
doute l'exploration active tactile par le sujet ; mais elle a démontré que les
prévisions de Sartre (qui avait annoncé que le sens tactile était « l'analogon »
de la vision) étaient une pensée juste. Ajuriaguerra avait insisté sur cet aspect
dans son cours au Collège de France.
3.
Le regard qui capture et oriente l'attention
Notre enseignement a concerné cette année un aspect particulier des méca-
nismes de contrôle du regard : les « réactions d'orientation ».
Les réactions d'orientation sont des mouvements explicites qui orientent la
tête et les yeux, et parfois le corps, en direction d'un site ou d'une cible
d'intérêt.
La définition historique de la « réaction d'orientation » recouvre des proces-
sus plus généraux que ceux que nous aurons le loisir d'étudier ensemble cette
année. On doit à Pavlov (1927) une description de la réaction d'orientation :
« l'apparence d'un stimulus nouveau évoque immédiatement un réflexe de
recherche, l'animal fixe tous ses récepteurs sensoriels pertinents vers la source
de perturbation, élevant les oreilles, dirigeant son regard vers la source et
reniflant l'air ». Dans sa définition originale telle qu'elle est aussi reprise par
Sokolov qui a consacré de nombreuses études aux base neurales du « réflexe
d'orientation », il
s'agit
d'abord d'un état général d'éveil généralisé qui n'est
pas spécifique à une seule modalité sensorielle. Dans la littérature soviétique,
la réaction d'orientation est donc plus une préparation qu'une exécution.
Le fait de s'orienter vers une source sensorielle est un comportement que
l'on retrouve chez les organismes les plus simples. Il a généralement été décrit
sous le nom de « taxie » par les éthologistes qui ont ainsi distingué « photo-
taxie, héliotaxie, thermotaxie, etc. ». Mais, dans ces cas, il implique souvent
aussi une locomotion vers la source attirante.
Lorenz a étudié le répertoire des mouvements d'orientation. Il a, par
ailleurs, insisté sur le fait qu'une partie des synergies qui sont mises en jeu
dans ces mouvements sont parfaitement indépendantes des entrées sensorielles
et « ne sont pas entraînées », comme on aurait trop souvent tendance à le
croire, par une succession de réflexes, mais par des processus se déroulant au
sein même du système nerveux. Les contrôles afférents n'interviennent que
dans l'orientation générale des coordinations héréditaires dans l'espace mais
pour l'élaboration de l'enchaînement du mouvement lui-même, ils sont totale-
ment négligeables » (cf. L'envers du miroir, p. 80)
Gibson, analysant l'évolution de la vision chez les vertébrés, nous rappelle
que les poissons disposaient d'un « œil de poisson » (reproduit aujourd'hui par
les photographes) qui pouvait embrasser d'une seule vue un large environne-
ment. Pour Gibson, l'apparition de la vision fovéale, au cours de l'évolution,
s'est
accompagnée de la migration des yeux d'une position latérale à une