la vision de l`enfant - Banque de données en santé publique

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MÉDECINE SCOLAIRE ET UNIVERSITAIRE
LA VISION
DE L'ENFANT
DE LA NAISSANCE À LA LECTURE
2001
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ÉDITIONS A.F.P.S.S.U.
Ce volume regroupe l'ensemble des interventions du Colloque de
l'A.S.N.A.V. du 28 Septembre 2001 au C.N.I.T. PARIS LA DEFENSE,
en collaboration avec l'A.F.P.S.S.U.
Compte tenu de la richesse et de la quantité d'informations, et de notre
souci de fidélité à la véracité d'expression de chacun, la rédaction a
demandé beaucoup de temps. Nous prions nos sociétaires et nos lecteurs de
bien vouloir excuser le retard subi par la sortie de l'ouvrage.
"Médecine Scolaire et Universitaire"
Collection de livres thématiques
Direction et Rédaction de cette Publication : Docteur Solange Garnier
Secrétariat et Administration :
A.F.P.S.S.U. 53 rue Truffaut 75017 PARIS
Tel/fax : 01.42.29.50.30. Mel :[email protected]
Site Internet : www.afpssu.com
Imprimeur : Dumas-Titoulet Imprimeurs - N° Imprimeur : 37368
Dépôt légal : Juin
ISBN : 2-9513364-1-1
Vendredi 2 8 septembre 2001
CNIT PARIS LA DÉFENSE
de l'eo-rant
de la naissance à la lectu^e
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Colloque organisé par l'Association Nationale pour l'Amélioration de la Vue avec la collaboration de
rAssociation Française pour la Santé Scolaire et Universitaire et le partenariat du Silmo.
Sous le parrainage
de Monsieur le Minisfre de l'Education Nationale et de Monsieur le Ministre Délégué à la Santé.
SOMMAIRE
Ouverture du Colloque
Professeur Yves PouUquen - Académie Nationale de Médecine
Mission et Actions de l'A.S.N.A.V.
Jean-Pierre Galceran - Président de l'A.S.N.A.V.
Enjeux de la collaboration entre T A.S.N.A.V. et l'A.F.P.S.S.U.
Docteur Solange Garnier - Présidente de l'A.F.P..S.S.U.
Développement de la vision de l'enfant
Professeur Christian Corhé
Développement visuel et psychomotricité
Docteur Serge Portalier
Vision monoculaire
Professeur Claude Speeg-Schatz,
Vision binoculaire
Professeur Alain Péchereau
Amblyopie et strabisme
Docteur Jean-Claude
Chariot
L'enfant à risque et la pathologie
Professeur Bernard Arnaud
Epidémiologie, description et évolution avec l'âge
Docteur Guy Clergeau
Sémiologie et pratique
Jean-François Le Gargasson
- Directeur de recherche I.N.S.E.R.M.
Méthodes de dépistage et de diagnostic
Docteur Sabine
Defoort-Dhellemes
Expérience de dépistage de masse
Madame Chantai Chirez. - onhopiistc
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51
Questions -Réponses
page
55
Mouvements oculaires et lecture
Madame Françoise Vitu-Thihault - Chercheur C.N.R.S.
Vision et lecture, étude épidémiologique
Professeur Jean-Claude
Hache
Vision et lecture en Seine-Saint-Denis
Docteurs Maggy Leroy-Hiest et Elisabeth Riou, - Education Nationale
page
59
page
71
page
73
Questions - Répon.ses
page
77
Traitement de l'amblyopie et du strabisme
Professeur Jean-Bernard
Weiss
Equipements standards : Montures
Mesdames Nathalie Aidan et Aline Gamrasni
Equipements standards : Verres
Madame Annie Rodriguez, - Opticienne
Equipements spéciaux et sur mesure
Daniel Dupleix - Opticien
page
79
page
83
page
87
page
91
Questions - Réponses
page
97
Recherche et Génétique
Docteur Josseline Kaplan ~ Chercheur I.N.S.E.R.M.
Enjeux socio-économiques des déficits visuels du jeune enfant
Pierre Lévy - Professeur d'Université
Expertise collective I.N.S.E.R.M. pour un dépistage de masse
François Vital-Durand - Directeur de recherche I.N.S.H.R.M.
Docteur Joseph Bursztyn - Ophtalmologiste
Point de vue des pédiatres
Docteur Gérard Beley
Point de vue des ophtalmologistes
Docteur Jean-Luc
Seegmuller
page
99
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103
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109
page
1 15
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119
page
page
121
123
Questions ~ Réponses
Conclusion du Colloque
Professeur Yves Pouliquen, de VAcadémie
- Opticiennes
Française
OUVERTURE DU COLLOQUE
Yves J.-M. POULIQUEN
Professeur d'Ophtalmologie
Membre de l'Académie Nationale de Médecine
Qui ne s'est attendri au spectacle d'un bébé qui découvre sa maman et le monde, ou d'un enfant
de cinq ou six ans qui entrevoit les charmes de la lecture en même temps que les moyens de sa jeune
liberté ?
Qui pense vraiment à ce qu'il en a coûté à l'étonnante nature pour construire deux yeux sains,
un regard curieux de tout et une vision, principale perception de l'autre et de l'univers '?
Qui songe au devoir des adultes d'en assurer le meilleur cours ? Sait-on qu'une faible différence
de nature entre les deux yeux, dès la naissance, qu'il s'agisse de leur puissance optique ou de leur
capacité de voir ensemble, suffit à compromettre la qualité de la vision pour une vie entière '?
Sait-on que, dès les premiers mois de la vie d'un nourrisson, il est possible de mesurer sa vision
? Et, par là même, de corriger un trouble susceptible d'inhiber à jamais la fonction d'un œil ou encore
de provoquer un strabisme durable '.'
Avant d'aborder les problèmes des petits français, je rappellerai quelques chiffres, des chiffres
que je côtoie en qualité de Président de l'Organisation pour la Prévention de la Cécité et dans le cadre
des nos relations avec l'Organisation Mondiale de la Santé. Dans le monde, la prévalencc de la cécité
chez l'enfant est de 0,08%. Si on la compare aux 4,4% chez les personnes âgées de plus de 60 ans, ce
n'est pas un chiffre négligeable. Il y a en effet 1,5 millions d'enfants aveugles dans le monde,
totalement aveugles, et chez les enfants de 0 à 15 ans, presque 1 enfant sur 1000 présente de très gros
problèmes de vision.
500 000 enfants deviennent aveugles chaque année, 1 par minute !. Cette minute qui passe
équivaut à la naissance d'un enfant aveugle. Et on estime que la cécité chez l'enfant est responsable de
75 millions d'années vécues sans vision. Les causes sont multiples : ce sont les carences, la
dénutrition, les affections congénitales, les traumatismes, et l'O.M.S. a inscrit la cécité de l'enfance
comme l'un des cinq grands thèmes, derrière la cataracte, le trachome. Et c'est un élément
extrêmement important.
Aussi notre thème aujourd'hui apparaît-il un peu comme un luxe. Mais un luxe qu'il n'est pas
inutile d'explorer dans la mesure où la plupart des enfants aveugles du monde sont regroupés dans des
continents en voie de développement, où l'exigence de la vision reste inférieure à celle de nos sociétés
développées. Et je crois que pour nous c'est un devoir impérieux de préparer nos jeunes enfants à la
vie visuelle si importante, qui conditionnera absolument toute leur existence et toute leur carrière
Deux phases sont essentielles dans le contrôle de l'apprentissage de la vision de l'enfant. Celle
qui concerne, dès la naissance, les maladies génétiques, les développements anatomique et
physiologique des voies visuelles du fœtus, des premières semaines et des premiers mois de vie. Celle
qui permet, avant un an, de déceler les troubles de réfraction et de convergence de ses yeux, myopie,
hypermétropie, astigmatisme. La première phase influence notablement la seconde. Nous avons la
possibilité de corriger précocement la plupart de ces troubles. C'est pourquoi il faut savoir profiter du
temps très court, celui de la plasticité cérébrale du jeune enfant, pendant lequel nos actions sont
efficaces. Mieux vaut une inquiétude infondée que négliger l'occasion d'offrir à un enfant la
perspective d'une vision normale et performante des deux yeux, et un parfait confort binoculaire, avec
ou sans correction.
MISSION ET ACTIONS DE L'A.S.N.A.V.
Jean-Pierre GALCERAN
Président de l'Association Nationale pour l'Amélioration de la Vue
L'A.S.N.A.V., Association Nationale pour l'Amélioration de la Vue, créée depuis près d'un
deini-siècle par les professionnels de l'optique oculaire, œuvre inlassablement pour la Santé Visuelle
Publique, en développant des actions portant essentiellement sur la prévention et l'information.
L'A.S.N.A.V. est assistée d'un Con.seil Scientifique, composé de Profes.seurs d'Ophtalmologie
et de Médecine du Travail, présidé par le Professeur Yves POULIQUEN, membre de l'Académie
Nationale de Médecine. Ses actions, très multiples, s'appuient sur des partenariats avec les Pouvoirs
Publics ou avec des organismes agissant pour la même cause. Citons comme exemples :
La vision des écoliers, avec le Ministère de l'Education Nationale, et l'A.F.P.S.S.U..
La vision des salariés, avec la Médecine du Travail (Colloque Ecrans et Vision -24 mars 2000).
La vision des conducteurs, avec la Sécurité Routière, la Gendarmerie Nationale, la Prévention
Routière.
La protection contre les rayons ultraviolets, avec les professionnels de la vue.
Depuis la création de l'A.S.N.A.V. des révolutions et des évolutions significatives sont
intervenues dans la connaissance du mécanisme de la vision, sur la chirurgie de l'œil et sur les
équipements correcteurs. Pourtant, à ce jour, le constat reste désolant car une personne sur trois, ayant
une anomalie ou un défaut visuel, l'ignore ou est mal corrigée.
Nous avons pu le constater lors des nombreu,ses campagnes menées sur le terrain. Ainsi, les
résultats des contrôles des capacités visuelles à la conduite, proposés aux automobilistes depuis une
dizaine d'années par l'A.S.N.A.V. sur différentes aires d'autoroute, font apparaître des chiffres
alarmants. Sur environ 30 000 conducteurs volontaires pour se prêter à ces contrôles :
• 2 % sont visuellement dangereux {soit 700 000 conducteurs sur 35 millions).
• Pour 25%, une visite chez l'ophtalmologiste est fortement recommandée.
• 60%, seulement, présentent des capacités visuelles correctement adaptées à la conduite.
Pourtant, chacun a en tête notre célèbre slogan "Au VOLANT; LA VUE C'EST LA VIE!" sans toutefois
se sentir concerné par le danger que peut représenter, au volant, une vision défaillante.
Si nous abordons aujourd'hui le thème de la Vision de l'Enfant, c'est pour aider à préparer le
meilleur avenir possible aux 800 000 enfants environ qui naissent chaque année. La durée de la vie est
de plus en plus longue. Un enfant sur deux qui naît aujourd'hui sera centenaire. Pour lui permettre de
conserver l'intégrité de sa vision le plus longtemps possible, il est important de la faire contrôler au
plus tôt et de la corriger, si nécessaire. La période comprise entre les tout premiers mois de la vie et
l'entrée à l'école est primordiale pour détecter d'éventuels problèmes, souvent bénins à la petite
enfance, mais qui peuvent handicaper l'enfant dans sa vie scolaire et, par la suite, lui interdire certains
domaines professionnels.
C'est pourquoi, il est important, pour l'A.S.N.A.V. de mobiliser tous les acteurs de la prévention.
Pédiatres, puéricultrices, médecins de P.M.L personnels des maternités, des crèches, des centres
spécialisés pour enfants, médecins et infirmières scolaires... sont en première ligne pour observer le
comportement de l'enfant, détecter d'éventuels défauts de la vue et le diriger vers les professionnels
concernés(ophtalmologistes, opticiens, orthoptistes).
ENJEUX DE LA COLLABORATION
ENTRE L'A.S.N.A.V. ET L'A.F.P.S.S.U.
Docteur Solange GARNIËR
Présidente de rAssociation Française Pour la Santé Scolaire et Universitaire
Dès le début de la décennie 1980, une collaboration dans le domaine de la recherche existait entre
l'A.S.N.A.V. et le Service de Santé scolaire, notamment à Chartres par l'intermédiaire du Docteur Yvonne
Doppia, et par celui du Docteur Pierre-Marie Massy à Beauvais. Dans les années suivantes, iA.F.P.S.S.U.
établissait avec l'A.S.N.A.V. une colkiboration qui permettait un élargissement à l'échelon national. Les
échanges se sont renforcés jusqu'en décembre 1994, date du congrès commun "VISION ET LECTURE". A
ce congrès, qui a remporté un très grand succès, ont été présentés les résultats des recherches initiées par
l'A.S.N.A.V. que l'A.F.P.S.S.U. a publiés dans une brochure du même intitulé au sein de sa collection
"Médecine Scolaire et Universitaire". Cette brochure a d'ailleurs été très largement diffusée au sein du
Ministère de l'Education Nationale, des Inspections Académiques, des Centres de Documentation
Pédagogique, des Instituts Universitaires de Formation des Maîtres...
Devant le grand intérêt porté par le Ministère de l'Education Nationale à l'acquisition de la lecture par
les enfants au cours préparatoire, et sur les résultats d'un sondage effectué auprès des infirmières et médecins
du Service de Promotion de la Santé en Faveur des Elève.s, l'A.S.N.A.V. et l'A.F.P.S.S.U. ont lancé un vaste
programme de formation aux techniques de dépistage des troubles visuels en milieu scolaire - à l'origine de
certaines difficultés d'apprentissage de la lecture - destiné aux personnels du S.P.S.F.E. qui en feraient la
demande.
Une convention établie entre l'A.S.N.A.V. et le Ministère de l'Education Nationale en 1999 a conclu
et mis en place un programme triennal de formation au dépistage. Gratuit pour les personnels car
entièrement pris en charge par l'A.S.N.A.V., le stage se déroule sur deux journées et est agrémenté de la
fourniture de documents et de matériel de dépistage pour chaque stagiaire.
A ce jour, l'A.S.N.A.V. a formé près de 1 100 médecins et 2300 infirmières, dans la presque totalité
des départements, y compris les D.O.M.-T.O.M.. Cette formation d'excellent niveau doit se poursuivre dans
les années à venir, toujours en convention avec l'Education Nationale.
L'A.F.P.S.S.U., à l'origine de la conception et de la mise en œuvre de la Convention, présente à
l'A.S.N.A.V. ses félicitations et ses remerciements pour le travail intense et si profitable exercé au profit de
ses sociétaires et collègues. De même, l'A.F.P.S.S.U. souhaite vivement que la collaboration se perpétue
longtemps dans ces conditions d'amicale confiance et de soutien mutuel.
DEVELOPPEMENT DE LA VISION DE L'ENFANT
Professeur Christian CORBE
Physiopathologie sensorielle
C.P.E.M.P.N. Clamart (92)
Un développement visuo-neuro-cérébral harmonieux permet au bébé de préserver un
capital sensoriel et perceptif nécessaire à une bonne intégration dans sa vie professionnelle et
privée future. La découverte et la mesure des défauts visuels au cours de la première année
prennent une dimension pratique et économique considérable. Par ailleurs, la vision participe
au "développement", mise en œuvre de tous les éléments sensoriels qui extraient de
l'environnement des informations pour alimenter le cerveau. La sensation visuelle est
pondérée, ou amplifiée, par les autres sensations issues des capteurs sensoriels. Il est essentiel
de pourvoir aux besoin.s d'information, et de corriger les défauts sensoriels ou moteurs
pouvant gêner l'enfant, car la cartographie cérébrale risque d'être modifiée.
L'œil est un capteur actif nécessitant une stratégie de prise d'informations basée en
premier lieu sur l'appareil oculomoteur. La transmission se fera ensuite à travers les milieux
transparents pour sensibiliser la rétine. Une croissance normale de ces éléments est essentielle
à condition que le support cortical se soit développé harmonieusement.
DÉVELOPPEMENT FŒTAL ET NEUROLOGIQUE
Toutes les études actuelles portant sur le noun'isson montrent l'existence de
compétences sensorielles supérieures à ce que l'on imaginait il y a encore quelques aimées.
Certains travaux ont montré que les systèmes sensoriels se mettaient en place pour être
parfaitement fonctionnels dès la vie fœtale, dans un environnement déjà riche en stimulation.
La sensibilité tactile est observée dès la fin de la T semaine de vie intra-utérine dans
la région péri-buccale, à 11 semaines dans la paume de la main, et à 13 semaines sur
l'ensemble du corps. Ces stimulations proviennent des déplacements que la maman
occasionne et aux propres mouvements du futur bébé.
A 14 semaines, l'appareil vestibulaire est morphologiquement constitué. Les
bourgeons gustatifs ont des cellules réceptrices qui ressemblent dès la 11*^ semaine à celle
d'un adulte.
L'ensemble des structures chimio-sensorielles du nez est prêt à entrer en fonction au
cours du 3*^ trimestre de gestation.
Le système auditif, constitué vers 16 semaines, est opérationnel vers la 24"' semaine.
De fait, le fœtus sursaute à un son intense.
Quant au système visuel, on observe à la fin du 3° mois de gestation, des bâtonnets
visibles. Entre le quatrième et le cinquième mois, cônes et bâtonnets sont plus nombreux et
mieux développés. Il faudra attendre la naissance pour que le développement des
photorécepteurs soit achevé, à l'exception de la macula où le processus se poursuit pendant
plusieurs mois encore.
En phase précoce prénatale, on observe une surproduction de neurones qui
s'accompagne d'une mort cellulaire importante pouvant atteindre 85 % du stock initial. Lors
du développement du système nerveux, les connexions entre neurones se font par un système
de compétition/sélection. Celles qui sont le plus fréquemment sollicitées, grâce aux
interactions avec l'extérieur, vont alors se maintenir aux dépens des autres.
Dans la période postnatale, on constate une certaine instabilité structurelle et
fonctionnelle des réseaux. Le cortex peut s'adapter dans certaines circonstances à des
modifications de ses conditions de fonctionnement. Lors de pertes sensorielles, les modalités
restantes peuvent devenir plus performantes en utilisant des territoires corticaux normalement
réservés à la fonction sensorielle absente. Cette adaptation toutefois ne semble pouvoir se
faire que pendant une période limitée en début d'existence, lorsque le cortex procède à la
validation des ciicuits et des synapses. Elle repose en partie sur l'existence de connections
intermodales transitoires qui sont généralement éliminées lors du développement normal.
Il en résulte que le cortex peut s'adapter ainsi à un déficit sensoriel et certaines études
anatomiques ont permis de mieux comprendre ce mécanisme de plasticité compensatoire. Le
sujet jeune présente des projections exubérantes d'une structure cérébrale vers une autre qui
régresse progressivement en fonction de l'âge. Ces exubérances existent au sein du système
visuel et incluent le cortex. D'autres projections exubérantes existent entre régions cérébrales
pouvant être activées ultérieurement . Chez le chaton, il a été démontré que des neurones
localisés dans les aires corticales auditives et .somesthésiqucs envoient leur axone vers le
cortex visuel de chaque hémisphère et que ces projections disparais.sent progressivement.
Une évolution post-natale anormale peut modifier le processus de rétractation des
exubérances, soit en les éliminant rapidement, soit en les stabilisant. De ce fait l'aveugle
précoce peut stabiliser des exubérances normalement transitoires au sein du cortex visuel
provenant d'autres régions sensorielles.
Les enfants non voyants vont ainsi reconstituer certains référentiels spatiaux, en
développant une plasticité compensatoire au niveau des différentes zones corticales, en
impliquant plusieurs modalités sensorielles, en accroissant les performances des modalités
sensorielles intactes, en modifiant le neurone lui-même, anatomiquement et
fonctionnellement.
Il est important de souligner que plusieurs années sont nécessaires au cerveau
humain pour parvenir à maturité. Ce n'est pas uniquement l'œuvre d'un programme
génétique. En fait, près de vingt ans sont nécessaires. Pendant cette période, il y a des
interactions complexes entre divers mécanismes gouvernant le développement des systèmes
nerveux. Tout particulièrement entre ceux qui dépendent de phénomènes intrinsèques de
maturation, et ceux que des agents extrinsèques assurent ou contrôlent. Ces interactions entre
maturation, expression de facteurs essentiellement génétiques, et modifications plus ou moins
durables (produites par l'action même du cerveau, apprentissage et mémoire notamment),
attestent bien que celui-ci mijrit en tenant compte du milieu dans lequel il se développe.
L'ensemble des récepteurs sensoriels participe à la cognition. Il est nécessaire qu'il
y ait redondance sensorielle dans l'établissement des premières relations cognitives. Chaque
cellule nerveuse reçoit - ou en est à l'origine - 5000 à 90000 contacts fonctionnels. Dans la
phase précoce de leur développement, les neurones formés en nombre supérieur à celui du
futur stock adulte, doivent se déplacer sur des grandes distances. En outre, les prolongements
cellulaires eux-mêmes, ceux qui .sont responsables des interconnexions caractéristiques du
cerveau adulte, doivent se frayer un chemin, parfois très long, pour se diriger vers des régions
bien déterminées, et y reconnaître les structures à contacter. Pendant cette phase, les
connexions réalisées sont relativement grossières et vont esquisser un cerveau approximatif.
Ce câblage grossier est déterminé génétiquement. Il représente la connaissance sur le monde
accumulée au cours de la phylogenèse.
C'est au cours d'une seconde phase, plus tardive, que cette branche sera affinée,
épurée, réduisant par mort cellulaire le nombre de neurones, et élaguant de nombreuses
connexions exubérantes ou transitoires. Cette élimination commence avant la naissance et
persiste après. Les neurones condamnés le sont bien souvent parce qu'ils ont établi des
contacts incorrects empêchant leur bon fonctionnement ultérieur. Tous ces phénomènes
montrent bien que le cerveau n'est pas câblé d'emblée comme un ordinateur avec la
précision requise pour son fonctionnement normal. L'activité nerveuse joue un rôle éminent
dans son organisation connexionnelle. Ceci est d'autant plus vrai qu'il est possible par des
manœuvres chirurgicales appropriées, de stabiliser des projections transitoires ou de créer des
connexions aberrantes.
