015 de la CIM-11). Bien que les objectifs initiaux aient été atteints, les systèmes existants présentent des limites. Tout d’abord, se pose le problème des formes atypiques (patients peu gravement atteints, patients présentant des signes communs à plusieurs troubles et pour lesquels il est difficile d’identifier un trouble principal, patients avec une liste de diagnostics…). Ces systèmes sont en fait réducteurs et pourraient pousser les cliniciens à ne pas tenir compte des symptômes. Ensuite, ces systèmes tiennent peu compte des mécanismes du trouble : ils ne se basent pas sur l’énoncé explicite d’altérations des fonctions cérébrales supérieures ou sur les mécanismes des maladies.(2) De plus, on note une influence de la culture occidentale dans le DSM et la CIM : d’autres cultures ont d’autres concepts concernant les troubles mentaux.(3) Cependant, ces systèmes permettent de caractériser les manifestations psychiatriques de chaque trouble, c’est pourquoi nous les utiliserons dans la suite de l’exposé, afin de présenter brièvement les principaux troubles rencontrés lors de ce projet. 3 1.1.1 Syndrome dépressif 1.1.1.1 Epidémiologie Il s’agit d’un trouble à prédominance féminine (2 femmes pour 1 homme) qui touche 6 à 12% de la population générale à un moment donné. Environ 20% de la population sera touchée à un moment au cours de la vie entière.(4) C’est une maladie potentiellement mortelle, car associée à un risque suicidaire 13 à 30 fois plus élevé que dans la population générale, 15% des dépressifs décèdent par suicide, ⅓ à ½ des suicides sont associés à une dépression.(5) 1.1.1.2 Description clinique Le trouble dépressif majeur est caractérisé par un ou plusieurs épisodes dépressifs majeurs. La caractéristique essentielle de l'épisode dépressif majeur est une humeur dépressive ou une perte d'intérêt ou de plaisir pour presque toutes les activités persistant au moins deux semaines. Chez l'enfant ou l'adolescent, l'humeur peut être plutôt irritable que triste. Le sujet doit de surcroît présenter au moins quatre symptômes supplémentaires compris dans la liste suivante : Perte de la confiance en soi ou de l’estime de soi Sentiments injustifiés de culpabilité excessive ou inappropriée Pensées de mort ou idées suicidaires récurrentes, ou comportement suicidaire de n’importe quel type Diminution de l’aptitude à penser et à se concentrer (signalée par le sujet ou observée par les autres), se manifestant, par exemple, par une indécision ou des hésitations. Modification de l’activité psychomotrice, caractérisée par une agitation ou un ralentissement (signalés ou observés) Perturbations du sommeil de n’importe quel type Modification de l’appétit (diminution ou augmentation) avec variation pondérale correspondante L’épisode sera classé « léger », « sévère » ou « moyen » selon le nombre de symptômes présents et l’altération du fonctionnement (social, affectif, familial).(6)(7) 4 1.1.1.3 Physiopathologie Trois neurotransmetteurs majeurs sont impliqués dans la physiopathologie (et donc le traitement) des troubles de l’humeur. Il s’agit de la noradrénaline, de la dopamine et de la sérotonine. L’hypothèse monoaminergique de la dépression postule que le dysfonctionnement (souvent une hypoactivité) d’au moins une de ces trois monoamines au sein du système de transmission trimonoaminergique serait liée aux symptômes du trouble dépressif majeur. En fait, la dépression provoquerait au départ une hypersensibilisation (upregulation) des récepteurs des monoamines impliquées (8). D’autres systèmes de neurotransmission, tels que le glutamate et les neurokinines sont impliqués. Les dysfonctionnements des systèmes de neurotransmission ne sont pas les seuls responsables du syndrome dépressif, qui est multifactoriel. On retrouve l’implication d’autres facteurs biologiques : anomalies endocriniennes (notamment de l’axe hypothalamo-hypophysaire ou thyroïdien), facteurs génétiques complexes, anomalies structurelles cérébrales (notamment au niveau de l’hippocampe). Enfin, l’environnement et la personnalité du patient sont aussi des éléments à prendre en compte : évènement de vie (deuil, perte d’emploi mais aussi arrivée d’un enfant, mariage…), traumatismes, conditions de vies difficiles. (5) On notera également le potentiel dépressogène de certains médicaments : corticoïdes, interféron, cimétidine, anti-hypertenseurs, isoniazide etc. (9) On parle alors de dépression iatrogène. 1.1.2 Trouble bipolaire 1.1.2.1 Epidémiologie Le trouble bipolaire débute généralement vers l’âge de 20 ans, touche autant les hommes que les femmes. La prévalence se situe autour de 1% dans la population générale. Il y aurait en France environ 4 à 500 000 patients bipolaires en période maniaque, dépressive ou en rémission.(10) On retrouve fréquemment des comorbidités de type addictions et troubles anxieux. 5 1.1.2.2 Description clinique Les troubles bipolaires se définissent par une alternance d’épisodes dépressifs, d’accès maniaques et d’intervalles libres. Un accès maniaque est défini comme une période nettement délimitée d’élévation de l’humeur ou d’humeur expansive ou irritable, d’au moins une semaine. Cette perturbation de l’humeur doit être accompagnée d’au moins trois des symptômes suivants : augmentation de l’estime de soi ou idées de grandeur, réduction des besoins de sommeil, logorrhée, fuite des idées, distractibilité, engagement accru dans des activités orientées vers un but ou agitation psychomotrice, engagement excessif dans des activités agréables à potentiel élevé de conséquences dommageables. (6,7) On parle d’hypomanie quand l’épisode est moins sévère et de durée plus brève que l’épisode maniaque. Toutes les combinaisons peuvent s’observer entre épisodes dépressifs et épisodes maniaques : Le Trouble bipolaire I est caractérisé par un ou plusieurs épisodes maniaques ou mixtes habituellement accompagnés d'épisodes dépressifs majeurs. Le Trouble bipolaire II est caractérisé par un ou plusieurs épisodes dépressifs majeurs accompagnés par au moins un épisode hypomaniaque. Le Trouble bipolaire III (controversé) est caractérisé par un ou plusieurs épisodes dépressifs majeurs accompagnés par au moins un épisode de manie iatrogène (virage de l’humeur sous antidépresseur). Le Trouble cyclothymique est caractérisé par de nombreuses périodes d'hypomanie ne répondant pas aux critères d'un épisode maniaque et de nombreuses périodes dépressives ne remplissant pas les critères d'un épisode dépressif majeur pendant une période d'au moins deux ans. Le Trouble bipolaire à cycle rapide est caractérisé par la survenue d’au moins 4 épisodes thymiques (manie ou dépression) par an.(5)(8) 6 1.1.2.3 Physiopathologie Le trouble bipolaire fait partie, avec le trouble dépressif, des troubles affectifs. Il s’agit là aussi d’une pathologie multifactorielle, impliquant non seulement des dysfonctionnements des circuits de neurotransmission (les mêmes que dans le trouble dépressif, à savoir la noradrénaline, la sérotonine et la dopamine), mais aussi des facteurs hormonaux (axe hypothalamo-hypophysaire et thyroïdien) et génétiques.(8) 1.1.3 Principales comorbidités psychiatriques des troubles de l’humeur 1.1.3.1 Troubles anxieux et phobiques Ces troubles sont intimement liés aux troubles de l’humeur. La dépression constitue notamment une complication des troubles anxieux.(5) 1.1.3.1.1 Epidémiologie Ces troubles représentent les troubles psychiatriques les plus fréquents dans la population générale. La plupart débutent tôt dans la vie du sujet, dans l’enfance pour certains. La prédominance est féminine. Le tableau suivant reprend les données épidémiologiques pour chaque type de trouble anxieux. Prévalence vie entière TAG Trouble panique Troubles Agoraphobie phobique Phobie s sociale Phobies spécifiques Prédominance sexuelle Age de début (femmes:hommes) 5% 3% 2% 5% 2:1 2:1 Prédominance féminine 1:1 10 % Prédominance féminine TOC 2% 1:1 PTSD Trouble de l’adaptation 2% 10 % Enfance, adolescence Vers 25 ans Adulte jeune Enfance, adolescence (Enfance), adolescence et adulte jeune Prédominance féminine Pas d’âge 2:1 A tout âge Tableau 1 : Vue d’ensemble de l’épidémiologie par type de trouble anxieux(5) 7 1.1.3.1.2 Description L’anxiété est une émotion normale qui se manifeste en cas de menace. Elle fait partie de la réponse adaptative de survie. Seulement, parfois, l’anxiété dépasse les capacités d’adaptation du patient et provoque une souffrance importante. Il existe plusieurs formes de trouble anxieux : L’attaque de panique est une période bien délimitée marquée par la survenue soudaine d'une appréhension intense, d'une peur ou d'une terreur souvent associée à des sensations de catastrophe imminente. Le patient ressent alors des symptômes tels que des sensations de « souffle coupé », des palpitations, des douleurs ou une gêne thoracique, des sensations d'étranglement ou des impressions d'étouffement et la peur de devenir « fou » ou de perdre le contrôle de soi. Le Trouble panique est caractérisé par une répétition des attaques de panique, à propos desquelles il existe une inquiétude persistante. Le Trouble Anxieux Généralisé est caractérisé par une période d'au moins six mois d'anxiété excessive pour toutes les choses de la vie et flottante (pas de facteur déclenchant ou de crainte précise). L’état de stress post-traumatique est caractérisé par la reviviscence d'un événement extrêmement traumatique au cours duquel la vie du patient, son intégrité physique et psychique ou celle d’autres personnes ont pu être menacées. Cet état s’accompagne de symptômes d'activation neurovégétative (hypervigilance anxieuse, troubles du sommeil, irritabilité, troubles de la concentration) et par l'évitement des stimuli associés au traumatisme. La peur est un phénomène adaptatif normal permettant au sujet de se sauver lors d’une situation dangereuse. La phobie est une peur déclenchée par la présence d’un objet ou d’une situation objectivement sans danger. Elle disparait quand l’objet ou la situation a disparu. Le patient ressent des sensations de malaise, d’angoisse, présente des conduites d’évitement et de réassurance et reconnait l’absurdité de la phobie. La phobie spécifique est provoquée par l'exposition à un objet ou une situation spécifique redoutés, conduisant souvent à un comportement d'évitement. 8 L’agoraphobie est une anxiété liée à un évitement d'endroits ou de situations d'où il pourrait être difficile (ou gênant) de s'échapper ou dans lesquels aucun secours ne serait disponible en cas d'attaque de panique ou de symptômes à type de panique. La phobie sociale est caractérisée par une anxiété provoquée par l'exposition à un certain type de situations sociales ou de situations de performance, conduisant souvent à un comportement d'évitement. Le trouble obsessionnel compulsif est caractérisé par des obsessions (entraînant une anxiété ou une souffrance marquée) et/ou par des compulsions (qui servent à neutraliser l'anxiété).(5–7) On retrouve de nombreuses manifestations communes avec la dépression majeure, notamment les troubles du sommeil, les problèmes de concentration, la fatigue et les symptômes psychomoteurs, la vigilance. 1.1.3.1.3 Physiopathologie De nombreux neurotransmetteurs sont impliqués dans la régulation des circuits concernés par l’apparition des troubles anxieux : le GABA est le neurotransmetteur clé dans ce trouble mais on retrouve également la sérotonine et la noradrénaline. D’autres facteurs participent à l’explication de ces troubles : terrain vulnérable au stress et à l’anxiété, évènements traumatisants, dysfonctionnement cognitif (le patient traite de manière inadaptée les informations).(8) 1.1.3.2 Les troubles addictifs - Les comorbidités psychiatriques chez les usagers de drogues semblent fréquentes, mais la part des personnes concernées n’est actuellement pas quantifiée en France. Les pathologies psychiatriques peuvent préexister ou être consécutives à la consommation de substances psychoactives. (11) - Les troubles de l’humeur (trouble bipolaire en tête) sont retrouvés chez plus de 50% des joueurs pathologiques dans la majorité des études(12) 1.1.3.2.1 Données épidémiologiques L’épidémiologie des troubles addictifs est complexe tant les conduites addictives sont variées. Toutes les tranches de la population sont touchées. Même si pour certaines 9 addictions, telles que le tabac, les femmes sont presque aussi consommatrices que les hommes, on remarque une prédominance masculine dans les comportements addictifs. La figure suivante reprend des données épidémiologiques concernant les addictions aux substances. Figure 1: Estimation du nombre de consommateurs (en millions) de substances psychoactives parmi les 11-75 ans, 2011(11) 1.1.3.2.2 Description Les troubles addictifs sont définis comme tout comportement pathologique à la recherche d’une forme de bien-être. On y retrouve donc les consommations de produits et les addictions comportementales. Le tableau suivant permet de différencier les conduites addictives. - Avec substances selon l’effet recherché Sédatif Hallucinogène Psychostimulant Opiacés - Cannabis - Nicotine Barbituriques - Indoles : LSD - Cocaïne Alcool - Phénylalcoylamine : - Amphétamines Benzodiazépines MDMA - Méthylphénidate Carbamates - Kétamine, 2CB (dérivé des amphétamines) - Caféine - - Sans substances Troubles du comportement alimentaire Jeu pathologique Travail pathologique Addiction sexuelle Comportement à risques Tableau 2 : Récapitulatif des différentes conduites addictives 10 Le DSM-5 définit 11 critères pour la dépendance à une SPA. Il s’agit d’un « mode d’utilisation inadapté d’une substance conduisant à une altération du fonctionnement ou à une souffrance, cliniquement significative, caractérisé par la présence de deux (ou plus) des manifestations suivantes, à un moment quelconque d’une période continue de douze mois : La substance est souvent prise en quantités plus importante ou pendant une période plus prolongée que prévu Il y a un désir persistant, ou des efforts infructueux, pour diminuer ou contrôler l’utilisation de la substance Beaucoup de temps est passé à des activités nécessaires pour obtenir la substance, à utiliser le produit, ou à récupérer de ses effets Craving ou désir irrépressible de consommer de la substance Difficultés à remplir ses obligations professionnelles, scolaires ou familiales à cause de la consommation répétée de substance Poursuite de la consommation malgré des problèmes relationnels ou sociaux persistants susceptibles d’avoir été causés ou exacerbés par la substance Des activités sociales, professionnelles ou de loisirs importantes sont abandonnées ou réduites à cause de l’utilisation de la substance Consommation répétée dans des situations potentiellement dangereuses L’utilisation de la substance est poursuivie bien que la personne sache avoir un problème psychologique ou physique persistant ou récurrent susceptible d’avoir été causé ou exacerbé par la substance. Tolérance (le sujet doit augmenter les doses pour obtenir le même effet ou l’effet est moindre en cas d’utilisation d’une même quantité) Sevrage (le sujet éprouve des symptômes de manque à l’arrêt brutal de la consommation) Le nombre de critères correspond à des niveaux d’intensité : dépendance légère en présence de 2 à 3 symptômes, dépendance moyenne en présence de 4 à 5 symptômes, dépendance sévère en présence de 6 symptômes ou plus. 1.1.3.2.3 Physiopathologie Les troubles addictifs mettent en jeu le circuit de la récompense, une voie méso-corticolimbique impliquant le noyau accumbens et l’aire tegmentale ventrale antérieure. Le cortex 11 frontal assure une régulation exécutive. Les principaux neuromédiateurs impliqués sont la dopamine et le glutamate. Lors de la première consommation de la substance, si le sujet ressent un effet positif de bien-être (apaisement, euphorie, hallucination…), il mémorise cette association « produitplaisir », ce qui correspond à la « récompense ». Il retournera vers le produit pour aboutir au même état de bien être quand il en ressentira le besoin. Par la suite, la régulation exécutive du cortex frontal deviendra inopérante, la dépendance s’installe. 1.1.3.3 Une forme frontière : le trouble schizo-affectif On parle de trouble schizo-affectif quand un patient présente au cours d’une période ininterrompue de maladie, à la fois un trouble affectif (épisode dépressif majeur, épisode maniaque ou épisode mixte) en même temps que des symptômes de schizophrénie. Ces symptômes, classiquement subdivisés en symptômes positifs et symptômes négatifs sont repris dans le Tableau 3. Symptômes positifs Symptômes négatifs Idées délirantes Alogie Hallucinations Emoussement affectif Distorsions du langage et de la Asociabilité communication Anhédonie Désorganisation du discours Aboulie Comportement désorganisé Comportement catatonique Agitation Tableau 3 : Symptômes de la schizophrénie 1.1.4 Les troubles de l’humeur complexes La littérature évoque des notions de « dépression résistante » ou « dépression difficile à traiter » pour désigner les états dépressifs qui ne répondent pas favorablement à une stratégie thérapeutique bien conduit.(13,14) Cette notion de résistance sera approfondie plus tard dans l’exposé (1.5Notion de pharmacorésistance). Le terme de trouble de l’humeur complexe a été choisi au CAPPA Jacques Prévert pour désigner tout trouble de l’humeur (pas seulement les dépressions, même si elles sont 12 majoritaires) qui met en difficulté une prise en charge ambulatoire classique (en médecine générale ou en psychiatrie) pour différentes raisons, non exhaustives (gravité, chronicité, intolérance médicamenteuse, comorbidités…) et justifie le recours à un centre expert pour effectuer un bilan approfondi (psychiatrique, psychologique, somatique, pharmacologique…) en vue d’avoir les propositions thérapeutiques les plus adaptées. 