conceptuels, idéologiques, avec quels présupposés ou quelles visées se font les descriptions
cliniques!?
Voilà un premier sens de critique, le sens kantien, c’est-à-dire un repérage des critères d’un savoir, ce qui
met ces critères en crise. En l’occurrence, j’ai tenté un repérage des conditions de constitution du
savoir psychiatrique, psychologique et linguistique quant à l’entité pathologique «!autisme infantile
précoce!». C’est donc un repérage qui se situe en amont de ce qu’on appelle «!la clinique de l’autisme!»,
en amont des descriptions des symptômes. Un repérage qui permet de lire comment justement
s’est fabriquée cette clinique, et notamment ce qui en constitue les traits initiaux construits par
Kanner!: le premier, la solitude, l’isolement (aloneness) qu’il décrète inné par un forçage que je
préciserai – trait initial qui est retenu tel quel dans la littérature sur l’autisme en tant qu’!«!indice
clinique!» de la prévention de l’autisme!; le deuxième, qui a été traduit par un contre-sens!: par
«!immuabilité!» ou «!immutabilité!» (sameness) alors qu’il s’agit d’autre chose, que je rappellerai, et
les effets subjectifs conséquents!de ce contre sens ; enfin, un rapport au langage très singulier
(voir L’autisme et les langues).
Critique a un autre sens, sens que M. Foucault a accentué et qui importe au plus haut point vu les
directives de la HAS. Je vais donc profiter de la toute récente republication de la conférence que
Foucault avait prononcé en mai 1978 à la Société française de Philosophie à laquelle j’ai fait
allusion il y a quelques instants, Qu’est-ce que la critique!?
En effet, à côté de «!la petite activité polémico-professionnelle!» – qu’il y a dans Genèses de
l’autisme qui est aussi un livre polémique, Michel Plon dans l’a souligné dans le compte rendu qu’il
en a fait dans La Quinzaine littéraire de juillet 2014. C’est vrai!: il y a un côté guerrier, révolté
devant le fait que les très diverses et singulières souffrances dans le lien générationnel soient ainsi
formatées dans une classification devenue quasi unique, la classe «!autisme!» et son spectre,
classification qui est une passerelle pour l’ingérence de l’État dans ce qu’il y a de plus privé et de
plus précieux de la vie humaine!: la prise du corps par la langue. Ce phénomène autisme – cette
«!fausse épidémie!» comme la qualifie ceux qui s’en tiennent à un matérialisme vulgaire, ne
pouvant reconnaitre qu’il y a des «!épidémies d’esprit!» (Rousseau) –, est la preuve d’une nouvelle
forme du «!malaise dans la civilisation!» qui, à ce titre seul, peut être qualifié de hautement
langagier. Que penser alors des propositions de certains psychanalystes du type!: autisme «!au
seuil du langage!», «!hors langage!» ou « hors-discours!»!? Alors qu’il est patent que ce phénomène
autisme trouve son écriture dans l’un des quatre discours, un lien social des quatre formalisés par
Lacan.
Donc à côté de l’aspect polémique et l’englobant, il y a ce que M. Foucault nomme «!l’attitude
critique!», c’est-à-dire le fait de poser la question du savoir dans son rapport à la domination, à partir
«!d’une certaine volonté décisoire à n’être pas gouverné!» ou «!pas tellement gouverné!». Il y a
tout un pan de l’article de Foucault qui montre l’émergence de l’art de gouverner, à partir des
XVème et XVIème siècles, notamment cette forme de pouvoir développé par l’Église catholique
dans son activité «!pastorale!»!: elle consiste à conduire la conduite quotidienne des individus. Je
peux dire que les Manuels de développements de l’enfant du psychologue Arnold Gesell sont
l’exact équivalent moderne et «!scientifique!» de ce pouvoir pastoral. Il y a eu un déplacement de
la sphère religieuse à la sphère éducative, psychologique!: il s’agit pour Gesell dans Le jeune enfant
dans la civilisation moderne (paru en 1949, traduit d’après la 20ème édition aux puf en 2005), de