Dans les phases tardives, l'activité est modulée par l'expérience sensori-motrice, qu'il
est relativement facile de contrôler expérimentalement.
DÉVELOPPEMENT PRÉCOCE
Les techniques auto radiographiques ont permis de suivre l'évolution des neurones des
diverses structures du cortex visuel. L'ordre des connexions internes obéit à une logique
propre, indépendante du fonctionnement des appareils sensoriels distaux. La carte que trace
les projections du corps genouillé latéral sur le cortex anticipe celle que dessinent les fibres
optiques dans le corps genouillé. Elle est autor;ome et en particulier, elle devance une
organisation structurale importante du système visuel qui rend possible la localisation des
objets et des événements dans l'espace.
Certaines études (Imbert, Frost) ont montré qu'un cortex primaire est capable de traiter
l'information d'une autre modalité sensorielle que celle qu'il reçoit habituellement. Il est ainsi
possible de transformer un cortex somesthésique en cortex visuel.
DÉVELOPPEMENT TARDIF
Il est bien établi depuis les travaux de Hubel et VV'iesel que les neurones du cortex
visuel du chat sont, dans leur grande majorité, activés de façon binoculaire et qu'ils présentent
une très forte préférence pour des bords contrastés rectilignes précisément orientés dans leur
10
champ récepteur. Ainsi un certain degré de sélectivité à l'orientation existe chez le nouveauné. Cependant l'expérience visuelle des premières semaines est indispensahle pour le
maintien et le développement de ce paramètre.
Les expériences de Imbert et Frégnac chez le chaton ont mis en évidence l'existence
d'une population relativement importante de neurones possédant toutes les propriétés
spécifiques qui caractérisent le fonctionnement cortical d'animaux plus âgés ayant pu exercer
normalement leur vision. Ce n'est qu'après la troisième semaine que le système visuel
manifestera sa dépendance vis-à-vis de l'expérience visuelle. La sélectivité initiale disparaîtra
progressivement si l'animal est maintenu dans l'obscurité totale, elle se complétera et
s'affinera s'il peut pratiquer sa vision.
Ainsi les propriétés spécifiques des neurones visuels peuvent être extrêmement
rapides. Toujours chez le chaton, lorsque les six premières semaines post natales sont passées
dans l'obscurité totale, les cellules visuelles du cortex strié sont incapables de coder
l'orientation d'un stimulus rectiligne. La sélectivité à l'orientation a ainsi disparu. Cependant
cette propriété peut être complètement restaurée après exercices, à condition que le chaton ait
la possibilité d'explorer activement son espace visuel.
D'après ces études, le développement de propriétés spécifiques des neurones du cortex
visuel primaire des mammifères dépend, dans une large mesure, d'influences étrangères à la
seule modalité visuelle. 11 a été ainsi démontré que les mouvements oculaires étaient
indispensables au développement de la sélectivité à l'orientation, présentée par les cellules
du cortex strié du chat, et que les afférences proprioceptives extra oculaires jouaient un rôle
déterminant dans la plasticité post natale du système visuel, ainsi que dans la mise en place des
mécanismes neuroniques corticaux de la vision stéréoscopique.
Imbert suspecte le système vestibulaire d'avoir un certain impact sur l'expression du
codage de l'orientation par les cellules striées. En effet, il existe des neurones sélectifs aux
seules orientations verticales et horizontales chez des chatons totalement privés d'expérience
visuelle depuis leur naissance. Il semble logique d'attribuer l'origine de cette préférence pour les
orientations orthogonale, horizontale, et verticale, au fonctionnement de l'appareil vestibulaire,
soit directement par des projections de ce système dans la voie visuelle, soit indirectement par
l'intermédiaire d'une référence proprioceptive extra-oculaire mise en jeu par les mouvements
oculaires exécutés dans l'obscurité, gouvernés principalement par le système vestibulaire.
En somme, le fonctionnement très précoce du système vestibulaire influencera-t-il la
mise en place structurale et fonctionnelle du cortex visuel primaire ?
Après la naissance, il existe une instabilité structurelle et fonctionnelle de tous ces
réseaux neuronaux. Il persiste une plasticité cérébrale et neuronale qui peut être encore modifiée
soit par le développement normal, soit par l'éducation. On constate que chez les nouveaux-nés
humains il existe des neurones corticaux occipitaux fonctionnels pour la vision. Il n'y a aucune
stimulation visuelle, ceci pendant à peu près trois semaines. Pourquoi '? Parce qu'en fait, les
différents neurones venant des différents capteurs, auditifs, vestibulaires, gustatifs, (on a vu
qu'ils .se développent très tôt), émettent des extrapodes vers toutes les réceptions corticales (les
extrapodes émises par le capteur auditif vont par exemple développer au niveau du cortex visuel
la sensation de l'orientation) et le fait que l'œil soit sensible à des notions de barres ou
d'orientation verticales ou horizontales vient du fait que le bébé bouge in utero. Le mouvement,
par les vestibules, va donner des informations au cortex visuel, et développer une capacité
d'analyse de l'orientation qu'il suffira après la troisième semaine de maintenir par des
stimulations visuelles. Et on constate que cette dépendance dure à peu près de trois semaines à
trois mois, et qu'il est nécessaire ensuite de développer une stimulation naturelle pour obtenir
une vision satisfaisante et surtout une expérience visuelle et sensorielle maximale. On s'aperçoit
qu'en fait au niveau embryonnaire, fœtal, péri-natal, ce cortex visuel est dépendant aussi de toute
la période de gestation où la mère s'est mobilisée, où le fait d'entendre des sons va par des
extrapodes également engendrer au niveau du cortex visuel une sensibilité particulière qui ne lui
est pas destinée. En fait on s'aperçoit que le cortex visuel néo-natal dépend non seulement de la
vision, mais également de mouvements oculaires qui déterminent des notions d'orientation,
d'afférences proprioceptives et d'afférences vestibulaires.
L'enjeu, c'est d'aboutir à une bonne vision. Une bonne vision c'est le fait d'avoir une
bonne représentation du monde extérieur, d'avoir des paramètres optimaux non pas pour une
performance, mais pour la capacité de détection d'orientation, d'analyse de la forme, d'analyse
de la taille, (c'est différent de la forme), d'analyse de la couleur. On le sait, mais il faut le répéter.
Ces différents éléments physiques de décryptage sont comparés systématiquement
lorsque l'appel est visuel, avec les autres modalités sensorielles. "Est-ce que l'analyse de la
forme que je vois émet un son ? " Le cerveau fonctionne tout le temps comme cela. Il y a en
permanence comparaison pour optimiser la prise d'information. A partir du moment où existe
par l'origine, une mémoire visuelle bien avant la naissance, à partir du moment où
immédiatement dans les trois semaines puis jusqu'à trois mois il y a possibilité de développer
ces millions de neurones en plus, il ne faut pas s'en priver. Pourquoi '? Parce que chaque
neurone, une fois stimulé, va entretenir au niveau du cortex occipital un stock de mémoire
visuelle ou de mémoire .sensorielle, et là, il faut mettre le paquet, tout de suite dès la naissance.
Le stockage visuel, pourquoi ? Parce que, ensuite, dans la vie, quelle que soit l'évolution,
ce, patrimoine peut être utilisé.
Pour le développement harmonieux de la vision, de la vision interface avec le monde
extérieur, de la vision phénomène de bonheur et de plein épanouissement, la relation mère
enfant dès le début est indispensable. Cela commence par des stimulations nombreuses,
maximales, et pourrait expliquer pourquoi, par exemple, il y a des filiations de médecins, des
filiations de sportifs de haut niveau dans telle ou telle discipline ou des filiations de musiciens...
parce que dès la vie embryonnaire, fœtale, l'enfant a été immergé dans cette atmosphère
très particulière qui lui crée un stock au niveau de la mémoire.
L'apprentissage, après la naissance, immédiatement après, doit être varié, multimodal et
l'important est d'associer immédiatement toutes les stimulations pour le stock unique, la
stimulation visuelle doit s'accompagner d'une stimulation sonore, voire d'une stimulation
proprioceptive, et là l'ancrage de mémoire devient fort, solide, immuable. Et il faut développer
l'envie de voir, élément également essentiel. On oublie trop que l'on ne voit bien que ce qu'on
va chercher à analyser. La vision est un phénomène actif, et l'on peut par notre paresse
intellectuelle, c'est souvent le cas, ne pas avoir envie de voir.
12
Il faut développer la curiosité, et le captage des informations multiples. Enfin, on aura
intérêt à sélectionner les bonnes informations pour aboutir à une économie de la mémoire, c'est
le rôle bien entendu de l'éducation et des parents.
CONCLUSION
Classiquement, l'on dit que pour surveiller la vision d'un enfant, on a intérêt à être
précoce. La prise de conscience, par les professionnels de la vision, du développement
neurocérébral est un élément qui permettra de diminuer le risque d'amblyopies. En effet, cellesci sont diagnostiquées souvent trop tardivement et les conséquences fonctionnelles sont alors
irréversibles.
BIBLIOGRAPHIE
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infancy. Invest ophtalmol Vis Sci 1989, 30 : 312.
- CORNELISSEN PL and al - Magnocellular visual function and chiidren's single word
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13
DEVELOPPEMENT VISUEL ET PSYCHOMOTRICITE
Serge PORTALIER
Professeur des Universités
Je voudrais remercier l'A.S.N.A.V. de m'avoir invité à traiter du développement visuel de
l'entant et en particulier de son incidence sur le développement de la motricité.
Cet exposé va se développer en quatre temps. D'abord, je voudrais évoquer quelques
éléments préparatoires épidémiologiques, qui traitent de normalité sensorielle, normalité visuelle,
ensuite je souhaiterais réfléchir sur les relations entre l'émergence des activités motrices et la vision,
puis sur les rapports entre la vision et le développement cognitif de l'enfant, et enfin j'aborderai
l'incidence du fonctionnement visuel sur le développement affectif du bébé. Enfin pour terminer, il
serait bon de trouver quelques pistes pour une prise en charge précoce du développement de ces
enfants. L'ensemble des travaux qui suivent ont été développés en particulier dans l'expertise
collective I.N.S.E.R.M. mais aussi dans le cadre de laboratoires de recherche et en particulier le
laboratoire que je dirige à l'université Lumière Lyon II.
Voyons donc le premier point, c'est-à-dire les approches épistémologiques, de la
normalité au déficit. Comment définir, au préalable, et cela est important, le développement
normal de la fonction visuelle ? Ce développement normal dépend de trois paramètres : d'abord des
éléments liés au sujet lui-même, mais aussi de la qualité de son environnement, (bien qu'il soit
toujours très difficile de savoir ce qu'est un environnement de qualité pour un enfant donné), et
troisième point, de l'interaction entre le sujet et cet environnement-là. Par conséquence, on va
pouvoir définir le déficit visuel sur les trois mêmes registres, c'est-à-dire les compétences
spécifiques du sujet, même si ces compétences sont plus réduites, la qualité de son environnement et
bien sijr, ce qui va nous intéresser, l'interaction entre eux.
INCIDENCE DE LA VISION SUR LE DÉVELOPPEMENT PSYCHOMOTEUR.
Le premier point sur lequel on va travailler, sur lequel on travaille plus spécifiquement dans
notre équipe, c'est de réfléchir à l'incidence des pénalisations visuelles, sur les activités motrices.
L'on va .souvent constater un retard dans le développement psychomoteur de l'enfant, dans les
compétences cognitives avec le risque d'un retrait de la cognition, et enfin aussi le risque d'un
isolement affectif de cet enfant privé de vision d'une manière plus ou moins importante.
D'abord, cet enfant qui va naître va agir sur le monde, aller à la rencontre du monde. Il va
donc mettre en place des plans moteurs d'action pour accéder à cet environnement. Et, en
particulier, il va faire agir des coordinations, dont l'une très importante est la coordination de l'œil
et de la main,, pour attraper les objets. Lorsqu'il y a pénalisation visuelle, il y a difficulté de cette
coordination de l'œil et la main. Beaucoup de travaux aussi concernant la vision font état des
difficultés dans l'apprentissage de l'équilibre, dans l'apprentissage par le bébé de la tenue droite de la
tête, de la position assise, de la position tripode, et bien sûr dans l'apprentissage de la marche.
Pour que l'enfant apprenne à marcher il faut qu'il ait ses deux pieds au sol, et qu'il décide à un
moment donné de lever un de ses pieds. Comment peut-il lever ce pied '.' 11 peut le lever en prenant
appui dans son environnement, par la vision. C'est-à-dire que là, la vision sert de support à
l'équilibration du système. L'ergonomie de la marche va être gravement affectée lorsque le sujet
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souffre de pénalisations visuelles. On a constaté, par exemple, que chez les enfants aveugles,
l'ergonomie générale de la marche était perturbée, et que, souvent ces enfants marchent comme s'ils
avaient des pantoufles, sans pouvoir justement élever l'un de leurs pieds et enclencher l'ergonomie
générale de la marche.
INCIDENCE DE LA VISION SUR LES COMPÉTENCES COGNITIVES
Arrivons maintenant au deuxième point,. Dès la naissance aussi, le bébé va agir, va aller à la
rencontre de son environnement, et extraire de cet environnement les paramètres significatifs des
objets qu'il rencontre. Ces paramètres significatifs des objets sont liés en particulier à des
paramètres visuels de luminance, de formes, de contrastes etc. Lorsqu'il y a une pénalisation
visuelle importante, un cas extrême de cécité, un enfant ne va pas pouvoir accéder au monde des
objets sur ses paramètres visuels et donc son développement risque d'en être ralenti si on ne fait pas
intervenir des systèmes vicariants comme les systèmes optiques, kinesthésiques, olfactifs etc.
Egalement, toujours en ce qui concerne les compétences cognitives, la pénalisation visuelle va
entraîner des difficultés d'accès au lire-écrire. Les études montrent que même une pénalisation
réduite de la vision va entraîner des dysfonctionnements dans l'utilisation du graphisme chez
l'enfant. Non seulement graphisme, mais tenue du crayon, coordination entre le crayon et la feuille
etc. Un enfant déficient visuel a du mal à faire correspondre ce qu'il y a au bout de son crayon et ce
qu'il y a sur sa feuille, et donc l'accès pour lui au lire-écrire s'avérera difficile.
Egalement au plan des compétences cognitives, l'accès à la communication, et en
particulier au langage, peut être perturbé. La théorie des communications de Shannon dit que dans
une situation de communication vous avez un émetteur, un récepteur, un canal de communication
avec des effets de feed-back. La plupart du temps, cette intercommunication transite par le canal
visuel, et ce dernier régule des fonctions particulières que l'on appelle fonctions factives,
cognatives, d'appel etc. D'ailleurs, les hommes politiques le savent bien qui di.scutent avec vous en
vous regardant à la télévision droit dans les yeux, face à une caméra. C'est-à-dire qu'existe
réellement entre nous un diakigue visuel. Dans le cadre des pénahsations au plan de ces interactions
visuelles, toutes ces fonctions d'intercommunication sont perturbées. Nous avons travaillé plus
spécifiquement sur des perturbations au niveau des effets de la proxémiquc. De quoi s'agit-il '? Il
s'agit de la distance entre les inter-communicants. Quand je vous parle, je maintiens un certaine
distance entre vous et moi. Si je m'avance vers vous , vous allez reculer. Il y a une gestion de cette
distance, régulée en particulier par le système visuel. L'enfant malvoyant, l'enfant non voyant ne
peuvent pas réguler ces effets proxémiques. Cet enfant va entrer dans votre univers intime, et
souvent cette intrusion dans l'univers est vécue, particulièrement chez les enfants en classe
maternelle, comme une agression de leur environnement.
INCIDENCE DE LA VISION SUR LE DÉVELOPPEMENT AFFECTIF
Donc ces retentissements cognitifs sont importants, mais demeure un autre élément essentiel,
c'est l'incidence de la vision sur le développement affectif. Comme nous l'avons constaté
précédemment avec le Professeur Corbé il importe que s'inscrive rapidement une interaction entre le
père et son enfant. On parle toujours de la mère, mais le père aussi joue un très grand rôle.. Dans
cette interaction, va se construire un dialogue réel entre des partenaires, et ce dialogue construit
vraiment le psychisme de ce bébé, comme il modifie le psychisme de ce père. Ce dialogue va être
perturbé dans les cas de déficit visuel profond. En effet, souvent les mamans avec qui on travaille,
et qui ont des enfants aveugles ou gravement mal voyants expriment leur désarroi profond face à ce
bébé qui ne les rencontre pas au niveau du regard.
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Egalement, la fonction visuelle a une importance pour l'enfant dans la construction de son
image personnelle, dans la prise de conscience de soi et de sa représentation. Par exemple,
Alexandre dit : "je m'appelle Alexandre", il s'identifie comme être différent de vous. D'ailleurs il se
différencie et va construire ce que les psychanalystes appellent son moi. 11 vous dit aussi qu'il se
perçoit dans vos propres ycux- D'ailleurs il en joue un peu, il fait des poses, c'est-à-dire qu'il a
con.science que vous êtes en train de le regarder. Egalement il peut, dans un travail très symbolique,
envisager de jouer un autre personnage. Et enfin, dans une activité très importante en psychologie
du développement, il a la capacité de se cacher à votre regard, à notre regard. Et tous ces
phénomènes là risquent d'être perturbés chez un enfant qui présente des pénalisations visuelles. Je
travaille avec des jeunes enfants aveugles qui ne savent pas ce qu'est "se cacher", et qui alors
comprennent à un moment donné que l'on peut les posséder par le regard, et qu'eux mêmes ne
peuvent pas gérer cette situation particulière.
Vous savez qu'il existe un stade très important dans le développement psychologique de
l'individu, c'est ce que Spitz a appelé le stade du miroir. L'enfant rencontre dans le miroir sa propre
image, et psychologiquement, il ,se reconnaît dans cette image. El là aussi, c'est un processus de
maturation psychologique importante. Il y a des personnes qui ne se reconnaissent pas, qui ont été
bien présentées dans le "double portrait sans visage" d'Edward James. Et donc l'enfant déficient
visuel va être obligé de passer par d'autres procédures, peut être plus contraignantes, pour accéder à
ce stade d'identification par le miroir.
Enfin, nous avons travaillé aussi assez récemment sur le regard d'enfants autistes. Sur ce que
l'on appelle la théorie de l'esprit, et je voudrais finir sur cet exemple de recherche. Qu'est la théorie
de l'esprit ? Elle étudie les connaissances et les représentations dont l'enfant dispose à différents
moments de son développement, à l'égard de lui-même, de son propre fonctionnement, mais à
l'égard du fonctionnement des autres.
Donc la question posée est : dans le cadre de déficits visuels, l'enfant a-t-ii conscience que
l'autre existe en face de lui, a-t-il conscience d'avoir une pensée différente '.' Pour éviter d'être un
peu trop théorique, je propose cet exemple : c'est une situation très simple que l'on utilise en
psychologie du développement : le transfert inattendu d'objets. Valentin et Baptiste cachent un objet
dans une boîte. Je le fais avec eux. On met cet objet dans la boîte A. 'Valentin sort de la pièce. En
son absence, Baptiste avec moi déplace l'objet de la boîte A dans la boîte B. Maintenant je
demande à Valentin de revenir et je pose la question à Baptiste. "Oij Valentin va-t-il cherclier l'objet
? va-t-il en rentrant le chercher dans la boîte A ou dans le boîte B ? "Baptiste qui n'a pas acquis le
stade de la théorie de l'esprit, (il a quatre ans), répond : - la boîte B ! Baptiste ne peut pas envisager
que son copain Valentin ait une pensée autre que la sienne. Alors qu'arrivé à l'âge de cinq ans, il va
répondre A. Parce qu'il a conscience que Valentin, l'autre, n'a pas intégré le déplacement aveugle
que lui-même a effectué. Donc il est capable de penser que l'autre puisse avoir une pensée
différente de la sienne. Nous avons travaillé avec des enfants aveugles, des enfants gravement
déficients visuels, qui ont montré un retard très significatif dans l'élaboration de cette théorie. Pour
certains d'ailleurs ce retard persiste dans des âges très avancés. Alors quelle est l'incidence'.' Cette
incidence porte en particulier sur le plan de la cognition générale et sur le pian du langage.
Quelques mots de conclusion, de préconisation. Nous sommes bien d'accord pour dire que
le déficit de la fonction visuelle entraîne ces dysfonctionnements moteurs, cognitifs, affectifs. A
l'inverse, ces mêmes dysfonctionnements apparaissent comme des signes d'alerte d'une
éventuelle pathologie visuelle, signes d'alerte que reconnaissent les parents avant peut être qu'ils ne
viennent vous voir dans votre cabinet d'ophtalmologistes : interaction modifiée, errance du regard,
accidents moteurs, gaucherie, dysfonctionnement dans les apprentissages, agitation, etc. Dans les
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cas les plus graves, je pense qu'il est nécessaire, outre le dépistage précoce, d'intégrer ces signes
d'alerte, et de faire relais avec des équipes comme les centres d'action médico-sociale précoces, les
C.E.S.A.D. et autres structures spécialisées.
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VISION MONOCULAIRE DE L'ENFANT
Madame le Professeur Claude SPEEG-SCHATZ
Ophtalmologiste pédiatrique
Centre Hospitalier Universitaire - Strasbourg
Traiter de la vision monoculaire peut paraître surprenant puisque, je l'espère, nous sommes
presque tous dotés d'une vision binoculaire, mais il est bien évident que pour profiter de la qualité et
de la précision de cette vision binoculaire, il faut que chaque œil fonctionne individuellement de
façon correcte.
Le Professeur Christian Corbé l'a évoqué plus haut, il est tout à fait fondamental de
connaître les différentes fonctions visuelles, et les grandes étapes du développement visuel pour
comprendre celui de l'enfant. C'est dire toute l'importance de la prise en charge précoce des
anomalies de vision chez l'enfant. En effet, le nombre est frappant : 18 % d'enfants de moins de six
ans sont atteints actuellement en France d'une anomalie visuelle. Monsieur Lenne l'a mentionné : un
enfant sur six, c'est-à-dire 135 000 enfants par tranche d'âge en France, (soit un total de 800 000
enfants) devraient aujourd'hui en France être suivis par un ophtalmologiste.
