CAS CLINIQUE
28 | La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale 314 - juillet-septembre 2008
Otospongiose : imagerie
et nouvelles technologies
Otosclerosis: imaging and new technologies
I. Mosnier*
* Service ORL, hôpital Louis-Mourier, Colombes, et hôpital Beaujon, Clichy.
M
me B., âgée de 37 ans, consulte pour une hypoacousie bilaté-
rale d’aggravation progressive, entraînant une gêne sociale,
en particulier en milieu bruyant.
L’interrogatoire retrouve des acouphènes droits non invalidants et l’ab-
sence de vertiges. Il nexiste aucun andent ORL personnel, mais sa
sœur a été opérée d’une otospongiose. Les tympans sont normaux.
L’audiométrie tonale et vocale met en évidence une surdité mixte
bilatérale, plus marquée à droite (figure 1). Le bilan clinique faisant
fortement suspecter une otospongiose, un scanner des rochers est
demandé, confirmant le diagnostic d’otospongiose bilatérale (figure 2).
La patiente est opérée du côté droit, où la perte auditive est la plus
importante : platinotomie au laser diode, calibrée à la fraise diamantée,
après avoir sectionné le tendon et la branche postérieure de l’étrier au
laser et fracturé la branche antérieure. Un piston en titane Big Easy®
(Medtronic) de 4,5 mm de longueur est mis en place sans difficulté. Les
suites opératoires immédiates sont simples. Deux mois après l’opération,
aucune amélioration auditive n’est constatée, avec persistance d’une
surdité mixte droite.
Discussion et évolution
Le scanner des rochers en coupes fines (épaisseur de 0,5 à 0,6 mm,
intervalles de coupes de 0,2 mm, coupes axiales passant par le plan
du canal semi-circulaire externe et coupes coronales) est néces-
saire devant toute suspicion d’otospongiose (recommandation de
la Société française d’ORL), car il permet de confirmer le diagnostic
en préopératoire avec une sensibilité d’environ 94 %. Il permet le
diagnostic différentiel avec les autres causes de surdité de transmis-
sion à tympan normal, en rapport avec une atteinte ossiculaire (fixa-
tion de la tête du marteau [figure 3], luxation ou fracture ossiculaire
dans les suites d’un traumatisme, lyse de la branche descendante de
l’enclume, tympanosclérose, aplasie mineure), une malformation
du fond du conduit auditif interne (oreille geyser avec présence de
Mots-clés
Otospongiose - Surdité de transmission - Scanner - Laser
Keywords
Otosclerosis - Conductive hearing loss - CT scan - Laser
Figure2. .
Figure 1.
Oreille
Figure 1. Audiométrie
tonale et vocale
Figure 3. Scanner en coupes
coronales : fixation atticale de la
tête du marteau.
Figure 2. Madame B. Scanner des rochers en coupes axiales retrouvant des foyers
bilatéraux d’otospongiose.
Oreille droite Oreille gauche
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liquide céphalo-rachidien dans l’oreille interne bloquant la platine de
l’étrier, surdité mixte liée à l’X [figure 4]) ou une déhiscence du canal
semi-circulaire supérieur, qui peut parfois s’associer à l’otospongiose
(figure 5). Le scanner permet également de visualiser des anomalies
anatomiques pouvant rendre le geste chirurgical difficile (procidence
du facial, artère stapédienne aberrante, fosse ovale étroite), d’évaluer
l’extension de l’otospongiose et de rechercher une association avec
d’autres pathologies (otite chronique, malformation) [1]. Ainsi, une
analyse approfondie du scanner de Mme B. aurait permis de faire le
diagnostic d’une obstruction complète de la fenêtre ronde par le foyer
otospongieux, qui explique l’échec du geste chirurgical. Une atteinte
de la fenêtre ronde est décrite dans 3 à 7 % des otospongioses, mais
seule l’obstruction complète de la fenêtre est péjorative pour le résultat
audiométrique. Un scanner préopératoire normal nest retrouvé que
dans 2 à 3 % des cas. En cas d’échec de la chirurgie avec persistance
ou réapparition d’une surdité de transmission (80 % des motifs de
révision chirurgicale), le scanner permet le plus souvent d’en retrouver
la cause, la plus fréquente étant un dysfonctionnement du piston par
déplacement du pied du piston non correctement positionné dans la
fosse ovale (figure 6A) ou par luxation complète du piston (2). Les
autres causes possibles sont une lyse de la branche descendante de
l’enclume (figure 6B), une luxation incudo-malléaire, une fixation
atticale de la tête du marteau, la présence d’adhérences fibreuses dans
la caisse du tympan et la poursuite d’une prolifération du foyer otospon-
gieux dans la fosse ovale bloquant le piston. En cas de survenue d’une
complication neurosensorielle immédiate ou secondaire (vertiges,
surdité de perception, acouphènes), le scanner est indiqué en première
intention à la recherche d’une fistule périlymphatique qui se traduit
par la persistance d’un pneumolabyrinthe à distance du geste opéra-
toire (figure 7A), d’une pénétration intra-vestibulaire excessive du
piston (> 1 mm) [figure 7B], d’un granulome inflammatoire au pied
du piston qui envahit le labyrinthe et se traduit cliniquement par une
symptomatologie cochléo-vestibulaire sévère et précoce. Plus rarement
peuvent survenir une labyrinthite infectieuse ou une hémorragie intra-
labyrinthique, dont le diagnostic est confirmé par l’IRM.
