cas clinique Oreille Mots-clés Otospongiose - Surdité de transmission - Scanner - Laser Keywords Otosclerosis - Conductive hearing loss - CT scan - Laser Otospongiose : imagerie et nouvelles technologies Otosclerosis: imaging and new technologies I. Mosnier* M me B., âgée de 37 ans, consulte pour une hypoacousie bilatérale d’aggravation progressive, entraînant une gêne sociale, en particulier en milieu bruyant. L’interrogatoire retrouve des acouphènes droits non invalidants et l’absence de vertiges. Il n’existe aucun antécédent ORL personnel, mais sa sœur a été opérée d’une otospongiose. Les tympans sont normaux. L’audiométrie tonale et vocale met en évidence une surdité mixte bilatérale, plus marquée à droite (figure 1). Le bilan clinique faisant fortement suspecter une otospongiose, un scanner des rochers est demandé, confirmant le diagnostic d’otospongiose bilatérale (figure 2). La patiente est opérée du côté droit, où la perte auditive est la plus importante : platinotomie au laser diode, calibrée à la fraise diamantée, après avoir sectionné le tendon et la branche postérieure de l’étrier au laser et fracturé la branche antérieure. Un piston en titane Big Easy® (Medtronic) de 4,5 mm de longueur est mis en place sans difficulté. Les suites opératoires immédiates sont simples. Deux mois après l’opération, aucune amélioration auditive n’est constatée, avec persistance d’une surdité mixte droite. ◀ Figure 1. Audiométrie tonale et vocale ▼ Figure 2. Madame B. Scanner des rochers en coupes axiales retrouvant des foyers bilatéraux d’otospongiose. ▲ Figure 1. Discussion et évolution Le scanner des rochers en coupes fines (épaisseur de 0,5 à 0,6 mm, intervalles de coupes de 0,2 mm, coupes axiales passant par le plan du canal semi-circulaire externe et coupes coronales) est nécessaire devant toute suspicion d’otospongiose (recommandation de la Société française d’ORL), car il permet de confirmer le diagnostic en préopératoire avec une sensibilité d’environ 94 %. Il permet le diagnostic différentiel avec les autres causes de surdité de transmission à tympan normal, en rapport avec une atteinte ossiculaire (fixation de la tête du marteau [figure 3], luxation ou fracture ossiculaire dans les suites d’un traumatisme, lyse de la branche descendante de l’enclume, tympanosclérose, aplasie mineure), une malformation du fond du conduit auditif interne (oreille geyser avec présence de * Service ORL, hôpital Louis-Mourier, Colombes, et hôpital Beaujon, Clichy. 28 | La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 314 - juillet-septembre 2008 ▼ Figure2. . Oreille droite Oreille gauche ◀ Figure 3. Scanner en coupes coronales : fixation atticale de la tête du marteau. cas clinique liquide céphalo-rachidien dans l’oreille interne bloquant la platine de l’étrier, surdité mixte liée à l’X [figure 4]) ou une déhiscence du canal semi-circulaire supérieur, qui peut parfois s’associer à l’otospongiose (figure 5). Le scanner permet également de visualiser des anomalies anatomiques pouvant rendre le geste chirurgical difficile (procidence du facial, artère stapédienne aberrante, fosse ovale étroite), d’évaluer l’extension de l’otospongiose et de rechercher une association avec d’autres pathologies (otite chronique, malformation) [1]. Ainsi, une analyse approfondie du scanner de Mme B. aurait permis de faire le diagnostic d’une obstruction complète de la fenêtre ronde par le foyer otospongieux, qui explique l’échec du geste chirurgical. Une atteinte de la fenêtre ronde est décrite dans 3 à 7 % des otospongioses, mais seule l’obstruction complète de la fenêtre est péjorative pour le résultat audiométrique. Un scanner préopératoire normal n’est retrouvé que dans 2 à 3 % des cas. En cas d’échec de la chirurgie avec persistance ou réapparition d’une surdité de transmission (80 % des motifs de révision chirurgicale), le scanner permet le plus souvent d’en retrouver la cause, la plus fréquente étant un dysfonctionnement du piston par déplacement du pied du piston non correctement positionné dans la fosse ovale (figure 6A) ou par luxation complète du piston (2). Les autres causes possibles sont une lyse de la branche