Dans la population française, environ 5 % des enfants présentent un strabisme et la moitié de
ceux-ci présenterait une amblyopie en cas de prise en charge trop tardive. Monsieur Pouliquen l'a
rappelé : un enfant pour mille présente une amblyopie bilatérale nécessitant une prise en charge très
spécifique. C'est dire à quel point le dépistage visuel des enfants est un réel problème de santé
publique.
Ce développement de la fonction vi.suelle va .se faire dans les tout premiers mois et les
premières années de la vie. On peut dire globalement que tout se .joue avant trois ans mais avec un
pic de sensibilité majeur entre six et dix-huit mois, grande période de fragilité pour ces jeunes
enfants. Pour certains problèmes organiques, tout se joue même avant l'âge de trois mois, ''ela veut
dire que si on ne réali.se pas dans certains cas un dépistage le plus précoce possible de certaines
affections organiques, il n'y aura pas de chance de récupérer une acuité visuelle et encore une fois
on ne saurait trop insister sur l'importance de la précocité des dépistages.
Donc pour assurer un développement harmonieux de notre vision binoculaire, chaque œil
devra tout d'abord être, du point de vue anatomique, normalement constitué. Chaque œil devra
présenter un certain niveau de maturation visuelle à la naissance, il devra générer une image nette
sur la rétine, avoir une position correcte non seulement dans l'orbite, mais également par rapport à
l'autre œil, être en accord avec le développement des fonctions corticales et Monsieur Corbé l'a
expliqué, être stimulé, c'est-à-dire bénéficier d'une expérience visuelle.
INTEGRITE ANATOMIQUE DE L ' Œ I L
Il faut que chacun de nos deux yeux présente une transparence correcte des milieux, et
ceci est à rechercher dès la naissance. Certains enfants ont une transparence anormale de la cornée,
dans le cas d'une mégalo-cornée, d'une buphtalmie, d'un glaucome congénital, et d'autres ont une
anomalie de la transparence pupillaire. Il faut donc rechercher toute cause de leucocorie, une
cataracte congénitale par exemple qui bien sûr empêchera la formation de l'image.
Deuxième point, c'est la taille du globe oculaire. A la naissance, on peut considérer qu'un
globe a un diamètre de 16,3 millimètres en moyenne, pour atteindre vingt quatre millimètres à l'âge
adulte. Ceci est un fait important. La croissance de l'œil sera notable au cours de la première année
de la vie, un peu plus lente entre un et deux ans, et beaucoup plus progressive à partir de l'âge de
deux ans. Il est donc absolument fondamental d'emblée de rechercher toute anomalie de taille du
globe chez l'enfant, rechercher une mégalo-cornée, une buphtalmie si on soupçonne un glaucome
congénital, et à l'inverse aussi une micro-cornée, une microphtalmie souvent associées à un
colobome de l'iris. Il faut bien sûr être alarmé par ce genre de signes, colobome iridien, (absence de
fermeture de l'iris par fente s'étendant de l'ouverture pupillaire à l'insertion de l'iris), qui est
volontiers associé à un colobome choro-rétinien malheureusement, et bien sûr, si la localisation de
ce colobome est maculaire, le développement visuel ne pourra pas s'effectuer. Ces signes sont
fondamentaux à rechercher car ils entrent parfois dans le cadre de certains syndromes, avec d'autres
anomalies notamment cardiaques, auditives, psychomotrices associées.
LA MATURATION VISUELLE
Cette maturation visuelle est tout à fait inachevée à la naissance, et ceci encore de façon
prolongée jusqu'à 45 semaines de vie, et elle est liée à la densité des cônes qui, chez le très jeune
enfant, est inférieure à 30 %. Donc, à la naissance, notre rétine maculaire e.st totalement immature et
l'on va assister progressivement à une augmentation non seulement de la densité mais aussi de la
morphologie des cônes, jusqu'à l'âge de quinze mois. C'est ce que l'on appelle la migration fovéale
des cônes. Il faut bien comprendre qu'au départ, le nouveau né ne voit pas bien, parce qu'il a un
nombre insuffisant de cônes, et un espace important entre les cônes. Un élément clinique
fondamental va être la fixation qui est tout à fait en rapport avec cette maturation maculaire
progressive. On la met en évidence en particulier dans ce que l'on appelle le signe du manège (ou. le
signe des yeux de poupée) lorsqu'on prend un bébé à bout de bras et qu'on lui fait effectuer une
rotation sur 360 degrés. Il va présenter quelques secousses nystagmiformes, ceci par réflexe
archaïque. A partir de l'âge de six semaines et de façon beaucoup plus précise vers l'âge de trois
mois, grâce à la fixation, il va pouvoir suivre l'examinateur.
Ainsi à la naissance, on voit certains cas de retard de maturation visuelle, et ces retards
peuvent être liés ;
- d'une part à une immaturité fovéale, c'est à l'origine de certains nystagmus congénitaux,
- ou liés à une absence (ou à une myélinisation tardive) du nerf optique, qui peut être la
cau.se de certains problèmes de malvoyance qui en règle générale s'arrangent rapidement vers le
troisième mois, dans tous les cas avant six mois,
- et bien sûr les retards liés aussi à des problèmes de relation avec le cortex, cérébral.
L'ABSENCE D'AMETROPIE
Point suivant, il faut que notre œil soit capable de générer une image nette sur la rétine. Nous
insistons donc tout particulièrement sur l'importance de la réfraction. Monsieur Lenne vous l'a dit,
dans le cadre de l'expertise collective de l'I.N.S.E.R.M. nous avons retenu la possibilité idéale de
réaliser chez le jeune enfant entre neuf et douze mois un dépistage précoce, d'une part de toute
amétropie, surtout des amétropies fortes puisqu'elles peuvent être à l'origine d'une amblyopie
bilatérale, mais également d'une anisornétropie (ou différence de puissance entre les deux yeux), à
l'origine d'une amblyopie unilatérale.
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RÉTINE ET MOTRICITÉ OCULAIRE
La genèse d'une image nette sur la rétine nécessitera également que la rétine se développe
correctement. Nous l'avons vu, il faut que l'article externe des cônes s'allonge. Chez le nouveau-né
l'acuué visuelle est faible. Elle est restreinte es.sentiellement par ce problème de distance, exposé
plus haut, entre les cônes fovéaux. Mais à l'âge do deux mois, le nouveau né a des capacités
accommodatives. Cette accommodation est possible, si le nouveau ne présente une bonne
coordination par rapport à l'autre œil. Il faudra donc éliminer tout ce qui est limitatif au plan
musculaire, une fibrose musculaire par exemple dans les syndromes de rétraction, éliminer bien sûr
une paralysie oculomotrice congénitale, une malformation crânio-faciale volontiers associée à des
anomalies orbitaires, de positionnement des paupières et à un déséquilibre oculomoteur, éliminer un
strabisme dans lequel on connaît bien le problème de dominance oculaire. Il est donc tout à fait
important de bien examiner chaque jeune enfant, notamment la motilité dans les neuf positions de
l'espace, mais également examiner la poursuite, les saccades et le nystagmus optocinétique.
L E C O R T E X CEREBRAL
Il faut bien sûr que chaque œil soit également en accord avec le développement du cortex.
Ceci nous oblige donc à éliminer toutes les cécités corticales et toutes les séquelles d'anoxie périnatale malheureusement nombreuses et en nombre croissant ces dernières années. Il est bien
évident qu'un œil peut être normalement constitué sur le plan anatomique mais ne pas fonctionner
pour des raisons d'atteintes cérébrales associées venant à l'origine de ces cécités corticales. La
vision, je le rappelle, est assurée par des voies sous-corticales, et l'émergence des processus
corticaux va s'effectuer rapidement, vers l'âge de trois mois. C'est le moment où vont s'améliorer ces
problèmes de retard de maturation visuelle, et intervient encore dans ce développement du cortex
l'entrée en fonction des transmetteurs synaptiques de l'aire dix-sept.
Donc si l'on considère l'acuité visuelle monoculaire, ce qui est tout de même assez théorique,
celle-ci résultera de multiples facteurs.: le cortex, la fixation, la réfraction, la croissance du globe, la
position du globe dans l'orbite et la position par rapport à l'autre œil, la concentration des cônes au
niveau de la fovéa, la transparence des milieux, mais encore l'hérédité qui est un facteur
particulièrement important et c'est dire la grande valeur de l'interrogatoire, et de l'information de la
population puisque nous connais.sons les facteurs de risques amblyogènes.
Il faut donc prévenir les populations pour que l'on puisse réaliser un dépistage précoce, et les
informer des notions de l'expérience visuelle acquise et de la stimulation visuelle qui est un facteur
fondamental. L'acuité visuelle va se développer progressivement. Le nouveau né au cours des
premières semaines de vie a l/2()ème d'acuité visuelle. A trois mois il a 1/IOème, à six mois
2/IOèmes, à neuf mois 3/IOèmes, à un an environ 4/IOèmes et on peut considérer lO/IOèmes vers
l'âge de quatre à cinq ans.
Bien sûr chez l'enfant en âge verbal on peut mesurer l'acuité visuelle. Chez l'enfant en âge
pré-verbal on ne dispose pas de tests efficaces pour l'évaluer réellement. Nous ne pouvons
qu'apprécier un comportement visuel, et les seuls tests actuellement à disposition sont les tests au
regard préférentiel ou héhé-vision tests dans lesquels le regard de l'enfant est attiré par une forme
structurée. J'insisterai sur le fait que ce type de tests du regard préférentiel n'est pas un bon
dépistage de l'amblyopie chez l'enfant. C'est un test qui nous indiquera une différence interoculaire
et donnera une idée sur le comportement d'un m\ par rapport à l'autre.
Insistons donc davantage sur la nécessité absolue de faire une réfraction objective sous
cycloplégique chez l'enfant, et bien sûr un fond d'œil.
20
En conclusion, pour que le développement de notre vision monoculaire puisse se réaliser, il faut
retenir deux points : le premier est la sensoriaiité, c'est le fait de voir. Il en dépend la réfraction, la
qualité opdque de l'image. Deuxième point, la motricité, le fait de regarder, donné par l'anatomie du
globe, la position du globe, la fonction normale des muscles oculomoteurs. Ce n'est que dans cette
harmonie sensorimotrice qu'un œil va pouvoir se joindre à l'autre afin d'assurer le summum de la
vision que représente la binocularité.
21
LA VISION
BINOCULAIRE
Professeur Alain PECHEREAU
C.H.U. NANTES
Il faut féliciter l'A.S.N.A.V. d'avoir choisi ce thème de la Vision de l'enfant pour son
Colloque. En effet, nous autres cliniciens avions l'impression pendant les années 80 que la prise en
charge des troubles visuels chez l'enfant s'améliorait, or nous constatons maintenant dans notre
pratique quotidienne, et depuis ces dix dernières années, une dégradation de cette prise en charge.
On doit féliciter le Président Galceran de nous avoir rappelés à cette préoccupation que sont les
troubles visuels chez l'enfant, troubles dont les con.séquences ont tant d'importance pour l'individu
comme pour la société.. Je remercie particulièrement Claude Spoeg-Schatz dont l'exposé m'a
remarquablement bien préparé le terrain.. Mais la vision chez l'homme n'est pas que monoculaire
car comme vous l'avez remarqué, nous avons deux yeux et grâce à ces deux yeux va apparaître
cette fonction particulière qu'est la vision binoculaire.
La vision binoculaire chez l'enfant e.st peu différente de celle de l'adulte, et plutôt que de .se
lanccr dans de grandes considérations je propose un exposé relativement pratique. D'un point de
vue préliminaire, il me paraît tout à fait essentiel de différencier binoculaire et bi-oculaire. En
effet, bi-oculaire représente une perception simultanée d'une information visuelle provenant des
deux yeux. Il n'y a pas d'activité de sommation au niveau cérébral. On peut considérer
grossièrement qu'il s'agit d'un écho primitif du fonctionnement du système nerveux central. La
vision binoculaire est complètement différente. C'est une fonction bi-oculaire avec une fonction
spécifique. Il y a sommation des activités monoculaires au niveau cérébral. Et la résultante en
sera la vision stéréoscopique fine, vision stéréoscopique qu'on explorera en clinique quotidienne
par les tests de Titmus et de Randot. C'est le niveau supérieur du fonctionnement cérébral et c'est
un objectif essentiel d'un bon fonctionnement visuel.
Pour s'instaurer, la vision binoculaire demande un système performant et hiérarchisé. Au
plan rétinien, une cellule ganglionnaire périphérique traite trois cents cônes ou bâtonnets. Donc le
signal envoyé par la cellule ganglionnaire au cerveau est de ce fait un signal grossier. En revanche
la foveola, partie la plus élaborée de la rétine, envoie un signal particulièrement fin et précis. En
effet une cellule ganglionnaire de la foveola traite 0,5 cônes. L'information visuelle transmise par
l'œil à ce niveau a une qualité tout à fait particulière et remarquable, qui n'est pas retrouvée dans
les autres parties de la rétine périphérique. Et ce point est essentiel pour bien comprendre la vision
binoculaire.
Ensuite, il se passe une chose fondamentale au niveau du chiasma. En effet, là,
l'information visuelle qui provient de la rétine nasale de l'œil droit va aller au cerveau gauche,
tandis que l'information visuelle qui provient de la rétine temporale de l'œil gauche va rester à
gauche. Si bien que, au niveau cortical, les informations visuelles provenant des mêmes régions de
l'espace explorées par l'œil droit et par l'œil gauche seront projetées au même endroit, et on peut
noter l'importance de la foveola, 40 % du cortex visuel aidant à traiter le "signal foveola". Et, au
niveau du cortex visuel, l'information qui est traitée en provenance de l'œil droit, dans une
direction précise de l'espace, par exemple 10° à droite, et l'information traitée par l'œil gauche.
22
sont deux informations séparées, puis au niveau immédiatement supérieur, il y aura sommation et
traitement de l'information visuelle. 11 y a aussi une réalité anatomique toute simple à ne pas
oublier, c'est que les deux yeux sont séparés par un écart interpupillaire.
Alors permettez moi maintenant de faire appel à votre collaboration : prenez deux crayons
ou éventuellement vos deux index, mettez-les l'un derrière l'autre, le premier à environ quinze
centimètres et le deuxième à environ quarante cinq centimètres. Si vous regardez fixement l'index
le plus éloigné, vous constaterez que l'index le plus proche est vu en double. Et si tout en fixant
l'index le plus proche, vous analysez l'espace visuel situé en arrière, vous constaterez que l'index
le plus éloigné est vu en double. Donc, vous et moi, nous voyons en permanence en double la
totalité ou presque de notre espace visuel, sauf une toute petite région que nous appelons
l'horoptère, mais nous ne nous y attarderons pas.
De même, si vous mettez vos deux index, toujours l'un derrière l'autre et que vous fermez
l'œil gauche, en supposant que vous regardiez l'index le plus éloigné, vous constaterez que l'index
le plus proche est à gauche de l'index le plus éloigné. Et, en revanche, si vous fermez l'œil droit
vous constaterez que l'index le plus proche est à droite de l'index le plus éloigné. C'est ce que nous
appelons la disparité. Et cette différence est tout à fait essentielle. Elle est liée à l'écart
interpupillaire. C'est à dire que le cerveau reçoit de chaque œil une image qui est à la fois
semblable et différente. Et la vision stéréoscopique est basée sur cette ressemblance et cette
dissemblance.
En découle une conséquence immédiate, c'est que le sens du relief aura automatiquement
un rapport avec la distance, et que nous n'aurons pas de sens du relief dans la vision lointaine. La
stéréoscopie ou sens du relief peut être également testée de façon très simple par ce que l'on
appelle le test des deux crayons : L'observateur prend un crayon, le place verticalemen' à 40/50
centimètres du sujet examiné, le sujet prend le deuxième crayon également verticalement et d'un
mouvement rapide (c'est essentiel) vient placer l'extrémité inférieure de son crayon sur
l'extrémité supérieure de crayon de l'observateur. On constate que le sujet normal réussit très bien
ce test. Si le sujet ferme un oeil, automatiquement il va vi.ser à côté, de même avec les deux yeux
ouverts si sa vision stéréoscopique est anormale. Tout cela est la conséquence de notre vision
binoculaire, donc conséquence de la vision stéréoscopique.
Enfin, revenons à la vision double. Nous voyons double lorsque nous explorons cette
diplopie dite physiologique, mais dans la vie de tous les jours cette situation serait insupportable.
Or ce phénomène qui nous permet de supporter cet environnement vu double s'appelle la
neutralisation, c'est-à-dire que le cerveau va utiliser différents systèmes pour privilégier soit
l'œil droit soit l'œil gauche, soit les deux yeux, et reconstruire une image de la réalité qui n'est pas
exactement la réalité. On est en droit de penser que nous ne voyons pas tout à fait le monde tel
qu'il est, mais tel qu'il est reconstruit par notre cerveau.
Donc la base de la vision binoculaire repose sur une image fournie par les deux yeux, eî de
bonne qualité. Il faut également que les deux axes visuels, (c'est-à-dire les deux fovéolas) soient
orientés dans la même direction, et le strabisme rompt cet alignement de façon radicale. La
vision binoculaire nécessite également l'existence d'une fonction cérébrale, fonction binoculaire.
A partir de ce processus chaque œil va envoyer au cerveau une image bi-dimensionnelle
qui, là, subira un traitement à la fois complexe et paradoxal. Va se produire un repérage des
similitudes, représenté par la fusion, mais qui sera accompagné d'un repérage des différences et
c'est à partir des différences que le cerveau va traiter le signal et reconstruire une image tridimensionnelle. Nous constatons une situation de conflit : recherche des similitudes avec
recherche des différences. Mais pour que ce système fonctionne de façon harmonieuse, il est
23
indispensable que les images soient de bonne qualité, soient de même qualité, que l'alignement
oculaire sur le même objet soit parfait, qu'il y ait une possibilité de traitement du signal, la vision
stéréoscopique étant une cerise sur le gâteau.
Claude Speeg-Schatz a évoqué les étapes du développement monoculaire chez le bébé, je
ferai un petit aparté : si 3/lOèmes à 6 mois correspondent sensiblement à la moitié de la fonction
visuelle de l'adulte, ce sont des performances déjà très satisfaisantes.
La vision stéréoscopique cliez l'enfant apparaît de façon brutale vers l'âge de six mois
et elle est quasiment d'emblée à son maximum. Elle est liée à la densité synaptique, dont
l'explosion se situe aux alentours de six mois. Et d'emblée c'est une fonction rapidement très
performante. La vision binoculaire peut être explorée en clinique de façon simple par la
perception simultanée, (la fusion et la fusion stéréoscopique sont des tests réservés aux
orthoptistes) et en clinique simple on peut utiliser la vision stéréoscopique. La vision
stéréoscopique est un excellent test pour évaluer la vision binoculaire. Il faut séparer l'information
visuelle de chaque œil et en général cela est fait par un procédé haploscopique. On distingue deux
types de tests ; les tests à disparité de contours dont le prototype est le test de la mouche - qui est
un test grossier - et les tests à points aléatoires ou tests de stéréoscopie fine et nous en avons trois
es.sentiellement : le test de Lang, le test de Randot, le test de Titmus Dans une situation clinique, il
est simple d'évaluer un test : il suffit en situation d'examen de fermer un oeil. Si vous voyez les
tests de vision stéréoscopique, (moi je descends facilement par exemple lors des tests de Wirt au
Wirt 6 ) cela prouve qu'en situation monoculaire vous avez déjà une bonne perception
stéréoscopique. Et donc ce n'est pas un bon test. Un autre exemple, c'est le test de Lang 2 où un
sujet habile arrive à voir le test en situation monoculaire. Là aussi ce sont des tests qu'il faudra
manipuler avec précaution.
La vision binoculaire normale correspond à une stéréoscopie de 80 à 120 secondes
d'arc. N'oubliez pas que le Lang 2 descend à 200 secondes d'arc, donc l'on n'est pas sîir d'une
normalité avec un tel test. Une bonne acuité visuelle est nécessaire pour obtenir une bonne vision
stéréoscopique, et la bonne acuité visuelle dépend de la similitude d'acuité visuelle entre les deux
yeux. Mais si une bonne vision binoculaire peut très bien s'accompagner d'un trouble réfractif tel
qu'une myopie ou une hypermétropie, elle n'est absolument pas le garant de l'absence
d'amétropie.
Comme il est écrit plus haut, la vision binoculaire nécessite également im très bon
alignement des axes visuels. En effet le système exige une précision inférieure à 1800 secondes
d'alignement, alors qu'en clinique notre précision est très modérée puisqu'un observateur entraîné
a une précision de 120 minutes d'arc ce qui est tout à fait grossier par rapport aux exigences de
l'alignement de la vision stéréoscopique fine. Enfin il faut une vision binoculaire cérébrale
élaborée.
Pour nous résumer, une vision stéréoscopique normale nous indique :
- qu'il existe une bonne vision binoculaire, qui nous dit qu'il y a absence d'amblyopie
fonctionnelle et absence de déviation permanente,
- un alignement normal des axes visuels au moment de l'examen, et une absence de
strabisme congénital.
Mais elle ne nous dit pas une ab.sence d'amétropie, car on peut très bien avoir une vision
binoculaire normale avec une amétropie significative. Elle ne nous dit pas une absence
d'amblyopie réfractive ou organique, elle ne garantit en aucune façon l'absence de phories et de
troubles oculomoteurs.
24
La vision stéréoscopique est la fonction la plus raffinée du système visuel. Son
apparition est très précoce dans la vie et je n'insisterai jamais assez auprès de tous pour que son
exploration soit faite par des protocoles rigoureux. Elle nous permet une approche globale et
précise d'un certain nombre de fonctions visuelles dont j'ai longuement parlé. Nous avons vu que
la normalité ne permet pas d'éliminer en particulier une amétropie, une amblyopie modérée et une
atteinte du système oculomoteur. L'étude de la fonction binoculaire permet une approche globale
de la fonction visuelle dans son ensemble, mais cela ne peut en aucune façon nous éviter
d'explorer la réfraction et le fond d'œil. Et enfin on doit se rappeler que binoculaire n'est pas
synonyme de bi-oculaire.