La patiente refusant l’appareillage audio-prothétique, une intervention
du côté gauche est programmée après vérification de l’absence d’obs-
truction de la fenêtre ronde ou d’anomalies associées. La technique
chirurgicale utilisée est la même que celle pratiquée du côté droit. Les
suites opératoires sont simples et un bénéfice fonctionnel est obtenu.
Commentaires
Plusieurs types de laser sont utilisés dans la chirurgie de l’otospongiose,
avec des résultats similaires : laser YAG, CO
2
, diode et, plus récemment,
laser Iridex® (Collin ORL). Les résultats fonctionnels sont comparables
si on utilise le laser ou une technique traditionnelle. En revanche, les
complications peropératoires sont diminuées, dont le risque de fracture
platinaire (21,3 % avec la chirurgie conventionnelle versus 3,6 % avec le
laser diode) [3]. L’utilisation du laser apporte un confort au chirurgien,
facilite le geste chirurgical en cas de variation anatomique (fosse ovale
étroite) et donne une sécurité en cas de platine flottante. Certaines
équipes réalisent la platinotomie uniquement au laser ; d’autres la
calibrent à la fraise diamantée, en particulier en cas de platine épaisse
(Skeeter® Oto-tool, Medtronic). Le laser est particulièrement intéressant
1. Veillon F, Stierle JL, Dussaix J, Ramos-Taboada L, Riehm S. Imagerie de l’otospon-
giose : confrontation clinique et imagerie. J Radiol 2006;87:1756-64.
2. Betsch C, Ayache D, Decat M, Elbaz P, Gersdorff M. Revision stapedectomy for
otosclerosis: report of 73 cases. J Otolaryngol 2003;32:38-47.
3. Nguyen Y, Grayeli AB, Belazzougui R et al. Diode laser in otosclerosis surgery:
first clinical results. Otol Neurotol 2008;29:441-6.
Références bibliographiques
en cas de révision chirurgicale, car il permet l’ablation d’adhérences
dans la caisse ou le recalibrage de la platinotomie.
Plusieurs types de piston sont utilisés, le plus fréquemment
employé étant le piston téflon. Ces dernières années, les pistons
en titane ont été de plus en plus utilisés, avec des résultats qui
semblent similaires à ceux du piston téflon, mais avec une plus
grande facilité de mise en place (2nd International Symposium
of the Politzer Society on Otosclerosis, Biarritz, mai 2008).
Figure 5. Déhiscence
du canal semi-circulaire
supérieur
(“syndrome de Minor”).
Remerciements au Dr Françoise Cyna-Gorse (radiologue, Paris)
pour les photos des scanners (figures 3 à 7).
Figure 4. Scanner en coupes axiales : absence de modiolus à gauche (flèche) faisant
communiquer le fond du conduit auditif interne avec les liquides périlymphatiques, à
l’origine d’une hyperpression dans l’oreille interne pouvant bloquer l’étrier et simuler
une surdité de transmission (“oreille geyser”).
B
A
Figure 6. Luxation du pied du piston an avant de la platine (A), lyse complète de la
branche descendante de l’enclume (B).
B
A
Figure 7. Fistule périlymphatique avec pneumolabyrinthe (A), protrusion intra-vestibu-
laire du piston (B). Il faut noter que la découverte fortuite d’une pénétration intravestibu-
laire du piston sans traduction clinique ne doit pas conduire à une reprise chirurgicale.
B
A
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