1.2 Classes médicamenteuses impliquées dans le traitement des troubles de l’humeur Cette partie sera consacrée à l’exposé des classes médicamenteuses impliquées dans le traitement des troubles de l’humeur, comme traitement curatif ou symptomatique. Chaque zone cérébrale est caractérisée par des neurotransmetteurs, des récepteurs, des enzymes, des gènes de régulation particuliers, et il existe dans le cerveau des caractéristiques régionales spécifiques avec en même temps un certain chevauchement entre les zones. L’analyse des symptômes présentés par le patient permet de déduire les zones cérébrales qui peuvent être dysfonctionnelles chez ce patient. La connaissance de ces particularités et du mécanisme d’action des médicaments disponibles peut aider le clinicien à choisir des médicaments et à surveiller l’efficacité du traitement. 1.2.1 Antipsychotiques 1.2.1.1 Antipsychotiques de 1ère génération Actuellement en France, les molécules ayant l’AMM sont : - Chlorpromazine (Largactil®) - Cyamémazine (Tercian®) - Droperidol (Droleptan®) - Flupentixol (Fluanxol®) - Halopéridol (Haldol®) - Lévomépromazine (Nozinan®) - Loxapine (Loxapac®) - Pimozide (Orap®) - Pipampérone (Dipipéron®) - Pipothiazine (Piportil®) 13 - Propériciazine (Neuleptil®) - Sulpiride (Dogmatil®) antidéficitaire à faible dose, anti-productif à forte dose, sédatif à très forte dose - Sultopride (Sultopride®) - Tiapride (Tiapridal®) - Zuclopenthixol (Clopixol®) Les antipsychotiques de 1ère génération, dits aussi conventionnels, typiques ou classiques, agissent par blocage des récepteurs D2 centraux. Selon la voie considérée, les effets de ce blocage seront différents : Au niveau de la voie méso-limbique : le blocage permet de diminuer l’hyperactivité dopaminergique. Il y a donc une diminution des signes productifs (hallucination, délire, agressivité…). La voie mésolimbique est également impliquée dans les mécanismes de récompense. La bloquer laisse le patient apathique, anhédonique, sans motivation et avec moins d’intérêt et de joie dans les interactions sociales. Ces symptômes, très semblables à ceux des symptômes négatifs de psychose, sont parfois appelés symptômes négatifs secondaires. Au niveau de la voie méso-corticale : le blocage entraine une diminution de l’activité, or, cette voie est déjà déficitaire dans la schizophrénie. Il y a alors aggravation des signes négatifs : repli sur soi, autisme, altérations cognitives. On parle de syndrome déficitaire induit par les neuroleptiques. Au niveau de la voie nigro-striée : le blocage des récepteurs D2 entraine un syndrome extra pyramidal, aussi appelé syndrome pseudo parkinsonien. Les dyskinésie sont provoquées par une hypersensibilisation des récepteurs D2 (« up regulation ») et peuvent être irréversibles. Au niveau de la voie tubéro-infundibulaire : levée d’inhibition. La dopamine exerce naturellement un contrôle négatif sur la synthèse et sécrétion de prolactine via des récepteurs D2 situés sur les cellules lactotropes. En utilisant un antagoniste de ces récepteurs, on assiste à une hyperprolactinémie par levée d’inhibition. Elle est associée à une gynécomastie, une galactorrhée, une prise de poids et des troubles 14 sexuels. L’hyperprolactinémie va avoir des effets néfastes sur la fertilité, notamment chez la femme et peut aussi conduire à une déminéralisation osseuse plus rapide. Au niveau de l’area postrema, sur le centre du vomissement (effet périphérique, même si les neurones sont centraux) : effet anti-émétique.(8) Ces antipsychotiques n’agissent pas uniquement sur les récepteurs dopaminergiques mais bloquent aussi les récepteurs muscariniques, les récepteurs H1 et les récepteurs α1. Ces blocages sont à l’origine d’effets secondaires et de contre-indications. La plupart des antipsychotiques de 1ère génération sont métabolisés au niveau hépatique par le cytochrome P450. Les isoenzymes 1A2, 3A4 et surtout 2D6 sont particulièrement impliquées dans le métabolisme des neuroleptiques et donc dans certaines interactions médicamenteuses(15). Certaines isoenzymes du cytochrome P450 sont sujettes à un polymorphisme génétique : par exemple, 5 à 10% de la population caucasienne sont des métaboliseurs lents pour l’isoenzyme 2D6. Un dépistage de ces sujets est possible.(16) Les effets secondaires à ces traitements sont nombreux et amènent souvent une mauvaise adhérence au traitement, voire un arrêt spontané par le patient. Certains d’entre eux peuvent être pris en charge par une médication concomitante. Effets psychiatriques o Troubles de la mémoire, confusion par effet anticholinergique central o Angoisses (réactivation anxieuse), notamment chez le sujet âgé, amenant la prescription concomitante de benzodiazépine anxiolytique o Réactivation délirante o Dépression, pouvant être prise en charge par des IRSNA ou ISRS ou inversion de l’humeur prise en charge par des normothymiques o Agitation, troubles du sommeil (pris en charge par une prescription de benzodiazépine hypnotique ou apparenté) o Sédation par effet anti-histaminique sur les récepteurs H1 Effets neurologiques : effets extra pyramidaux par blocage D2 au niveau de la voie nigro-striée : o Précoces : dyskinésies aiguës : crampes, torticolis, spasmes musculaires intermittents de la face et du cou 15 o Tardifs : syndrome pseudoparkinsonien, dyskinésies tardives (mouvements de la face et de la langue type mâchonnement constant et protusion de la langue, grimaces et mouvements des membres pouvant être rapides, saccadés ou choréiformes. Effets neurovégétatifs o Atropiniques : constipation, sécheresse buccale (prise en charge par la prescription d’un sialagogue, tel que l’Anétholtrithione : Sulfarlem S25®), troubles de l’accommodation, rétention urinaire o Anti-adrénergiques (α1) : hypotension orthostatique, somnolence, troubles de la repolarisation avec allongement de l’espace QT (voir aussi les précautions d’emploi) Effets endocriniens : hyperprolactinémie provoquée par le blocage D2 dont les effets ont été décrits plus tôt. Le blocage des récepteurs histaminiques H1 favorise également cette prise de poids. La prise de poids a une origine multifactorielle : hyperprolactinémie, augmentation de l’appétit par effet anti-histaminique, diminution de l’activité liée à la sédation, diminution du métabolisme de base(17). Troubles métaboliques : hyperglycémie Photosensibilisation : il faut expliquer au patient l’importance de la protection solaire Troubles hématologiques : thrombose veineuse profonde, leucopénie Les contre-indications peuvent être liées à une maladie neurologique évolutive (maladie de Parkinson, sclérose en plaques), aux effets atropiniques (glaucome à angle fermé, troubles urétro-prostatiques associés à un risque de rétention urinaire), aux antécédents du patient (antécédent de syndrome malin des neuroleptiques, d’agranulocytose iatrogène, de porphyrie) ou un état de grossesse (sauf la chlorpromazine). Les interactions médicamenteuses sont nombreuses(18)(15). Certaines associations de médicaments peuvent être déconseillées : - Alcool (augmentation de la sédation) 16 - Lithium (addition de troubles neurologiques : syndromes confusionnels, hypertonie, hyperréflexie. Des augmentations de la lithémie sont parfois observées lors de l’ajout d’un neuroleptique chez un patient traité au long cours par le lithium) - Anti-émétique dopaminergique (majoration des troubles extrapyramidaux). Seule la dompéridone (Motilium®) peut être utilisée car elle ne passe pas la barrière hématoencéphalique. - Antiparkinsoniens dopaminergiques D’autres associations sont à utiliser avec précautions : - Anti-acides : respecter un délai de 2h entre la prise de l’anti-acide et celle de l’antipsychotique (diminution de la résorption des antipsychotiques) - Anticholinergiques (augmentation des effets secondaires périphériques et des troubles de la mémoire chez la personne âgée) - Inhibiteurs et inducteurs enzymatiques (modification de la concentration plasmatique) - Antidépresseurs : association pouvant être justifiée, mesurer la balance bénéfices/risques (augmentation du risque de troubles du rythme) - Antihypertenseurs (augmentation du risque d’hypotension orthostatique) - Médicaments hypokaliémiants, antiarythmiques (augmentation du risque de torsade de pointe) 1.2.1.2 Antipsychotiques de 2ème génération Les antipsychotiques de 2ème génération, sont aussi dits atypiques. Cette classe est définie par des propriétés cliniques qui la distinguent des antipsychotiques classiques : ils provoquent peu de symptômes extra pyramidaux et ont une activité sur les symptômes négatifs. Ils constituent une classe très hétérogène d’un point de vue pharmacologique(8). Les antagonistes de la sérotonine (sur les récepteurs 5HT2A) et de la dopamine (5D2) o Clozapine (Leponex®) et Olanzapine (Zyprexa®) o Rispéridone (Risperdal®) atypique à faible dose et classique à forte dose o Palipéridone (Xeplion LP®) o Quétiapine (Xeroquel®), qui présente de plus la propriété d’être un antagoniste D2 à dissociation rapide 17 o Amisulpride (Solian®) antagoniste sélectif D2 et D3, présentant un profil d’action bipolaire Les agonistes dopaminergiques partiels o Aripiprazole (Abilify®) Il est intéressant de noter que certains antipsychotiques de première génération (comme la loxapine, la cyamémazine et le sulpiride) pourraient avoir des propriétés pharmacologiques d’antipsychotiques atypiques, notamment à faibles doses. Les récepteurs 5HT2A agissent comme des freins sur la dopamine. Un antagoniste 5HT2A entraine une libération de dopamine dans certaines aires cérébrales. Au niveau de la voie méso-limbique : le blocage des récepteurs D2 permet de diminuer l’hyperactivité dopaminergique et donc les signes productifs. Au niveau de la voie méso-corticale : les antipsychotiques de 2ème génération bloquent non seulement les récepteurs D2 mais aussi les récepteurs 5HT2A. La libération de dopamine provoquée par le blocage des récepteurs D2 entre en compétition avec le blocage des récepteurs D2. Les symptômes négatifs et cognitifs de la schizophrénie sont diminués Au niveau de la voie nigro-striée : la libération de dopamine induite par le blocage des récepteurs 5HT2A entre en compétition avec le blocage des récepteurs D2. Le faible blocage D2 qui en résulte permet d’observer moins, voire pas du tout, de syndromes extra-pyramidaux et de dyskinésies tardives. Au niveau de la voie tubéro-infundibulaire : la dopamine inhibe la sécrétion de prolactine tandis que la sérotonine l’augmente. Un antagoniste sérotonine-dopamine agit simultanément sur les récepteurs D2 et 5HT2A, atténuant le phénomène d’hyperprolactinémie. Au niveau de l’area postrema, sur le centre du vomissement (effet périphérique, même si les neurones sont centraux) : effet anti-émétique. Les antipsychotiques de 2ème génération entrainent moins d’effets secondaires à court terme que les antipsychotiques de 1ère génération, on retrouve ceux qui sont directement liés à l’effet thérapeutique : angoisses, réactivation délirante, dépression, agitation, troubles du 18 sommeil, sédation … ainsi que les troubles neurovégétatifs liés aux effets atropiniques. Les effets extra-pyramidaux sont eux plus faibles, voire absents. Cependant, le risque cardio-métabolique est accru : en effet, si un traitement par un antipsychotique peut s’accompagner de prise de poids et de troubles des métabolismes glucidique et lipidiques qu’il soit de 1ère ou de 2ème génération, les données suggèrent que les patients recevant des antipsychotiques de 2ème génération (en particulier l’olanzapine et la clozapine) sont exposés à un risque plus important de diabète(19). Seul l’Aripiprazole présente un faible risque cardio-métabolique et provoque une faible prise de poids. Les contre-indications pour ces médicaments sont les mêmes que pour les antipsychotiques de 1ère génération : maladie neurologique évolutive (sclérose en plaque, maladie de Parkinson), glaucome à angle fermé, troubles urétro-prostatiques associés à un risque de rétention urinaire, antécédent de syndrome malin des neuroleptiques, d’agranulocytose iatrogène, de porphyrie, grossesse. Les interactions médicamenteuses sont proches de celles des antipsychotiques de 1ère génération. On notera cependant l’association possible du lithium avec l’aripiprazole 1.2.1.3 Formes retard Des formes retard des antipsychotiques (de 1ère ou 2ème génération) ont été mises au point. Ils ont une durée d’action de 2 à 4 semaines et permettent ainsi une meilleure observance par diminution des posologies (1 à 2 injections par mois). Ces formes ne sont jamais utilisées en 1ère intention, il faut d’abord s’assurer de la tolérance par voie orale. Aripiprazole (Abilify maintena®) Flupentixol (Fluanxol LP®) Fluphénazine (Modecate®) Halopéridol (Haldol decanoas®) Loxapine (Loxapac®) Palipéridone (Xeplion LP®) Penfluridol (Semap®) Pipothiazine (Piportil L4®) Zuclopentixol (Clopixol action semi-prolongée®, Clopixol action prolongée®) 19 1.2.1.4 « Syndrome malin des neuroleptiques » Le syndrome malin des neuroleptiques est un effet indésirable rare mais grave commun à tous les neuroleptiques. Les causes sont relativement mal connues et certainement multiples. Ce syndrome est à évoquer devant toute fièvre inexpliquée chez un patient sous neuroleptique, nécessitant l’arrêt du traitement ainsi qu’un traitement symptomatique. Il se présente avant tout comme un syndrome hyperthermique accompagné d’une pâleur, de sueurs, d’une rigidité musculaire, de désordres neurovégétatifs et d’un bilan biologique très perturbé (augmentation des CPK, de la LDH et des transaminases, hyperleucocytose). Il y a un risque létal par défaillance cardiaque ou rénale.(20) En cas de guérison, la reprise d’un traitement antipsychotique est problématique car le risque de récidive est supérieur à 50 %.(21) 1.2.1.5 Théorie intégrée de la schizophrénie et des antipsychotiques Le Tableau 4 reprend le niveau de transmission selon les voies dopaminergiques en fonction du terrain du patient et du type d’antipsychotique utilisé. Il en découle les effets thérapeutiques et effets secondaires. 20 Voies mésolimbiques Niveau de Elevé neurotransmission Schizophrénie Symptômes Symptômes non traitée positifs Antagoniste D2 pur Antagoniste 5HT et D Agoniste D2 partiel Niveau de Faible neurotransmission Symptômes Diminution des symptômes positifs Absence de sentiment de plaisir ou de récompense Niveau de Faible neurotransmission Symptômes Diminution des symptômes positifs Absence de sentiment de plaisir ou de récompense Niveau de Normal neurotransmission Symptômes Diminution des symptômes positifs Voies mésocorticales vers le CPFDL faible Voies mésocorticales vers le CPFVM Faible normal normal Symptômes cognitifs Symptômes négatifs Faible Symptômes affectifs Symptômes négatifs Faible Faible Faible Symptômes cognitifs Symptômes négatifs Symptômes affectifs Symptômes négatifs Syndrome pseudo Hyperprolactinémie parkinsonien Normal Normal Normal Normal Normal Normal Normal Normal Voies nigrostriées Voies tubéroinfundibulaires Tableau 4 : Théorie intégrée de la schizophrénie et des neuroleptiques (d’après Psychopharmacologie essentielle : bases neuroscientifiques et applications pratiques, F. Stahl) 21 1.2.2 Antidépresseurs Tous les antidépresseurs ont un principe général commun : favoriser l’action synaptique d’au moins l’une des trois monoamines impliquées dans la dépression (dopamine, sérotonine et noradrénaline), que ce soit par inhibition de la recapture, blocage de la dégradation, blocage du rétrocontrôle négatif. L’augmentation aiguë des concentrations en neurotransmetteurs entraine des modifications adaptatrices de la sensibilité des récepteurs, c’est-à-dire une désensibilisation (downregulation). Ainsi les antidépresseurs corrigeraient avec le temps l’hypersensibilisation pathologique des récepteurs post-synaptiques liée à la dépression(8). La Figure 2 reprend la pharmacodynamie des antidépresseurs et permet de comprendre le délai d’action. Figure 2 : Pharmacodynamie des antidépresseurs(8) La désensibilisation des récepteurs au niveau somatodendritique a lieu avant celle au niveau axonale, c’est pour cela que la désinhibition motrice apparait plus rapidement (quelques jours) que l’effet antidépresseur (2 à 4 semaines). Il faudra être particulièrement attentif au risque suicidaire à l’instauration du traitement : il est maximal après quelques jours de traitement. La désinhibition motrice est plus rapide que la disparition du syndrome psychique, favorisant le passage à l’acte suicidaire. La prévention de ce risque sera abordée plus tard, dans les recommandations de prise en charge du syndrome dépressif. 22 1.2.2.1 Antidépresseurs imipraminiques On retrouve dans cette famille, anciennement appelés antidépresseurs tricycliques : - Clomipramine (Anafranil®) - Amoxapine (Défanyl®) - Amitriptyline (Elavil®, Laroxyl®) - Maprotiline (Ludiomil®) - Dosulépine (Prothiaden®) - Doxépine (Quitaxon®) - Trimipramine (Surmontil®) - Imipramine (Tofranil®) Les antidépresseurs imipraminiques agissent par blocage de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline. L’amitryptiline est métabolisée au niveau hépatique par les isoenzymes CYP 3A4, CYP 2C19 et CYP 2D6 du cytochrome P450. Le rôle du cytochrome P450 dans le métabolisme des autres antidépresseurs imipraminiques n’est pas bien connu mais on constate que les inhibiteurs du CYP 2D6 augmentent les concentrations plasmatiques des antidépresseurs imipraminiques(15). Ce sont des produits très efficaces mais mal tolérés : ils bloquent également d’autres récepteurs, provoquant des effets indésirables. Le blocage des récepteurs H1 entraine une sédation et une prise de poids. Le blocage des récepteurs M1 provoque des effets atropiniques : sécheresse buccale, troubles de l’accommodation, rétention urinaire, constipation. Le blocage des récepteurs α1 induit une hypotension orthostatique et des vertiges. Enfin, les antidépresseurs imipraminiques bloquent aussi faiblement les canaux sodiques voltage dépendants au niveau cardiaque et central, pouvant entrainer coma, crises convulsives, arythmies, arrêt cardiaque voire décès en cas de surdosage(8). D’autre part, les manifestations neurologiques sont assez fréquentes : tremblements s’estompant le plus souvent avec une diminution de la posologie (trémulations fines de la langue et des mains, tremblement de repos, dysarthrie), crises convulsives. Les antidépresseurs imipraminiques sont contre-indiqués en cas de glaucome à angle fermé, de troubles urétro-prostatiques associés à un risque de rétention urinaire ou d’infarctus du myocarde récent. 