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AMBLYOPIE ET STRABISME
Docteur Jean-Claude CHARLOT
Ophtalmologiste - Paris
Je voudrais tout d'abord remercier Monsieur Galceran et l'A.S.N.A.V. d'avoir bien voulu
m'inviter à traiter le chapitre « amblyopie et strabisme chez l'enfant ». Comme vous l'imaginez
cependant, nous ne pourrons que survoler la question,
L'AMBLYOPIE
Définition
Qu'est donc l'amblyopie fonctionnelle ? Plusieurs définitions ont été proposées : Bangartner
en 1953 disait que c'était une diminution de l'acuité visuelle sans lésion organique, ou avec une
lésion d'importance proportionnelle à l'intensité de cette diminution. Madame Godet-Joly parle
d'une vision médiocre, intermédiaire entre la vision normale et la cécité observée chez l'enfant.
Monsieur Lantony parle d'une diminution uni ou bilatérale, fonctionnelle ou organique, de certaines
fonctions visuelles, concernant surtout la discrimination des formes. En clair, il s'agit d'un enfant
qui présente une mauvaise vision d'un œil.
L'amblyopie peut être uni ou bilatérale, on peut la classer .selon l'importance de la baisse
d'acuité visuelle, et on parlera d'amblyopie profonde, moyenne ou légère selon la fixation de l'œil
atteint. Ou la fixation peut être centrée, ce qui est garant d'un bon pronostic, ou elle peut être
excentrée, ce qui demandera un traitement plus long, ou encore excentrique et de mauvais pronostic.
Enfin, et c'est ce qui est essentiel, il faut différencier l'amblyopie organique et l'amblyopie
fonctionnelle.
Le diagnostic étiologique de l'amblyopie en effet, - à savoir différencier si elle est
organique ou fonctionnelle - est fondamental.
Dans l'amblyopie organique, il peut y avoir tout d'abord une première cause que représente
un obstacle au trajet de l'image vers la rétine par altération de la transparence des milieux oculaires.
Cette opacité peut siéger d'avant en arrière sur la cornée et il existe des opacités cornéennes
congénitales. Plus en arrière, ce peut être une cataracte congénitale. Une uvéite peut avoir entraîné
des troubles de la transparence des milieux oculaires, ainsi que l'atteinte du corps vitré. Enfin cette
amblyopie peut être due à l'atteinte de la rétine, soit par une cicatrice contractée en cours de
grossesse mais surtout il faut savoir éliminer une tumeur endoculaire et notamment le
rélinohlaslome. L'amblyopie organique peut enfin être liée à une anomalie du nerf optique ou des
voies optiques, et toutes ces étiologies seront reconnues par l'examen ophtalmologique
éventuellement suivi d'investigations radiologiques, je veux parler là de scanner ou d'I.R.M..
M É T H O D E S DE DIAGNOSTIC
En effet ces amblyopies organiques doivent être vite reconnues car elles imposent un
traitement propre, sans retard, pour sauver la vue, mais parfois, elles menacent le pronostic vital et
c'est alors pour sauver la vie. Devant un enfant amblyope unilatéral, ce n'est qu'après avoir
éliminé une cause organique que l'on portera le diagnostic d'amblyopie fonctionnelle. Tout en
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sachant que l'on peut toujours se tromper ou être passé à côté du diagnostic d'amblyopie organique,
et qu'il faudra alors toujours garder la puce à l'oreille et repenser à une éventuelle cause organique,
et à une amblyopie qui réagirait mal au traitement.
C'est alors que l'on débutera le traitement après un examen ophtalmologique complet et
rigoureux qui permettra de reconnaître la cause de cette amblyopie fonctionnelle. En effet,
l'amblyopie reconnue par la lecture d'optotypes adaptés à l'âge de l'enfant ou différemment, se
poursuivra par
- la recherche d'un trouble oculomoteur en examinant le mouvement de chaque œil, des deux
yeux ensemble, avec le test de l'écran dans les neuf positions du regard.
- un examen biomicroscopique à la lampe à fente, à la recherche d'une atteinte des
transparences des milieux oculaires et enfin
- l'étude de la réfraction sous cycloplégiques qui e.st le moment capital de l'examen
ophtalmologique et que rien ne peut remplacer à l'heure actuelle.
En effet la mise au repos de l'accommodation de l'enfant (qui peut accommoder de façon
fantastique) repose sur l'examen après instillations de collyre cycloplégique qui permet seul de
déterminer l'amétropie de l'enfant. Signalons au passage que cet examen, utile jusqu'à l'apparition
de presbytie, permet de déterminer l'anisométropie de l'enfant et la prescription de la correction
optique.
L'étude de la réfraction sous cycloplégiques en utilisant l'atropine ou le cyclopentolate selon
les indications et essentiellement l'âge de l'enfant, se fait à l'autoréfractomètre dès que l'âge de
l'enfant l'autorise, avec contrôle de l'acuité visuelle corrigée. De plus, le collyre cycloplégique induit
une mydriase, il faut profiter de cette dilatation pupillaire pour examiner le fond d'œil.
La vision binoculaire chez l'enfant se développe à partir de l'âge de trois à quatre mois pour
être efficace vers l'âge de six à sept mois. Cette période sensible correspond à des modifications
anatomiques, essentiellement la croissance axiale des globes oculaires et la correction de leur
divergence néo-natale, et également des modifications histologiques avec des colonnes de
dominance qui s'établissent par compétition, de la naissance jusqu'à l'âge de six mois par
multiplication des connexions synaptiques. La période sensible correspond à la mise en place du
système par invasion corticale de messages provenant simultanément des deux yeux. Une première
phase précoce rapide (de la naissance au sixième/dixième mois) pour la stéréoscopie, et le
traitement du mouvement de poursuite, plus tard jusqu'à l'âge de neuf ans pour l'acuité visuelle
spatiale fine. Vous comprendrez que toute difficulté de maturation pendant cette courte période
entraînera des troubles de la vision binoculaire et des mouvements de vergence.
L A STEREOSCOPIE ET LA FUSION.
La fusion binoculaire se développe à trois mois, puis la stéréoscopie vers l'âge de six mois à
condition que les images soient identiques sur les deux fovéas. En cas d'anisomélropie à l'origine de
deux images différentes sur la rétine, - l'une nette et l'autre plus ou moins floue - cette anisométropie
sera génératrice d'une amblyopie qui empêchera la fusion des images, et pourra même favori.scr un
strabisme. Vous imaginez ce que peut voir un enfant qui a une différence entre les deux yeux avec
l'image nette fournie par l'œil droit pour lequel le trouble réfractif est inexistant ou mineur, et
l'image perçue par l'œil gauche dont l'amétropie n'e.st pas corrigée. Amblyopie et strabisme sont
intimement liés.
S'il existe des cas d'amblyopie sans strabisme, s'il existe des cas de strabisme sans
amblyopie, ils demeurent à l'origine l'un de l'autre, retentissent l'un sur l'autre, peuvent à tout
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moment se réinstaller ou s'aggraver et réciproquement, en cours de traitement. Tout ceci nécessite
une surveillance prolongée. Si le strabisme peut être à l'origine d'une amblyopie par non usage de
l'œil dévié, l'amblyopie par perte de la fixation de l'œil atteint et du lien binoculaire, avec rupture de
la fusion, peut entraîner un strabisme. Nous en avons la preuve quotidiennement par la survenue de
troubles oculomoteurs secondaires à une amblyopie acquise post traumatique chez des patients
antérieurement indemnes de tout strabisme. Chez eux, en cas de perte définitive de la fonction
visuelle d'un œil par accident ou de non restauration de la fonction visuelle, à cause par exemple
d'une cataracte traumatique non corrigée, on voit fréquemment apparaître un strabisme dans de tels
cas.
LES TRAITEMENTS
La correction optique totale de l'amétropie, déterminée par l'étude de la réfraction sous
cycloplégiques, est le premier temps obligatoire dans la prise en charge de l'amblyopie et du
strabisme. Cette correction optique permet de réduire l'angle de déviation slrabique notamment en
cas d'hypermétropie, il y a une relation évidente entre l'accommodation et la convergence. Vous
voyez là un enfant sur la diapositive de gauche qui pré.sente un strabisme convergent de son œil
droit et qui est corrigé par le port de la correction optique totale.
Amblyopie et strabisme sont liés. En effet au moment du traitement de l'amblyopie par
occlusion, par opticlude sur la peau, il est classique d'observer une augmentadon de l'importance du
strabisme lors de ce traitement par occlusion. Il faut ab.solument ne pas oublier d'en prévenir les
parents.
Le traitement de l'amblyopie est obligatoire. Amblyopie et strabisme sont indissociables
pendant toute la période de plasticité cérébrale et cela s'échelonne ju.sque vers l'âge de dix ans
environ, avec vérification régulière de la réfraction .sous cycloplégiques afin d'adapter en
permanence la correction à la réfraction qui, elle, évolue. Avec un traitement d'entretien et de
prévention de la récidive d'amblyopie, toute rechute d'amblyopie peut retentir sur l'équilibre
oculomoteur obtenu, risque d'autant plus important que le résultat esthétique est satisfaisant, et que
les parents ne sont plus tentés de faire consulter leurs petits enfants. Enfin l'amblyopie n'a pas fini
d'embêter les patients strabiques, car même en cas d'intervention sur le strabisme plus tardif, ces
patients qui présentent une amblyopie unilatérale ne sont pas à l'abri d'une diplopie post opératoire.
L'amblyopie donc imprime de sa marque toutes les phases évolutives du strabisme.
Considérons maintenant à l'envers strabisme et amblyopie. Le strabisme entraîne une
amblyopie de l'œil dévié par non usage de cet œil en cas de strabisme non alternant. En dehors des
strabismes congénitaux, il est difficile de dire si c'est le strabisme ou l'amblyopie qui est à l'origine
de l'autre, c'est la question permanente de « l'œuf ou la poule, qui est à l'origine l'un de l'autre », une
amblyopie anisométropique pouvant transformer un micro en macro strabisme et un micro
strabisme primaire pouvant induire une amblyopie qui pourra à son tour retentir sur le strabisme et
le décompen.ser.
L'amblyopie unilatérale fait du patient qui en est atteint un borgne fonctionnel avec un
risque de cécité pratique en cas de perte du bon oeil. Le dépistage et le traitement de l'amblyopie
sont donc un devoir d'assistance à personne en danger potentiel et tout doit être mis en oeuvre pour
l'éradiquer. L'amblyopie est encore source de nuisance dans les tâches quotidiennes, le travail et
l'écran, la conduite automobile avec les conséquences que vous imaginez.
28
Quelles sont les causes de cette amblyopie ?
- En premier lieu il y a l'anisométrople. Qu'est-ce donc? Ce sont des images rétiniennes
différentes. Le cerveau préfère l'image la plus nette et il néglige l'autre. Cela entraîne une privation
unilatérale relative et une interaction binoculaire anormale qui peut s'associer avec une amblyopie
strabique. Elle est le fruit d'une découverte de dépistage par la cycloplégie. Il faut savoir qu'une
différence de 1 à 1,5 dioptrie d'équivalence sphérique entre les deux yeux peut la provoquer.
- La deuxième cause d'amblyopie, c'est le strabisme. Le strabisme patent avec non usage de
l'œil dévié, mais lui au moins a le mérite de faire consulter rapidement l'enfant, ce qui permet le
diagnostic précoce et la prise en charge immédiate. Mais surtout il faut connaître le micro strabisme
qui est redoutable car il ne se voit pas. En absence de déviation évidente des axes oculaires existe le
même risque d'amblyopie que pour le strabisme patent, et il sera dépisté par l'examen
ophtalmologique.
- Il y a également les amétropies fortes bilatérales, surtout l'hypermétropie forte non
corrigée qui nécessite un effort accommodatif trop important pour permettre une vision nette, effort
que l'enfant ne peut pas effectuer, d'oij résulte une vision floue permanente avec fréquemment une
é.sodéviation liée à cet effort accommodatif, qu'on doit traiter par la correction optique totale avec
une récupération visuelle progressive. Vous pouvez imaginer le retentissement sur la découverte de
l'environnement et l'éventuel développement psychomoteur en cas d'amétropies fortes ignorées. Le
dépistage des facteurs de l'amblyopie repose donc sur l'examen ophtalmologique, essentiellement
l'étude de la réfraction sous cycloplégiques en l'absence de méthodes actuelles de remplacement
fiables.
Dans la vie de l'enfant, une prise en charge précoce à une période de plasticité cérébrale, et
un traitement adapté permettent une guérison rapide. Le dépistage précoce de l'amblyopie nécessite
une coopération pluridisciplinaire de tous les acteurs concernés par l'enfance : les pédiatres, les
centre de P.M.I., les personnels de crèche, les médecins .scolaires, les instituteurs, les opticiens, les
orthoptistes, les ophtalmologistes et je m'excuse envers ceux que j'aurai pu oublier. Il faut amener
tous les enfants à un examen de dépistage et si ce n'est pas possible, au minimum les enfants à
risques.
L'éradication de l'amblyopie pose donc le problème d'un dépistage généralisé chez le petit
enfant selon des modalités à définir. L'amblyopie représente un coût pour la société, c'est un
problème de santé publique. Dans cette lutte contre l'amblyopie, il faut souligner l'importance des
campagnes de sensibilisation et de communication auprès du grand public par les médias telle que
celle que l'A.S.N.A.V. a toujours menées depuis sa création et dont nous la remercions.
29
L'ENFANT A RISQUE ET LES PATHOLOGIES
Professeur Bernard ARNAUD
Ophtalmologiste - C.H.U. Montpellier
Ainsi qu'il est mentionné plus haut, 20 % des enfants qui entrent à l'école présentent une
mauvaise vision. Cette mauvaise vision de l'enfant peut être en rapport avec un trouble de la
réfraction ou un strabisme. On peut alors essayer une correction par verres ou une rééducation par
occlusion mais souvent la mauvai.se vision peut être malheureusement aussi en rapport avec des
affections organiques parfois impossibles à traiter, et c'est ce sujet que je vais aborder en vous
pré.sentant simplement quelques unes de ces affections.
Je propo.se, sur une coupe longitudinale de l'œil, un rapide rappel de sa configuration avec :
- en avant la cornée transparente,
- puis la sclère opaque qui forme toute la couverture de l'œil,
- au centre en avant le cristallin, lentille dont l'opacité progressive avec l'âge donnera la cataracte,
- puis l'iris, diaphragme qui permet plus ou moins l'entrée de lumière dans l'œil,
- l'hr.meur aqueuse qui gonfle tout l'intérieur de cet œil, qui exerce une pression sur les différents
éléments (qui dans certains cas peut être en excès, et donner lieu dans le glaucome à des altérations
du nerf optique, des altérations de la cornée),
- au fond la rétine qui tapisse la face interne postérieure de l'œil.
Il est indispensable aussi de rappeler l'importance de la macula. Sur les deux centimètres de
surface rétinienne la macula occupe un millimètre, et si une pathologie l'altère ou la détruit, l'acuité
visuelle va descendre à un ou deux dixièmes, ou inoins.
LES MALFORMATIONS CONGÉNITALES
Certaines sont sans possibilité thérapeutique chez l'enfant, tel le défaut complet du
développement du globe oculaire, heureusement très rare.
Plus souvent on a affaire à des microphialmies mais là aussi la vision est définitivement
compromise. 11 y a également certaines malformations des annexes, on ne pense pas par exemple à
celles des paupières qui peuvent donner des troubles de la vision mais être corrigées. Tel le plosis
palpébral qui provoque une cécité s'il recouvre complètement la pupille. Un petit ptosis peut poser
un simple problème esthétique que l'on corrigera lorsque l'enfant aura six à huit ans. Par contre un
autre enfant peut pré.senter une paupière envahie par un angiome, qui .'•ecouvre la pupille. Dans ce
cas là aucune impulsion lumineuse ne pénètre dans l'œil, le cerveau ne sera pas stimulé, le risque
d'amblyopie est présent et très rapide, il faut donc opérer d'urgence en enlevant cet angiome et en
libérant la paupière et l'œil.
Il peut exister aussi des anomalies de développement des différents tissus oculaires :
•
En premier lieu des anomalies de la cornée avec des opacités, et dans le cas d'une
sclérocornée, (opacification de la cornée qui devient blanche comme la sclère qui l'entoure,
deux phases évolutives pour cette sclérocornée) donne une vision extrêmement mauvaise.
30
voire nulle. Mais également on peut constater une absence d'iris dans l'aniridie.. Il y a donc
un épuisement considérable par absence de diaphragme limitant l'entrée de la lumière dans
l'œil, et l'enfant aura aussi une vision des plus mauvaises. Dans le cas d'une agénésie de la
macula, ou bien parfois d'absence de rétine centrale dans le colobome maculaire, le
développement de toute la région centrale de l'œil ne s'est pas fait, il n'existe pas de macula,
l'enfant a simplement une vision périphérique, et on n'a aucune possibilité de récupérer
cette vision centrale.
•
Comme chez l'adulte on peut découvrir des cataractes chez, l'enfant. La cataracte
congénitale est très particulière. On va la diagnostiquer dans certaines circonstances. Tout
d'abord la présence d'une pupille blanche, parfois l'existence d'un strabisme, un nystagmus
qui apparaît avant l'âge de six mois avec ses petits battements oculaires. Il faut surveiller
l'enfant si la cataracte est partielle. En principe on évite d'opérer la cataracte si on pense
qu'elle laisse persister une acuité visuelle par exemple de l'ordre de 4 dixièmes, on va se
contenter de la surveiller. En revanche il va falloir opérer très rapidement si la cataracte est
unilatérale, et à plus forte raison si elle est bilatérale et importante, en raison de l'importance
du développement normal de la vision sur le développement psychomoteur de l'enfant. Si on
opère trop tard, s'installera une amblyopie définitive de cet œil. Ces cataractes s'opèrent
comme chez les adultes en mettant des implants à l'intérieur de l'œil.
•
Ensuite une autre maladie que l'on a plutôt l'habitude d'observer chez l'adulte, c'est le
glaucome congénital. Il est très diffèrent de celui de l'adulte. Les premiers signes sont
parfois représentés chez l'enfant très jeune par un larmoiement chronique, une photophobie,
puis la pression qui augmente à l'intérieur de l'œil va le déformer. En effet, l'œil de l'enfant
(à l'instar de tous ses tissus) a des tissus extrêmement souples qui se laissent facilement
déformer. En découlera l'augmentation de la taille du globe oculaire avec en particulier
augmentation de la taille de la cornée. Par la suite, l'hyperpression dans l'œil va donner des
opacifications de cette cornée, qui peuvent être irréversibles. Le seul traitement est la
chirurgie, à réaliser là aussi parfois dans les premiers jours de la vie, sous peine d'une très
faible récupération.
Il existe quelques autres affections. L'albinisme oculaire par exemple, qui est une maladie
génétique, touche environ 1 sur 20 000 nouveaux nés, elle est non évolutive, souvent associée à un
albinisme cutané, les iris .sont clairs, transilluminables, la rétine est transparente. L'éblouissement
par la lumière est majeur et ces enfants sont extrêmement gênés. L'acuité visuelle est de l'tirdre de
un dixième avec présence de nystagmus là aussi. La rétine est très pâle, il y a simplement une très
petite présence de rétine pigmentée dans la région maculaire.
Un élément est d'actualité aussi alors qu'il avait été négligé pendant très longtemps, on n'en
parlait pratiquement plus, il s'agit de la rétinopathie du prématuré. La vascularisation de la rétine
périphérique se fait normalement chez l'embryon après la trentième semaine de gestation. Les
enfants nés à moins de 32 semaines, donc sept mois et demi environ, sont à risques. En effet, à la
naissance, la rétine périphérique ne va pas être vascularisée et dans près de la moitié des cas cette
non va.scularisation de la rétine périphérique va se transformer en une maladie. Il va y avoir
néovascularisation avec risques d'hémorragie, décollement de rétine et menace de cécité. La
surveillance post natale doit être très rigoureuse chez ces enfants et au moindre signe d'apparition de
ces néo-vaisseaux, il faut traiter. Or nous avons de plus en plus de prématurité, car il y a eu des
progrès considérables dans la réanimation néo-natale et ces problèmes que nous avions tendance à
oublier se posent à nous maintenant très souvent.
Quant au rétinoblastome c'est une des tumeurs extrêmement graves chez l'enfant. Cette
tumeur est maligne, souvent d'origine génétique, elle touche le jeune enfant (un pour 20 000
naissances environ) et elle peut atteindre les deux yeux. En général, le diagnostic est fait entre huit
mois et deux ans et demi environ. 11 se fera devant un strabisme, et une leucocorie, entre un mois et
un an. Ces tumeurs sont radio-.sensibles. Elles peuvent être traitées par laser, cryolhérapie,
chimiothérapie, mais il y a un risque considérable si cette tumeur .sort de l'œil, c'est-à-dire si elle
atteint le nerf optique et dépasse la lame criblée. Il y a alors parfois nécessité d'énucléation, et un
risque vital avec possibilité de métastases. On saisit donc la nécessité absolue d'un diagnostic aussi
précoce que possible.
J'aborde très rapidement le problème des maladie.s génétiques rétiniennes. Il y a quantité
de maladies génétiques rétiniennes mais beaucoup vont s'exprimer plus tardivement chez l'enfant,
chez l'adolescent, voire même chez l'adulte. J'en cite simplement deux :
- L'amaurose congénitale de Leber se révèle dans les premiers mois de la vie. Elle
marque une atteinte assez brutale et importante avec manque d'éveil visuel, cécité rapide et
existence parfois au fond de l'œil d'un petit remaniement maculaire
- la rétinopathie pignientaire, parfois associée à des phénomènes de surdité, est une autre
affection très connue mais elle touche rarement l'enfant, (cependant 5% pour des cas de
jeunes enfants),. Il y a de toutes façons chez toutes les personnes atteintes de cette affection
dès le plus jeune âge une mauvaise vision crépusculaire et nocturne mais 5% des enfants
peuvent déjà être atteints par rétrécissement du champ visuel.
En conclusion, il y a de très nombreuses affections héréditaires qui donnent chez l'enfant des
troubles oculaires graves sans possibilité thérapeutique actuelle. Mais il ne faut pas demeurer sur
cette impression désagréable de maladies graves qui vont laisser des enfants aveugles. Actuellement
arrivent tous les progrès de la biologie moléculaire qui ont permis de localiser de très nombreux
gènes anormaux sur les quelques centaines qui gouvernent notre vision. Environ 120 gènes ont déjà
été identifiés, et à chacun on a pu associer une maladie oculaire précise, une maladie génétique
précise. Connaissant ces gènes, on peut guetter alors la modalité d'apparition de la maladie, et peutêtre plus tard savoir comment la corriger grâce à l'apport de gènes normaux ou de leurs sécrétions. Il
faut aUendre de l'avenir la possibilité de traitement par thérapie génique d'un grand nombre de ces
maladies, et ainsi laisser de l'espoir à ces enfants.
