2 cahier de FC de L’actualité pharmaceutique | avril 2010 | www.ProfessionSante.ca
l’apparition d’arythmies qui, malheureusement,
peuvent contribuer à l’instabilité du patient7. La
vasopressine cause une vasoconstriction directe
qui permet un maintien de la TA. Son utilisation,
à débit fixe, permet de diminuer l’utilisation des
autres vasopresseurs en présence d’un choc
septique réfractaire. Aucun avantage sur la
mortalité n’a été rapporté avec la vasopres-
sine8.
Selon Rivers, si la ScvO2 est < 70 % après
stabilisation de la TAM et de la TVC, il faut envi-
sager l’utilisation d’un agent inotrope (dobuta-
mine) ou transfuser le patient si la valeur de son
hématocrite est < 30 % (ou hémoglobine
< 100 g/L)5. Face aux effets indésirables possi-
bles des transfusions, plusieurs médecins limi-
teront leurs transfusions à des valeurs d’hémo-
globine bien inférieures (70-90 g/L). Les nouvel-
les recommandations de 2008 vont dans ce
sens6.
Lorsque les mécanismes de compensation
sont dépassés dans le choc, on passe en mode
anaérobique et les lactates augmentent. Cette
augmentation est un reflet de l’hypoxie tissu-
laire. La valeur initiale des lactates a été asso-
ciée à la mortalité selon certaines études. Leur
normalisation doit donc être faite le plus rapide-
ment possible9 10 11.
Les antibiotiques
La prescription d’une antibiothérapie efficace
demeure un élément clé dans le traitement du
choc septique. Kumar et coll., par le biais d’une
étude rétrospective chez 2154 patients avec une
hypotension persistante ou récurrente, ont
démontré qu’après une réplétion liquidienne
adéquate, la mortalité intra-hospitalière aug-
mente de 7,6 % à chaque heure avant l’initia-
tion d’un traitement antibiotique adéquat12. La
survie était de 79 % si l’antibiotique était admi-
nistré dans la première heure suivant l’hypoten-
sion alors qu’elle était diminuée à 42 % lorsque
l’antibiotique était administré dans la sixième
heure. Les recommandations actuelles sont
donc de débuter un antibiotique efficace dans
les plus brefs délais, idéalement dans la pre-
mière heure suivant l’apparition d’une hypoten-
sion documentée6. Le prélèvement des hémo-
cultures ne doit pas retarder le début du traite-
ment antibiotique même s’il est préférable de
les obtenir avant le début du traitement.
Une autre étude a également démontré que
l’utilisation d’une antibiothérapie inappropriée
chez les patients avec un choc septique aug-
mente de cinq fois le risque de mortalité intra-
hospitalière13. Cette étude a également rapporté
que 20 % des 5715 patients inclus ont reçu une
antibiothérapie inadéquate, ce qui nous rap-
pelle l’importance de traiter empiquement avec
un antibiotique à large spectre, voire en utili-
sant deux ou trois antibiotiques simultanément.
Le choix initial de l’antibiothérapie devra être
orienté selon l’infection suspectée ou documen-
tée. Différentes options de traitement sont illus-
trées au tableau IV. On doit également prendre
en compte, dans le choix de l’antibiothérapie, la
prise d’antibiotiques dans les trois derniers
mois, le statut d’immunocompétence du patient,
l’acquisition nosocomiale de l’infection, la flore
bactérienne locale de même que sa sensibilité6.
L’utilisation d’un antifongique peut également
être considérée lorsque plusieurs facteurs asso-
ciés à une candidose invasive sont présents :
chirurgie récente (principalement intestinale),
utilisation de nutrition parentérale, utilisation
d’antibiotiques large spectre et durée de leur
utilisation, présence d’un cathéter veineux cen-
tral, patient sous dialyse, patient au soins
intensifs et patient colonisé à Candida14.