23 Il faudra être vigilant quant aux interactions médicamenteuses : certaines sont contre indiquées en raison d’un risque de syndrome sérotoninergique (IMAO non sélectif) ou d’un risque cardiaque (Sultopride). D’autres associations sont déconseillées : - Sympathomimétiques car les antidépresseurs imipraminiques inhibent la recapture de la noradrénaline, le risque est celui d’une hypertension avec possibilité de troubles du rythme cardiaque. - Alcool - IMAO-A - Clonidine et rilménidine car abolition de l’effet antihypertenseur par antagonisme au niveau α-adrénergique, risque de crises hypertensives - Antidépresseurs sérotoninergiques purs Enfin, certaines associations sont à utiliser avec précautions : - Anticholinergiques car augmentation des effets anticholinergiques - Antiépileptiques car diminution de l’effet anticonvulsivant - Médicaments dépresseurs du système nerveux central car addition des effets sédatifs(15) 1.2.2.2 ISRS = Inhibiteurs Sélectifs de la Recapture de la Sérotonine Les médicaments de cette famille disponibles en France sont : - Citalopram (Séropram®) - Escitalopram (Séroplex®) - Fluoxétine (Prozac®) - Fluvoxamine (Floxyfral®) - Paroxétine (Deroxat®) - Sertraline (Zoloft®) Ces médicaments agissent en bloquant la recapture de la sérotonine uniquement. Les ISRS sont métabolisés au niveau hépatique par diverses enzymes du cytochrome P450. L’escitalopram et le citalopram sont métabolisés par l’isoenzyme CYP 2C19. La sertraline est métabolisée par l’isoenzyme CYP 3A4. La sertraline est, elle, métabolisée par la catéchol-ométhyltransférase. Enfin, ces médicaments sont aussi des inhibiteurs du cytochrome P450, 24 sur des isoenzymes différents et à des degrés variés : la fluoxétine inhibe les isoenzymes CYP 2D6, 2C9 et 2C19, la fluvoxamine inhibe les CYP 1A2, 2C9 et 2C19, la paroxétine, la sertraline, le citalopram et l’escitalopram inhibent quant à eux l’isoenzyme CYP 2D6(15). Pour une efficacité comparable à celle des antidépresseurs imipraminiques, les ISRS sont mieux tolérés. Ils présentent des effets indésirables : Digestifs : nausées, vomissements (notamment dus à l’activation des récepteurs 5HT3), constipation, anorexie Neurologiques : insomnie, irritabilité, céphalées, tremblements, hypersudation, baisse de la libido (par activation des récepteurs 5HT2) Hyponatrémie par hypersécrétion d’ADH (surtout chez la personne âgée) En outre, les ISRS présentent un risque de syndrome sérotoninergique. Il s’agit d’un effet indésirable lié à certains surdosages ou à des interactions, justifiant l’arrêt immédiat du traitement et pouvant entrainer une hospitalisation voire la mise en jeu du pronostic vital. Il associe un ensemble de symptômes d’ordre digestifs (diarrhées), végétatifs (dysrégulation thermique, sueurs, hypo ou hypertension), moteurs (myoclonies, tremblements) et neuropsychiques (confusion, agitation, voire coma)(22). Les interactions médicamenteuses sont variées : - Inducteurs et inhibiteurs du cytochrome P450 modifient la métabolisation des ISRS - Les ISRS inhibent certains isoenzymes du cytochrome P450, perturbant l’activité des autres médicaments métabolisés par ces enzymes : antiépileptiques, tamoxifène - Augmentation du risque de syndrome sérotoninergique avec d’autres produits favorisant la transmission sérotoninergique : IMAO, triptans, millepertuis, amphétamines …(23) - Augmentation du risque d’hyponatrémie avec les médicaments entrainant des perturbations électrolytiques : diurétiques, analogue de l’ADH, sulfamides hypoglycémiants … 1.2.2.3 IRSNa = Inhibiteurs de la Recapture de la Sérotonine et de la Noradrénaline Les IRSNa disponibles en France sont : - Milnacipran (Ixel®) 25 - Venlafaxine (Effexor®) - Doluxétine (Cymbalta®) Ces antidépresseurs bloquent la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline. Ils ont un profil de recapture proche de celui des antidépresseurs imipraminiques mais sans les effets latéraux. Les effets indésirables et interactions médicamenteuses sont comparables à ceux des ISRS. 1.2.2.4 IMAO = Inhibiteurs de la Mono-Amine Oxydase 1.2.2.4.1 Inhibiteur non sélectif Le seul représentant est l’iproniazide (Marsilid®). C’est un inhibiteur irréversible. La MAO-A dégrade la noradrénaline et la sérotonine et la MAO-B dégrade la dopamine. L’utilisation d’un IMAO non sélectif limite la dégradation de ces amines. Le profil d’effets indésirable est constitué des symptômes liés à l’accumulation des monoamines : - L’accumulation de noradrénaline expose à des crises hypertensives graves - L’excès de dopamine expose à des effets indésirables neurologiques, dont des hallucinations - L’accumulation de sérotonine expose à un risque de syndrome sérotoninergique, détaillé précédemment. Les interactions médicamenteuses sont nombreuses. Sont notamment contre-indiquées : les amphétamines, les sympathomimétiques, les antidépresseurs sérotoninergiques (purs ou mixtes), la L-DOPA, les triptans… Il faut respecter un délai de 15 jours avant l’instauration d’un nouvel antidépresseur ou avant une anesthésie générale. Enfin, l’iproniazide est à l’origine d’une interaction alimentaire car il inhibe le métabolisme de la tyramine, présente dans de nombreux aliments, notamment le fromage (d’où le nom de « cheese effect », le chocolat, la banane et les alcools (bière, vin). En cas d’accumulation, cette amine provoque une crise hypertensive. Tous ces facteurs limitent l’utilisation de ce médicament dans la pratique. 26 1.2.2.4.2 Inhibiteur sélectif de la MAO-A Le moclobémide (Moclamine®) est un inhibiteur irréversible, spécifique de la MAO-A. Si les risques liés à la noradrénaline et la sérotonine, notamment le syndrome dérotoninergique, sont toujours présents, le « cheese effect » n’est pas retrouvé ici. De plus, un délai de 24h est suffisant avec d’utiliser un autre antidépresseur. 1.2.2.5 Autres antidépresseurs 1.2.2.5.1 Les NASSA = Antidépresseurs spécifiques de la sérotonine et noradrénaline On retrouve dans cette famille deux molécules proches : la miansérine (Athymil®) et la mirtazapine (Norset®) Ces médicaments favoriseraient la transmission noradrénergique et sérotoninergique sans modifier la recapture des différentes amines. Le blocage des récepteurs α2 entraine une désinhibition de la libération de la sérotonine et de la noradrénaline, puisque l’antagoniste α2 empêche à la noradrénaline le blocage de sa propre libération tout comme celle de sérotonine. De plus, l’augmentation de la libération de noradrénaline par les neurones du locus coeruleus stimule les récepteurs α1 post-synaptiques des neurones sérotoninergiques, ce qui accroit leur activité et la libération de sérotonine(8). Le métabolisme est encore mal connu mais suggère des interactions d’ordre pharmacocinétique au niveau du CYP 3A4. Le risque principal de ces médicaments est celui d’agranulocytose, notamment avec la miansérine. Une surveillance de la NFS est recommandée. Ces molécules présentent, en plus de l’antagonisme α2 et 5HT1 responsable de l’effet antidépresseur, un antagonisme 5HT2, 5HT3 et H1, à l’origine des autres effets secondaires : - 5HT2 : insomnies, agitation - 5HT3 : troubles digestifs - H1 : sédation, augmentation de l’appétit, prise de poids 1.2.2.5.2 Tianeptine (Stablon®) La tianeptine est un antidépresseur dont le mécanisme d’action exact n’est pas connu. Il est cliniquement proche des antidépresseurs tricycliques.(24) C’est un stimulant sélectif de la 27 recapture de la sérotonine (25), cela en fait un médicament au mode d’action opposé à celui des ISRS, bien qu’ayant la même indication. La tianeptine n’a pas d’effet anticholinergique, antihistaminergique ou stabilisateur de membrane. En plus de son effet sur la sérotonine, la tianeptine aboutirait à une augmentation de la dopamine dans le noyau accumbens chez le rat, ce qui pourrait contribuer à l’effet antidépresseur(26,27). L’intérêt de la tianeptine par rapport aux autres antidépresseurs est qu’elle n’entraine ni sédation, ni changement de poids, ni anomalies de la sexualité, ne présente pas d’effets secondaires de type cholinergique et est bien supportée sur le plan cardiovasculaire. Cependant, elle peut entrainer des effets psychiatriques, notamment à type de cauchemars.(3) Le risque majeur avec cette molécule est le risque d’abus et de pharmacodépendance. De ce fait, elle est soumis à une partie de la réglementation des stupéfiants : prescription en toutes lettres sur une ordonnance sécurisée, durée de prescription limitée à 28 jours, chevauchement interdit sauf mention expresse du prescripteur portée sur l’ordonnance, conservation d’une copie pendant 3 ans par le pharmacien (28). 1.2.2.5.3 Agomélatine (Valdoxan®) L’agomélatine est un agoniste des récepteurs de la mélatonine, hormone régulatrice du sommeil et antagoniste des récepteurs 5HT2C de la sérotonine. Elle présente peu d’effets indésirables concernant le poids, la fonction sexuelle, les effets cardiovasculaires et gastro-intestinaux et n’entraine pas de syndrome de sevrage à l’arrêt. En revanche un risque d’hépatite cytolytique nécessite un contrôle de la fonction hépatique à l’instauration du traitement puis une surveillance régulière des transaminases. (29) Le Tableau 5 classe les antidépresseurs selon leur activité thérapeutique : on distingue les antidépresseurs stimulants ou désinhibiteurs des antidépresseurs sédatifs ou anxiolytiques. Les premiers vont avoir tendance à augmenter l’anxiété et pourront être associés à des anxiolytiques ou des hypnotiques tandis que les seconds vont induire une dépression et des effets latéraux cholinergiques justifiant parfois l’association à des correcteurs des effets atropiniques. Les antidépresseurs intermédiaires ont des propriétés sédatives ou 28 stimulantes peu marquées : ils se révèleront plutôt sédatifs chez certains déprimés et plutôt stimulants chez d’autres.(30) Antidépresseurs stimulants ou désinhibiteurs Moclamine Bupropion Intermédiaires Imipramine Clomipramine (jugée psychotonique par certains auteurs et plutôt sédative pour d’autres) Tianeptine ISRS Venlafaxine Milnacipran Antidépresseurs sédatifs ou anxiolytiques Amitrityline Doxépine Maprotiline Trimipramine Miansérine Mirtazapine Tableau 5 : Classification biologique des antidépresseurs(30) 1.2.3 Thymorégulateurs 1.2.3.1 Lithium En France, le lithium se présente sous forme de carbonate de lithium, Téralithe®. Il existe une forme à libération immédiate, administrée en deux prises quotidiennes ou plus et une forme à libération prolongée administrée en prise unique le soir. Les mécanismes d’action du lithium expliquant son efficacité thérapeutique sont encore à élucider, il agirait en modifiant la transduction du signal(8). La cinétique du lithium, présentée dans le Tableau 6, est importante à connaitre car il s’agit d’un médicament à marge thérapeutique étroite. Forme commercialisée Schéma d’administration Pic plasmatique Biodisponibilité Elimination Equilibre concentrations Libération immédiate Libération prolongée Téralithe 250 mg 2 prises quotidiennes ou plus Téralithe LP 400 1 prise le soir 1 à 2h après la prise 4 à 5h après la prise 80-100% Rénale Demi-vie d’élimination rénale variable, de 12 à 24h, augmente avec l’âge (36-48h après 60 ans) Compétition avec le sodium pour la réabsorption au niveau du tubule proximal: la lithiémie augmente si la natrémie diminue des 4 à 5 jours, voire 7 jours Tableau 6 : Cinétique du lithium en fonction de la forme considérée(31) 29 Un bilan initial complet est réalisé avant le début du traitement : mesure du poids, de la taille, du périmètre abdominal, de la tension artérielle, examen de la fonction rénale, ionogramme sanguin et NFS, bilan lipidique, glycémie à jeun, thyroïdien, ECG si antécédent ou facteur de risque cardiovasculaire, absence de grossesse chez les femmes en âge de procréer. Des dosages de la lithiémie sont effectués dans les circonstances suivantes : après la 1ère et la 2ème semaine qui suivent l’introduction du traitement, pour ajuster le dosage, une semaine après un changement de dosage, quand survient un épisode dépressif ou maniaque, dans des situations à risque de surdosage, en cas de suspicion d’intoxication et enfin, quatre fois par an lors d’un traitement au long cours sans complication. Le dosage se fait 12h après la dernière prise. La lithiémie doit être comprise entre 0,5 et 0,8 mEq/L pour la forme à libération immédiate et 0,8 et 1,2 mEq/L pour la forme à libération prolongée(32). La plupart des patients ont des effets secondaires, importants ou mineurs. Les effets communs (désordres gastro-intestinaux, fatigue, polyurie, fin tremblement de repos) sont souvent transitoires. D’autres effets plus sérieux peuvent apparaitre sur du long terme : hypothyroïdie, insuffisance rénale, diabète insipide, altérations cardiaques et cognitives Enfin, les effets dose-dépendants apparaissent en cas de surdosage : polyurie, polydipsie, prise de poids, problèmes cognitifs (mémoire, concentration, ralentissement, confusion), tremblements, sédation, troubles de la coordination, troubles gastro-intestinaux (nausées, vomissements, diarrhées, dyspepsie), perte de cheveux, leucocytose, acné, œdème(33). En raison du risque de surdosage, le lithium est contre-indiqué en cas d’insuffisance rénale, même modérée, de déplétion hydrosodée, de régime hyposodé, de grossesse. Les interactions médicamenteuses concernent principalement les médicaments modifiant l’élimination du lithium (risque de surdosage) : diurétiques, AINS, IEC, sartans mais aussi les médicaments néphrotoxiques (aminosides, antifongiques tels que le voriconazole et l’amphotéricine B, les dérivés du platine…). On évitera aussi d’associer d’autres médicaments provoquants des effets indésirables neurologiques et psychiques : neuroleptiques, carbamazépine, alcool…(15) 30 1.2.3.2 Anticonvulsivants Certains anticonvulsivants sont utilisés comme thymorégulateurs. Il s’agit de : - Carbamazépine (Tégrétol®), indiqué dans la prévention des rechutes, notamment chez les patients présentant une résistance relative, des contre-indications ou une intolérance au lithium ainsi que pour le traitement des états d’excitation maniaque ou hypomaniaque. - Acide valproïque : o Valpromide (Dépamide®), indiqué dans le trouble bipolaire en cas de contreindication ou d’intolérance au lithium et à la carbamazépine. o Divalproate de sodium (Dépakote®), indiqué dans le traitement des épisodes maniaques en cas de contre-indication ou d’intolérance au lithium. - Lamotrigine (Lamictal®), indiquée dans la prévention des épisodes dépressifs chez les patients présentant un trouble bipolaire de type I et qui ont une prédominance d’épisodes dépressifs. Les mécanismes d’action sont encore mal connus et propres à chaque molécule. Il s’agirait globalement d’augmenter la transmission GABAergique inhibitrice et de diminuer l’excitation glutamatergique. La carbamazépine est métabolisée par l’isoenzyme 3A4 du cytochrome P450 en un métabolite actif, mais c’est aussi un inducteur enzymatique, accélérant le métabolisme de nombreux médicaments (antipsychotiques, antidépresseurs, contraception orale, dont la carbamazépine elle-même). Elle présente des effets indésirables neurologiques et psychiques (somnolence, vertiges, troubles de l’accommodation, diplopie, céphalées, ataxie, confusion, agitation), hématologiques (plus rares mais plus graves : leucopénie, thrombocytopénie, agranulocytose, anémie aplasique), hépatiques (augmentation des gamma-GT, phosphatases et transaminases, hépatites), cardiovasculaires (troubles de la conduction), cutanées (hypersensibilité). Elle possède les mêmes contre-indications que les antidépresseurs imipraminiques, c’est-à-dire le glaucome, la rétention urinaire, les troubles du rythme et de la conduction cardiaque. L’acide valproïque est métabolisé par glucuroconjugaison ou beta-oxydation. Ce n’est pas un inducteur enzymatique. Il peut provoquer une prise de poids, des tremblements, une 31 somnolence et présente une toxicité hépatique justifiant un contrôle biologique de la fonction hépatique. La lamotrigine est métabolisée principalement par glucuroconjugaison, elle est faiblement sensible aux inducteurs du cytochrome P450. Elle n’agit pas sur le système enzymatique du cytochrome P450. Une introduction lente est nécessaire pour limiter le risque de réactions cutanées qui peuvent être parfois sévères. On a pu observer des effets de type céphalées, somnolences, insomnies, tremblements, diplopie mais aussi des effets psychiatriques (irritabilité)(15) (33). 