33
EPIDEMIOLOGIE
DES
AMETROPIES
DESCRIPTION ET ÉVOLUTION AVEC L'ÂGE
Docteur Guy CLERGEAU
Ophtalmologiste - Paimpol
A)
INTRODUCTION
Il s'agit d'un sujet essentiel pour justifier et définir la stratégie d'un éventuel dépistage.
Souvent considéré comme résolu, ce problème est en réalité complexe et pas aussi consensuel
que peut le faire croire un survol de la littérature. Si l'on s'en tient aux conclusions les plus
apparentes, moins de 10% des réfractions sont susceptibles de poser problème, avec un risque
plus particulier d'environ 3% pour le strabisme et autant pour l'amblyopie. En fait la première
condition pour réaliser une analyse critique objective est d'établir des critères de comparaison,
ce qui nous amène en premier lieu à préciser définitions et règles méthodologiques.
B) DEFINITIONS ET METHODOLOGIE
I) Que doit-on entendre par amétropie?
En ce qui nous concerne ici, nous pouvons éliminer d'emblée une définition purement
physique qui recouvre l'ensemble des situations optiques statiques ne correspondant pas à
l'emmétropie, c'est-à-dire le 0 optique. L'œil étant pour sa part un système adaptatif,
autofocalisateur (mais dans une certaine limite), nous pouvons dire que l'amétropie
fonctionnelle correspondra à toute réfraction non compatible avec une acuité normale (compte
tenu de l'âge) et avec une absence de trouble fonctionnel (céphalée, fatigue) et / ou de trouble
moteur (strabisme).
Cette définition exprime la notion de limites pour la réfraction physiologique, lesquelles
vont varier avec l'âge, mais aussi avec les individus qui n'ont pas tous la même capacité de
compensation en particulier accommodative.
Il en résulte que les limites de référence de la réfraction physiologique seront
représentées par une courbe et non par des valeurs fixes, et que ces normes auront une certaine
épaisseur (d'au moins 0,25D) pour tenir compte de ces variations individuelles mais aussi de
toutes les incertitudes de mesures et de calculs. Enfin et surtout, la définition précédente
d'amétropie fonctionnelle doit elle même être subdivisée en 2 aspects :
34
•
•
d'une part, les amétropies simples qui entraînent des perturbations spontanément ou
rapidement réversibles avec le seul port de la correction optique.
d'autre part, les amétropies amblyogènes ou strabogènes, généralement qualifiées de
facteurs de risque.
II) METHODOLOGIE
Celle-ci concerne au moins 4 aspects :
- le protocole technique et pharmacologique
- l'analyse statistique
- la description paramétrique
- la détermination des normes physiologiques
> Le protocole technique
a) L'instrumentation utilisée ne semble pas avoir une importance significative
(skiascopie, photoréfraction, autoréfractométrie) mais la skiascopie est généralement considérée
comme la technique de référence en particulier chez le tout jeune enfant.
b) L'utilisation ou non de la cycloplégie (atropine ou cyclopentolate) est le véritable
élément de discussion. Les auteurs anglo-saxons qui ont réalisé des études comparatives ont
conclu que les résultats sont assez similaires, en tenant compte d'un correctif d'environ 2D
sphériques pour le tonus accommodatif de base (réfraction manifeste). Certaines publications
concernant l'évolution de la réfraction laissent toutefois penser que l'évaluation de cette
accommodation de base n'est pas toujours parfaitement confirmée (Mohindra[8|). Dans une
situation de dépistage, le but est d'utiliser la méthode donnant le meilleur compromis entre
simplicité et efficacité, et l'examen sans cycloplégie reste probablement compétitif. Mais dans
l'objectif d'apporter une évaluation la plus précise possible des anomalies réfractives et donc de
leur prévalence, la cycloplégie apparaît indispensable et sauf exception nous ne retiendrons
que les études réalisées avec ce protocole.
> L'analyse statistique
1^'évolution de la distribution des réfractions peut faire l'objet d'une étude transversale et
d'une étude longitudinale :
a) L'étude transversale apparaît être la plus adaptée à l'analyse épidémiologique
puisqu'elle prend en compte pour chaque tranche d'âge non seulement les anomalies
congénitales mais aussi celles apparues secondairement. Le lieu optimal pour sa réalisation est
manifestement le milieu scolaire. Malheureusement le moyen de sélection est essentiellement
basé sur des examens subjectifs dont on connaît le caractère aléatoire. Seuls les sujets suspects
bénéficient de vérifications skiascopiques et le recueil final des données est loin d'être exhaustif.
Cette étude peut également être réalisée en milieu ophtalmologique, mais le recrutement est ici
le plus souvent biaisé, en particulier à partir de l'âge de 3-4 ans où les examens dits
systématiques sont souvent orientés par l'existence d'antécédents familiaux. A partir de cet âge
l'interprétation statistique des données est sujette à caution puisque les sujets normaux ont
tendance à être exclus.
35
b) L'étude longitudinale est généralement du domaine de l'ophtalmologiste et la
cycloplégie est souvent systématiquement utilisée. Le handicap habituel est ici la grande
difficulté à réaliser un suivi complet pour l'ensemble des sujets. On peut en effet constater
qu'environ un quart de l'échantillon disparaît le plus souvent à chaque nouvelle étape du
contrôle. En fin de parcours il s'avère nécessaire d'utiliser des hypothèses de similitude pour les
dossiers non revus afin de limiter les biais d' une .sélection probable de la pathologie.
> La description paramétrique
Celle-ci amène à porter 2 regards différents sur la notion d'amétropie:
a) d'une manière générale, les publications parlent de prévalence de l'hypermétropie, de
la myopie, de l'astigmatisme et de l'anisométropie. Cette description "mono paramétrique" ne
donne toutefois qu'une idée approchée de l'incidence exacte pour l'individu pris dans sa
globalité.
b) L'analyse globale nécessite donc de tenir compte pour un même sujet de l'ensemble
des paramètres, ce que nous avons qualifié d'analyse "multi-paramétrique". C'est
essentiellement cette approche qui permet d'exprimer la prévalence des sujets amétropes.
> La détermination des normes physiologiques
Deux abords différents ont été piroposés : la méthode empirique et la méthode statistique
• méthode empirique
Celle-ci est à la fois prospective et rétrospective. Elle consiste à déterminer un niveau
d'amétropie pour lequel on voit apparaître un risque significatif de strabisme ou d'amblyopie.
Déterminées pour plusieurs paramètres, ces valeurs sont qualifiées de facteurs (réfractifs) de
risque (Ingram[6,7j, Atkin.son[3], Abrahams.son[l]), Cette méthode qui ne s'intéresse donc pas à
l'impact visuel direct des amétropies est par ailleurs très liée à la notion d'antécédent familial.
• méthode statistique
Elle est basée sur le constat fait de longue date que la distribution des réfractions chez
l'homme est de nature approximativement gaussienne. En dehors du paramètre de symétrie que
constitue la moyenne, il est surtout intéressant d'util'ser la notion d'écartype ou déviation
standard. Cette dernière, en dehors de sa signification graphique, traduit le regroupement ou la
dispersion des valeurs autour de la moyenne. Mais quel que soit le profil de la courbe, le
contingent inclus dans l'espace m ± I DS, regroupe approximativement les 2/3 de la population
étudiée et ce groupe est généralement considéré comme la partie physiologique de l'échantillon
lorsque celui-ci est de nature biologique. En dehors de la limite d'un écartype, l'utilisation de 2 et
3 écartypes permet de qualifier une population nettement anormale, celle-ci ne représentant plus
qu'environ 4 et 2% de l'échantillon. Ces résultats sont à peu près équivalents à ceux donnés par
l'intervalle de confiance de 95% .
Appliquée aux différentes tranches d'âge, l'analyse gaussienne détermine l'évolution des
normes physiologiques, sans définir d'évolution ou de ri.sque particulier.
36
C) RESULTATS
> Bilan initial
Tous les travaux concernant le dépistage des anomalies réfractives confirment pour
période optimale l'âge de 9-12 mois . C'est donc elle qui servira de référence et de point de
départ pour les études longitudinales.
1) Recherche des facteurs de risque
Pour cette période, 3 références seulement semblent devoir être retenues. On constatera
d'emblée que chacun des auteurs ne retient pas l'ensemble des paramètres réfractifs et que les
valeurs critiques ne sont pas toutes identiques {tableau /). Il en résuite que les comparaisons de
prévalence sont difficiles en particulier si l'on tient compte de l'astigmatisme (tableaux 2a et 2b).
2) Analyse statistique
Cette étude a été réalisée sur une série de 1883 examens systématiques chez des enfants
âgés de 8 à 10 mois (Clergeau[3,4]). La distribution des normes selon les écartypes pour les
différents paramètres figure aux tableaux 3a à 3d. Les limites critiques théoriques sont
représentées par les valeurs ±1DS. Les différentes comparaisons faites avec les facteurs de
risque (tableau 2) montrent une bonne concordance pour l'hypermétropie et l'astigmatisme. Pour
la myopie, on peut être surpris de trouver une valeur positive, mais il s'agit d'une définition
statistique et par ailleurs une réfraction cycloplégique de + 0,25D peut correspondre à une petite
myopie subjective.
3) Conclusion
Ces 2 études donnent globalement des résultats assez différents, môme pour des valeurs
réfractives identiques, ce qui pose déjà le problème de l'évaluation skiascopique.
> Évolution
1) Analyse de la littérature
La situation réfractive jusqu'à l'âge de 6-7 ans peut être retrouvée dans des études
transversales et longitudinales.
La sphère :
La quasi totalité des études portant sur l'évolution de la réfraction moyenne et de la
déviation standard traduisent au moins en partie le phénomène d'emmétropisation
En ce qui concerne les prévalences, on retiendra:
- Preslan [9] : entre 4 et 7 ans = 0,80% d'hypermétropies > +4D et 3,10% de myopies ^ -0,50D
- Angi [2] : entre 3 et 5ansl/2 = 3,6% d'hypermétropies >+2D et de myopies >-0,5D.
L'astigmatisme :
C'est l'amétropie qui a été la plus étudiée en raison de ses incidences possibles sur le
développement visuel de l'enfant. La plupart des auteurs constatent que l'astigmatisme, fréquent
avant l'âge de I an, régresse rapidement avant 2 ans. Toutefois la prévalence après cet âge varie
37
de 1 à 35% selon ces auteurs. Le seul point d'accord semble être la faible prévalence des
astigmatismes forts (< 5%).
L'anisométropie :
Les rares travaux sur l'anisométropie montrent que seules les études longitudinales
permettent une analyse correcte de son évolution. La plupart des anisométropies présentes avant
1 an régressent ou disparaissent. En revanche, les anisométropies décelées après 2 ans seraient
acquises et accompagnent en particulier des amblyopies. Selon les auteurs, il existe ainsi une
prévalence relativement stable de l'ordre de 3 à 6%.
Conclusion : Comme pour le bilan initial, les études réfractives jusqu'à l'âge de 7 ans
sont le plus souvent parcellaires et laissent entendre une faible prévalence amétropique
inférieure à 10%
RESULTATS PERSONNELS :
a) L'étude statistique transversale (tableaux 3a à 3d)
L'utilisation des écartypes permet d'établir en théorie des normes physiologiques et
pathologiques pour chacun des paramètres réfractifs (sphère la plus hypermétrope ou sphère
méridienne, équivalent sphérique, sphère la plus myope ou sphère de base, astigmatisme et
anisomélropie). Deux éléments sont ici à retenir :
• Il apparaît tout d'abord que les normes déterminées par les écartypes ne varient pas entre
l'âge de 1 et 4 ans, ce qui suggère que le phénomène d'emmétropisation est peu actif
pendant cette période.
• d'autre part, les remarques faites sur les modalités d'examen amènent à constater qu'il
faut distinguer 2 étapes :
- Avant l'âge de 3-4 ans les examens subjectifs sont rarement réalisables, au moins de
façon approfondie et reproductible. La détermination des normes physiologiques ne peut
donc, au moins dans une première approche, être réalisée qu'à partir de la description
statistique.
- A partir de 3-4 ans, la statistique devient moins fiable en raison du risque de biais de
recrutement, mais surtout les examens subjectifs vont permettre une confrontation avec les
données cycloplégiques.
En définitive, la grille des normes physiologiques sera donc composite. Malgré cette contrainte,
on constate une continuité satisfaisante entre les 2 types de mesure (tableaux 4a à 4c).
b) L'étude statistique longitudinale
En l'absence de possibilité pratique d'évaluer directement la prévalence dans une
population totale, nous pouvons essayer d'en établir une évolution théorique.
La plupart des études longitudinales portent sur la globalité des échantillons exprimée
par leur moyenne réfractive et dont la régression progressive traduit le processus
d'emmétropisation. Par contre lorsque l'on aborde cette étude de manière différentielle, c'est-àdire en fonction du degré initial d'amétropie, on s'aperçoit qu'il existe des évolutions très
38
variables. Nous avons ainsi étudié pour ciiacun des paramètres (iiypermétropie, myopie,
astigmatisme direct, astigmatisme inverse et anisométropie) 4 degrés de réfraction déterminés
par les écartypes :
- R > 3DS = fortes amétropies
- R > 2DS = amétropies très significatives
- R > 1DS = amétropies moyennes
- R ±1DS = réfractions physiologiques
Chacun de ces 4 groupes a été évalué à 9 mois, 2 ans 1/2, 5 ans et 7 ans.
c) Résultats
- Le taux d'emmétropisation
Dans chacune des 20 situations il été mesuré, (ou évalué par probabilité de similitude),
le pourcentage d'observations ayant évolué vers une réfraction physiologique, ce que nous avons
qualifié de taux d'emmétropisation. Etant donné le faible taux de variations entre 3 et 7 ans, nous
n'avons retenu que les résultats à 7 ans (tableau 5). On constate que le taux d'emmétropisation
est sans ambiguïté lié étroitement au degré d'amétropie initial avec seulement quelques
variations significatives en fonction des différents paramètres.
- Prévalence mono paramétrique
En appliquant ces probabilités à la prévalence des amétropies constatées à l'âge de 9
mois, on peut estimer ce que doit être la situation à l'âge de 7 ans {tableaux 6a et 6b). L'analyse
des tableaux 6 confirme une réduction notable du nombre d'amétropies mais avec persistance
encore élevée de situations non physiologiques. On notera par ailleurs l'émergence de situations
pathologiques à partir du groupe physiologique initial (groupe 0). en particulier pour
l'anisométropie. On fera par ailleurs remarquer que la totalisation des différentes amétropies n'a
pas de signification pratique puisque les amétropies sont souvent multiples pour un même sujet.
- Prévalence multi paramétrique
Chaque sujet est défini par 3 paramètres (sphère, cylindre, anisométropie), ces derniers
étant cotés de 0 à 3. Chacun des enfants a donc été évalué dans une situation réfractive de 0 à 3
en ne tenant compte que du paramètre le plus anormal. L'évolution de la prévalence en fonction
de ces critères figure dans le tableau 7. Il apparaît ainsi :
• que la prévalence des situations non physiologiques serait très élevée à 9 mois (60%) et
que cette prévalence ne diminue guère que d'un tiers vers 2 ans pour rester stable ensuite.
• que la proportion d'anomalies, significatives à fortes, est notable (> 15%) avec un
accroissement très significatif des fortes amétropies tandis que l'amélioration globale
semble essentiellement toucher les amétropies modérées.
39
DISCUSSION
Il ressort des investigations précédemment exposées que l'on se trouve face à 2 ordres
de résultats radicalement différents :
• d'une part la recherctie des facteurs de risque donne manifestement une sous-estimation
des amétropies dans leur ensemble puisque les problèmes visuels simples ne sont pas
pris en compte. Même en dehors de cette limitation restrictive, il n'existe pas, semble-til, de travail relevant de manière exhaustive les troubles réfractifs.
• D'autre part l'analyse statistique stricte des données skiascopiques que nous avons
cumulées depuis une vingtaine d'années conduit à une prévalence totale manifestement
trop élevée pour paraître raisonnable, en particulier avant 1 an.
En fait ce n'est pas le processus statistique qui est ici en cause mais son utilisation
partiellement erronée. En effet les données analysées, à savoir des réfractions cycloplégiques,
sont des données optiques statiques , anatomiques , alors que notre objectif est de faire le bilan
des amétropies fonctionnelles. Or il n'a pas été tenu compte d'une caractéristique physiologique
chez le jeune enfant : la maturité du système d'intégration visuelle n'est en principe atteinte
que vers l'âge de 4 ans. Pour la période initiale de référence (9-12 mois) la capacité maximale
de vision donnée par l'analyse en fréquences spatiales, est de 3 à 4 dixièmes. Cela implique en
toute logique que les amétropies optiques qui n'entraînent pas de baisse visuelle supérieure à
cette valeur ne peuvent être considérées comme des amétropies. La grille des normes
physiologiques doit donc être corrigée en conséquence, ce correctif étant lui-même variable de 0
à 4 ans. Pour la référence de 9-12 mois, ce correctif n'est en réalité simple que pour la myopie
étant donné l'absence de désaccommodation: Seules les myopies supérieures à 1 dioptrie seront
prises en compte. Pour les autres paramètres, la situation est plus approximative et par
conséquent les choix un peu arbitraires :
Le haut pouvoir accommodatif de l'enfant lui permet en principe de compenser une
hypennétropie notable. Néanmoins la notion de sensibilité individuelle pour un tel effort
prolongé nous incite à fixer le plafond à -i-3,75 D en équivalent sphérique.
• L'incidence de l'astigmatisme sur le développement visuel du jeune enfant a été
particulièrement étudiée. Celle-ci apparaît variable en fonction de l'amétropie sphérique
associée, mais en fait .seuls les astigmatismes importants semblent poser problème. On
peut toutefois penser qu'il existe une sollicitation anormale de l'accommodation à partir
de 1,75D.
• Le problème de l'anisométropie se pose surtout en termes de concurrence binoculaire
donc très difficile à évaluer chez le jeune enfant. On peut là encore estimer qu'au-delà
d'une dioptrie la situation e.st anorinale surtout si l'amétropie sphérique associée est
significative.
Avec ces nouveaux critères, les amétropies multiparamétriques atteignent pour notre
échantillon des 9 mois une prévalence de l'ordre de 25% (5,7% hypermétropie, 1,6%
myopie, 14,8% astigmatisme et 2,5% anisométropie). Après 4 ans les critères restent inchangés
et la tendance est donc plutôt vers l'augmentation du nombre d'amétropies.
40
Ces chiffres pourront être comparés avec un travail réalisé par la C.P.A.M. (Caisse Primaire
d'Assurance Maladie) de Paris qui réalise des examens de dépistage systématique dans des
conditions identiques à notre protocole (skiascopie sous cycloplégie). Pour l'année 1995 les
résultats ont été les suivants :
• 9 mois , n = 4982, prévalence = 30%
• 2 ans , n = 5076, prévalence = 30%
• 4 ans , n = 4733, prévalence = 35%.
Il faut toutefois noter que les critères réfractifs n'ont pas été précisés [10].
CONCLUSIONS
Les seules données objectives dont nous disposons actuellement semblent confirmer
une prévalence nettement significative des amétropies dès la naissance, et qui se confirme au fil
des années malgré l'intervention indiscutable d'un certain degré d'emmélropisation. Qu'il s'agisse
d'une évaluation statistique avant l'âge de 3 ans ou d'un constat réel par ia suite, on peut
probablement retenir une prévalence moyenne de 30 ± 5% pour l'ensemble des amétropies
fonctionnelles telles que nous les avons définies. On notera qu'il n'existe dans ce contingent que
très peu de myopies puisque celles-ci n'apparaissent ou ne réapparaissent que rarement avant
l'âge de 7 ans.
Au sein des amétropies fonctionnelles, on retrouve le groupe, de très loin le plus étudié,
de la pathologie amblyopique et strabique. Le strabisme présente une prévalence de 3-4%;. La
prévalence est identique pour l'amblyopie avec 50% des cas associés au strabisme, soif un total
de 5-6% pour l'ensemble de cette pathologie. Etant donné que les examens cycloplégiques
montrent la participation d'une amétropie significative dans au moins 80% des cas, on peut donc
retenir que cette pathologie représente 5% d'amétropies fonctionnelles contre 25% pour les
amétropies simples.
Etant donné que le meilleur moyen de détection et de prévention est représenté
par l'examen systématique du 9° mois sous cycloplégie, il n'y a par conséquent aucune
raison d'orienter le dépistage exclusivement vers la pathologie amblyopique et strabique.
Ingram
Atkinson
Abrahams.son
Myopie
Sph. Mér.
lAstigm.l
> + 3,25
> 1,50
> -1- 3,50
< -2,00
> +3,50
>0,75
Tableau 1 - Facteurs de risque
Aniso.