Malgré la présence d’une insuffisance rénale
aigüe chez plusieurs patients en choc septique,
l’utilisation d’une première dose non ajustée,
voire les premières 24 heures à dose standard,
est justifiable afin de s’assurer que les concen-
trations obtenues au site de l’infection soient
adéquates. L’ajustement des doses devra toute-
fois être fait selon l’évolution du patient afin de
ne pas causer des effets indésirables secondai-
res au traitement antibiotique. De plus, le trai-
tement antibiotique, la dose et la posologie
doivent être réévalués quotidiennement afin
d’assurer un traitement optimal et permettre
également de rétrécir le spectre d’activité du
traitement antibiotique lorsque la bactérie de
même que sa sensibilité sont connues6. La
durée du traitement antibiotique dépendra de
l’infection qui a causé la survenue du choc de
même que du pathogène en cause et peut varier
de 7 à 10 jours en général. Elle peut toutefois se
prolonger en présence d’une infection compli-
quée. Il ne faut pas oublier les interventions
essentielles en présence de certaines infections:
chirurgies, drainage, débridement, retrait d’un
corps étranger, prothèse, cathéter6.
Les corticostéroïdes
L’utilisation des corticostéroïdes dans le choc
septique reste controversée à l’heure actuelle.
Leur utilisation origine du fait que le sepsis est
associé à une production importante de cytoki-
nes inflammatoires, celles-ci pouvant mener à
une insuffisance surrénalienne. De plus, l’utili-
sation de médicaments pouvant causer une
insuffisance surrénalienne tel le kétoconazole
ou l'étomidate sont parfois utilisés dans cette
population15. Les premières études, utilisant
des corticostéroïdes à haute dose (> 300 mg
par jour d’hydrocortisone), n’ont pas montré
davantage de survie et même plutôt un effet
délétère selon certaines d'entre elles. Leur utili-
sation n’est pas recommandée6.
L’utilisation de doses plus faibles de corti-
costéroïdes a donc été étudiée. L’étude de
Annane, au début des années 2000, a comparé
l’utilisation d’hydrocortisone 50 mg intraveineux
aux 6 heures et la fludrocortisone 50 µg per os
aux 24 heures au placebo chez les patients tou-
jours en choc septique malgré un traitement
vasopresseur pendant plus d’une heure et ce,
malgré une réplétion liquidienne adéquate16. Le
traitement devait être débuté dans les huit pre-
mières heures suivant le début du choc. Cette
étude a rapporté une diminution de la mortalité
à 28 jours (53 % contre 63 %) chez les patients
non répondeurs à un test de stimulation à
l’ACTH, donc en présence d’une insuffisance
surrénalienne relative. Dans cette même popu-
lation, un sevrage plus rapide des vasopres-
seurs a été observé (7 contre 10 jours). Chez les
patients répondeurs, donc sans insuffisance
surrénalienne relative, aucun avantage n’a été
noté sur la mortalité et sur le sevrage des vaso-
presseurs. Aucune différence significative entre
le groupe traitement et le groupe placebo n’a été
observée en ce qui concerne les effets indésira-
bles16. Cette étude a cependant été critiquée
puisque l’étomidate a été utilisé chez 72 patients
Tableau I
Comment distinguer SRIS, sepsis, sepsis sévère et choc septique3 4
SRIS
Au moins deux
des paramètres suivants
(2/4) :
• T ºC > 38 ºC ou < 36 ºC;
• Fréquence cardiaque
> 90 batt/min (sauf si le
patient prend des ß-blo-
quants ou des bloqueurs
calciques);
• Fréquence respiratoire >
20/minute ou PaCO2 < 32
(si intubé);
• Globules blancs
> 12 000/µL ou
< 4000/µL ou
> 10 % de formes imma-
tures.
