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Quand la peur nous prend, qu’est-ce qu’elle nous prend?
Vivre la crainte, l’inquiétude, la panique, l’affolement ou la terreur; la peur est
une émotion à la fois si commune et si unique que la langue française regorge de termes
pour révéler son existence. Avoir une peur bleue, une peur panique, une peur sourde;
mille autres adjectifs pour en enrichir la description, pour la nuancer. Avoir les sens en
éveil ou s’évanouir, sentir l’air nous manquer ou hyper ventiler, le cœur qui arrête de
battre ou qui s’emballe, figer ou fuir; les effets que la peur a le pouvoir d’engendrer sur
nous sont infinis. Et pourtant, toutes ces déclinaisons de la peur se rapportent à cette seule
émotion qui est vécue par tous et qui est à l’origine déclenchée par une cause unique : la
perception d’un danger, ou d’un événement que nous percevons comme tel, et qui
provoque en nous une réaction physiologique et psychologique. Comment l’homme
détermine-t-il le niveau de dangerosité d’une situation? La peur est-elle une émotion
dépendante d’un jugement, ou est-elle universelle? Et, surtout, provoque-elle une réaction
souhaitable, protectrice, ou au contraire nous arrache-t-elle quelque chose de
fondamental?
Étudions d’abord la peur en tant que simple représentante des émotions. Les
émotions «primaires» selon la théorie des émotions de base de Paul Ekman1 sont la joie,
la tristesse, le dégoût, la peur, la colère, la surprise et le mépris. Elles sont communes à
tous les hommes, et les réactions physiques qu’elles provoquent sont également
semblables dans toutes les cultures, ce qu’il a prouvé en montrant que des membres d’une
1 Paul Ekman, théorie des émotions de base (1972), Web