> 1,00
> 1,25
M < -2,00
M <- ! ,00
H > 3,50
3,7%
5%
0,30%
13,3%
0,30%
1,6%
Tableau 2a - Pré valence à 7-12 mois
M < +0,50
Ingram
Atkinson
Clergeau
-
14,7%
41
Ingram
Atkinson
Clergeau
Ast>l 1,251 Ast>l 1,001 An> 1,25 An > 1,00
11,8%
> 50%
1%
22,1 %
28,5%
1,8%
5%
Tableau 2b - Pré valence à 7-12 mois
An >0,50
8,2%
8-10m
li-13m
14-21m
22-32m
33-45m
46-59m
+JDS
+5,75
+5,25
+5,25
+5,25
+5,10
+4,65
+2DS
+4,40
+4,00
+4,00
+4,00
+3,85
+3,55
+ 1DS
+3,05
+2,75
2,75
2,75
2,60
2,45
M
+ 1,70
+ 1,50
+1,50
+ 1,35
+ 1,35
M ,50
-IDS
0,35
0,25
0,25
0,25
0,10
0,25
-2DS
-1,00
-1,00
-1,00
-1,00
-1,15
-0,85
-2,35
-2,25
2,25
2,25
2,40
-1,95
-3DS
Tableau 3a - Etude transversale : Equivalent sphérique
8-10m
ll-13m
l4-2lm
+3DS
+3,50
+3,00
+3,00
+2DS
+2,50
+2,00
+2,00
+ 1DS
+ 1,50
+ 1,00
+ 1,00
M
+0,16
-0,05
-IDS
-1,25
-2DS
-3DS
22-32m
33-45m
46-59m
+3,00
+2,75
+ 1,50
+2,00
+ 1,00
+ 1,00
+2,00
+0,75
-0,17
-0,13
-0,02
0
-1,00
-1,00
-1,00
-1,00
-0,50
-2,25
-2,00
-2,00
-2,00
-1,75
-1,00
-3,25
-3,00
-3,00
-3,00
-2,75
-1,50
+0,50
Tableau 3b - Etude transversale : Astigmatisme réel
3DS
3,50
3,00
3,00
2,75
2.75
1,75
2DS
2,50
2,25
2,25
2,00
2,00
1,25
IDS
1,50
1,50
1,50
1,25
1,25
0,75
Tableau 3c - Etude transversale : cylindre absolu
3DS
> 1,50
> 1,50
> 1,50
> 1,50
> 1,50
2DS
> 1,00
> 1,00
> 1,00
> 1,00
> 1,00
> 1,00
IDS
> 0,50
> 0,50
> 0,50
> 0,50
> 0,50
> 0,50
Tableau 3d - Etude transversale : anisométropie
> 1,50
ES
maxi
mini
Cylindre
maxi
mini
Aniso
maxi
mini
Amétropie 3
Amétropie 2
Amétropie 1
Amétropie 0
9m
+3,00
+0,25
2al/2
+2,75
0
5a
+2,50
0
7a
+2,00
0
9a
1,75
0
+ 1,25
-1,00
+0.75
-0,75
+0,50
-0,50
+0,50
-0,25
+0,50
0
0,50
0,50
0,50
0,50
0
0
0
0
Tableaux 4abc - Normes physiologiques
Hyperm
Myopie
Cyl +
<
10%
<
10%
< 10%
20%
25%
20-25%
85%
70%
60%
95%
90-95%
Tableau 5 - Taux d'emmétropisation à
Cyl25%
30%
55%
85%
7 ans
0,50
0
Aniso
30%
40-45%
75%
95%
Hyperm
Aniso
Myopie
Cyl +
Cyl0,9%
0,1%
Groupe 3
0,5%
0,5%
1,1%
1,9%
1,2%
2,4%
3,2%
Groupe 2
2,7%
11,4%
Groupe 1
13,3%
9,3%
9,%
9,6%
71,1%
57%
18,5%
Groupe 0
86,1%
Total Amét.
14,3%
14,6%
12,5%;
11,9%
1 3,9%;
Tableau 6a - Prévalence mono paramétrique à 9 mois
Origine
Hyperm
Myopie
Cyl +
Cyl3,1%
Groupes 1-3
6,8%
5,3%
6,1%
Groupe 0
2,7%
2,7%
2,8%
2,8%
Total Amét.
9,5%
5,8%
8,1%
8,9%
Tableau 6b - Prévalence mono paramétrique à 7 ans
Ani.so
5%
4,3%
9,3%
43
3DS
2DS
IDS
Total Amet.
9m
2 a 1/2
5a
3,2%
4,9%
8,7%
13%
9,9%
9,9%
43,8%
29,3%
25,2%
60%
44,1%
43,8%
Tableau 7 - Prévalence multiparamétrique
7a
11%
7,5%
20,7%
39,2%
Bibliographie
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La Réfraction - XXV° colloque de Nantes - 29-30 Septembre 2000 - Cahiers de SensorioMotricité - FNRO.
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La Réfraction - XXV° colloque de Nantes - 29-30 Septembre 2000 - Cahiers de SensorioMotricité - FNRO,
[6] Ingram RM., Traynar MJ., Walker C , Wilson J.
Screening for refraclive errors at âge 1 year : a pilot study.
Br. J. Ophthalmol., 1979, 62 : 243-250.
[7] Ingram RM., Barr A.
Changes in refraction between the âges of 1 and 3 1/2 years.
Br. J. Ophthalmol., 1979, 63 ; 339-342.
[8] Mohindra L, Held R.
Refraction in humans from birth to five years.
Doc. Ophthalmol. Proc. Ser., 1981. 28 : 19-27.
[9] Preslan MW., Novak A.
Baltimore vision screening project.
Ophthalmology, 1996, 103 : 105.
[10] Rossignol C. Les bilans de santé de l'enfant. C.P.A.M. Paris - 1995 - 65p.
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SÉMIOLOGIE ET PRATIQUE
Jean-François LEGARGASSON
Directeur de recherche I.N.S.E.R.M.
Traiter de la sémiologie reviendrait en fait à réciter un catalogue qui peut remplir quelques
tomes d'un livre d'ophtalmologie, et je préfère appuyer sur un point très particulier parce qu'il
implique tous les acteurs sociaux concernés, point particulièrement important au vu de l'expertise
faite à l'I.N.S.E.R.M.. Je vais donc parler en qualité de rapporteur des travaux de l'I.N.S.E.R.M..
Très simplement, l'on peut diviser les déficits visuels en deux grandes catégories :
• les grandes malvoyances pour lesquelles le problème est rapidement médicalisé car
ces enfants donnent très rapidement des signes de malvoyance dans les premiers
mois voire dans les premières années de la vie, et ils rentreront de ce fait dans des
circuits onéreux pour la société mais dont le coût global au total ne sera certainement
pas aussi élevé que celui des :
• amétropies légères, et en particulier de l'amblyopie, déficit extrêmement fréquent.
C'est ce que l'on vient de démontrer dans les statistiques, et la difficulté réside dans le fait
que cela passe trop souvent inaperçu. Plus le déficit est léger, plus il est difficile de le mettre à
jour, plus il s'adresse à une grande population, plus il deviendra onéreux.
Définition de l'amblyopie.
On dit que quelqu'un est amblyope lorsque .son acuité visuelle est inférieure à 4 dixièmes, au
moins sur l'un des deux yeux. On va dire que l'amblyopie n'est pas une maladie et cela est
important à comprendre. C'est pour cela qu'il y a toute une difficulté dans la sémiologie, mais elle
résulte d'un dysfonctionnement du système visuel et des défauts de l'optique oculaire, et un grand
nombre de maladies sont d'origine amblyogène. Les exemples précédents sont multiples. En fait
l'amblyopie est l'expression de ces déficits qui peuvent être organiques ou fonctionnels. La
difficulté va être d'arriver à classer l'amblyopie. Pour ce faire, on a coutume de la classer en uni
ou bi latérale, et elle peut être aussi as.sociée à des désordres oculomoteurs, au travers du
strabisme ou du nystagmus.. Une amblyopie va être dite fonctionnelle lorsqu' aucune lésion
anatomique n'est trouvée lors de l'examen. C'est un peu faux, car si le système visuel ne
fonctionne pas correctement c'est qu'il existe une lésion quelque part. Si l'amblyopie est
organique, elle est due à une lésion trouvée lors de l'examen anatomique.
Ce qui est très important, c'est comment découvrir l'amblyopie. Car on a dit qu'elle passait
trop souvent inaperçue et l'ophtalmologiste ne serait que le dernier maillon de la chaîne. Le
premier maillon ce sont les parents et les acteurs sociaux qui entourent l'enfant. L'amblyopie va
modifier le comportement de l'enfant et chacun des parents et chacun des acteurs sociaux va avoir
à surveiller ce comportement. Il va se traduire par des maladresses dans l'exécution de certaines
tâches ou lors de la pratique de certains sports. On vous a démontré les désordres que pouvait
entraîner une mauvaise vision binoculaire et en particulier lors de sports de ballon, par exemple la
difficulté à intégrer une balle qui airive sur le côté de l'enfant. 11 y a modification des capacités
d'attention lors de l'exécution de certaines tâches visuelles. En effet l'enfant est découragé non pas
parce qu'il ne sait pas faire la tâche mais parce qu'il ne voit pas la tâche à faire. 11 existera des
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difficultés lors de l'apprentissage de la lecture et c'est souvent dommage de découvrir l'amblyopie
à propos de l'apprentissage de la lecture car on a vu jusqu'à maintenant que c'était beaucoup trop
tard pour les phénomènes de plasticité et de maturation du système visuel.
Et enfin on sera attentif à la position de l'enfant devant la télévision ou lors de la lecture, au
nez, sur l'écran et sur les livres. Ce qui va devoir attirer l'attention des parents c'est le dépistage du
dysfonctionnement oculomoteur et bien souvent les parents seront les premiers à s'alerter de ces
dysfonctionnements qui peuvent être constants ou intermittents, de la présence d'un nystagmus
dont je rappelle que c'est un mouvement répétitif et incontrôlé des yeux, ou encore des anomalies
de la poursuite oculaire, et surtout des attitudes compensatrices pouvant évoquer une mauvaise
vision: (la tête portée de côté - torticolis -peut être une attitude compensatrice d'une mauvaise
vision) Il faudra alors observer les yeux, la taille de l'œil, (buphtalmies), les reflets cornéens, la
couleur pupillaire, la couleur de l'iris,... Tester le réflexe photo moteur aussi est à la portée des
parents ou de tout éducateur.
Et puis il faut écouter les plaintes de l'enfant. Ceci est très important aussi. Ecouter les
douleurs oculaires lorsqu'elles existent, noter la photophobie et le larmoiement, cela pouvant être à
l'origine de pathologies extrêmement graves, toujours faire contrôler un enfant lorsqu' a eu lieu un
traumatisme de l'œil qu'il soit mécanique ou chimique, (je rappelle qu'à l'origine des amblyopies
il y a une part d'accident ménagers non négligeable), et enfin surveiller le parcours scolaire et ses
éventuelles difficultés.
Tous ces signes d'alerte doivent entraîner une consultation chez un spécialiste et cela est
primordial pour la suite des événements. Il faut interroger les parents pour avoir une idée des
antécédents familiaux et personnels de l'enfant. Cette consultation va confirmer l'amblyopie, on va
essayer de la caractériser, unilatérale ou bilatérale, de la quantifier, on fera une mesure de l'acuité
visuelle, une évaluation du champ visuel. On va essayer surtout d'inventorier tous les signes
associés, pour la classer en fonctionnelle ou organique, pour lui trouver une cau.se et proposer un
traitement. Ce sera un traitement en trois étapes, un traitement de l'amblyopie proprement dite, un
traitement des désordres oculomoteurs associés, el un traitement de la cause lorsque cette cause
est curable. Le spécialiste va devoir mesurer l'acuité visuelle, et dans une période préverbale on va
utiliser le regard préférentiel. Dès que le bébé peut s'exprimer on peut utiliser des tables d'acuité
présentant des symboles. Il faut séparer la mesure de réfraction de la mesure de l'acuité visuelle.
La mesure de la réfraction c'est une grandeur physique, déterminée soit par la skiascopie soit par
la réfraction automatique. Enfin le spécialiste va mesurer la pression oculaire, l'accommodation et
la convergence, les limites de la vision binoculaire et essayer d'évaluer les limites du champ visuel
(car dans la vie sociale bien souvent le champ visuel est aussi important, si ce n'est plus, que la
valeur de l'acuité visuelle). Enfin, si c'est nécessaire, et uniquement si c'est nécessaire, le
spécialiste va enregistrer les caractéri.stiques bio électriques fonctionnelles du système visuel.
Pour la rétine, c'est l'enregistrement électrorétinographique et pour les voies visuelles il s'agit des
potentiels évoqués visuels. Et puis enfin il pourra faire des images oculaires ou des iinages
cérébrales avec les systèmes les plus performants que l'on puisse connaître actuellement,
magnétoencéphalographie, IRM fonctionnel e t c . . Chacune de ces étapes doit être graduée et on
ne propose de réaliser ces dernières images qu'en cas de doute lors de l'examen clinique.
L'amblyopie doit être dépistée car c'est souvent un mal qui peut être combattu et vaincu, et
je crois que l'importance du dépistage, acte relativement simple de la part et des parents et des
acteurs sociaux est le premier pas dans ce combat que nous avons tous à mener et à gagner.
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METHODES DE DEPISTAGE ET DE DIAGNOSTIC
Docteur Sabine DEFOORT-DHELLEMMES
Ophtalmologiste - C.H.R.U. Lille
Méthodes de dépistage.
Les méthodes de dépistage des anomalies visuelles de l'enfant dépendent de l'âge de l'enfant.
Pour ce dépistage, un matériel très simple, quelques jouets, des petites lumières et des musiques,
est en général suffisant. En revanche il est indispensable que l'examinateur soit expérimenté.
Actuellement le dépistage des troubles visuels de l'enfant est fait par des professionnels de la
petite enfance formés pour ce travail :
chez le nouveau né, le pédiatre à la maternité,
chez le nourrisson, les médecins généralistes, les médecins de P.M.L, les pédiatres,
enfin chez l'enfant plus grand les médecins et les infirmières scolaires.
11 peut également se faire par les professionnels de la vision, orthoptistes, ophtalmologistes.
Ces derniers verront plutôt les enfants à risques et seront essentiellement chargés du diagnostic.
A l'âge préverbal, la simple inspection des paupières et de l'reil (en n'oubliant pas
d'ouvrir, d'écarter les paupières, ce qui peut être obtenu en éclairant l'enfant avec une lumière
douce, sollicitant le réflexe d'ouverture des paupières) va permettre de mettre en évidence des
malformations, des anomalies de transparence cornéenne, des anomalies de forme ou de couleur
de la pupille.
Les malformations des paupières sont en général évidentes. Elles posent non seulement un
problème esthétique (qui n'est pas à résoudre immédiatement), mais surtout peuvent être
responsables d'amblyopie quand la paupière recouvre la pupille. Même quand elle ne recouvre pas
la pupille, la paupière appuie sur la cornée et peut entraîner une déformation de la cornée et donc
un astigmatisme avec risque d'amblyopie secondaire.
Les malformations des yeux , comme les anomalies de taille sont rencontrées chez le
nouveau né, ou dans les premiers mois de la vie : Ce .sont, lorsque l'œil est trop grand, la myopie
forte et la buphtalmie. La buphtalmie est un signe de glaucome congénital. C'est une urgence
chirurgicale. Lorsque l'œil est trop petit, il s'agit d'une microphtalmie. La microphtalmie peutêtre cause d'amblyopie et de problèmes esthétiques (liés à l'aspect de l'œil et à l'asymétrie de
croissance des orbites). L'examen avec une simple lumière permet également de mettre en
évidence des anomalies de la transparence cornéenne ou des déformations de la pupille. Le
principal problème de ces déformations est, comme pour la microphtalmie (cf. Speeg Schatz), les
lésions associées oculaires ou générales. La couleur de la pupille peut également attirer l'attention
vers une pathologie. Il est cependant difficile de dépister une anomalie de couleur pupillaire
puisque ceci dépend de l'éclairage.
Parfois des parents vont amener un enfant parce qu'ils trouvent qu'il y a un reflet blanc ou
un reflet rose dans la pupille. Le médecin qui va examiner avec une simple lampe ne va pas voir
cette anomalie. Il est donc important et utile d'essayer d'examiner ce qu'on appelle la lueur
pupillaire avec un ophtalmoscope. On éclaire à environ un mètre l'œil de l'enfant ce qui donne à
peu près l'image que l'on obtient lorsque l'on fait des photographies sans processus anti œil rouge.
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Si l'on observe un reflet blanc dans la pupille, ou leucocorie, on évoque en premier lieu un
rétinoblastome ou une cataracte. Le rétinoblastome est une urgence vitale, la cataracte est une
urgence fonctionnelle. Si la pupille est totalement rouge il s'agit d'un albinisme quand l'iris est
transilluminable, d'une aniridie quand il n'y a pas d'iris. Une pupille sombre peut être le signe
d'un décollement de rétine, ou d'une hémorragie du vitré.
L'ETUDE DES REFLEXES PSYCHO-VISUELS.
Les réflexes psycho-visuels sont les réflexes de fixation d'une cible visuelle, de poursuite de
cette cible, ou d'attraction vers cette cible présentée dans le regard périphérique.
L'examen des réflexes psycho-visuels doit se faire en vision binoculaire et en vision
monoculaire, si possible de loin et de près. Il permet de dépister les cécités, les amblyopies
profondes et unilatérales et les déséquilibres oculomoteurs.
Lors de la fixation d'une cible visuelle on va pouvoir dépister les strabismcs par des
méthodes simples. On va d'abord étudier le reflet lumineux sur la cornée, et sa position par rapport
aux pupilles.
Chez un enfant, le reflet de la lumière peut être décentré du côté nasal de la pupille, il s'agit
d'un strabisme divergent. Si le reflet est décalé du côté temporal, il s'agit donc d'un strabisme
convergent, l'œil regarde vers le nez.
Chez un autre enfant on peut avoir une impression de strabisme si l'œil gauche est plus près
du bord du nez que l'œil droit, mais l'étude des reflets pupillaires retrouve un reflet symétrique
dans les deux pupilles. Il n'y a donc pas de strabisme. Il s'agit d'une malformation bénigne très
fréquente chez l'enfant qu'on appelle l'épicanthus, avec un repli palpébral plus important dans le
coin interne de l'œil. L'étude des reflets coméens est une méthode simple pour dépister les
strabisrnes, elle est facile à réaliser mais elle est responsable de nombreux faux positifs ou faux
négatifs surtout quand la déviation est peu importante. En effet il faut savoir que chez l'enfant
normal l'axe visuel ne coïncide pas exactement avec le centre de la pupille, il est légèrement dévié
en nasal, donc on ne peut pas dire qu'il existe un strabisme s'il y a une légère déviation symétrique
sur les deux yeux.
Il faut donc utiliser un test plus spécifique, plus sensible que l'on appelle la manœuvre de
l'écran ou covertest. Cette technique permet de dépister le strabisme en cachant, et décachant un
œil, et la manœuvre est réali.sée sur un œil puis sur l'autre. Pendant que l'enfant fixe une cible
visuelle, l'examinateur cache l'un des deux yeux avec un écran (palette opaque ou translucide
montée sur un manche, ou main de l'examinateur...) puis le découvre. L'examinateur regarde si
l'œil non caché effectue un mouvement lorsqu'on cache l'autre œil. Si cet œil fait un mouvement
de fixation de la cible visuelle, c'est qu'il est dévié, qu'il y a un strabisme. Le strabisme est
convergent si le mouvement s'effectue de dedans en dehors, divergent s'il .se fait de dehors en
dedans. Si l'œil non caché ne fait aucun mouvement c'est, soit que l'enfant ne louche pas, soit
qu'il a un microstrabisme, soit, si le strabisme est d'emblée évident, que l'œil strabique est
amblyope et a une fixation excentrique (hors de la fovéola).
Dans un deuxième temps, quand il n'y a pas de strabisme, rexamin,ateur regarde si l'œil
caché effectue un mouvement de refixation de la cible visuelle, lorsqu'on le découvre. Si tel est le
cas, l'enfant a une hétérophorie ou strabisme latent (exophorie, ésophorie...). Dans les phories,
l'œil a tendance à loucher, mais le réflexe de fusion binoculaire (mouvement en convergence en
cas d'exophorie ou en divergence en cas d'ésophorie) permet de maintenir la fixation bifovéolaire.
La poursuite visuelle d'une cible consiste, après avoir fait fixer une cible lumineuse ou des
petits objets à une sujet, à faire suivre ces objets du regard. Ceci va permettre d'évaluer la vision
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centrale mais également la motricité oculaire. En effet, chez le petit enfant il n'est pas possible
d'étudier la motricité oculaire sans faire intervenir la vision centrale et vice versa.
Pour étudier l'oculo-motricité, si l'enfant bouge la tête en suivant les objets, il va falloir tenir
la tête. Il est difficile chez un tout petit enfant d'étudier l'oculo-motricité dans toutes les directions
du regard de façon parfaite, et essentiellement dans les regards en bas, sur les côtés et pourtant
c'est dans cette région que l'on peut faire les diagnostics de limitation du muscle grand oblique,
dont l'atteinte congénitale est fréquente.
Enfin avec une lumière et un objet on va aussi pouvoir étudier l'attraction visuelle vers cette
cible visuelle, qui va être présentée dans divers endroits du champs visuel. De nombreuses
méthodes sont possibles. Celle que nous utilisons en clinique est la suivante : un observateur est
placé devant l'enfant assis sur les genoux de la mère et un autre examinateur amène
progressivement sur le côté des tests dans le champ périphérique. L'enfant au départ a le regard
dirigé droit devant et on observe une attraction du regard vers la cible.
L'étude des réflexes psycho-visuels tient encore une place prépondérante dans le dépistage
des affections ophtalmologiques de l'enfant. Les troubles de la fonction visuelle qu'elle révèle
sont souvent importants (il faudra toujours en rechercher la cause par un examen ophtalmologique
complet). Il pourra s'agir :
- d'un comportement de cécité : l'enfant ne fixe pas, ne suit pas la lumière ou les objets. Il a
des mouvements pendulaires lents, une errance du regard.
- de troubles oculo-moteurs : outre le strabisme, des mouvements oculaires anormaux
spontanés (nystagmus ou tremblement anormal des yeux...), une paralysie oculomotrice (un
des yeux ne se dirige pas dans une direction donnée), une paralysie du regard (les deux yeux
ne se dirigent pas dans une direction donnée).
- d'amblyopie unilatérale (l'amblyopie est une mauvaise vision d'un œil non améliorable par
le simple port de lunettes) : l'enfant ne fixe pas et ne poursuit pas les objets avec un des
deux yeux. Il proteste plus à l'occlusion d'un œil (l'œil voyant), qu'à l'occlusion de l'autre
œil (l'œil amblyope).
M E T H O D E S CLINIQUES DE MESURE DES FONCTIONS VISUELLES
D'autres méthodes d'examens de la vision sont très utiles chez l'enfant, en particuliei pour
évaluer l'acuité visuelle, la vision du relief, la vision des couleurs ou les troubles de réfraction
(myopie, hypermétropie, asdgmatisme). Ce ne .sont encore actuellement pas à proprement parler des
méthodes de dépistage de masse, en raison de leur fiabilité insuffisante ou de leur coût trop élevé.
