«Patrimoines remarquables de la Drôme » est le troisième guide de la collection
Itinéraire
dont l’objectif est de présenter les ressources patrimoniales du département.
Le premier guide était consacré aux « Musées et maisons thématiques de la Drôme »,
le second aux « Musées et sites de la préhistoire dans la Drôme ». Ce troisième met en
évidence une cinquantaine de lieux remarquables ; il est réalisé en complémentarité avec
une carte touristique conçue comme une introduction à la découverte des patrimoines
de la Drôme à travers des thèmes et des typologies : les sites naturels, les routes, les
châteaux et les demeures, les villages perchés et fortifiés et les villes, le patrimoine reli-
gieux, le patrimoine agricole, artisanal et industriel, les musées, maisons thématiques et
sites archéologiques, les lieux de mémoire.
Présenter les patrimoines remarquables de la Drôme ne signifie pas se limiter
aux monuments historiques inscrits et classés, au patrimoine d’exception — le noble,
le majeur ou le monumental. Il est de s’attacher aux édifices de notre quotidien ou aux
sites naturels, ruraux ou urbains qui attirent l’attention, qui sont dignes d’être relevés ou
signalés. Certains, dont l’intérêt est national, sont protégés, d’autres non protégés pos-
sèdent pourtant un intérêt départemental sur le plan architectural, stylistique, technique,
urbain ou encore social et économique. Ces derniers témoignent alors de l’évolution de
la notion de patrimoine qui est le fruit d’une construction sociale impliquant aujourd’hui
de plus en plus les collectivités locales, les associations de sauvegarde.
Naissance du monument historique
En dehors de quelques cas exceptionnels comme la protection contre le pillage
des monuments romains en 1462ou la préservation des monuments antiques de Nîmes
suite au voyage de François Ier en 1533, les vestiges de l’Antiquité ou les édifices remar-
quables n’ont fait que très rarement l’objet d’attention jusqu’au XVIIIesiècle. Une véritable
conscience nationale n’est réellement apparue qu’avec la Révolution, malgré les protes-
tations d’érudits locaux ou de sociétés savantes contre les destructions massives.
Àpartir de 1789, les biens de l’Église ou de la Couronne, ainsi que ceux des
nobles émigrés sont confisqués. L’État acquiertalors une nouvelle responsabilité et l’ar-
chéologue Aubin-Louis Millin souhaite attirer l’attention des membres de l’Assemblée
constituante sur l’importance de la sauvegarde de ce qu’il nomme pour la première fois
«monument historique ». Une commission des Monuments est créée ayant pour mission
d’inventorier et de conserver les biens et œuvres d’art, mais les destructions massives et
les abus persistent. L’abbé Grégoire dénonce à plusieurs reprises le « vandalisme » commis
par « ignorance, insouciance et friponnerie » et proclame l’existence d’un patrimoine collec-
tif qui fait appel à la mémoire et à l’identité nationale. En 1810, le comte de Montalivet alors
ministre de l’Intérieur transmet à tous les préfets une circulaire recommandant l’établis-
sement d’une liste des châteaux, églises et abbayes dignes d’attention. Un réseau de
correspondants locaux répartis sur le territoire national est alors mis en place, et en
1830 est créé le poste d’inspecteur des Monuments historiques dont l’un des représentants
les plus actifs sera Prosper Mérimée. De 1834 à 1860, il parcourt la France avec pour
mission de recenser et classer les édifices dignes d’intérêt. Une première liste établie
en 1840 comptabilise 1 090 monuments. Des crédits sont alloués pour sauvegarder les
plus menacés provoquant un débat sur les limites de la restauration.
Mérimée dans la Drôme
Au cours de ses voyages en direction du sud de la France ou vers l’Isère, Mérimée
traverse la Drôme et découvre dès 1834 des sites comme sa correspondance et ses
rapports en témoignent. Il contribue à sauver et à restaurer dix monuments dans la Drôme :
en 1840, la cathédrale de Saint-Paul-Trois-Châteaux, la cathédrale de Die, la collégiale de
Grignan, l’abbaye de Léoncel, la collégiale de Saint-Barnard à Romans, l’église de Saint-
Restitut, le Taurobole à Tain-l’Hermitage, le Pendentif à Valence ; en 1846, l’église de
Saint-Marcel-lès-Sauzet ; en 1847, l’église Saint-Pierre à Chabrillan.
Une réglementation attendue
Afin d’assurer à long terme une protection des édifices recensés et réglementer
les crédits de restauration, une première loi est adoptée en mars 1887. Celle-ci permet
de classer des bâtiments publics ou privés dont l’intérêt national est reconnu. Elle est
complétée par celle du 31 décembre 1913, qui envisage la possibilité de classement sans
l’accord du propriétaire, prévoit des sanctions en cas de réalisation de travaux sans
autorisation et élargit la notion d’intérêt national à celle d’intérêt public. Cette dernière
mesurepermet de prendreen considération des biens d’intérêt territorial.
Une mémoire en évolution
Au début du XXesiècle, les arrêtés de classement concernaient quelques grottes
ou sites préhistoriques mais surtout de nombreux monuments antiques et médiévaux.
Àpartir des années 1920-1930, l’éventail s’élargit. On classe désormais des édifices des
XVIe,XVIIeet XVIIIesiècles. Au cours de la VeRépublique sont pris en considération des
ouvrages des XIXeet XXesiècles. Avec André Malraux, les choix de la protection vont être
définitivement réorientés, ne suivant plus seulement une logique historique. Sont ainsi
classées certaines œuvres qu’il juge fondatrices de l’architecture contemporaine comme
la villa Savoye construite en 1929 par Le Corbusier et classée en 1965, la tour Eiffel édifiée
en 1889ou des immeubles d’Auguste Perret. En 1969, il fait classer le palais idéal du facteur
Cheval à Hauterives en tant qu’unique représentation architecturale de l’artnaïf.
Dans les années 1990, est créé le label XXedestiné à recenser et identifier les
lieux emblématiques du siècle. Une vingtaine de sites ont été retenus dans la Drôme parmi
lesquels, le pont Albert Caquot à La Garde-Adhémar, la reconstruction de La Chapelle-
en-Vercors ou la cité Jules-Nadi à Romans.
Désormais, les choix patrimoniaux ne sont plus seulement historiques, mais
aussi les témoins de courants artistiques contemporains, de savoir-faire originaux (locaux),
d’innovations scientifiques et techniques. Ne sont plus seulement protégés les châteaux,
les lieux de culte ou les sites exceptionnels, mais aussi les lieux industriels, les éléments
d’architecture rurale, les lieux de mémoire ou les jardins.
CHRYSTÈLE BURGARD ANNE-MARIE CLAPPIER
CONSERVATEUR EN CHEF DU PATRIMOINE ATTACHÉE DE CONSERVATION
Introduction