1.2.3.3 Antipsychotiques Actuellement, seuls l'olanzapine, la rispéridone et l'aripiprazole ont une AMM dans le traitement des épisodes maniaques ou mixtes, mais également dans la prévention des récidives maniaques chez les patients ayant répondu à ces médicaments lors d'un épisode maniaque antérieur(34). La quétiapine dispose de l’AMM dans le traitement de la dépression bipolaire, dans le traitement de l'état maniaque ou mixte et dans la prévention des récurrences. Selon la HAS, la quétiapine en monothérapie représente une alternative supplémentaire de traitement en aigu des épisodes maniaques, et également un des traitements de 1re ligne des épisodes dépressifs dans les troubles bipolaires. En revanche, selon la HAS, la quétiapine n'a pas de place dans la prévention des récidives chez les patients présentant un trouble bipolaire, les données étant insuffisantes pour juger de son intérêt en prévention des récidives(35) Enfin, l'asénapine (Sycrest®), un antipsychotique ne disposant pas de l’AMM dans le traitement de la schizophrénie, dispose d'une AMM dans le traitement à court terme des épisodes maniaques aigus modérés à sévères(36). 1.2.4 Anxiolytiques 1.2.4.1 Benzodiazépines Les benzodiazépines pouvant être utilisées en France sont : - Alprazolam (Xanax®) - Bromazépam (Lexomil®) - Clobazam (Urbanyl®) - Clorazepate dipotassique (Tranxène®) 32 - Clotiazépam (Veratran®) - Diazépam (Valium®) - Loflazepate d’éthyle (Victan®) - Lorazépam (Temesta®) - Oxazépam (Seresta®) - Prazépam (Lysanxia®) Ces molécules agissent par modulation allostérique du GABA sur son récepteur : elles renforcent la voie GABAergique en augmentant la fréquence d’ouverture du canal GABA-A en présence de GABA(8). Toutes les benzodiazépines possèdent les mêmes propriétés Anxiolytiques Sédatives Anti-convulsivantes Myorelaxantes Amnésiantes(5) L’utilisation dépend de la vitesse d’apparition des effets et de la demi-vie (de quelques heures à plusieurs dizaines d’heures). Le Tableau 7 distingue les benzodiazépines à « demivie courte » de celles à « demi-vie longue » en précisant leur demi-vie. Benzodiazépines à « demi-vie courte » (<20h) Benzodiazépines à « demi-vie longue » (≥20h) Molécule Nom commercial Alprazolam Clotiazépam Lorazépam Oxazépam Bromazépam Clobazam Clorazépate dipotassique Diazépam Loflazépate d’éthyle Nordazépam Prazépam Xanax® Veratran® Temesta® Seresta® Lexomil® Urbanyl® Demi-vie (mesurée chez l’adulte) 10 à 20h 4h 10 à 20h 8h 20h 20h Tranxène® 30 à 150h Valium® Victan® Nordaz® Lysanxia® 32 à 47h 77h 30 à 150h 30 à 150h Tableau 7 : Demi-vie des benzodiazépines anxiolytiques(37) Toutes les benzodiazépines ne sont pas métabolisées de la même façon : certaines subissent une glucuroconjugaison, tandis que d’autres, telles que le diazépam, subissent une 33 oxydation hépatique. Il y aura dans ce cas d’avantage d’interactions pharmacocinétiques. Pour de nombreuses benzodiazépines, le métabolisme reste encore mal connu. Néanmoins, nous savons que l’alprazolam, le triazolam, le midazolam entre autres sont métabolisés par l’isoenzyme CYP 3A4 du cytochrome P450 alors que le diazépam sera métabolisé à la fois par le CYP 3A4 et le CYP 2C19.(15) Ce sont des molécules peu toxiques (doses toxiques très supérieures aux doses thérapeutiques et existence d’un antidote, antagoniste du récepteur aux benzodiazépines, le Flumazénil) mais des effets indésirables peuvent survenir aux doses thérapeutiques : Sédation survenant à des posologies proches des posologies anxiolytiques, sensation ébrieuse, baisse de la vigilance Amnésie antérograde, surtout chez les sujets âgés Rares réactions paradoxales : désinhibition, irritabilité, excitation Dépendance physique et psychique, surtout après des traitements prolongés. Le syndrome de sevrage apparait 1 à 5 jours après l’arrêt du traitement, sous forme d’insomnies, céphalées, anxiété, douleurs musculaires, confusions, sudation, constipation… C’est pour cela que les prescriptions d’anxiolytiques sont limitées à 12 semaines et qu’il est recommandé d’effectuer une diminution progressive des doses, étalée sur plusieurs jours, à l’arrêt du traitement. Dépression respiratoire Faiblesses musculaires Ces effets indésirables justifient la contre-indication des benzodiazépines en cas d’insuffisance respiratoire, d’apnée du sommeil ou de myasthénie. La voie de métabolisation les contre-indique en cas d’insuffisance hépatique sévère (18). Il faudra être attentif lors de l’utilisation de d’autres médicaments avec les benzodiazépines, afin d’éviter notamment une addition des effets sédatifs (hypnotiques, opioïdes, antiépileptiques, antipsychotiques, antidépresseurs sédatifs, antihistaminiques, alcool), un antagonisme d’effet (avec les médicaments de la maladie d’Alzheimer, anticholinestérasiques et mémantine) ou des interactions pharmacocinétiques (inducteurs et inhibiteurs enzymatiques).(15) 34 Cette famille de médicament fait l’objet d’une surveillance active par les CEIP qui ont pu mettre en évidence un risque de dépendance, d’abus et d’usage détourné et un risque d’usage criminel : ce sont les substances les plus impliquées dans les cas de soumission chimique.(38) 1.2.4.2 Antidépresseurs Certains médicaments antidépresseurs vus précédemment, ont l’AMM dans certains troubles anxieux. Il s’agit de : - Antidépresseurs imipraminiques : Clomipramine - ISRS : Citalopram, escitalopram, fluoxétine, fluvoxamine, paroxétine, sertraline - IRSNA : venlafaxine, duloxétine 1.2.4.3 Buspirone La buspirone est un agoniste des récepteurs 5HT1A présynaptiques et agoniste partiel 5HT1A post synaptique. Ces récepteurs sont inhibiteurs et diminuent la formation de l’AMP cyclique, leur second messager. Selon leur localisation ils interviennent dans des fonctions cérébrales différentes : sommeil, satiété, thermorégulation, humeur. La buspirone possède également une activité D2, sans présenter d’action de type neuroleptique.(31) C’est un anxiolytique non sédatif et non anticonvulsivant, n’entrainant pas de phénomène de dépendance, avec cependant un délai d’action plus long que les benzodiazépines et une variabilité interindividuelle de l’effet. La buspirone est métabolisée dans le foie par l’isoenzyme 3A4 du cytochrome P450.(15) Les effets indésirables sont des nausées, des vomissements, des sensations vertigineuses, des céphalées et de la nervosité.(31) Certaines associations médicamenteuses peuvent entrainer une majoration des effets sédatifs : hypnotiques, opioïdes (antalgiques, antitussifs ou traitements de substitution), antipsychotiques, antidépresseurs ayant un effet sédatif, antihistaminiques, alcool. D’autres peuvent majorer les effets sérotoninergiques, tels que les IMAO, les ISRS, les IRSNA, les triptans. Enfin, les médicaments modifiant le métabolisme hépatique peuvent diminuer l’efficacité ou augmenter les effets indésirables.(15) 35 1.2.4.4 Hydroxyzine L’hydroxyzine, Atarax®, est un antagoniste des récepteurs H1 centraux. Il présente ainsi des propriétés : Anxiolytiques : l’effet est moins puissant que pour les benzodiazépines mais l’hydroxyzine constitue une alternative intéressante dans les formes mineures d’anxiété ou en prémédication en anesthésiologie Sédatives, à l’origine d’effets indésirables : somnolence plus ou moins intense, vertiges, difficultés de concentrations, difficultés de mémorisation Antinaupathiques liées à l’activité anticholinergique Anticholinergiques qui expliquent certains effets indésirables (somnolence, constipation) et justifient certaines contre-indications (glaucome, adénome prostatique, grossesse, allaitement). Adrénolytiques pouvant entrainer une hypotension orthostatique (effet adrénolytique périphérique) et/ou une sédation (effet central). Les effets indésirables sont principalement liés à son action centrale et à ses effets anticholinergiques : confusion, troubles de l’accommodation, tachycardie, risque de torsade de pointe, allongement du QT, constipation, rétention urinaire. L’Agence Européenne du Médicament a d’ailleurs recommandé des restrictions d’utilisation, notamment en raison du risque d’allongement du QT.(39) L’association à l’alcool est déconseillée pour ne pas majorer les effets sédatifs. L’association à d’autres médicaments susceptibles de donner des torsades de pointe nécessite une surveillance clinique et électrocardiographique. Enfin, on sera prudent lors de l’association à d’autres dépresseurs du système nerveux central ou à d’autres substances atropiniques pour ne pas majorer les effets secondaires.(31) 1.2.4.5 Etifoxine Le mécanisme d’action de l’etifoxine, Stresam® n’a pas encore été totalement élucidé. Ce médicament faciliterait l’inhibition GABAergique en potentialisant directement l’activité des récepteurs GABA-A par un site modulateur allostérique différent de celui des benzodiazépines et/ou en stimulant la production de neurostéroïdes qui potentialisent l’activité des récepteurs GABA-A. 36 Ce médicament n’entraine pas de dépendance ni d’amnésie. Cependant, il peut provoquer des effets indésirables rares mais potentiellement graves hépatiques et cutanées. L’association avec l’alcool est déconseillée pour ne pas majorer l’effet sédatif et on tiendra compte de l’association avec d’autres dépresseurs du système nerveux central. A noter également, un risque d’interaction médicamenteuse diminuant l’activité des AVK ou de la contraception orale.(31) 1.2.5 Hypnotiques Actuellement, en France, plusieurs familles de molécules sont utilisées à but hypnotique : Les Benzodiazépines : o Estazolam (Nuctalon®) o Lormétazépam (Noctamide®) o Loprazolam (Havlane®) o Nitrazépam (Mogadon®) o Témazépam (Normison) o Triazolam o Flunitrazépam (Rohypnol) Les molécules apparentées aux Benzodiazépines o Zolpidem (Stilnox®) o Zopiclone (Imovane®) Les Antihistaminiques o Alimémazine (Théralène®) o Doxylamine (Donormyl®) o Chlorazépate + acépromazine (Noctran®) o Méprobamate + acépromazine (Mépronizine®) La mélatonine (Circadin®) 1.2.5.1 Benzodiazépines Les benzodiazépines hypnotiques ont les mêmes caractéristiques (mécanisme d’action, effets indésirables, interactions médicamenteuses, contre-indications) que les benzodiazépines anxiolytiques vues précédemment. 37 1.2.5.2 Apparentés aux benzodiazépines Les apparentés aux benzodiazépines agissent eux aussi sur les récepteurs aux benzodiazépines, et plus précisément à l’isoforme α1 (le zolpidem est sélectif mais le zopiclone se lie aussi aux isoformes α2, α3 et α5)(8). Ils augmentent ainsi les actions inhibitrices du GABA avec une certaine sélectivité sur l’action hypnotique.(40) La métabolisation se fait au niveau hépatique, notamment par l’isoenzyme CYP 3A4 du cytochrome P450 (15). Au-delà de la sélectivité sur le récepteur, les deux molécules se distinguent par leur demi-vie : courte pour le zolpidem (2,4h), longue pour le zopiclone (5 à 6h) Comme les benzodiazépines, ce sont des molécules peu toxiques (doses toxiques très supérieures aux doses thérapeutiques et existence d’un antidote, antagoniste du récepteur aux benzodiazépines, le Flumazénil). Les effets indésirables sont proches : Somnolence diurne, baisse de la vigilance, asthénie, sensation ébrieuse Amnésie antérograde, surtout chez les sujets âgés Rares réactions paradoxales : désinhibition, irritabilité, excitation Dépendance physique et psychique, surtout après des traitements prolongés. Le syndrome de sevrage apparait 1 à 5 jours après l’arrêt du traitement, sous forme d’insomnies, céphalées, anxiété, douleurs musculaires, confusions, sudation, constipation… C’est pour cela que les prescriptions d’hypnotiques sont limitées à 4 semaines et qu’il est recommandé d’effectuer une diminution progressive des doses, étalée sur plusieurs jours, à l’arrêt du traitement. Faiblesses musculaires Ces effets indésirables justifient la contre-indication de ces molécules en cas d’insuffisance respiratoire, d’apnée du sommeil ou de myasthénie. La voie de métabolisation les contreindique en cas d’insuffisance hépatique sévère. (31) Il faudra être attentif lors de l’utilisation de d’autres médicaments, afin d’éviter notamment une addition des effets sédatifs (hypnotiques, opioïdes, antiépileptiques, antipsychotiques, antidépresseurs sédatifs, antihistaminiques, alcool), un antagonisme d’effet (avec les médicaments de la maladie d’Alzheimer, anticholinestérasiques et mémantine) ou des interactions pharmacocinétiques (inducteurs et inhibiteurs enzymatiques).(15) 38 1.3 Traitements non médicamenteux des troubles de l’humeur En psychiatrie, le traitement associe souvent des techniques médicamenteuses et non médicamenteuses. Ces techniques sont complémentaires pour amener le patient vers un processus de guérison. 1.3.1 Psychothérapies Une psychothérapie est un traitement par des moyens psychologiques. Elle est réalisée par un psychothérapeute, dans le respect du secret professionnel. La Figure 3 permet de comprendre le niveau d’action des psychothérapies grâce à une représentation des contraintes réciproques qu’exercent les processus cognitifs, par l’intermédiaire de l’influence des régions d’intégrations sur les neurones régulateurs et inversement. Figure 3 : Niveau d'action des traitements médicamenteux et des psychothérapies (d’après Psychiatrie et neurosciences, Schulz, 2012) Pour simplifier, on peut dire que les psychothérapies agissent de haut en bas, tandis que les traitements médicamenteux, mais aussi la stimulation électrique, agissent de bas en haut. 39 Les techniques psychothérapiques sont essentiellement basées sur la parole mais peuvent aussi utiliser des médiations corporelles (relaxation, etc.). Elles sont individuelles, de couple, ou encore groupales. La durée varie de quelques semaines à quelques années. Bien qu’elles soient souvent présentées comme des traitements plus « légers », voire inoffensifs, les psychothérapies sont des traitements à part entière, avec des indications, des contre-indications, des objectifs, des effets secondaires.(5) 1.3.1.1 Psychothérapie de soutien La psychothérapie de soutien est destinée à soutenir le patient dans une relation rassurante. Elle repose sur une écoute attentive et une empathie à l’égard du patient.(5) 1.3.1.2 Psychothérapie analytique La psychothérapie analytique s’inspire de la psychanalyse. Elle se pratique en face à face : le patient exprime ses émotions, ses affects, ses conflits et fantasmes, de façon libre tandis que le thérapeute écoute, accompagne le patient, de façon sécurisante. Le travail se base sur l’inconscient, l’interprétation du discours du patient afin d’aider le patient à mieux se connaitre à la lumière de son histoire personnelle, de ses liens familiaux etc.(5) 1.3.1.3 Psychothérapies cognitives et comportementales Les psychothérapies ou thérapies cognitivo-comportementales (aussi appelées TCC) sont issues du courant de psychologie « behavioriste » selon lequel les troubles psychiques sont issus de problèmes survenus pendant l’apprentissage et le conditionnement. L’objectif est de prendre en charge les symptômes exprimés par les patients par un travail cognitif et comportemental afin de viser la résolution des problèmes rencontrés.(5) 1.3.1.4 Psychothérapies brèves Il existe différents types de thérapies brèves : hypnose éricksonienne, thérapies solutionnistes, thérapies stratégiques… mais elles ont toutes en commun une durée brève (quelques séances sur quelques semaines). La thérapie se centre sur une problématique actuelle, qu’elle va tenter de résoudre en se basant sur les ressources du patient. Un ou plusieurs objectifs concrets et réalisables sont définis avec le patient. Le thérapeute oriente le travail vers des solutions et les moyens possibles pour y parvenir.(5) 40 1.3.2 Stimulation cérébrale 1.3.2.1 Electroconvulsivothérapie L’électroconvulsivothérapie, ou sismothérapie, consiste à provoquer une crise comitiale généralisée au moyen d’un courant électrique administré de manière transcranienne. Les séances se déroulent sous anesthésie générale brève (quelques minutes) et après curarisation pour diminuer les conséquences traumatiques. Les séances sont répétées régulièrement pendant une phase curative puis espacées pendant la phase de consolidation. Il s’agit d’un traitement efficace mais son mécanisme d’action reste mystérieux. Il implique probablement la mobilisation de neurotransmetteurs provoqués par la convulsion. C’est un traitement rapide, qui peut être utilisé en urgence dans des contextes de risque élevé et de retentissement sévère.(8) 1.3.2.2 Stimulation magnétique transcranienne La stimulation magnétique transcranienne, ou TMS, est une technique dans laquelle un courant alternatif traverse une bobine placée sur la tête. Cela génère un champ magnétique qui induit un courant électrique dans les régions cérébrales sous-jacentes. Selon la fréquence, ce champ magnétique aura des effets stimulateurs (>5 Hz) ou inhibiteurs (<1 Hz) de la région ciblée. La seule contre-indication absolue est la présence de matériel ferromagnétique implanté au niveau de la zone de stimulation (dispositif implanté de neurostimulation, implants cochléaires). La stimulation est par contre possible chez les porteurs de pacemakers. Le nombre d’effets secondaires est extrêmement faible, la complication la plus sérieuse étant la survenue de crises d’épilepsie. La stimulation magnétique transcranienne a déjà fait ses preuves dans les épisodes dépressifs majeurs, les hallucinations auditives et aussi les douleurs neuropathiques chroniques. D’autres indications sont en cours d’étude et devraient se développer dans les années à venir : douleurs chroniques, mouvements anormaux, accidents vasculaires cérébraux, épilepsie, acouphènes, diverses pathologies psychiatriques.(41) 41 1.4 Recommandations Pour choisir un traitement, le prescripteur se base sur le RCP des différentes molécules et les recommandations des autorités de santé (HAS, ANSM). En leur absence, il se basera sur les avis des sociétés savantes. On distingue les traitements recommandés en première intention, en deuxième intention, voire en troisième intention. Le prescripteur tiendra compte de ces recommandations mais aussi du patient : pathologies contre-indiquant certains traitements, autres traitements en cours etc. Enfin, on distinguera la prise en charge d’urgence de celle à court, moyen et long terme. 