Nous ne citerons que les méthodes utilisées en clinique courante et non pas celles utilisées en
recherche :
- les méthodologies d'évaluation de l'acuité visuelle font essentiellement appel chez le jeune
enfant à la technique du regard préférentiel.
la vison binoculaire chez le jeune enfant peut être appréciée par la préhension d'un petit
objet ou d'une petite boule de papier entre le pouce et l'index. Si l'enfant est capable de
saisir précisément en un seul geste ces petits objets, c'est qu'il a une relativement bonne
appréciation de la distance et du relief.
Le dépistage des anomalies de la réfraction qui serait nécessaire chez tous les enfants à
l'âge de 9 mois se heurte actuellement aux problèmes suivants :
y II est indispensable pour avoir des mesures fiables d'instiller des gouttes qui empêchent
l'accommodation (cycloplégie) et qui dilatent les pupilles. Ces gouttes peuvent avoir des
effets secondaires et nécessitent une prescription médicale.
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> Il existe actuellement sur le marché des réfractomètres pédiatriques qui sont intéressants
pour faciliter le diagnostic chez des praticiens entraînés, mais ont le coût et la fiabilité sont
encore un obstacle à un dépistage de masse.
Méthodes diagnostiques
Lorsqu'un trouble visuel est suspecté sur le comportement visuel ou l'examen de l'œil, ou si
l'enfant présente des antécédents considérés comme étant un risque de troubles visuels (grands
prématurés, enfant ayant des maladies cérébrales, enfant ayant des antécédents familiaux de
maladies oculaires...) un examen par un ophtalmologiste est indispensable pour diagnostiquer une
maladie oculaire.
• l'examen en lampe à fente permet de diagnostiquer des anomalies du segment antérieur de
l'œil : cornée, chambre antérieure, cristallin (cataracte par exemple).
• L'examen du fond de l'œil met en évidence les anomalies de la rétine ou du nerf optique.
En fonction des données de l'examen clinique, l'ophtalmologiste pourra demander des examens
électrophysiologiques :
• des potentiels évoqués visuels (P.E.V.) qui étudient la conduction dans les voies optiques
du nerf optique jusqu'au cortex occipital. Les potentiels évoqués visuels permettent de
différencier chez un enfant aveugle, dans les trois premiers mois de vie, un simple retard de
maturation d'une cécité par atteinte neurologique. Ils permettent également 'évaluer de
façon objective l'acuité visuelle.
• L'électrorétinogramme est indispensable au diagnostic des maladies de la rétine.
Ces deux examens sont réalisables à tout âge en ambulatoire, ils ne nécessitent pas d'anesthésie
générale. Pour l'électrorétinogramme une simple anesthésie cornéenne pat gouttes est suffisante.
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EXPERIENCE DE DEPISTAGE DE MASSE
Madame Chantai CHIREZ
Orthoptiste
Je représente le Comité de Dépistage de l'amblyopie du Douaisis et nous sommes toujours
sensibles à l'intérêt que vous portez à notre action. Comme vous allez pouvoir le voir, c'est une
action très locale et très difficile à mener puisqu'elle est essentiellement basée sur le bénévolat de
cinq à six personnes. Donc ce Comité fonctionne depuis 1990. C'est une association régie par la
loi de 1901 dont le Président fondateur est le Docteur Patrick Duquesne. La mission de cette
association est d'effectuer et promouvoir (et ce sont deux mots importants pour nous) le
dépistage des défauts de la vue le plus précocement possible pour tous les enfants du Douaisis. Je
préci.se que le Douaisis est une région du nord de la France à fort taux de scolarisation. Après
contact préalable et accord du médecin responsable de la P.M.I. au niveau du Conseil Général du
Nord et du médecin responsable de la Promotion de la Santé en faveur des Elèves au Rectorat de
Lille, nous avons pu créer cette Association. Actuellement, le budget nécessaire serait de 120 000
F. par an et nous ne disposons en général que de 80 000 F. Le budget est réparti de la façon
sur vante ; le Conseil Général à hauteur de 30 %, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Douai
à hauteur de 30 % également. Nous bénéficions de dons de La Chicorée Leroux implantée sur la
ville d'Orchies qui dépend du secteur géographique concerné, et du Lyon's Club de Douai qui
finance pour 15 %. Enfin nous recevons une participation de quelques communes concernées par
ce dépistage et les cotisations des membres représentent I % . S'ajoutent également - mais pour un
trop faible pourcentage à notre sens - 0,5 % de dons de certains opticiens qui soutiennent notre
action.
Donc, nos deux consignes principales sont "effectuer et promouvoir".
EFFECTUER.
Qui effectue '? Ce sont des orthoptistes. ActueDement nous sommes deux pour dépister
environ 3 000 enfants par an. En réalité 3 000 enfants environ sont concernés mais il n'y en a à
peu près que 2 800 réellement dépistés. L'Association fonctionne grâce au bénévolat de cinq
membres actifs qui organisent dans les écoles maternelles du Douaisis un dépistage visuel pour les
enfants atteignant leurs trois ans au cours de l'année scolaire concernée. Cet examen réalisé par
des orthoptistes rémunérés sous forme de vacations horaires comprend une évaluation des
capacités visuelles.
Pour notre part nous utilisons le Scoiatest d' ESSILOR puisqu'il nous permet de nous tenir à
deux mètres cinquante de l'enfant, et de près le test de Rossano. Nous n'avons pas trouvé de
meilleurs tests actuellement pour être fiables dans notre dépistage. Nous avons été formés à ces
méthodes, nous effectuons une recherche des troubles de l'oculomotricité en effectuant avec le
cube de l'angle une poursuite, une observation ensuite des reflets pupillaires, tout ceci est très
simple dans une classe puisque cela ne nécessite que très peu de matériel et c'est l'ensemble de ces
examens qui vont permettre à l'orthoptiste d'évaluer les capacités visuelles de l'enfant.
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La particularité de ce protocole à notre sens est la préparation par les enseignants de
l'appariement. En fait, comme l'a montré également Madame Defoort, le premier passage des
orthoptistes permet de déposer les tests qui seront utilisés. Nous déposons donc à l'institutrice
avant de nous présenter pour le dépistage, les dessins que l'institutrice ou l'instituteur vont
apprendre à nommer à l'enfant.
L'enfant ,se trouve en confiance, il connaît les dessins, il a pu utiliser les lunettes rouges que
nous utilisons de façon réversible, et il n'e-st pas du tout inquiet lors de notre venue. Et le
deuxième élément important pour la fiabilité à cet âge est de pouvoir s'insérer dans la classe. Au
fil des années nous avons revu notre protocole et nous avons procédé de la façon suivante : après
notre passage et la préparation par les enseignants, nous avons considéré que les orthoptistes
devaient se mettre au niveau de l'âge de l'enfant et non pas de demander à l'enfant de devenir
adulte pour réaliser ce test. Nous travaillons donc dans un coin de la clas,se en prenant un groupe
de quatre à cinq enfants, sous forme d'activités d'atelier comme ils ont l'habitude de le faire, en
posant le Scola-test sur une table et en se mettant un peu plus loin avec un groupe de quatre
enfants. On passe individuellement chaque enfant, et on peut évaluer la fonction binoculaire et
l'acuité visuelle très facilement pui.sque tout se passe sous forme d'activité ludique.
Arrive maintenant la phase d'interprétation des tests qui est également importante puisque
c'est l'ensemble de ces trois phases qui va permettre à l'orthoptiste d'évaluer l'intérêt d'adresser un
enfant à l'ophtalmologiste. 11 n'est pas question d'envoyer trop d'enfants, mais non plus de négliger
un doute. Dans un premier temps, les enfants considérés positifs par l'orthopdste à l'ensemble du
test ont tous un feuillet individuel avec une lettre de liaison remise aux parents. Ce feuillet
individuel où tous les tests ont été notés est en quatre exemplaires. Un exemplaire demeure à
l'école et reste accessible en conservant le secret médical puisqu'il est remis sous enveloppe à tous
les services de Santé scolaire qui passent dans l'école et qui pourraient y avoir recours. Un des
exemplaires avec le résultat est remis avec une lettre aux parents. Le troisième exemplaire est
transmis à la P.M.I. qui reverra exactement les mêmes enfants puisque nous avons convenu avec
la P.M.I. de choisir le même créneau d'âge qui sera réservé pour le bilan de quatre ans. Donc les
mêmes enfants seront testés. Ce sont des enfants nés entre le 1er juillet d'une année et le 30 juin
d'une année suivante, (on fonctionne en année scolaire). Le quatrième exemplaire nous revient
pour nos statistiques. La lettre que la famille reçoit pour remettre à l'ophtalmologiste de son choix
comprend un coupon réponse pour que l'on puis.se savoir ce qu'est devenu cet enfant.
Dans un deuxième temps lorsque l'année suivante nous retournons dans les mêmes écoles,
pour tout enfant où nous n'aurions pas reçu de réponse nous donnons un courrier personnel à la
famille, transmis par les enseignants, toujours pour connaître ce qu'est devenu cet enfant. C'est un
questionnaire, et grâce à ce courrier dit de relance de l'année suivante nous obtenons actuellement
73% de réponses sur ce que sont devenus ces enfants. Et la P.M.L qui a le feuillet l'année suivante
et qui peut constater sur les résultats que l'enfant avait été adressé à l'ophtalmologiste, peut
également interroger les familles, les stimuler et s'il le faut, adresser à l'ophtalmologi.ste. l'enfant
qui n'y serait pas allé.
Voici maintenant le résultat approximatif d'une campagne de dépistage. En réalité nous nous
apprêtons à commencer notre douzième campagne de dépistage. Les résultats de l'année 20002001 ne sont pas encore sortis. C'est le Président fondateur de cette as.sociation qui fait la saisie
informatique de chaque feuillet des 2 800 enfants, bénévoleinent bien sûr. Le taux de scolarisation
atteint 95 % dans la région du Douaisis. 11 est progressif donc jusqu'à quatre ans mais dès la
première année de maternelle les enfants sont déjà pré-scolarisés dans notre région. Peu d'enfants
passent donc à côté de ce dépistage. Nous arrivons à tester 96% des enfants scolarisés et 85% des
enfants sont présents lors du dépistage. Ce pourcentage est très important puisque l'expérience en
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cabinet avec le même créneau d'enfants nous montre que ce n'est pas possible de réaliser les
mêmes tests en présence des parents, sans la mise en confiance préalable dont j'ai parlé. 79 % des
enfants qui ont été réellement dépistés ne présentent pas d'anomalies, bien sûr c'est un dépistage
global, il y a forcément des choses que l'on ne peut pas examiner et qui passent à côté. Nous
adressons 8 % d'enfants chez l'ophtalmologiste avec le courrier réponse. Nous avons constaté que
4 % des enfants étaient actuellement suivis, progressivement ce chiffre a augmenté au cours des
dix premières campagnes. On sait qu'ils sont suivis parce que bien .souvent ils sont porteurs de
lunettes, ou bien que la famille, à l'annonce du dépistage, a informé les instituteurs ou les
institutrices que l'enfant avait déjà consulté. Donc ce chiffre est très encourageant puisque par
ailleurs nous avons fait un travail de terrain pour essayer de .sensibiliser au dépistage précoce. 13
% des tests sont incomplets, dans le sens olà une des trois épreuves importantes, acuité visuelle,
oculomotricité ou vision binoculaire n'ont pas permis d'interpréter de façon fiable, et nous avons
préféré ne pas nous prononcer dans 13 % des cas.
6% d'anomalies ont été confirmées, sur les 8 % d'enfants adressés chez l'opthtalmologiste.
On ajoute les 4 % d'enfants suivis, ce qui nous fait donc en anomalies confirmées 10 % d'enfants
de trois ans qui présentent au moins une ou plusieurs anomalies visuelles. Ces chiffres rejoignent
ceux qui ont été donnés plus haut. On retrouve 0,5 % d'amblyopies, 3 % de pathologies diverses
(le plus .souvent les amétropies) et c'est toute l'importance des amétropies puisque en apparence
ces enfants ne présentaient aucun signe d'appel et c'est ce dépistage qui a permis de trouver parfois
des amétropies extrêmement importantes par l'examen ophtalmologique sous cycloplégique, et on
note 2,5 % de strabismes. A noter que ces anomalies sont bien souvent combinées. Comme nous
avons pu le voir dans les autres exposés elles sont difficilement dissociables.
PROMOUVOIR
J'arrive maintenant à la deuxième partie de notre action et pour cette action en fait il n'y a
pas de chiffres. Il n'y a que la motivation et la réelle volonté de faire avancer les choses. Nous
voulons promouvoir ce dépistage. Nous avons effectué depuis dix ans différentes réunions
d'information médicale. Nous avons essayé de mettre en présence tous les partenaires, nos
partenaires financiers, les familles, de façon très simple. 11 suffit que l'on soit entendu, il suffit
d'écouter les parents, d'écouter les enseignants et de transmettre un message d'années en années en
passant dans les écoles. Nous avons quand même organisé une réunion d'information et
notamment sur le développement de la vision de l'enfanl avec Monsieur François Vital-Durand à
laquelle nous avions convié les médecins généralistes, les médecins de P.M.I., les pédiatres et les
obstétriciens, les gynécologues afin de sensibiliser toutes les personnes en rapport avec les jeunes
enfants à la possibilité de dépister, et les informer du développement précoce de la vision de
l'enfant. Nous avons également la possibilité de faire dos interventions dans les conférences
pédagogiques pour informer les directeurs d'écoles et venir expliquer pourquoi nous passons dans
les écoles.. Nous participons quand cela est le cas aux conférences scientifiques dans le Nord ou
parfois dans des réunions comme celle-ci et nous informons nos partenaires financiers (Lyon's
Club par exemple)dc ce pourquoi nous nous battons et pourquoi ils nous donnent de l'argent. Ou
nous réalisons des articles de presse diffusés par le journal du Conseil Général, ou la Caisse
Primaire au moment de la remise du chèque crée un article de pres.se sur les subventions qu'elle
accorde dans le cadre de son action sanitaire et sociale.
Je n'ai pas détaillé les relations professionnelles mais cela comprend avec beaucoup de bon
sens "le >oir, être entendu, être écouté". C'est-à-dire que l'orthoptiste qui passe régulièrement
dans la même école tous les ans, à force de répéter et à force de démontrer que c'était faisable.
S4
arrive à avoir avec l'enseignant un dialogue d'échange et d'information sur ce que l'enseignant
peut signaler comme défauts visuels. Nous avons bien vu qu'en vivant quotidiennement avec un
enfant l'enseignant peut remarquer bien des choses très intéressantes, et en échange insister par
exemple sur le port permanent des lunettes, y compris pendant la récréation et pendant les
activités motrices, alors que jusqu'ici généraiement la tendance était de poser toutes les lunettes
sur les bureaux au moment de la récréation. Il y a un gros travail de communication, et au fil des
années tout le monde comprend, les choses avancent et le message est transmis tout simplement
par les relations professionnelles. Au plan des relations orthoptistes et ophtalmologistes nous
formons une équipe extrêmement soudée dans le sens où, chaque année à l'occasion de
l'Assemblée générale de notre Association, tous les ophtalmologistes sur le secteur concerné
viennent nous soutenir. Ils ont vu passer des enfants chez qui ils ont décelé des pathologies parfois
graves et sont donc tout à fait convaincus, s'engagent à limiter les délais de rendez-vous puisque
pour eux cela représente une consultation urgente, car ces enfants là ne doivent pas attendre six
mois pour un rendez-vous. Ils s'engagent à nous renvoyer une réponse. En faisant le bilan de ces
onze campagnes, on peut dire que la découverte tardive d'une amblyopie après l'âge de quatre ans
est quasiment exceptionnelle dans le Douaisis grâce aux différentes actions totalement
indissociables les unes des autres.
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QUESTIONS - REPONSES
Sylviane LEVY, Médecin P.M.I. - 78 - Où peut-on se procurer les tests de vision des couleurs et à
quel prix ?
Réponse Je crois pouvoir citer la Maison LUNE AU dont vous trouverez les références, OPTIC 2000 aussi.
Quelqu'un connaît-il le prix dans l'assistance '? On me propose 100 Frs...probablement plus...
Pour que la vision des couleurs soit correctement testée, il faut pratiquer sous un bon éclairage, pas
forcément coûteux, mais conseillé par un spécialiste de l'éclairage. De plus, le test de vision des
couleurs doit être changé régulièrement, même si on ne l'emploie pas, c'est -à-dire qu'au bout de un
ou deux ans les pigments sont altérés, et on doit le renouveler si on veut être efficace.
Catherine Valmy, Médecin de PMI dans la région de Gisors.
Cette proposition de faire des examens systématiques à l'âge de neuf mois est très importante, mais
actuellement il faut savoir que chez les ophtalmologistes nous avons un délai moyen de trois à
quatre mois pour les rendez-vous. Alors je suis un peu inquiète quant à l'organisation systématique
de cet examen de neuf mois, vu la pénurie d'ophtalmologistes.
Professeur Péchereau
Il n'y a aucune contradiction. Il y a d'un côté ce qu'il serait souhaitable de faire, et de l'autre côté les
décisions de gens qui gèrent la démographie médicale. Ce ne sont pas les mêmes bureaux. Là je ne
vois rien d'autre à répondre.
François Vital-Durand, chercheur INSERM.
Il y a une répon.se complémentaire Monsieur Péchereau, c'est que le médecin généraliste, le
médecin de PMI etc. ...peuvent envoyer les enfants à l'orthoptiste pour une préparation à la
consultation ophtalmologique. Un certain nombre de ces cas .sont de faux positifs, l'orthoptiste peut
déjà faire le tri et insister envers l'ophtalmologiste pour obtenir un rendez-vous plus rapide.
Rappelez vous que le médecin généraliste, le médecin de PMI peuvent faire des ordonnances pour
l'examen orthoptique des bébés.
Marie Elizabeth Levivier, Ophtalmologiste en 92.
C'est une réflexion générale en rapport à ma pratique. On a vu l'importance des troubles de la
réfraction et de l'amblyopie fonctionnelle qui atteignent un enfant sur trois, il faut y rajouter tous les
problèmes de décompensation, et il faut aussi noter le frein que représente l'éventualité du port de
lunettes. Pour les parents, on casse l'image qu'ils ont de l'enfant parfait, et il serait important de leur
apporter une information générale rappelant qu'on leur donne une chance supplémentaire en
dépistant les anomalies. Et là je pense à ce que l'on pourrait réaliser au plan d'une campagne
nationale d'affichage, à tous les niveaux, chez les médecins, les pédiatres, tous les endroits où il y a
des parents, des enfants, les boutiques, les salles de sport, les écoles, les magasins de jouets...
Quand on pense à l'argent gâché, du carnet de santé des adultes dont personne ne s'est servi, aux
campagnes récentes pour nous apprendre à rédiger un chèque en Euros alors que ce n'est pas
différent d'un chèque en Francs, là on pourrait trouver des crédits pour réaliser cette campagne
d'information (.Applaudis.sements)
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Réponse
Je crois que l'on peut être tout à fait d'accord avec vous. C'est un problème global culturel de notre
société au développement industriel. 11 faut être parfait, sans défaut, et ne pas porter de lunettes.
C'est peut-être un avenir pour les lentilles, mais il y a probablement en effet une information à
redire, à répéter et en particulier celle que nous tenons sur le pronostic et l'évolutivité de ces petites
amétropies qui, lorsqu'elles sont prises en charge suffisamment tôt, permettent de récupérer au
moins partiellement.
Un Pédiatre
On a parlé de stéréoscopic et de vision monoculaire, quels sont les rapports de l'enfant
monophtalme avec son environnement ?
Réponse
Je n'ai pas de réponse très générale à votre question. Il est vrai que l'on étudie cas par cas, et cela
dépend à quelle période débutent les problèmes de l'enfant. Chez l'enfant monophtalme il y a très
souvent des problèmes d'équilibre. Ce sont en règle générale des enfants qui ont une attitude, une
posture dans le positionnement du tripode tout à fait particulière. Chez ces enfants là, il faut une
prise en charge globale au plan p.sychomoteur, et une rééducation un peu particulière.
Autre réponse
Voici un complément. L'enfant monophtalme est un strabique congénital. Et de ce fait il subit
automatiquement une perturbation de son rapport avec l'espace, il a très souvent un torticolis, un
nystagmus latent et également un trouble des mouvements de poursuite. En plus de son étal de
monophtalme il peut présenter une pathologie ophtalmologique associée importante et qui modifie
sans aucun doute ses rapports avec l'environnement.
Question
N'y a-t-il pas également un problème de formation des ophtalmologues lorsque l'on voit la difficulté
du diagnostic et la divergence entre eux au plan du port de lunettes, de la rééducatiorj, de toutes les
autres indications. Et je voudrais savoir pourquoi tant d'enfants ont des lunettes? Y-a-t-il un
disproportionnement entre ce qu'on leur demande et ce que la nature demande ?
Répon.se
Nous revenons toujours à ce problème du nombre d'ophtalmologistes. Ils sont sur la sellette. Je ne
me défausse pas de votre question mais un de ses éléments est que nous vivons dans une société
profondément bouleversée depuis ces vingt dernières années et je ne vois pas pourquoi les
ophtalmologistes auraient évité eux aussi d'être atteints par ce bouleversement. Quand on voit
arriver les jeunes médecins dans les cycles de formation, les choses ont beaucoup changé depuis
vingt ans. Les valeurs communes de la société affinent le corps des médecins et je pense que dans
ce corps elles deviennent prédominantes. Nous devons nous interroger en tant que citoyens sur les
valeurs dominantes que nous voulons donner à notre société. Je ne vois pas très bien pourquoi les
médecins seraient un corps à part et encore plus les ophtalmologistes.
Pour la deuxième partie de votre question, là aussi nous vivons dans une société qui a beaucoup de
besoins visuels, qui est très aussi compétitive, et si un enfant n'a pas de bonnes performances
visuelles, il .souffre d'un handicap. Mon voisin parlait de société post-industrielle, c'est un constat et
Monsieur Clergeau vous a très bien montré l'importance sociale des troubles réfractifs. C'est dans
une société aussi optimisée que la nôtre et aussi compétitive, que chaque enfant doit bénéficier d'un
maximum de chances dans son développement.