SEPSIS
Infection documentée ou suspectée + signes parmi
les suivants :
Signes cliniques :
• Fièvre (T > 38,3 ºC)
• Hypothermie (T < 36 ºC)
•
Fréquence cardiaque >90 batt/min ou > 2 DS pour l’âge
• Tachypnée (fréquence respiratoire > 20/min)
• Altération de l’état de conscience
• Œdème ou bilan ingérés/excrétés positif
(> 20 mL/kg pour 24 heures)
• Hyperglycémie (> 7,7 mmol/L) sans diabète
Signes inflammatoires :
• Leucocytose (GB > 12 000/µL) ou > 10 % de formes
immatures
• Leucopénie (GB < 4000/µL)
• Protéine C réactive > 2 DS de la valeur normale
• Procalcitonine > 2 DS de la valeur normale
État hémodynamique :
• Hypotension artérielle (TAS < 90 mmHg ou TAM < 65
mmHg ou diminution de la TAS de plus de 40 mmHg)
• ScvO2 (saturation veineuse centrale) > 70 %
• Index cardiaque > 3,5l/min/m2
Signes d’atteinte viscérale :
• Hypoxémie artérielle (PaO2/FiO2 < 300)
• Oligurie aiguë (diurèse horaire < 0,5 mL/kg/h)
• Augmentation de la créatinine sérique de plus de
44,8 µmol/L
• Trouble de la coagulation (RNI > 1,5 ou PTT > 60s )
• Iléus (absence de péristaltisme)
• Thrombocytopénie (plaquettes < 100 000/µL)
• Bilirubine plasmatique totale (> 34,2 mmol/L)
Signes d’hypoperfusion tissulaire :
• Augmentation des lactates (> 2 mmol/L)
• Diminution du remplissage capillaire (> 2 secondes)
SEPSIS SÉVÈRE
Sepsis + une défaillance d’au moins un organe* :
• SNC: delirium, agitation
• CVS: vasopresseurs malgré une réanimation liqui-
dienne adéquate (30 mL/kg: 1,5-3 litres de cristalloï-
des; 500 mL q 15 min)
• Respiratoire: PaO2/FiO2 < 300 ou SaO2 < 90 % ou
PaO2 < 70 mmHg
• Hépatique: hyperbilirubinémie et augmentation
des transaminases
• Hématologique: plaquettes < 80-100 000/µL,
INR > 1,5, PTT > 60 sec, CIVD***
• Rénale: insuffisance rénale aiguë, débit urinaire
< 0,5 mL/kg/h
ou une hypoperfusion ou une hypotension:
• Hypoperfusion tissulaire:
Lactate > 2 mmol/L, acidose métabolique
(pH < 7,3, EB** ³ 5)
* La défaillance d’organe est inspirée du SOFA
(sequential organ failure assessment).
** EB : excès de base
*** CIVD : coagulation intravasculaire disséminée
CHOC SEPTIQUE
Choc
C’est la présence d’une
hypoxie tissulaire globale
secondaire à un déséquilibre
entre la livraison d’O2 et sa
demande.
Choc septique
• Présence d’un sepsis
• Hypotension réfractaire:
TAS < 90 mmHg ou
TAM (tension artérielle
moyenne) < 65 mmHg ou
une baisse de 40 mmHg
de la TAS. Cette hypoten-
sion ne répond pas à un
challenge de liquides
(20 à 40 mL/kg de cristal-
loïdes).
• Le besoin d’ajouter un
vasopresseur après une
réanimation liquidienne
adéquate.
Tableau II
Définitions3
Bactériémie (ou fongémie) : Correspond à la présence de bactéries viables
(ou champignons) dans le sang, mise en évidence par des hémocultures positives
Sepsis : SRIS + présence d’une infection confirmée ou présumée*
Sepsis sévère : Sepsis + défaillance d’au moins un organe ou d’une hypoperfusion ou
d’une hypotension
Sepsis induisant une hypotension: Sepsis + tension artérielle systolique < 90 mmHg ou
une TAM (tension artérielle moyenne) < 65 mmHg ou une diminution de ³ 40 mmHg de
la valeur de base de la TAs en l’absence d’une autre cause d’hypotension et répondant à
la réanimation liquidienne
* Infection prouvée ou suspectée : Culture positive ou Gram positif pour la présence de bactéries
(p. ex. sur des expectorations) ou présence de globules blancs dans un liquide corporel normalement
stérile (p. ex. liquide céphalorachidien) ou évidence radiologique d’une infection (p. ex. pneumonie) ou
signes cliniques d’infection (signes d’irritation péritonéale, méningée, etc.).