1.4.1 Prise en charge du syndrome dépressif On parle d’urgence thérapeutique lorsque le risque suicidaire est élevé, lorsqu’il y a un risque somatique (par déshydratation et/ou dénutrition, surtout chez le sujet âgé) ou lorsque les symptômes sont sévères. L’hospitalisation est alors nécessaire (sans consentement si besoin), et la prévention du risque suicidaire est primordiale. En dehors des urgences, la prise en charge se fait principalement en ambulatoire. Il est recommandé en 1ère intention de prescrire un ISRS(5). On veillera à prévenir le virage de l’humeur, en éliminant une bipolarité sous-jacente et la levée d’inhibition, par la prescription d’anxiolytiques si nécessaire (l’association avec la cyamémazine, Tercian® est préconisée en cas de risque suicidaire, celle avec les benzodiazépines est discutée car elles favorisent la désinhibition). On observe une amélioration après 2 à 4 semaines de traitement et une réponse complète en 6 à 8 semaines. En cas d’échec, on vérifiera l’observance (prise régulière, doses suffisantes) et on augmentera les doses avant de changer de molécule. On peut changer pour un autre ISRS ou pour un IRSNA ou un antidépresseur tricyclique.(42) Le traitement sera prescrit pour une durée de 6 à 12 mois pour un premier ou deuxième épisode, pour éviter le risque de rechute. A partir du troisième épisode, la durée de traitement sera d’emblée de 2 ans. On réutilisera l’antidépresseur qui a été efficace pour le 1er épisode. La psychothérapie est essentielle pour accompagner le traitement psychotrope. 42 L’électroconvulsivothérapie est indiquée en cas d’échec du traitement médicamenteux. Elle peut être envisagée en 1ère intention dans les formes mélancoliques sévères, en particulier chez le sujet âgé. Parfois, un trouble dépressif ne relève pas d’antidépresseurs : il ne remplit pas tous les critères, il est inférieur à 15 jours, les symptômes sont transitoires (réaction à un deuil par exemple). Dans ce cas, le soutien psychologique est primordial et le suivi du patient régulier pour voir l’évolution des symptômes. (34) (43) L’Annexe I résume les recommandations de prise en charge d’une épisode dépressif. 1.4.2 Prise en charge du trouble bipolaire On distingue le traitement curatif des accès du traitement préventif des récidives. L’accès maniaque constitue une urgence thérapeutique qui peut nécessiter une hospitalisation, notamment si le patient n’est pas compliant. Devant un épisode maniaque, il convient de prescrire un thymorégulateur. En prévention des récidives thymiques, le patient se verra prescrire un traitement thymorégulateur au long cours. On utilisera en 1ère intention les sels de lithium, le valproate de sodium et certains antipsychotiques atypiques (aripiprazole, olanzapine, quétiapine, rispéridone). Les bithérapies sels de lithium + valproate de sodium ou sels de lithium + antipsychotiques atypiques seront indiquées en 2ème intention, en cas d’échec de la monothérapie. (32) Devant un épisode dépressif d’un trouble bipolaire, il convient de prescrire un antidépresseur et un thymorégulateur : un antidépresseur prescrit seul risquerait d’entrainer un virage de l’humeur et une alternance plus rapide des cycles.(44) Le seul médicament ayant une AMM dans le cadre de la dépression bipolaire est la quétiapine.(35) Le traitement psychotrope s’accompagne de psycho-éducation dédiée au patient et à sa famille, afin de les aider à repérer les symptômes annonciateurs des épisodes, de leur expliquer les règles hygiéno-diététiques à utiliser au quotidien (réduction du stress, rythmes réguliers, pas d’abus d’alcool etc.), d’optimiser l’observance. Des techniques d’ECT et de rTMS peuvent être proposées.(32) L’Annexe II résume les recommandations de prise en charge du trouble bipolaire. 43 1.4.3 Prise en charge des troubles anxieux et phobiques La prise en charge se fait principalement en ambulatoire. L’hospitalisation peut être proposée au stade des complications et/ou en cas de risque suicidaire. Les anxiolytiques constituent le traitement symptomatique des troubles anxieux, c’est un traitement ponctuel. La prescription est limitée à 12 semaines. Du fait du risque de dépendance et de mésusage, l’utilisation des benzodiazépines doit se faire avec précautions. On peut également proposer des beta-bloquants.(44) Les antidépresseurs (ISRS et IRSNA en 1ère intention ; antidépresseurs tricycliques si nonréponse ou mauvaise tolérance) sont utilisés en traitement de fond, au long cours, dans le trouble panique, le trouble anxieux généralisés, le trouble obsessionnel compulsif (à fortes doses) et dans l’état de stress post traumatique.(45) Le Tableau 8 présente les médicaments recommandés pour chaque trouble. Le traitement psychotrope est systématiquement assorti de règles hygiéno-diététiques : arrêt des excitants (thé, café, tabac, alcool), activité physique régulière et relaxation. Les psychothérapies ont ici toute leur place : psychothérapie de soutien (écoute, réassurance, suggestion), thérapies cognitivo-comportementales (guidance, 3 à 6 mois, techniques cognitives, techniques de relaxation et gestion du stress, hyperventilation provoquée). Une prise en charge médico-sociale se justifie dans les troubles anxieux graves difficiles à équilibrer, pour permettre un traitement efficace tout en maintenant une activité scolaire et/ou professionnelle. (44–46) Les annexes Annexe III Annexe V résument les recommandations de prise en charge pour le trouble anxieux, le trouble panique et le trouble obsessionnel compulsif. 44 Troubles anxieux Attaque Trouble anxieux de généralisé Trouble panique Troubles phobiques PTSD TOC Agoraphobie Phobie Phobie sociale spécifique panique Anxiolytique : benzodiazépine, buspirone, hydroxyzine, prégabaline intention intention 2ème 1ère Antidépresseurs ISRS Antidépresseurs ISRS Antidépresse ou IRSNA ou IRSNA - Escitalopram - Citalopram - Paroxétine - Escitalopram - Venlafaxine - Paroxétine Clomipramine ou IRSNA urs ISRS ou fortes doses) uniquement si IRSNA invalidant - ISRS ou IRSNA (à ISRS - Fluoxétine Parox - Fluvoxamine - Paroxétine étine - Paroxétine - Escitalopram pharmacologiqu - Sertraline - Venlafaxine e Pas de traitement Clompramine Tableau 8 : Tableau récapitulatif des recommandations de prise en charge médicamenteuse des troubles anxieux et phobiques (44–46) 45 1.5 Notion de pharmacorésistance 1.5.1 Définition Malgré la reconnaissance de la pharmacorésistance par la communauté médicale, il n’existe aucune définition consensuelle. Les critères utilisés varient selon les études, mais le plus commun est l’échec d’au moins deux traitements (de classes différentes) à doses et durée adaptées(47). En 1990 une étude américaine estimait que 15 à 20% des épisodes dépressifs majeurs étaient résistants(48). 1.5.2 Classification de la résistance Plusieurs auteurs ont proposé des méthodes de classification de la résistance, inspirées des classifications utilisées par les cancérologues. Thase et Rush ont proposé en 1997 une méthode proposant 5 niveaux de résistance, en fonction du nombre et du type de traitement, avec hiérarchisation au sein des différents traitements. La Figure 4 décrit cette classification. Figure 4 : Classification de la dépression résistante au traitement selon Thase et Rush : Niveaux de résistance(49) Souery et son équipe proposent en 1999 un autre outil de classification distinguant trois niveaux de résistance, décrits dans la Figure 5. Cette classification est aussi appelée Classification « Européenne et Nord-Américaine ». 46 Figure 5 : Classification de la dépression résistante selon Souery (50) La classification du Massachusetts General Hospital, proposée par Fava en 2003, se base sur un système de points accordés en fonction du nombre d’essais, de stratégies d’augmentation de dose ou de durée ou de potentialisation ou des ECT. Le barème d’attribution des points est présenté dans la Figure 6. On parlera de résistance si le score est supérieur à 3 points. Figure 6 : Classification du Massachussetts General Hospital de la dépression résistante au traitement(13) Enfin, l’équipe de Fekadu a proposé en 2009 un outil multidimensionnel de quantification de la résistance, prenant en compte la durée et la sévérité de la maladie : « The Maudsley Staging Method ». Le barème d’attribution des points est présenté dans la Figure 7. Le score total, compris entre 3 et 15 permet d’identifier 3 niveaux de résistance : résistance légère pour un score de 3 à 6, modérée pour un score entre 7et 10 et sévère pour un score de 11 à 15. 47 Figure 7 : Classification de la dépression résistante selon la méthode Maudsley(14) 1.5.3 Problématiques liées à la pharmacorésistance La définition, simple en théorie, fait apparaitre plusieurs problématiques dès lors qu’on observe la pratique. En effet, on ne pourra parler de pharmacorésistance qu’après avoir éliminé des causes de « fausse résistance ». 1.5.3.1 La pathologie traitée est-elle celle dont souffre le patient ? Le diagnostic peut être complexe à établir : il repose sur une évaluation clinique et il n’existe pas d’examen biologique ou d’imagerie pouvant confirmer un diagnostic. Par exemple, pour le trouble bipolaire, il peut s’écouler 8 ans en moyenne entre le début des troubles et la confirmation du diagnostic (32). En psychiatrie, le diagnostic décrit généralement un syndrome plutôt qu’une maladie, c’està-dire un ensemble de signes et symptômes regroupés sous une étiquette par les systèmes de classification (DSM, CIM). Or, ces étiquettes ne sont pas toujours légitimes. Une réévaluation du diagnostic après un échec peut permettre de proposer une nouvelle prise en charge plus adéquate.(3) 48 1.5.3.2 Le patient bénéficie-t-il de la bonne prescription ? Le traitement doit être adapté au patient. Pour cela le médecin se réfère au RCP des médicaments, aux recommandations de l’HAS, aux conférences de consensus, aux rapports d’experts. La durée du traitement doit être adaptée. L’évaluation de l’efficacité doit avoir lieu après un délai suffisamment long que le traitement agisse. Par exemple, pour un traitement antidépresseur, une amélioration est attendue dans les 2 à 4 semaines, mais il faut attendre 6 à 8 semaines pour observer la réponse complète. Les doses doivent être adaptées : suffisantes pour être efficaces mais pas excessives pour limiter les effets toxiques. 1.5.3.3 L’évaluation de l’efficacité est-elle adéquate ? Il faut définir l’échec. Il ne suffit pas que le patient déclare que le traitement « ne marche pas » mais il faut évaluer avec lui la différence entre le résultat réel et le résultat attendu, par le soignant et par le patient, tout en tenant compte des évènements de vie affectant la période considérée. Les médicaments psychotropes sont des médicaments des fonctions cérébrales supérieurs, c’est-à-dire qu’ils influencent le fonctionnement biologique de paramètres évalués selon des critères cliniques moins tangibles que la glycémie ou la pression artérielle(3). Il est pourtant nécessaire de disposer d’outils permettant une évaluation objective du traitement. Des échelles ont été mises au point pour objectiver l’état de gravité de la maladie. La répétition des évaluations par le biais de ces échelles permet d’apprécier l’évolution du trouble après la prise en charge. Ainsi, par exemple, le score MADRS (Montgomery And Asberg Depression Rating Scale) ou le score HAM-D (Echelle de dépression de Hamilton) pourront être utilisés dans l’évaluation de la dépression, l’échelle d’appréciation de l’anxiété d’Hamilton dans le trouble anxieux.(51) Il faut savoir qu’indépendamment du résultat thérapeutique, la satisfaction d’un patient dépend de sa personnalité ainsi que de sa reconnaissance comme personne souffrante (voire méritante).(3) Se pose également la question de la réponse partielle : le résultat réel n’atteint pas le résultat attendu mais pour autant, on ne peut pas parler d’échec dans la mesure où il y a un effet. 49 1.5.3.4 Le patient a-t-il accès à son médicament ? Le patient doit disposer de son médicament. La question de l’accessibilité au médicament se pose surtout en ambulatoire : le patient est-il en mesure de se procurer son traitement ? Si non, bénéficie-t-il d’une aide (livraison à domicile par la pharmacie, passage d’un infirmier ou d’une aide-soignante) ? 1.5.3.5 Le patient prescrit ? prend-il son traitement tel que Le traitement doit être pris par le patient. C. Everett Koop expliquait « Les médicaments ne fonctionnent pas chez les patients qui ne les prennent pas » (« Drugs don’t work in patients who don’t take them »), or, on estime qu’un patient hospitalisé sur quatre et qu’un patient ambulatoire sur deux ne prend pas correctement son traitement médicamenteux(52). Parmi les déterminants de l’observance, on distingue les facteurs liés au traitement (nombre de médicaments prescrits, durée du traitement, existence d’effets indésirables, représentations sociales et individuelles des traitements psychotropes et craintes associées), les facteurs liés au patient (âge, situation familiale, conscience des troubles, souffrance psychique, addiction, troubles de la personnalité), les facteurs liés au médecin (temps d’attente, durée de la consultation), les facteurs liés à la relation médecin-malade (empathie, informations données par le médecin, croyances du patient dans les recommandations de son médecin). (53) Le médicament doit être pris de façon à permettre son absorption : par la bonne voie d’administration, en respectant les précautions (concernant l’ouverture des gélules et l’écrasement des comprimés par exemple), au bon moment. Il ne faut pas qu’il y ait d’incompatibilité physico-chimique lors de l’administration simultanée compromettant l’absorption d’un des médicaments. 1.5.3.6 Le patient métabolise-t-il bien son médicament ? Le médicament doit être métabolisé correctement. Cette métabolisation dépend du patient (âge, sexe, état des fonctions rénales et hépatiques, déficit enzymatique) et des autres traitements pris (interactions par induction ou inhibition enzymatique, notamment au niveau du cytochrome P450). On distingue 4 catégories de métaboliseurs : les métaboliseurs pauvres auxquels il manque l’allèle fonctionnel, les métaboliseurs intermédiaires qui peuvent être hétérozygotes (un allèle actif et un allèle inactif, ou avec une allèle à l’activité réduite) ou homozygotes (avec 50 deux allèles à l’activité réduite), les métaboliseurs extensifs (avec deux allèles actifs) et les métaboliseurs ultra rapides (qui possèdent un allèle fonctionnel amplifié).(54) Les métaboliseurs pauvres ne seront par exemple pas capable de produire des métabolites actifs. 1.5.3.7 Le médicament peut-il agir ? Il ne faut pas administrer de manière concomitante plusieurs traitements ayant des effets pharmacologiques opposés. On ne peut étudier l’action d’un agoniste d’un récepteur si le patient reçoit conjointement l’antagoniste du même récepteur. 1.5.3.8 Le médicament est-il toléré ? Certains effets indésirables nécessitent un arrêt du traitement (souvent avant l’apparition de l’effet thérapeutique), d’autres, moins dangereux mais néanmoins gênants pour le patients entrainent une moins bonne observance. 1.5.3.9 Le patient a-t-il confiance en son traitement ? Un manque de confiance aura un effet nocebo tel qu’on ne pourra observer l’efficacité du traitement en cours. 1.5.4 Quantifier ces limites Nous avons à notre disposition divers outils permettant d’aborder, d’étudier et de percevoir l’implication de ces facteurs dans la résistance au traitement. 1.5.4.1 Evaluation de l’observance L’observance se définit comme l’adéquation entre le comportement du patient et les recommandations de son médecin concernant un programme thérapeutique, qu’il s’agisse d’un traitement médicamenteux, d’une psychothérapie, de règles d’hygiène de vie, d’examens complémentaires à réaliser ou de présence à des rendez-vous (55). Comme cette évaluation s’inscrit dans une expertise pharmacologique, nous nous limiterons ici à l’évaluation de l’observance du traitement médicamenteux. En pratique, en l’absence de méthode de référence, il est conseillé de combiner plusieurs méthodes d’évaluation (évaluation par le clinicien, auto-questionnaire, analyse biologique).(53) 51 1.5.4.1.1 Méthodes directes Compte tenu du coût considérable, ces méthodes seront réservées au contexte expérimental. 1.5.4.1.1.1 Dosage biologique du médicament ou d’un marqueur Il s’agit de vérifier la bonne prise du médicament par un dosage dans le sang, l’urine, les cheveux … du médicament ou de marqueurs biologiques. Ces méthodes sont objectives mais ne sont pas réalisables avec toutes les molécules et ne renseignent que sur les prises médicamenteuses les plus récentes.(53) La fiabilité de l’évaluation de l’observance est discutable compte tenu de la variabilité métabolique individuelle (56) : pour la même dose de médicament pris, la concentration d’équilibre peut varier d’un facteur 20 compte tenu des différences d’absorption, de distribution, de métabolisation et d’élimination en fonction des pathologies, de l’âge, des autres traitement pris et des particularités génétiques de chacun des sujets. (54) Enfin, ces méthodes peuvent être perçues comme intrusives par le patient et fausser la mesure de l’observance. 1.5.4.1.1.2 Mesure de l’effet biologique du médicament Le dosage d’un marqueur biologique non médicamenteux (taux d’hémoglobine glyquée par exemple) permet d’apporter des informations sur la prise du médicament. Cependant les effets restent très dépendants d’un patient à l’autre, selon le métabolisme et la réponse propre à chacun. 1.5.4.1.1.3 Utilisation de « mouchards » Certaines substances sans effet thérapeutique peuvent être ajoutées pour contrôler la bonne prise du médicament. C’est par exemple le cas de la riboflavine qui colorera les urines. 