Les fondateurs de la pensée sociologique :
Emile DURKHEIM.
Synthèse :
Emile Durkheim (1858-1917), sociologue à l'origine de la
p ro f e s s i o n n a l i s a t i o n et de l'institutionnalisation de la discipline en
France, est sans conteste l'une des figures marquantes de cette fin du XIX' siècle.
Universitaire brillant, profondément convaincu de l'importance de sa tâche, il fait
pour la sociologie une nécessité de se constituer sur le modèle des sciences positives.
Fortement influencé par le positivisme d'Auguste Comte - qu'il rejette par la suite
pour être resté un «métaphysicien» - , Durkheim engage le sociologue à considérer
son objet de recherche - le fait social comme «manière de penser, d'agir et de sentir»
qui, tout en lui demeurant extérieur, s'impose à l'individu - comme une «chose»; cette
chose devant être expliquée par des choses de même nature. Au centre de la pensée
durkheimienne se trouve la proposition selon laquelle la société est une réalité
d i s t incte en nature des réalités individuelles qui la composent; c'est pourquoi tout fait
social doit être expliqué par un autre fait social et ce, sans faire la moindre référence
à la psychologie des individus.
Si le projet durkheimien est d'abord un projet scientifique, il est inséparable
d'une certaine dimension réformatrice : selon Durkheim, c'est à la sociologie qu'il
revient d'apporter une solution scientifique à la «question sociale», qui se pose avec
force dans une France Républicaine, en pleine réorganisation sociale, encore marquée
par sa défaite de 1870 contre l'Allemagne. Ainsi, les problèmes d'intégration sociale
et de solidarité sont au cœur de ses premiers ouvrages. Avec De la division du travail
social (1893), à l'image de Comte, Durkheim se met en quête de grandes lois évolu-
tives susceptibles d'expliquer l'état de crise dans lequel se trouvent les sociétés du XIXe
siècle. Il insiste sur la nécessité pour toute société moderne - dont il fait de la diffé-
renciation la caractéristique majeure à travers sa distinction entre «solidarité méca-
nique» et «solidarité organique» - de se fonder dans une certaine continuité à l'égard
des communautés traditionnelles, dans lesquelles la conscience collective occupe
une place encore prédominante. Si cette condition n'est pas remplie alors, nous
dit-il, l'intégration sociale issue de la division du travail ne pourra faire face à la
désintégration anomique de la société et à l'émergence de nouveaux phénomènes
pathologiques, tel que le suicide. Produit du sur-développement de l'individualisme,
ce phénomène - qu'il ana lyse dans son ouvrage, Le suicide.Etude de sociologie (1897)
- manifeste à ses yeux toute la pertinence de l'entreprise sociologique. Par l'analyse du
taux de suicide et de son évolution, Durkheim identifie, à partir des causes sociales qui
leur sont propres, trois grands types so ciaux du suicide (le suicide altruiste, le suicide
égoiste et le suicide anomique) dont l'importance relative se révèle fortement corré-
lée au degré de développe ment de la conscience collective dans la société.
Durkheim prolonge cette réflexion sur l'intégration sociale, cette fois envisa-
gée dans sa dimension symbolique, en 1912 avec Les formes élémentaires de la vie reli-
gieuse. Par l'étude des phénomènes religieux, il n'en tend pas uniquement démontrer
l'origine sociale des croyances religieuses - la divinité comme transfiguration de la
société - mais également, trouver un nouveau principe de cohésion à partir duquel
puissent être pensées les nouvelles formes d'intégration sociale. Et de fait, à ses yeux,
une religion n'est pas seulement un système solidaire de croyances et de pratiques
mais également et surtout une communauté morale, appelée Eglise. Consacrant l'es-
sentiel de ses analyses au système totémique enAustralie, il tente d'appréhender 0-
dans une perspective évolutionniste - I'essence universelle du phénomènereligieux.