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Les tontines
La tontine : lieu d'anticipations financières
Comme nous l'avons déjà souligné [2], on peut, à partir de la typologie des tontines, déter-
miner le comportement d'épargne du tontinier en distinguant les tontines de types I, II et
III,
qui sont des tontines à caractère mutualiste, des tontines IV et V qui sont des tontines
financières communément appelées tontines avec enchères.
Anticipations et comportements dans les types I, II et III
Dans les formes mutualistes, le comportement d'épargne est lié au motif de précaution. Le
niveau d'épargne est d'autant plus élevé que la contrainte d'épargne collective est étroite et
exerce une forte pression sur l'agent. Le niveau de risque est faible, compte tenu du fait que
dans ce système, il n'y a pas en tant que tel de taux d'intérêt ni pour le tontinier créditeur,
ni pour celui qui est débiteur et a un solde négatif en fin de cycle. Les pertes potentielles
possibles sont liées à la dépréciation monétaire, mais celle-ci peut être considérée comme
négligeable, compte tenu de la durée du cycle, qui en règle générale n'excède pas l'année.
Le jeu d'anticipations n'est cependant pas absent, surtout en ce qui concerne le tonti-
nier débiteur. Celui-ci va intervenir dans la détermination du rang dans la tontine, de
manière à établir une correspondance entre la période de collecte des fonds et la réalisa-
tion de la dépense. Intervient alors le coût d'opportunité dont l'appréciation permet au
besoin de négocier le rang - au cas où des règles précises l'auraient préalablement
défini - avec d'autres membres, qui accepteraient alors de céder le leur. Le jeu d'antici-
pation intervient encore un peu plus fort lorsqu'à la tontine est intégrée une caisse
d'épargne et de prêts.
Ici,
l'agent doit arbitrer entre la détention d'une encaisse liquide que nous appellerons
liquidité au premier degré, et le dépôt à la caisse d'épargne et de prêt. L'arbitrage s'exerce
d'abord sur l'opportunité ou non de participer à ce second niveau d'épargne qui est sou-
vent
facultatif.
Il s'exerce ensuite, s'il décide d'y participer, sur les montants à y déposer,
ceux-ci pouvant varier d'une période à une autre ou d'un cycle à un autre. Le taux d'inté-
rêt apparaît donc à ce niveau pour déterminer le sens de l'arbitrage, et la répartition du
revenu entre différentes formes d'actifs. L'arbitrage s'effectuera en fonction de l'espé-
rance de rendement en fin de cycle, en tenant compte de plusieurs éléments qui affectent le
taux d'intérêt.
Le tontinier considérera d'abord le coût d'opportunité d'une dépense immédiate, ou
d'une détention de liquide en le comparant aux gains futurs des dépôts, déterminés aussi
bien en fonction du taux d'intérêt débiteur, celui payé par les emprunteurs, et le taux d'in-
térêt créditeur, celui qui lui est servi et qui peut être calculé, en fin de cycle, en fonction du
montant des gains obtenus. Entre aussi en ligne de compte le nombre potentiel d'emprun-
teurs qui multiplie les possibilités de gains, grâce à une rotation rapide des fonds déposés,
et compte tenu de la manière dont les taux sont appliqués.
Mais l'arbitrage ne se limite pas à ce jeu de probabilité interne à la tontine, c'est-à-dire
à la seule comparaison entre taux créditeur, taux débiteur et nombre d'emprunteurs. Un
élément extérieur au système intervient en effet qui établit une des liaisons les plus impor-
tantes entre la tontine et le système financier officiel en général, le système bancaire en
particulier. Le tontinier arbitre aussi en effet en fonction des niveaux de taux d'intérêt à la
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