1.5.4.1.2 Méthodes indirectes 1.5.4.1.2.1 Examen clinique L’évaluation par le clinicien est une méthode simple : il peut s’agir d’une observation du comportement (absence ou retard aux consultations) ou d’un examen clinique (recherche des effets indésirables ou thérapeutiques, par une mesure de la tension artérielle par exemple). 1.5.4.1.2.2 Questionnaires L’interrogatoire du patient au cours d’un entretien constitue une méthode simple mais des précautions sont nécessaires pour ne pas diminuer la fiabilité : il faut mettre le patient en 52 confiance et l’amener à faire un bilan objectif du suivi de sa thérapeutique, sans aucun jugement (57). On s’intéressera non seulement à l’observance du patient mais aussi à sa satisfaction quant au traitement. En effet, il existe une corrélation positive entre la satisfaction du patient et le niveau d’adhésion de ce dernier vis-à-vis de son traitement médicamenteux.(58) Il n’existe pas de questionnaire standard pour mesurer l’adhésion d’un patient à son traitement, mais des questionnaires validés sont disponibles concernant l’observance et la satisfaction. - Le Morisky Medication Adherence Scale (MMAS), évalue l’observance par des questions fermées. Initialement mis au point pour les patients hypertendus, il est maintenant repris pour d’autres maladies. Il était d’abord constitué de 4 items puis s’est étoffé pour atteindre 8 items(59). Le Tableau 9 présente les items du MMAS-4 et du MMAS-8. MMAS-4 1) Do you ever forget to take your medicine ? 2) Are you careless at times about taking your medicine ? 4) Sometimes if you feel worse when you take the medicine, do you stop taking it ? 3) When you feel better do you sometimes stop taking your medicine ? MMAS-8 1) Do you sometimes forget to take your pills ? 2) People sometimes miss taking their mediations for reasons other than forgetting. Thinking over the past two weeks, were there any days when you did not take your medicine ? 3) Have you ever cut back or stopped taking your medicine without telling your doctor because you felt worse when you took it 4) When you travel or leave home, do you sometimes forget to bring along your medicine ? 5) Did you take all your medicine yesterday ? 6) When you feel like your symptoms are under control, do you sometimes stop taking your medicine ? 7) Taking medicine everyday is a real inconvenience for some people. Do you ever feel hassled about sticking to your treatment plan ? 8) How often do you have difficulty remembering to take all your medicine ? Tableau 9 : Comparaison des items du MMAS-4 et du MMAS-8 53 L’Assurance Maladie a repris et traduit le MMAS-8 pour proposer le questionnaire présenté dans la Figure 8 aux médecins pour leur permettre l’évaluer l’observance de leurs patients. Figure 8 : Questionnaire d'évaluation de l'observance proposé par l'Assurance Maladie 54 - Le TSQM-9 évalue la satisfaction du patient concernant l’efficacité, la facilité d’utilisation et l’avis général du patient concernant son traitement.(60) La Figure 9 présente les items de ce questionnaire. Figure 9 : Items du TSQM-9(60) - Le SatMedQ est un auto-questionnaire évaluant la satisfaction du patient concernant différents thèmes : les effets indésirables, l’efficacité, l’aspect pratique, les effets du traitement médicamenteux sur le quotidien, le suivi médical, l’opinion générale sur le traitement. Les Figures 10 et 11 présente les items de ce questionnaire. 55 Figure 10 : Questionnaire Satmed-Q (partie 1/2) 56 Figure 11 : Questionnaire SatMed-Q (partie 2/2) 57 1.5.4.1.2.3 Contrôle de renouvellement des ordonnances Si les absences ou retards aux rendez-vous sont un bon critère d’observance, le décalage entre la durée de prescription et les dates effectives de renouvellement des ordonnances est un indicateur plus objectif : l’action de renouveler son traitement et la fréquence avec laquelle il est fait permet de juger l’adhésion du patient au traitement. Ce sont des données très faciles à obtenir et d’un coût presque nul comparé aux autres méthodes de mesure de l’observance. Ces données pharmaceutiques sont devenues les plus utilisées dans la littérature. Cette méthode ne peut être utilisée pour des traitements ponctuels, elle sera réservée aux traitements chroniques.(61) 1.5.4.1.2.4 Décompte des comprimés restants, ou « pills counts » Il s’agit de comparer le nombre de comprimés restant réellement dans le pilulier au nombre de comprimés qu’il devrait rester si l’observance du patient était totale. C’est une méthode parfois utilisée mais sa fiabilité est relativement faible : le patient peut manipuler les comprimés s’il veut cacher son observance ou ne pas les prendre au bon moment. De plus, cette méthode n’est pas applicable aux prises « si besoin ».(62) 1.5.4.1.2.5 Systèmes d’enregistreurs Il existe des systèmes de piluliers électroniques (aussi appelés MEMS pour Medication Event Monitoring System, soit Système de Surveillance des Evènements de Médication) munis d’un bouchon enregistreur qui mesure et date chaque ouverture du flacon sur des semaines, comme présenté sur la Figure 12. Divers paramètre seront mesurés : pourcentage de doses effectivement prises, intervalle moyen entre les prises, nombre de prises oubliées, différées ou anticipées (63). Même si elle ne garantit pas l’ingestion du comprimé, elle est considérée comme la plus précise pour mesure l’observance. Cette méthode reste à réserver à la recherche clinique, notamment à cause de son coût.(53) 58 Figure 12 : Un exemple de pilulier électronique(64) 1.5.4.1.3 Exploitation des résultats La quantification de l’observance est une mesure difficile à exploiter car il n’existe pas de consensus concernant la limite entre observance et non observance. Selon les auteurs, la limite peut être placée à 50% (le patient prend 50% des traitements prescrits), à 80%, à 95% (s’inspire des normes utilisées dans le cadre des thérapies contre le VIH) voire 100% (on parle d’inobservance dès que la prescription n’est pas suivi à la lettre). D’autres auteurs préfèrent ne pas donner de limite quantitative mais parler d’inobservance lorsque la prise n’est pas suffisante pour atteindre un effet thérapeutique.(65) Enfin, il est aussi possible de distinguer plusieurs types d’inobservance : il peut s’agir d’une non-observance (caractérisée par l’absence totale de prise médicamenteuse), d’une sousobservance (omission de prises, interruption prématurée du traitement, il s’agit de la modalité la plus fréquente), d’un observance variable (le patient adapte chaque jour la posologie de son traitement en fonction de son état), d’une surobservance (respect excessivement strict des prescriptions médicales et/ou anticipation des prises et/ou majoration des doses, en dehors de toute conduite addictive). (53) 1.5.4.2 Représentation des médicaments La représentation des médicaments est intimement liée à l’adhésion au traitement : en effet, environ 20% de la variabilité de l’adhésion au traitement pourrait être attribuée aux croyances des patients sur les médicaments, comme la perception de l’utilité des médicaments, les croyances en lien avec les effets indésirables potentiels. Ces croyances 59 peuvent être à propos des médicaments en général ou à propos d’un médicament en particulier, ou pour une indication précise.(66) Lorsque le médecin prescrit un traitement médicamenteux, le patient va en évaluer le rapport bénéfices/risques : il interprète de façon cognitive et émotionnelle les informations reçues de son environnement (entourage familial, soignants, brochures et notices, médias, internet) et intègre sa propre expérience des symptômes et des effets indésirables. Il en découle un coût perçu, résultant des complications, des effets indésirables, de la complexité du traitement (temps d’attente, modalités de prises), du coût financier. Ce coût perçu devra être inférieur aux bénéfices perçus et ne devra pas nuire à la qualité de vie pour que le patient adhère au traitement. (67) Une représentation positive ne suffit pas à elle seule à influer positivement l’adhésion du patient. En revanche, une représentation négative vis-à-vis du traitement multiplie par 2,1 le phénomène de non adhésion(68). De même, les représentations concernant un risque potentiel de dépendance aux médicaments et d’un risque de survenue d’effets indésirables (notamment une prise de poids) sont corrélées à une diminution de l’adhésion au traitement médicamenteux.(69)(70) A noter que les génériques peuvent être une source de craintes exprimées par le patient et auront ainsi un impact sur l’adhésion au traitement.(67) Les représentations de la maladie et des traitements influencent le comportement des patients. Il est indispensable pour les soignants de les identifier, faire le lien entre ces représentations et le traitement proposé, pour les mobiliser et les faire évoluer. Le BMQ (Beliefs about Medicine Questionnaire), présenté dans la Figure 13, est un questionnaire permettant d’identifier rapidement les croyances sur les traitements. Il s’agit pour le patient d’indiquer son niveau d’accord avec des propositions concernant les médicaments. Dans un premier temps il s’agit de propositions concernant leur traitement personnel puis une deuxième partie s’intéresse à leur vision des médicaments d’une manière générale. (71) 60 Figure 13 : Items du BMQ mis au point par Robert Horne(72) 61 1.5.4.3 Intérêt du suivi pharmacologique Le suivi pharmacologique (Therapeutic drug monitoring en anglais) est le dosage de la concentration sérique ou sanguine d’un médicament pour l’optimisation des doses. C’est un outil utile notamment lorsque l’observance est incertaine, la réponse est inférieure à celle attendue aux doses thérapeutiques, ou lors d’interactions pharmacocinétiques. Lors d’administration répétées (comme dans le cas d’un traitement chronique), le suivi pharmacologique peut se faire après 4 à 5 demi-vies. Il s’agit de doser le médicament lui-même, mais aussi les métabolites actifs lorsqu’ils contribuent à l’effet (comme c’est le cas pour la clomipramine, la fluoxétine, la rispéridone). L’analyse des métabolites inactifs peut donner des informations sur le niveau de métabolisation du patient et l’observance. Pour qu’un maximum de bénéfices puisse en être tiré, le dosage doit être intégré dans la prise en charge. Des dosages inappropriés causent des pertes au niveau des laboratoires (temps, réactifs) et peuvent influencer de manière inadéquate les décisions cliniques. (54) L’importance clinique de facteurs pharmacogénétiques dans la pharmacocinétique et la pharmacodynamie des psychotropes est de plus en plus reconnue, notamment au niveau des isoenzymes du cytochrome P450 qui présentent une grande variabilité. Les méthodes de génotypage du cytochrome P450 sont de plus en plus fiables et font maintenant l’objet de publication de recommandations(73). Le génotypage est donc un outil supplémentaire dans les mains du pharmacologue pour explorer l’échec d’un patient. 1.5.5 Poser le diagnostic de pharmacorésistance La démarche à suivre avant de poser un diagnostic de pharmacorésistance est donc la suivante : 1) Diagnostic du trouble du patient 2) Prescription d’une prise en charge selon les recommandations : traitement médicamenteux et non médicamenteux 3) Suivi de cette prescription par le patient 4) Première évaluation de l’efficacité, en tenant compte de tous les facteurs vus précédemment : mesure de l’efficacité adaptée, posologie et durée de traitement 62 suffisante, observance, représentations, interactions médicamenteuses, effets indésirables. o Si efficacité : poursuite du traitement, passage à l’étape 5 o Si inefficacité : poursuite de la démarche 5) Réévaluation de la pathologie du patient o Le premier diagnostic est confirmé : poursuite de la démarche, passage à l’étape 6 o Un nouveau diagnostic est posé : retour à l’étape 2 6) Nouvelle prise en charge selon les recommandations 7) Suivi de cette prescription par le patient 8) Nouvelle évaluation de l’efficacité, selon les mêmes modalités que précédemment o Si efficacité : poursuite du traitement o Si inefficacité : on peut alors parler de pharmacorésistance. Le rôle du médecin est de poser le diagnostic et de prescrire, en tenant compte des spécificités du patient et des recommandations. L’intervention pharmacologique se place, après, à partir du moment où le patient est en possession du traitement (et s’affranchit donc des problèmes liés au diagnostic et à l’accessibilité). La Figure 14 décrit le cadre de cette intervention et l’ensemble des facteurs entrant en compte. Figure 14 : Ensemble des paramètres conditionnant l’efficacité d’un traitement. Le médecin et le pharmacologue s’intéressent chacun à des paramètres différents, leur action se complète. 63 2 Partie pratique 2.1 Le CAPPA et le service de Pharmacologie clinique Deux services sont impliqués dans la mise en place de ce projet Le CAPPA (Centre Ambulatoire Pluridisciplinaire de Psychiatrie et d’Addictologie) Jacques Prévert est une unité de soins basée à l’Hôtel-Dieu, en articulation avec les autres spécialités médicales. Ce centre compte 16 places d’hospitalisation de jour : 12 pour le versant addictologie (addiction aux produits psycho-actifs) et 4 pour le versant psychiatrie (évaluation et traitement des patients souffrant de troubles de l’humeur complexes).(74) Le service de pharmacologie clinique est lui constitué de deux secteurs : le secteur biologie et le secteur clinique (lui-même composé du centre régional de Pharmacovigilance et d’information sur les médicaments et du Centre d’Evaluation et d’Information sur la Pharmacodépendance). Ces deux secteurs travaillent de façon complémentaire pour couvrir tous les aspects de la pharmacologie et apporter une aide au quotidien aux prescripteurs pour une prise en charge optimisée des patients mais également fournir une expertise en cohérence avec les dernières recommandations et consensus inter spécialistes dans le cas de situations cliniques complexes, développer des activités de recherche et apporter aux étudiants, dans le service mais aussi au sein des composantes de l’ensemble santé de l’Université, un enseignement théorique et appliqué de pharmacologie médicale. L’organigramme de ce service se trouve en Un espace informatique sécurisé commun entre ces deux services a été mis en place pour faciliter les échanges d’information. 2.2 Les patients Les patients sont adressés au Centre d’évaluation et traitement des patients souffrant de troubles de l’humeur complexes (CETTHC) par leur médecin (généralement psychiatre) lorsqu’ils font face à des difficultés de diagnostic, de résistance au traitement, de mauvaise tolérance, de comorbidités… Ce médecin fournit alors un compte rendu des antécédents médicaux et médicamenteux du patient. Ce recueil est souvent peu exhaustif du fait du passé médical complexe de ces patients : suivi par plusieurs médecins, séjours en milieu spécialisé, début des difficultés remontant à plusieurs années … 64 Le psychiatre du CETTHC va alors procéder à une évaluation globale (médicale, psychologique et paracliniques) afin d’orienter vers une prise en charge personnalisée pouvant associer plusieurs approches : traitement médicamenteux, techniques de stimulation (ECT et rTMS), médiations thérapeutiques groupales (expression émotionnelle, corporelle, verbale ou créative). Le problème du médicament est au bien au cœur de cette prise en charge car les patients ont souvent expérimenté sans succès plusieurs traitements médicamenteux. Le pharmacologue vient compléter l’évaluation du psychiatre pour trouver les raisons de l’échec pharmacologique. 2.3 La consultation pharmacologique = Matériel et Méthodes 2.3.1 Structuration de la consultation pharmacologique 2.3.1.1 Avant l’entretien Une fois que l’équipe du CETTHC reçoit la demande du médecin, elle convoque le patient pour un rendez-vous. Pour préparer l’entretien, il lui est alors demandé de fournir toutes les informations qu’il possède concernant ses antécédents : anciennes ordonnances, comptesrendus de consultations et d’hospitalisation. Avant la consultation, l’externe en pharmacie réalise l’historique médicamenteux du patient. Pour cela, il dispose du compte rendu fourni par le médecin orientant le patient vers le service, des ordonnances et comptes-rendus fournis par le patient, du dossier médical du CHU de Nantes (dossier papier ou Clinicom). En l’absence de ces données, l’externe demande l’autorisation au patient de contacter sa pharmacie habituelle qui pourra donner des renseignements grâce à l’historique des médicaments délivrés. L’historique réalisé reprend les traitements médicamenteux (psychotropes ou non) pris par le patient actuellement et dans le passé. Ce recueil doit être le plus exhaustif possible. Les séjours en secteur hospitalier ainsi que les évènements de vie (naissance d’un enfant, perte d’un proche, déménagement, perte d’un emploi, maladie …) sont également placés sur cet historique. Cet historique est renseigné dans un fichier Excel puis imprimé pour servir de base lors de la consultation. Un extrait d’historique de patient est présenté dans la Figure 15. 65 Figure 15 : Extrait de l’historique d’un patient 66 Un travail préliminaire d’identification de périodes est réalisé. On entend par période un moment où le traitement est stable et où il n’y a pas d’évènement intercurrent (hospitalisation, évènement de vie). Ces périodes permettront de demander au patient une évaluation de son humeur à ce moment et donc juger les effets du traitement (efficacité, tolérance). 