Fry : L’accord ALPA 39
3 L’Accord : une opération distincte
3.1 L’Accord est distinct de la Fusion
— Hornstein (2009) soutient que l’Accord n’est pas nécessaire : les phénomènes d’accord peuvent être
analysés comme une conguration structurale donnée par une application de la Fusion.
— Hornstein (2009) propose que l’Accord est redondant dans sa fonction de créer des relations à
distance dans les structures syntaxiques : si la Fusion peut être interne ou externe, alors son
application interne est capable de créer des relations à distance. 1
— En particulier, la Fusion interne peut mettre en relation un sytagme déplacé vers le spécieur
d’une projection et la tête de cette projection. (C’est de nouveau la relation spécieur-tête.)
— Cependant, il y a de bonnes raisons de croire que la Fusion et l’Accord sont deux opérations
distinctes.
— Alors que la Fusion peut être externe ou interne, l’Accord est toujours interne : l’Accord met
toujours en relations deux éléments qui font déjà partie d’une structure syntaxique.
— Même si l’élément qui détermine l’accord du verbe fait surface dans une position depuis laquelle
il c-commande le verbe (e.g., (2b)), la position de base de cet élément est toujours c-commandé
par la sonde.
— Dans certains cas, il est très dicile de proposer une analyse en termes de spécieur-tête.
— Dans l’exemple suivant, de l’algonquin, le verbe dans la proposition principale s’accorde avec
le sujet de la proposition principale (1re personne) et le sujet de la proposition enchâssée (2e
personne).
(7) ggikenimin
gi-gikenim-in
2-know.vta-dir.1(ind)
giibashkizwaadj
gii-bashkizw-aa-d
past-shoot.vta-2>3(conj)
‘I know that you shot him.’ (Lochbihler et Mathieu To appear : 23)
— Une analyse en termes de spécieur-tête voudrait que le sujet de la proposition enchâssée se
déplace vers le spécieur du Svprincipal.
(8) gi [SC pro2[pro1gikenimin [SC pro2giibashkizwaadj pro3]]]
— Cette analyse prédit que ce SN pro2peut se déplacer vers une phrase encore supérieure pour
déterminer l’accord du verbe. Branigan et MacKenzie (2002) montrent que cette prédiction se
révèle comme étant fausse.
— Une analyse selon Hornstein (2009) de ces constructions d’accord à longue distance n’est pas
valide.
— Rezac (2010) découvre que les pronoms (y compris les pronoms faibles, les clitiques) autorisent la
présence de quanticateurs ottants (QF) mais l’accord ne les autorisent pas.
(9) clitique... QF ... objet
Quand on lesiatousiinterrogés euxiaussi, nous avons clos l’enquête.
(10) accord... QF ... sujet
* Quand ontitousiété interrogés euxiaussi, nous avons clos l’enquête.
3.2 Un argument de l’évolution : «All you need is Merge !»
— Certains chercheurs (e.g., Hornstein (2009), Boeckx (2015)) proposent que les opérations gramma-
ticales doivent être très peu nombreuses parce que le langage s’est émergé très récemment chez les
humains (il y 200 000 ans). Cette courte période n’aurait pas permis l’évolution de plusieurs opérations
syntaxiques.
— Cependant, de nouveaux mécanismes n’apparaissent que très rarement. Il est plus plausible que
l’Accord a été adapté par le langage mais a son origine dans une autre faculté cognitive (e.g.,
la reconnaissance visuelle).
1. Voir aussi Chomsky (2013).
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