descendante de l’enclume (figure 6B), une luxation incudo-malléaire, une fixation atticale de la tête du marteau, la présence d’adhérences fibreuses dans la caisse du tympan et la poursuite d’une prolifération du foyer otospongieux dans la fosse ovale bloquant le piston. En cas de survenue d’une complication neurosensorielle immédiate ou secondaire (vertiges, surdité de perception, acouphènes), le scanner est indiqué en première intention à la recherche d’une fistule périlymphatique qui se traduit par la persistance d’un pneumolabyrinthe à distance du geste opératoire (figure 7A), d’une pénétration intra-vestibulaire excessive du piston (> 1 mm) [figure 7B], d’un granulome inflammatoire au pied du piston qui envahit le labyrinthe et se traduit cliniquement par une symptomatologie cochléo-vestibulaire sévère et précoce. Plus rarement peuvent survenir une labyrinthite infectieuse ou une hémorragie intralabyrinthique, dont le diagnostic est confirmé par l’IRM. La patiente refusant l’appareillage audio-prothétique, une intervention du côté gauche est programmée après vérification de l’absence d’obstruction de la fenêtre ronde ou d’anomalies associées. La technique chirurgicale utilisée est la même que celle pratiquée du côté droit. Les suites opératoires sont simples et un bénéfice fonctionnel est obtenu. Commentaires Plusieurs types de laser sont utilisés dans la chirurgie de l’otospongiose, avec des résultats similaires : laser YAG, CO2, diode et, plus récemment, laser Iridex® (Collin ORL). Les résultats fonctionnels sont comparables si on utilise le laser ou une technique traditionnelle. En revanche, les complications peropératoires sont diminuées, dont le risque de fracture platinaire (21,3 % avec la chirurgie conventionnelle versus 3,6 % avec le laser diode) [3]. L’utilisation du laser apporte un confort au chirurgien, facilite le geste chirurgical en cas de variation anatomique (fosse ovale étroite) et donne une sécurité en cas de platine flottante. Certaines équipes réalisent la platinotomie uniquement au laser ; d’autres la calibrent à la fraise diamantée, en particulier en cas de platine épaisse (Skeeter® Oto-tool, Medtronic). Le laser est particulièrement intéressant A B ▲ Figure 4. Scanner en coupes axiales : absence de modiolus à gauche (flèche) faisant communiquer le fond du conduit auditif interne avec les liquides périlymphatiques, à l’origine d’une hyperpression dans l’oreille interne pouvant bloquer l’étrier et simuler une surdité de transmission (“oreille geyser”). ◀ Figure 5. Déhiscence du canal semi-circulaire supérieur (“syndrome de Minor”). A B ▲ Figure 6. Luxation du pied du piston an avant de la platine (A), lyse complète de la branche descendante de l’enclume (B). ▼ Figure 7. Fistule périlymphatique avec pneumolabyrinthe (A), protrusion intra-vestibulaire du piston (B). Il faut noter que la découverte fortuite d’une pénétration intravestibulaire du piston sans traduction clinique ne doit pas conduire à une reprise chirurgicale. A B Remerciements au Dr Françoise Cyna-Gorse (radiologue, Paris) pour les photos des scanners (figures 3 à 7). en cas de révision chirurgicale, car il permet l’ablation d’adhérences dans la caisse ou le recalibrage de la platinotomie. Plusieurs types de piston sont utilisés, le plus fréquemment employé étant le piston téflon. Ces dernières années, les pistons en titane ont été de plus en plus utilisés, avec des résultats qui semblent similaires à ceux du piston téflon, mais avec une plus grande facilité de mise en place (2nd International Symposium of the Politzer Society on Otosclerosis, Biarritz, mai 2008). ■ Références bibliographiques 1. Veillon F, Stierle JL, Dussaix J, Ramos-Taboada L, Riehm S. Imagerie de l’otospongiose : confrontation clinique et imagerie. J Radiol 2006;87:1756-64. 2. Betsch C, Ayache D, Decat M, Elbaz P, Gersdorff M. Revision stapedectomy for otosclerosis: report of 73 cases. J Otolaryngol 2003;32:38-47. 3. Nguyen Y, Grayeli AB, Belazzougui R et al. Diode laser in otosclerosis surgery: first clinical results. Otol Neurotol 2008;29:441-6. La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 314 - juillet-septembre 2008 | 29