2.3.1.2 Entretien 2.3.1.2.1 Historique La première partie de l’entretien est consacrée aux antécédents médicamenteux. Pour chaque période identifiée, le patient doit situer son état sur une échelle pour permettre d’apprécier l’état global de la période où le médicament est pris. Le patient complète aussi les évènements qui ont pu influer sur l’humeur. En effet, l’humeur est la résultante d’un terrain (certains sont plus vulnérables que d’autres, d’un point de vue psychologique), d’un agent de stress et de capacités d’adaptations. (8) Par exemple, on ne peut pas juger de l’efficacité d’un antidépresseur si un patient est triste malgré le traitement s’il vient de subir la perte d’un proche. L’échange avec le patient porte aussi sur la tolérance et les causes de l’arrêt des médicaments : ont-ils été arrêtés faute d’efficacité ? Suite à une mauvaise tolérance ? Pour une autre raison ? Enfin, il est demandé au patient de préciser s’il prenait d’autres substances au cours de ces différentes périodes : tabac, alcool, drogues, médicaments à prescription facultative… Ces renseignements seront notamment utiles au moment de l’analyse pharmacocinétique. 2.3.1.2.2 Questionnaire sur l’observance Nous avons regroupés les différents questionnaires présentés précédemment afin d’apprécier de manière globale l’adhésion du patient à son traitement La Figure 16 présente le questionnaire utilisé. 67 Figure 16 : Questionnaire d'évaluation de l'observance utilisé au cours des entretiens pharmacologiques 68 2.3.1.2.3 Questionnaire sur les représentations Nous avons adapté les items du BMQ pour centrer la première partie sur les médicaments psychotropes, en laissant la deuxième partie sur tous les médicaments en général. La version utilisée est présentée dans les figures 17 et 18. Figure 17 : Items du BMQ (partie 1/2) 69 Figure 18 : Items du BMQ (partie 2/2) 70 Nous avons aussi mis en place un autre questionnaire comparant les représentations des psychotropes au paracétamol et aux antibiotiques. Il s’agit de cibler d’évaluer la confiance que le patient apporte à son traitement psychotrope en comparaison à d’autres. Le paracétamol et les antibiotiques ont été choisis comme étalon : le premier est généralement connu de tous, très utilisé en automédication tandis que les antibiotiques représentent un traitement prescrit par le médecin, moins courant. Figure 19 : Questionnaire d'évaluation de la perception des médicaments utilisé lors des consultations pharmacologiques 2.3.1.3 Après la consultation 2.3.1.3.1 Analyse des interactions L’analyse des interactions porte sur tous les médicaments pris par le patient, psychotropes ou non, pris de manière chronique ou ponctuelle. Elle porte également sur les substances non médicamenteuses qui peuvent être prises par le patient : alcool, tabac, substances illicites, produits naturels… Cette analyse s’appuie sur le RCP des médicaments mais aussi sur des publications scientifiques traitant le sujet du suivi pharmacologique en psychiatrie (54) ou des interactions au niveau des cytochrome.(75) 71 2.3.1.3.2 Analyse biologique Un prélèvement peut être réalisé à l’issu de la consultation, en fonction des informations requises. Les dosages seront réalisés au CHU de Nantes. Il n’existe pas de méthode de référence pour les dosages pharmacologique. Les méthodes utilisées sont propres à l’hôpital et ont fait l’objet d’une validation (certification COFRAC en cours). La concentration sanguine du médicament permet d’apporter des renseignements sur l’observance, en complément des informations recueillies par le questionnaire, mais aussi sur la cinétique et la métabolisation. Il s’agit de doser non seulement le médicament et mais aussi certains métabolites, puis de s’intéresser au ratio métabolique (en le comparant à ceux documentés dans la littérature). Toutes ces informations permettront de distinguer un inobservance d’un problème cinétique (anomalie de métabolisation, interactions). En psychiatrie, il n’existe pas de zone de concentration sanguine efficace standard, mais plutôt de dosages couramment rencontrés chez les répondeurs. L’évaluation de la réponse clinique du patient est donc indispensable. En revanche, les concentrations toxiques sont mieux définies. Le dosage permettra donc de s’assurer que le patient ne se situe pas au-delà de cette concentration toxique ou qu’une augmentation des doses est possible avec un risque de toxicité maitrisé. 2.3.1.3.3 Synthèse Une synthèse reprenant toutes les informations est rédigée. Les points importants de l’historique médicamenteux y sont repris, puis un compte rendu des évaluations de l’observance et du niveau de confiance dans les médicaments A partir de ces éléments, des propositions d’optimisation thérapeutiques sont formulées. Il peut s’agir de suggestion de changement de traitement, de suggestion d’examen complémentaire (dosage approfondi, étude génétique). 2.3.2 Quand la réalité rencontre la théorie Lors de la réalisation de ces consultations pharmacologiques, nous avons pu faire face à certains problèmes : Les antécédents peuvent être incomplets, voire absents, notamment lorsque le patient a été suivi par plusieurs médecins. 72 Les symptômes liés à la pathologie du patient peuvent rendre l’entretien difficile : difficultés à penser ou se concentrer, ralentissement, symptômes négatifs de la schizophrénie. Les effets indésirables des traitements peuvent aussi contribuer à la difficulté de l’entretien: ralentissement psychomoteur, bouche sèche. Ces problèmes ne doivent pas être un frein à ces consultations mais au contraire un moteur pour progresser en mettant en place des solutions. Ainsi, nous préconisons la présence d’un aidant quand les patients sont très ralentis et nécessitent une aide pour la prise des médicaments. L’aidant est alors plus à même de répondre à certaines questions. 2.4 Applications pratiques = Résultats Moins d’un an après la mise en place de ces consultations pharmacologiques, 23 patients ont bénéficié de cette expertise. Sur les 23 patients adressés pour pharmacorésistance, nous ne pouvons confirmer ce diagnostic car aucun ne remplit tous les critères défini précédemment (1.5.5 Poser le diagnostic de pharmacorésistance). Nous avons par contre mis en évidence les éléments pouvant expliquer l’échec des traitements. Les principaux facteurs d’échecs sont l’observance (27%), la survenue d’effets indésirables (23%) ou des interactions médicamenteuses (31 %), l’échec pouvant être multifactoriel. Les problèmes identifiés sont résumés dans le Tableau 10. Nous allons maintenant décrire le cas de patients rencontrés lors de ces consultations, les problèmes identifiés et les solutions proposées grâce à cette expertise pharmacologique. 73 Pris Bien pris Non pris Absorbé Mal pris Non absorbé Interactions Patient 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 Inobservance Arrêt de traitement EI gênants - Comprimés crachés Comprimés LP écrasés Durée de traitement trop courte - Interactions physicochimiques Mauvaise voie d’administration - Tabac Inhibition/Induction enzymatique Alcool/cannabis/… Pas d’interaction Variation génétique Pas de variation - Déficit enzymatique Pharmaco résistance ??? X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X Tableau 10 : Problèmes identifiés lors des consultations pharmacologiques 74 2.4.1.1 Un problème d’absorption Mme A. est bien contrôlée par le lithium pendant une vingtaine d’années. Son traitement est le suivant : - Teralithe LP 400, ½ comprimé par le soir - Dépakote (Divalproate de sodium) : 250 mg matin et soir - Séresta (Oxazépam) 10 mg : 1 à 2 comprimés par jour - Zopiclone : 7,5 mg au coucher Suite à une insuffisance rénale, le lithium a été arrêté et un relai a été pris par du Depakote associé à du Zyprexa, sans réel succès, puis des essais d’antidépresseurs et des séances d’ECT. Finalement le lithium a été réintroduit car il permet de contrôler les décompensations maniaques de la patiente. Mme A. est maintenant gênée par des attaques de panique dans la journée ainsi que des difficultés de sommeil (bouffées de chaleur pendant la nuit). La consultation pharmacologique montre une très bonne observance (le mari de la patiente s’occupe de son traitement). Il s’avère que la patiente a maintenant des difficultés à avaler ses comprimés. Son mari écrase alors ses comprimés. Or, il s’agit de comprimés à libération prolongée, les écraser modifie considérablement la résorption : la dose totale est libérée beaucoup plus rapidement (avec un risque de dépasser le seuil toxique) puis la concentration devient inférieure à la dose efficace avant le renouvellement de la prise. La Figure 20 représente la cinétique d’un comprimé à libération immédiate et d’un comprimé à libération prolongée ainsi que celle d’un comprimé à libération prolongée qui serait écrasé 75 Figure 20 : Cinétique de comprimés à libération immédiate et libération prolongée Même si l’observance de cette patiente est bonne, le traitement n’est pas pris de la bonne façon, ce qui empêche l’action optimale du traitement : on peut légitimement penser que c’est la modification du mode d’administration et donc de l’absorption qui explique l’échec du traitement : les difficultés de sommeil seraient liées à un surdosage et les attaques de panique à une concentration insuffisante. Un dosage plasmatique a révélé une lithiémie à 0,46 mEq/L (alors que les valeurs de référence sont de 0,8 à 1,2 mEq/L pour une forme à libération prolongée), ce qui concorde avec les propos précédent. La proposition a donc été de conserver un traitement par le lithium, puisqu’il s’était montré efficace par le passé mais de modifier le mode de prise en utilisant du lithium à libération immédiate (Téralithe 250mg), qui peut être écrasé, et en adaptant le schéma de prise en plusieurs fois par jour. 2.4.1.2 Un problème d’observance Mme B. souffre d’un trouble de l’humeur dont le premier épisode remonte à 1968. La patiente surexprime une personnalité obsessionnelle, histrionique et hypocondriaque entravant sérieusement le maintien des traitements psychotropes quels qu’ils soient par le biais des effets indésirables incontournables. Compte tenu du risque d’invalidation par l’expression d’effets indésirables, son psychiatre ne souhaite pas introduire de nouveau traitement et adresse la patiente pour une rTMS. Conjointement à cette prise en charge par stimulation, une consultation pharmacologique a été réalisée. Cette expertise 76 pharmacologique a permis de mettre en évidence une observance aléatoire : par période, la patiente peut décider de ne pas prendre ou d’arrêter son traitement (suite à la lecture de la notice, à la prise d’autres avis). Or, on ne peut pas parler de résistance sur des traitements non pris. 2.4.1.3 Un problème de tabac 2.4.1.3.1 Une efficacité partielle Mme C. souffre d’un trouble de l’humeur depuis plusieurs années. Elle présente un tabagisme important, de 60 cigarettes par jour. Plusieurs traitements ont été essayés, que ce soit des thymorégulateurs (Valproate de sodium, Lamotrigine, Quétiapine) ou des antidépresseurs (Mirtazapine, Escitalopram, Paroxétine, Sertraline), seuls ou en association. Au moment de la consultation, Mme C suit le traitement suivant : - Sertraline 50 mg : 1 le matin et 1 le soir - Quétiapine 300 mg : 2 le soir - Delursan : 2 le matin et 2,5 le soir - Lantus : 32 UI le soir - Metformine 850 mg: 1 le matin, 1 le midi et 1 le soir - Estradiol-Medroxyprogestérone : 1 par jour - Rubozinc : 2 le matin - Novorapid : 3 injections par jour (en fonction de la glycémie) L’observance est bonne : même si la patiente peut interrompre son traitement lorsqu’elle ne se sent pas bien, elle estime son observance à 90%. Globalement, Mme C. est améliorée par cette association psychotrope mais de manière insuffisante. Notons que la sertraline et la quétiapine sont métabolisées par le CYP 3A4, or le tabac est inducteur de cet isoenzyme. Compte tenu du tabagisme important de la patiente, la réponse au traitement étant partielle, une augmentation des doses peut être proposée afin de compenser l’induction enzymatique liée au tabac. 2.4.1.3.2 Une efficacité à expliquer M. D est en échec thérapeutique depuis plusieurs années. La Figure 21 présente les essais thérapeutiques proposés successivement à M. D. avant son orientation au CETTHC, sans succès puis la proposition faite par le psychiatre lors de sa première consultation au CETTHC. 77 Année mai date juin juillet août septembre octobre novembre décembre janvier cure rTMS/ECT octobre 2013 novembre rTMS décembre rTMS février mars avril juin Pas d'améliorati on avec Cymbalta 60 va mieux, + et Norset d'entrain, 30, bien inhibé, toléré ralenti Observations Effexor 2014 mars arrêt Moclamine Prozac arrêt arret Marsilid Anafranil 150 150 Valdoxan 20 Paroxétine 1/j 1/2 pdt 7j puis arret 30 2.0.0.0 Cymbalta 3.0.0.0 15 ATD 0.0.0.2 Norset 0.0.0.3 Tercian Antipsychotiques Abilify Normothymique Lamotrigine 25 1.0.0.0 X X Evaluation patient Observance Figure 21 : Historique médicamenteux de M. D. 78 Une amélioration significative est observée avec l’association Duloxétine 90 mg le matin et Mirtazapine 45 mg le soir. Le but de la consultation pharmacologique ne sera pas ici de chercher des facteurs d’échec mais essentiellement d’aider à comprendre l’amélioration récente du patient alors que les essais précédents ont été des échecs. Lors de la consultation pharmacologique, l’évaluation montre une bonne observance ainsi qu’une perception positive des médicaments en général et plutôt moyenne pour les psychotropes. Le patient déclare une consommation de tabac estimée à plus d’un paquet par jour, arrêtée un mois avant. Une partie de l’explication peut être pharmacologique : le tabagisme passif entraine une induction enzymatique des cytochromes 1A2 et 3A4 qui métabolisent de nombreux antidépresseurs dont la doluxétine et la mirtazapine. L’amélioration récente du patient pourrait être expliquée en partie par l’arrêt du tabac qui influe dans le sens d’une optimisation des concentrations des antidépresseurs. 2.4.1.4 Un problème d’enzymes M. E. bénéficie d’une cure de rTMS dans le cadre d’une résistance au traitement médicamenteux. Une évaluation pharmacologique a été effectuée afin d’explorer cette résistance. A ce moment-là, M. D. prend le traitement suivant : - Paroxétine 20 mg : 1 le matin et 1 le soir - Lamotrigine 100 mg : 1 le matin et 1 le soir - Diltiazem LP 300 mg : 1 le matin - Propranolol 40 mg : 1 le matin, 1 le midi, 1 le soir - Acamprosate (Aotal) 333mg : 6 par jour - Substitut nicotinique 21 mg : 1 par jour Lors de l’entretien pharmacologique, M. E. décrit des fluctuations anxieuses au cours de la journée avec une amélioration nette au moment du pic plasmatique des médicaments, 30 minutes après la prise puis une recrudescence progressive des angoisses jusqu’à la prise suivante. Cette description de la pulsatilité de l’humeur peut faire évoquer un problème de concentration efficace peu durable. Il serait intéressant d’effectuer une mesure des 79 concentrations plasmatiques de paroxétine et lamotrigine chez ce patient. En fonction des résultats, une expertise génétique pourra être proposée. 2.4.1.5 Un problème d’interactions 2.4.1.5.1 Une efficacité partielle Mme F. souffre d’un trouble de l’humeur, elle est prise en charge par : - Anafranil 10 mg : 1 le soir - Fluoxétine 20 mg : 1 le matin - Amitriptyline 40mg/mL : 15 gouttes le soir - Olanzapine 10mg : 2 le soir - Tranxène 5 mg : 1 le soir - Sulfarlem S25 : 3 le matin et 3 le soir - Esoméprazole 40 mg : 1 le matin Mme F. est très observante et prend ses médicaments de la bonne façon. Le traitement montre une efficacité mais celle-ci est insuffisante, et l’anamnèse des traitements précédents avec Mme E. montre que les périodes d’amélioration sont clairement reliées à la prise d’Olanzapine. Nous nous sommes interrogés sur la raison pour laquelle le traitement, prescrit à des doses conformes aux recommandations n’était pas assez efficace. Pour cela nous avons analysé les interactions médicamenteuses entre les différents traitements et notamment celles qui mettaient en jeu des médicaments non psychotropes. Le Tableau 11 détaille reprend les isoenzymes impliqués dans le métabolisme du traitement suivi par Mme E. ainsi que les ceux induits ou inhibés par ce même traitement. On en déduit les effets de l’association de ces différents médicaments sur le plan pharmacocinétique. 80 Paroxétine 1A2, 2D6 2C19 2D6, 1A2, 3A4 Induction enzymatique Inhibition enzymatique Influence de la paroxétine sur la concentration plasmatique Influence de l’ésoméprazole ↗ ↘ ↗ ↘ ↗ ↘ ↗ ou ↘ ou = Esoméprazole Clorazépate Métabolite Nortryptiline 2D6, 2C19, 1A2, 2C9, 3A4 Olanzapine 2C19, 2D6, 1A2, 3A4 Amitryptiline Métabolite : desméthyleclomipramine Clomipramine Isoenzymes du CYP impliqués dans le métabolisme 2C19, 3A4 2D6 1A2, 3A4 2C19 ↗ ↘ = ↘ ↘ ↗ = = Tableau 11 : Intéractions médicamenteuses entre les différents traitements pris par Mme E. Cette analyse permet de nous rendre compte que l’ésoméprazole a une action délétère sur le traitement par olanzapine notamment, et par les antidépresseurs. La suppression de l’ésoméprazole permettrait une optimisation des concentrations des psychotropes. Il peut être évalué l’arrêt de ce médicament ou l’opportunité de le remplacer par la ranitidine qui n’aurait pas ces effets sur le système enzymatique. Ce cas montre bien qu’il ne faut pas s’intéresser uniquement aux médicaments psychotropes mais bien au traitement dans son ensemble. 2.4.1.5.2 Une inefficacité Mme G. recevait initialement de la gabapentine (Neurontin®) pour des tremblements. En raison d’une inefficacité, le neurologue la remplace par de la primidone (Mysoline®). L’humeur de la patiente se dégrade et la prise en charge par de l’escitalopram se révèle inefficace. Une consultation pharmacologique est demandée pour optimiser la prise en charge de Mme G. 81 Lors de la consultation pharmacologique, l’évaluation montre que l’observance de la patiente est bonne. Globalement, elle estime que son état n’est pas amélioré par le traitement médicamenteux et se dégrade. L’analyse du traitement montre une interaction pharmacocinétique entre la primidone, transformée en phénobarbital, inducteur du 2C9, 2C19 et 3A4 et l’escitalopram, métabolisé par le 2C19, 2D6 et le 3A4. Cette interaction va dans le sens d’une diminution des concentrations plasmatiques de l’escitalopram. A l’issue de cette expertise pharmacologique, il est préconisé de remplacer la primidone. Cet avis est suivi par le neurologue. L’évaluation faite deux mois après le remplacement de la primidone montre une nette amélioration de l’humeur de la patiente. 2.4.1.6 Un problème d’effets secondaires Mme H. souffre d’un trouble d’un trouble de l’humeur depuis près de 20 ans. Elle a vu de nombreux psychiatres et a eu beaucoup d’essais thérapeutiques avant d’arrêter tout psychotrope depuis plusieurs années. Mme H. souffre également d’une instabilité vésicale, prise en charge par de la solifénacine (Vésicare®) puis plus récemment par de la fesotéradine (Tavias®). De par leur mécanisme d’action, ces médicaments présentent de forts effets atropiniques. Les associations avec les traitements psychotropes à effets anticholinergiques ont potentialisé de nombreux effets indésirables atropiniques (bouche sèche, constipation, vertiges…) qui ont entrainé l’arrêt de ces psychotropes. L’arrêt des psychotropes a provoqué une aggravation des troubles urinaires. Face aux effets secondaires trop importants pour la patiente, elle a décidé d’arrêter les traitements psychotropes avant que leur efficacité puisse être évaluée. On ne peut parler de pharmacorésistance si les médicaments ne sont pas pris de manière optimale. 2.5 Discussion 2.5.1 A propos de la méthode La réalisation de l’historique médicamenteux fait face à une difficulté majeure : la récolte des informations est particulièrement chronophage pour un historique souvent incomplet. Compte tenu de l’apport aux équipes soignantes qu’elles ont déjà montré, les consultations pharmacologiques ont pour vocation d’être proposées à un plus grand nombre de patients. Il 82 apparait nécessaire de travailler sur la méthode pour la rendre plus efficiente, c’est-à-dire, obtenir l’historique le plus complet possible dans un minimum de temps. Cette récolte est notamment plus complexe dès lors que le patient faisait du nomadisme médical et/ou pharmaceutique, a multiplié des séjours en secteur spécialisé. Des outils ont été développés, notamment grâce à la Carte Vitale pour permettre un partage des informations entre les professionnels de santé : - Le Dossier Médical Personnel (DMP) a été créé dans l’objectif de rassembler diverses informations utiles : antécédents, allergies éventuelles, médicaments pris, comptesrendus d’hospitalisation et de consultation, résultats d’examens. Il s’agit d’un véritable carnet de santé, toujours accessible et sécurisé. Il est accessible par tous les professionnels de santé mais tous les professionnels de santé n’ont pas accès aux mêmes informations (le pharmacien ne pourra pas consulter un compte-rendu opératoire par exemple). - Le Dossier Pharmaceutique (DP), mis en place par l’Ordre des Pharmaciens. Il contient des données recueillies par le pharmacien au moment de la dispensation : identification, quantité et date de délivrance des médicaments avec ou sans ordonnance. Celui-ci est consultable par les pharmaciens d’officine et de PUI.(76) Ces outils sont séduisants et prometteurs mais peu utilisables dans la pratique : le DMP est encore peu déployé (525704 DMP créés sur toute la France, au 21/02/2015). Si le DMP est utilisé au CHU de Nantes, ce n’est pas le cas pour tous les CHS de la région dans lesquels les patients ont pu effectuer des séjours. (77) Le DP est lui plus largement diffusé : 11 345 661 DP créés en fin d’année 2010(76), mais il ne donne l’information que des médicaments délivrés sur les 4 derniers mois, or, le trouble est généralement plus ancien. De plus, ces dossiers sont accessibles uniquement en présence du patient et de sa carte vitale. Ils ne peuvent donc pas être utilisés en amont de la consultation pour préparer l’historique. Les trois derniers mois de mon année hospitalo-universitaire se sont déroulés au Canada, au sein du département de Pharmacie de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont (Montréal, Québec). Le Canada est connu pour son avancée dans le domaine de la pharmacie clinique, ce stage m’a donc permis de découvrir les outils à la disposition des praticiens et leur utilisation dans la pratique courante. Il existe notamment une gestion des informations 83 concernant les traitements qu’il serait intéressant d’importer en France. Avant de présenter ce système, voici quelques définitions importantes pour la suite : Profil pharmacologique : liste des médicaments pris par le patient mais aussi ses allergies, intolérances, médication prescrite non servie, adhésion de l’usager à son traitement. Bilan Comparatif des médicaments (BCM) : il consiste, dans un premier temps, à la comparaison entre la liste des médicaments et produits (médicaments prescrits ou en vente libre, produits naturels) pris par l’usager avant son admission dans l’établissement de santé et les ordonnances émises et celles valides au moment de l’épisode de soin (admission, transfert, congé), et ce, en lien avec l’adhésion thérapeutique du patient. Cette comparaison permet de détecter, s’il y a lieu, les divergences non intentionnelles et les divergences intentionnelles non documentées. Le BCM est terminé quand toutes les divergences sont documentées et que les modifications nécessaires ont été apportées Meilleur Schéma Thérapeutique Possible (MSTP) ou Histoire Pharmacothérapeutique : il s’agit de la récolte de données, la plus complète possible, des renseignements pertinents liés à la pharmacologie (médicaments prescrits ou en vente libre, produits naturels) et aux habitudes de vie d’un usager. Il peut être élaboré à l’aide d’un outil de collecte de données et par l’entrevue effectuée auprès de l’usager ou de sa famille.(78) Pour résumer : le profil pharmaceutique fait partie des données utilisées pour réaliser le MSTP. Ce MSTP sert ensuite de base à la réalisation du BCM. La Figure 22 décrit les étapes de la réalisation des BCM et permet de comprendre comment sont réalisés les MSTP dans la pratique : A l’admission, un commis se charge de recueillir le consentement du patient (il existe des formulaires type, tel que celui présenté en 84 Annexe VII) et de transmettre le formulaire de demande d’informations à la pharmacie communautaire. Le médecin va ensuite procéder à son évaluation médicale et réaliser sa prescription en précisant succinctement les motifs d’arrêt et de modification des médicaments. L’assistant technique en pharmacie ou l’infirmière réalise en complément une recherche d’information auprès du patient, de sa famille (un exemple de formulaire de récolte de données est présenté en Annexe VIII et Annexe IX). Selon qu’il s’agit d’un BCM proactif ou rétroactif, l’évaluation du médecin peut se placer avant (BCM rétroactif) ou après (BCM proactif) la réalisation du MSTP. Figure 22 : Organisation de la réalisation des BCM (modèle rétroactif) 85 L’obtention d’une liste précise des médicaments représente un effort considérable mais le temps alloué à la réalisation de ce MSTP permet d’économiser du temps pour démêler les confusions et les conflits provenant de plusieurs anamnèses prises par plusieurs professionnels de santé.(79) La Figure 23 détaille les sources d’informations utilisées pour la réalisation de ce MSTP. Figure 23 : Réalisation de l'histoire pharmacothérapeutique(80) 86 La mise en place d’un tel système n’est pas simple et implique une modification des habitudes des patients et des pharmaciens. Malgré l’élargissement des missions du pharmacien en France, les projets de lois de santé ne prévoient pas encore de telles dispositions. - En France on estime qu’un patient sur deux fréquente plusieurs pharmacies(76). Au Québec, le changement de pharmacie est moins courant puisque le patient ne conserve pas son ordonnance : elle est enregistrée dans le système informatique. Le patient peut changer de pharmacie en demandant un transfert des informations de l’ordonnance (nom du médicament, posologie, prescripteur, nombre de renouvellements restants, etc.). Il y a donc moins de nomadisme pharmaceutique, ce qui permet une concentration des informations. - Les pharmaciens canadiens sont formés à la réalisation de ces profils pharmacologiques : quand un patient se présente pour la première fois, un dossier est ouvert. Il reprend les antécédents, allergies du patient. Ensuite à chaque dispensation, le pharmacien complète le dossier en renseignant les médicaments délivrés mais aussi toute information pertinente (résultat biologique tel que la clairance de la créatinine, la glycémie ou l’INR, mesure de tension artérielle, …) - La transmission des profils pharmaceutiques fait partie des missions du pharmacien, rémunérée par la RAMQ à hauteur de 8,94$ (au 1er avril 2014).(81) Si nous ne pouvons appliquer le système québécois tel quel, nous pouvons quand même travailler sur une collaboration avec la pharmacie d’officine. En effet, le pharmacien officinal peut apporter beaucoup d’informations : - Quels sont les traitements réellement dispensés ? Le patient en refuse-t-il certains ? - Les renouvellements sont-ils réguliers ? - Le patient demande-t-il régulièrement des avances ? - Le patient se plaint-il d’effets indésirables ? - Le patient prend-il d’autres médicaments à côté ? Dans quel but ? S’agit-il de compléter l’action thérapeutique des médicaments prescrits ? D’atténuer les effets indésirables ? - Y a-t-il des interactions médicamenteuses entre les différentes prescriptions ? Dans la pratique, plusieurs facteurs limitent l’implication du pharmacien d’officine : 87 Le nomadisme pharmaceutique, déjà abordé précédemment Un manque de temps : la pharmacie étant un lieu recevant sans rendez-vous, le pharmacien n’est pas toujours aussi disponible pour échanger avec son patient ou avec les services de l’hôpital. Un problème de confidentialité : même si certaines officines disposent d’un espace de confidentialité, il est difficile d’aborder le sujet des troubles psychiatriques au comptoir car ces pathologies font souvent l’objet d’un tabou. La sécurisation des données : dans la mesure où la transmission d’information n’est pas formalisée, les pharmaciens sont moins enclins à transmettre des informations concernant un patient, notamment s’il s’agit d’un trouble psychiatrique. Approfondir cette collaboration hôpital-ville pourrait permettre une meilleure récolte des informations nécessaires à la réalisation de l’historique médicamenteux. Il faut pour cela donner confiance aux pharmaciens en présentant le cadre de ces consultations, leur but et en sécurisant le partage d’informations. 2.5.2 A propos de la pharmacorésistance Plus que des patients résistants à un traitement, nous avons rencontré des patients résistants aux traitements de manière générale. Il s’agit de patients chez qui l’observance est très mauvaise, la vision des médicaments tellement négative qu’ils ressentiront des effets indésirables systématiquement (on parle d’effet nocebo). Pour prendre en charge ces patients, il faut activer tous les leviers de l’observance, faciliter la prise médicamenteuse, travailler sur les représentations, anticiper les effets indésirables et les maitriser dans la mesure du possible. 2.5.3 A propos de l’observance L’observance est un problème complexe dont l’OMS a fait un de ses enjeux principaux. Elle explique dans un rapport que « résoudre le problème de la non-observance thérapeutique représenterait un progrès plus important que n'importe quelle découverte biomédicale».(82) En ambulatoire, le pharmacien d’officine constitue souvent le dernier maillon de la chaine de soin. Il a donc un rôle primordial dans l’observance : il doit veiller à l’accessibilité du patient à son traitement (cela regroupe les problèmes de disponibilité du médicament, de livraison à domicile si le patient ne peut pas se déplacer mais aussi les capacités du patient à ouvrir les 88 boites, casser les comprimés si besoin), la bonne compréhension du traitement et de la façon de le prendre (un plan de prise peut être proposé, ou la préparation d’un pilulier). 2.5.4 A propos des propositions d’optimisation Les optimisations de prise en charge qui ont été faites à l’issue de ces consultations sont aussi variées que les problèmes identifiés. Il peut s’agir de conseils au patient formulés lors de la consultation ou de propositions aux praticiens. Face à un problème d’observance, il faut en chercher les causes et trouver des solutions o Proposer un plan de prise écrit ou un pilulier si le patient multiplie les traitements et éprouve des difficultés à le gérer au quotidien o Adapter le moment des prises au mode de vie du patient o Trouver des astuces pour limiter les oublis : poser la boite à proximité de la brosse de la dent, sur la table de chevet par exemple o Utilisation d’alarme ou d’application pour smartphone selon les outils à disposition du patient Face à un problème de mauvaise prise du médicament, réexpliquer le mode de prise ou adapter la prescription si le patient ne peut prendre le médicament de la bonne façon. Face à un problème d’interaction, proposer des optimisations en modifiant les traitements si cela est possible ou en adaptant les doses (tout en effectuant un suivi biologique). Face à un problème d’effets secondaires, proposer des optimisations en changeant le traitement si cela est possible ou en préconisant l’utilisation d’autres médicaments corrigeant ces effets. Face à des problèmes de représentations et de croyances négatives nuisant à l’efficacité du traitement, suggérer au psychiatre de travailler sur ces points 89 3 Conclusion L’expertise pharmacologique en psychiatrie a permis d’apporter un nouveau regard sur les cas complexes reçus par le CETTHC, de s’intéresser à des éléments qui sortaient du champ d’investigation du médecin et ainsi participer à l’optimisation de la prise en charge de ces patients. Les avis émis à l’issue de ces consultations ont à chaque fois été suivis par les médecins du service. Ce travail a également montré que l’externe en pharmacie et l’expert pharmacologue avaient toute leur place au sein des services cliniques. Si cette collaboration est bien établie et se montre fructueuse dans d’autres systèmes de santé (notamment aux Etats-Unis et au Canada mais aussi en Suisse), les services cliniques français sont souvent habitués à fonctionner sans l’aide d’un pharmacien. L’intégration du pharmacien dépend certes du service clinique concerné, de son ouverture d’esprit et de ses capacités d’évolution des pratiques, mais surtout des résultats de la présence du pharmacien. Cette intégration se révèle être un formidable moteur d’apprentissage : puisque c’est l’expertise pharmacologique qui est recherchée, il faut que ses connaissances soient à la hauteur des attentes des autres professionnels de santé. Non seulement, ses bases doivent être solides mais il se doit de maintenir ses connaissances à jour par une veille bibliographique. Nous devons, pharmaciens et futurs pharmaciens, nous montrer compétents, dynamiques et investis afin de nous intégrer au processus de prise en charge du patient, et l’optimiser. Cela est d’autant plus vrai pour nous, étudiants et professionnels de demain, puisque l’interprofessionnalité semble être un mot clé de l’évolution de notre métier, nous devons en être des acteurs. 90 Bibliographie 1. Frances A. Evaluation critique de la première version du DSM-V. Psychiatr Liaison. 2011 Feb 15;Volume 282(6):398–401. 2. Schulz P. Psychiatrie et neurosciences. Bruxelles: De Boeck; 2012. 3. Schulz P, Bertrand D. Traitements biologiques en psychiatrie. Bruxelles: De Boeck; 2013. 4. Haute Autorité de Santé. Prise en charge des complications évolutives d’un épisode dépressif caractérisé de l’adulte (Suspendue le 15 novembre 2011 pour conflits d’intéret des experts). 2007. 5. Tout en un ECN-Psychiatrie, sous la direction d'Anne Sauvaget. De Boeck-Estem; 2014. 6. American Psychiatric Association, American Psychiatric Association, DSM-5 Task Force. Diagnostic and statistical manual of mental disorders: DSM-5. [Internet]. 2013 [cited 2015 Feb 21]. 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Compte tenu de la polymédication et de la fréquente consommation de substances psychoactives, il est fondamental de réaliser une expertise pharmacologique. Le CETTHC et le Service de Pharmacologie Clinique du CHU de Nantes ont rendu possible les « consultations pharmacologiques » afin de compléter l’évaluation clinique des patients. Après avoir revu les connaissances nécessaires à ce travail, nous étudierons la notion de pharmacorésistance et nous décrirons la mise en place de ces consultations. A travers plusieurs exemples, nous soulignerons l’importance de l’expertise pharmacologique pour l’optimisation du traitement des patients. ___________________________________________________________________________ MOTS CLÉS CONSULTATIONS PHARMACOLOGIQUES – ECHEC THERAPEUTIQUE – EXPERTISE PHARMACOLOGIQUE – OPTIMISATION DU TRAITEMENT – PHARMACORESISTANCE – TROUBLE DE L’HUMEUR COMPLEXE ___________________________________________________________________________ JURY Président : Madame Virginie FERRE, Professeur de Virologie – praticien hospitalier Directrices de thèse : Madame Anne SAUVAGET, Psychiatre - praticien hospitalier Madame Caroline VICTORRI-VIGNEAU, Maitre de Conférence des Universités de Pharmacologie Clinique – praticien hospitalier Membres du jury : Monsieur Samuel BULTEAU, Psychiatre - chef de clinique Monsieur Cyrille MOREAU, Docteur en Pharmacie Monsieur Jean-Marie VANELLE, Professeur de Psychiatrie – Praticien hospitalier ___________________________________________________________________________ Adresse de l'auteur : La Hellaye 56250 SULNIAC 108