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Autre réponse
Je vais me permettre un complément. Sur l'ensemble des populations des pays développés trois
personnes sur cinq ont besoin de correction visuelle, et chez l'enfant c'est de un sur quatre à un sur
six. Egalement un autre paramètre est à prendre en considération; plutôt en référence cette fois à
l'épidémiologie. Malgré le grave déficit du nombre d'ophtalmologistes il faut reconnaître que dans
notre pays le dépistage et la prise en compte de la santé d'une façon générale se .sont nettement
améliorés. Si l'on voit un nombre important de personnes porter des verres de correction, cela ne
veut pas forcément dire que la pathologie a augmenté en fréquence, cela veut sans doute dire qu'on
la prend plus en considération. Je pense aussi que l'évolution des techniques de communication qui
nous entourent, en utilisant des écrans, (cela a été un des thèmes des Colloques de l'A.S.N.A.V.)
participe très fortement à valoriser plus encore la vision normale ou bien corrigée.
Une pédiatre libérale, et travaillant à la C.N.A.M.
Des médecins scolaires, des infirmières scolaires ont été formés par l'A.S.N.A.V. Q'esl-il proposé
pour les professionnels de la petite enfance '?
Réponse de Monsieur Galceran (Président de l'A.S.N.A.V.)
C'est une excellente question car au delà du personnel de la Santé Scolaire auquel nous dispensons
des formations complémentaires, afin de bien faire ressortir l'essentiel des fonctions visuelles à l'âge
de six ans, aujourd'hui se pose la question pour nous de dispenser ce que nous faisons pour l'âge de
six ans à celui de quatre ans ou trois ans. Mais il faut savoir que pour l'âge de six ans et l'examen
médical obligatoire dans le cadre scolaire, nous sommes en Convention avec l'Education Nationale
et c'est dans ce cadre strict que nous agissons avec la complète implication de l'Education Nationale,
des enseignants, du personnel médical mais aussi la possibilité logi.stique de toucher les parents.
C'est un ensemble. Il faut absolument que l'ensemble des acteurs soit touché et qu'il y ait osmose.
Le but c'est autant de dépister que de sensibiliser les parents sur l'importance du dépistage, du
traitement et ainsi de suite. Donc dans le cadre des P.M.I., je n'ai pas de répon.se. Je crois que c'est à
construire avec les Responsables et les Pouvoirs publics correspondants, mais nous sommes ouverts
au dialogue.
Madame Badoche.
Je désire répondre au médecin pédiatre qui demandait comment recevoir une formation. Or notre
Association C.A.D.E.T.(association loi 1901) est faite justement pour apporter une formation au
personnel pédiatrique, médecins, infirmières, puéricultrices pour favoriser ce dépistage. A ma
connaissance la formation n'est pas obligatoire. Dans le cadre de la P.M.I., tous les médecins que
nous rencontrons n'ont pas eu de formation obligatoire sur les problèmes visuels de l'enfant. C'est
une lacune très importante et ils en sont con,scients. Depuis vingt ans nous leur proposons cette
formation, nous avons fait maintenant plus de 1500 interventions en France en P.M.l. Si cette
formation était obligatoire, il faudrait augmenter les interventions. Les écoles d'infirmières ont
maintenant en deuxième année un programme de dépistage visuel des enfants. Les médecins ou les
pédiatres de ville ne savent pas où s'adresser pour avoir une formation. Ne serait-il pas possible de
mettre sur pied un sy.stème national de formation où les gens pourraient s'in.scrire '.'.
Un Orthoptiste, Bouches du Rhône.
Il est vrai que dans les petits départements de plus en plus de Conseils Généraux embauchent des
orthoptistes pour s'occuper du dépistage visuel, pour aider également les équipes de P.M.l. en
formation grâce aux conférences que peut organiser l'association C.A.D.E.T. entre autres et nous
aidons les médecins de P.M.L à prendre davantage conscience des difficultés pour faire des
58
dépistages sérieux dans les écoles maternelles. D'autre part, j'ai une question. Dans notre
département (mais cela existe aussi dans d'autres départements) nous avons une association
d'orthoptistes de P.M.I., certains ophtalmologistes en ville, face aux dépistages d'acuité visuelle qui
tournent parfois autour de 4 ou 5 dixièmes et que nous leur adressons, nous répondent :
"hypermétropie physiologique en rapport avec l'âge, - hypermétropie parfois de +3 à +3,50 D - nous
ne prescrivons pas de verres" et qui nous disent que cette acuité visuelle pour l'âge de quatre/ cinq
ans est une acuité visuelle normale, et cependant d'après les communications précédentes je retiens
la nécessité de prescription d'une correction optique totale, donc quel e.st votre avis '?
Monsieur Clergeau
La question est intéressante mais un peu difficile car je dirai que chaque cas est particulier. 11 est
vrai que d'une manière générale on ne doit pas tolérer qu'une acuité visuelle ne soit pas totalement
normale, mais on est obligé de faire un compromis. Pour tout ce qui est avant quatre ans on est
obligé de se baser sur des hypothèses statistiques, et plus on avance en âge de l'enfant, plus on aura
un référentiol vrai. Dire qu'on va laisser à quatre/cinq ans une acuité à quatre ou cinq dixièmes si on
est certain qu'il y ait une cause, je crois qu'il ne le faut pas. La notion d'hypermétropie
physiologique qu'on avance n' a pas beaucoup de référentiel, j'essaye de m'atteler à cette tâche
depuis une vingtaine d'années. Mais avec +3,50 D à cinq ans, l'on est dans la zone nettement limite
d'après la statistique que j'ai donnée. Là-dessus, faut-il passer du tout au rien ? certainement pas. A
partir du moment où il n'y a pas d'amblyopie ou de troubles moteurs l'enfant ne supportera pas sa
correction optique totale. 11 faut donc l'adapter. Il faut donner une correction optique partielle en
fonction de ce qui va le soulager. C'est le + \ ou + 1,50 dont on parlait tout à l'heure. On ne le
donne pas pour soulager l'enfant mais tout simplement parce qu'il en a besoin. De la même façon je
répondrai à une question intéressante : Faut-il donner autant de lunettes à tous les enfants, de sept
ans par exemple ? si un enfant de sept ans vient pour des maux de tête, si on dépiste un
astigmatisme de 0,50 dioptrie et qu'on peut l'améliorer (soit au point de vue visuel soit au point de
vue céphalée), deux solutions se présentent, ou on le corrige et il va être heureux ou on ne le corrige
pas et à ce moment là il arrêtera ses études. Il y a des choix, il faut s'adapter. Ce qui est certain, c'est
que la demande de la société est de plus en plus pointue : il y a les problèmes des myopies, des
astigmatismes, des hypermétropies. Plus personne ne tolère quasiment l'absence de correction, (je
mentionne en plus l'ordinateur qui est le principal décompensateur). Donc la première démarche est
de faire le bilan des troubles, et ensuite on prend la décision théorique de ce qu'il faut traiter et ne
pas traiter. Le second problème de société est de savoir comment on va avoir les moyens de faire
un dépistage large, et on sait que les ophtalmologistes à eux seuls n'y arriveront pas. Il faut
donc inclure des personnels supplémentaires et prendre des décisions thérapeutiques avec un
coût. Je crois qu'il faut faire un diagnostic, évaluer quel est le problème visuel à l'échelon national
en France et trouver quels moyens d'un point de vue pratique et financier on a envie de donner dans
cette affaire. On en a encore pour dix ans à faire le tour du problème, et dix ans... je suis peut-être
très optimiste !!
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MOUVEMENTS OCULAIRES ET LECTURE
Docteur Françoise VITU-THIBAULT
Docteur en Psychologie Cognitive,
Chercheur au C.N.R.S.
Boulogne-Billancourt
C'est à la fin du dix-neuvième siècle que furent recueillies les premières données sur le
comportement oculaire pendant la lecture. Depuis, et notamment durant les trente dernières
années, la recherche en ce domaine a connu un véritable essor. Elles'est attachée à étudier les
caractéristiques et les déterminants du comportement oculaire pendant la lecture principalement
pour le lecteur adulte. D'un point de vue déveioppemental, seules quelques recherches ont été
effectuées. Elles montrent principalement les différences majeures qui existent entre les adultes et
les enfants, dans les comportements oculaires adoptés. Cependant ces recherches ne permettent
pas d'identifier l'origine de ces différences.
L E , S DIFFERENCES DE COMPORTEMENT OCULAIRE ADUETES/ENFANT.S.
Les travaux que je présente constituent en fait une première approche pour déterminer les
différences entre les comportements oculaires adoptés par les adultes et les enfants. Ils ont été
réalisés en collaboration avec plusieurs américains de l'Université de l'Illinois, et Georges
MacConkie, Paul Kerr et David Zola.
Lorsque vous lisez un texte vos yeux se déplacent le long de la ligne de texte à l'aide de
mouvements très brefs, appelés saccades, qui .sont entrecoupés par des pauses du regard ou
fixations. Si l'on compare le comportement oculaire adopté par les enfants à celui adopté par les
adultes, on peut constater que les enfants effectuent des mouvements moins amples. A titre
d'exemple, des enfants de sept ans effectuent des saccades de sept caractères, à l'opposé des
adultes qui effectuent des saccades plus grandes de l'ordre de huit caractères. Une autre différence
majeure est que, lors de la lecture, les enfants effectuent des pauses du regard beaucoup plus
longues que les adultes, de l'ordre de trois cents millisecondes à l'âge de .sept ans contre deux cent
vingt cinq millisecondes pour les adultes. Enfin une différence importante est que les enfants ont
une plus grande probabilité d'effectuer des retours en arrière dans le texte que l'on nomme
saccades régressives.
ORIGINES DES DIFFÉRENCES
Il y a en l'ait au moins trois possibilités pour les identifier.
La première évoque une cause oculo-motrice. L'hypothèse serait que le système oculomoteur des enfants ne soit pas aussi bien calibré que celui des adultes, et plus précisément que les
saccades effectuées par les enfants ne soient pas aussi précises que celles des adultes. En
résulteraient donc des erreurs de visées qui nécessiteraient d'être corrigées en permanence, et
expliqueraient pourquoi les enfants effectuent plus souvent des petites saccades, et des retours en
arrière.
Cependant cette hypothèse n'est pas la seule. 11 e.st possible d'imaginer que les enfants et les
adultes diffèrent du point de vue visuel et que cette différence visuelle est responsable des
différences observées pendant la lecture. On peut supposer en effet que, chez les enfants, la
60
quantité d'informations visuelles extraites en une seule fixation est beaucoup plus petite que chez
les adultes. Ce qui nécessiterait en conséquence d'adopter une lecture plus lente et plus prudente.
Enfin une dernière possibilité envisagée est une différence au niveau du traitement cognitif,
du traitement des informations et des connaissances langagières. Les enfants ont probablement et
très clairement des connaissance langagières bien moins élaborées que celles des adultes, d'où
résulte une lecture plus lente et plus prudente.
Dans cet exposé, nous allons nous concentrer simplement sur l'hypothèse oculo-motrice, qui
suppose que les enfants effectueraient des saccades beaucoup moins précises que les adultes et
que ces saccades peu précises induiraient des "accidents de parcours" pendant la lecture, avec un
grand nombre de réajustements. Alors si l'on parle d'erreurs Je visées cela veut dire que l'on vise
une cible. La première question que l'on peut se poser est : a-t-on une cible dans la lecture et
quelle est-elle ?
Les résultats obtenus chez les adultes ont amené l'ensemble des auteurs à l'heure actuelle à
supposer que, lors de la lecture, à chaque fixation les yeux viseraient le centre du prochain mot.
Les yeux chercheraient donc à aller de centres-de-mots en centres-de-mots, et d'un mot vers le
suivant. Pourquoi poser une telle hypothèse '? Tout d'abord on sait que du fait de la faiblesse de
l'acuité visuelle périphérique un mot fixé est beaucoup plus facilement identifié au centre qu'un
mot qui demeure en vision périphérique et qui par conséquent est sauté par le regard. D'autre part
pourquoi chercher à fixer plus spécifiquement le centre d'un mot? Parce que celui-ci, d'après de
nombreuses études, correspond à la position optimale du regard pour l'identification du mot. Si
l'on considère la probabilité d'identifier correctement un mot présenté très brièvement - l'instant
d'une seule fixation - on peut constater que cette probabilité est beaucoup plus élevée lorsque la
vision se situe initialement au centre du mot que lorsqu'elle se situe au tout début ou à la fin du
mot Ce résultat se comprend très facilement si on admet le fait que, lorsque les yeux se situent au
centre d'un mot, l'ensemble des lettres contenues dans le mot peuvent être extraites en une seule
fixation. A l'inverse, lorsque les yeux se situent initialement au tout début ou à la fin du mot seule
une partie des lettres peuvent être extraite ralentissant et rendant la reconnaissance d'un mot plus
difficile.
L'hypothèse que l'on formule ici est donc que chez les enfants, à chaque fixation, les yeux
viseraient le centre du prochain mot tout comme chez les adultes, mais simplement que la capacité
des enfants à effectuer cette tâche serait moindre que celle des adultes. Ainsi, la visée serait moins
précise. Si cette hypothèse est juste, elle entraîne deux prédictions :
- La première prédiction est que l'on devrait observer plus souvent des sauts de mots dans le
cas des enfants.
- La seconde prédiction est que la position initiale de fixation des yeux dans le mot ne
devrait pas être aussi souvent centrée, mais fréquemment déviée du centre du mot. Nous
avons donc décidé de tester cette hypothèse, et les prédictions de cette hypothèse oculomolricc, en nous fondant sur deux corpus de données recueillies à l'université de l'Illinois.
Les deux corpus de données ont été recueillis lors de la lecture par des sujets d'un test
présenté sur un écran d'ordinateur. Et on a enregistré parallèlement les mouvements oculaiies du
sujet qui devait lire le texte à voix basse. Deux populations ont été étudiées :
- trente enfants d'environ dix ans, qui devaient lire plusieurs chapitres d'un livre,
- et la seconde population, quatre adultes qui devaient lire un livre chacun.
Les données que nous avons recueillies sont-elles compatibles avec les données rapportées
préalablement dans la littérature? Nous constatons sur ce premier histogramme {figure I) qui
représente la distribution de l'amplitude des saccades - d'une part pour les enfants en traits pleins
61
et d'autre part pour les adultes en traits pointillés - que les enfants effectuent plus souvent des
saccades courtes. (Ceci est indiqué sur la droite du graphisme par des valeurs positives indiquant
qu'on parle ici de saccades progressives, saccades qui se déplacent vers l'avant.) Mais ce fait a
déjà été observé, ce n'est pas nouveau. D'autre part ils ont une plus grande probabilité d'effectuer
des mouvements régressifs, ce qui est indiqué sur la gauche de la distribution par des valeurs
négatives. Si l'on regarde la distribution des durées de fixation, (pauses du regard) on voit que les
durées de fixation .sont plus longues pour les enfants que pour les adultes. Donc les données sont
compatibles avec celles de la littérature bien que nous ayons choisi une population d'enfants d'un
âge et d'un niveau de lecture relativement avancés.
Partant de ce premier point nous allons tester les prédictions de l'hypothèse oculo-motrice.
D'abord nous allons voir si les enfants sont moins précis que les adultes, et par conséquent s'ils
ont une plus forte tendance à sauter les mots. Nous avons {figure 2) la distribution de l'amplitude
des saccades mais cette fois ci ce n'est pas exprimé en nombre de lettres parcourues, mais en
nombre de mots parcourus.
On peut constater sur ce graphique que les enfants vont plus fréquemment effectuer de
petites saccades de re-fixation (en fait une seconde fixation à l'intérieur du mot en cours de
fixation), indiquées par le zéro, ou des saccades vers le mot suivant, et le plus frappant est que les
enfants vont sauter les mots beaucoup moins souvent que les adultes.
Maintenant posons nous la question de savoir si la visée dans les mots est aussi précise
P'.^ur les adultes que pour les enfants, ou si les enfants, justement, sont déviés du centre du mot par
des erreurs de visée. Nous avons {figure 3) la distribution des positions initiales de fixations dans
des mots de sept lettres par exemple, mais des mots d'autres longueurs donnent des résultats tout à
fait similaires. Nous observons deux distributions, l'une pour les enfants en traits pleins et l'autre
pour les adultes en traits pointillés, et ce que l'on constate est que la forme de la distribution est
très similaire pour les enfants et pour les adultes.
- D'une part les deux populations tendent à atterrir de façon principale dans la zone centrale
du mot et il y a une très grande variabilité autour de cette posidon centrale.
- D'autre part, malgré des différences légères dans la forme de la distribution entre les
enfants et les adultes, le point important ici est que la proportion des fixations qui atterrissent
dans la zone centrale du mot est exactement identique pour les enfants et pour les adultes.
Donc il semblerait, contrairement à l'hypothèse oculomolrice formulée au départ, que les enfants
sont autant, ou aussi peu, aptes à fixer le centre du prochain mol que les adultes.
Premièrement nous avons montré que les sauts de mots ne sont pas plus fréquents mais ils
sont moins fréquents pour les enfants, d'autre part nous avons montré que la proportion des
fixarions au centre d'un mot est identique à celle des adultes. Alors ceci dit nous avons montré
aussi, comme je l'ai noté tout à l'heure, une importante variabilité de la position initiale
d'atterrissage des yeux dans les mots pour les enfants et pour les adultes. Cela signifie donc qu'il
y a de nombreux cas dans lesquels les yeux n'atterrissent pas au centre. Si le centre est bien la
position visée, on peut ,se demander quelles sont les réponses apportées par les enfants et les
adultes à ces erreurs de vi.sée '.' Dans le domaine oculomoteur pur, en général, l'on observe que
lorsque l'on présente une cible en vision périphérique et que les yeux ne parviennent pas à fixer
cette cible à l'aide d'une seule saccade, une saccade corrective ramenant les yeux sur la cible est
automatiquement déclenchée. Est-ce le cas dans la lecture, et est-ce le même genre de réponse et
dans les mêmes proportions pour les enfants et pour les adultes '?
Regardons les cas où les mots ont été sautés. Nous avons représenté {figure 4) la
probabilité d'effectuer une saccade régressive vers un mot qui vient d'être sauté, donc manqué.
Nous pouvons constater que les enfants bien plus que les adultes vont initier ce genre de saccade
62
régressive vers le mot qui vient d'être sauté. D'autre part nous remarquons que les saccades
régressives vers les mots sautés ne sont pas initiées de façon automatique suite à une erreur de
visée, mais leur probabilité dépend d'un certain nombre de paramètres:
Un premier paramètre est indiqué par ce graphique {figure 5), l'amplitude de la saccade
précédente est en abscisse. Elle illustre plus ou moins la distance, en vision périphérique, du mot
par rapport au point de fixation antérieur. On constate que plus cette distance est grande, plus
l'amplitude de la saccade est grande, plus la probabilité de revenir sur le mot est sautée. Et on se
souvient que plus un mot est loin, plus on a de difficulté à l'identifier. D'autre part nous voyons ici
sur ce graphique que pour les enfants et les adultes, la probabilité d'effectuer une saccade
régressive vers un mot qui vient d'être sauté augmente avec la longueur du mot sauté. Plus le mot
qui a été sauté est long en termes de nombre de lettres, plus la probabilité de revenir sur ce mot est
élevée, et notamment pour les enfants. Enfin un autre point notable est que la probabilité de faire
une saccade régressive vers un mot sauté est plus importante lorsque le mot sauté est un mot de
basse fréquence dans la langue, peu usité ou très rare. Et cela vaut pour les adultes, et dans une
certaine mesure pour les enfants. Ces résultats montrent donc que des réajustements sont initiés
suite à une mauvaise visée ou un saut de mot, mais que ces réajustements ne sont pas
automatiques comme une saccade corrective. Ils sont dépendants du traitement du mot qui vient
d'être sauté. Si le mot n'a pas pu être reconnu on revient en arrière. Si le mot a pu être reconnu,
même sauté, cela n'est pas grave, on continue vers l'avant.
Examinons le dernier point maintenant qui est de regarder les cas oià les yeux atterrissent sur
un mot mais pas spécifiquement au centre du moi. Cela provoque-t-il des réajustements et dans la
même mesure pour les enfants et les adultes '.'
Nous avons représenté (figure 6) la probabilité d'effectuer une saccade de re-fixation, (une
fixation additionnelle à l'intérieur des mots), en fonction de la position initiale de fixation pour les
adultes sur la gauche, et pour les enfants sur la droite. Les différentes courbes correspondent à des
mots de différentes longueurs. On peut constater que lorsque les yeux fixent initialement le centre
du mot, la probabilité de re-fixation est beaucoup plus faible que lorsque les yeux fixent
initialement le tout début ou la fin du mot. Donc en fait lorsque la cible visée est loupée, c'est-àdire lorsque l'on n'arrive pas à atteindre le centre du mot, on va effectuer une petite saccade à
l'intérieur du mot pour probablement récupérer l'information visuelle non extraite lors de la
première fixation.
Pour résumer par rapport à nos questions, nous avons vu qu'il y a une variabilité du
comportement oculaire qui amène les yeux à sauter des mots, et à ne pas atterrir systématiquement
à la position optimale, qui est le centre du mot, pour le reconniûtre. Ces cas particuliers entraînent
des réponses. Des réajustements que l'on dit locaux et ces réajustements locaux sont plus
fréquents lors d'un saut de mot. Cela va entraîner des saccades régressives vers ce mol mais cela
de façon plus nette, beaucoup plus importante chez les enfants que chez les adultes. D'autre part
lorsque les yeux atterrissent dans un mot à une position non optimale pour le traitement du mot,
alors des re-fixations à l'intérieur du mot vont être initiées et celles-ci sont plus fréquentes chez les
enfants. Un second point important est que les réajustements locaux ne sont pas non plus des
réponses automatiques aux erreurs de visée, mais des réponses aux besoins de traitement visuel et
linguistique des mots rencontrés.
63
En conclusion, nous pensons qu'il t'aille écarter l'hypothèse de différence de contrôle oculomoteur. Nous ne voulons pas dire que les enfants et les adultes maîtrisent de la même façon
les mouvements des yeux, les saccades, mais les différences ne semblent pas avoir de
répercussions majeures, ni expliquer les différences majeures entre les enfants et les adultes en
ce qui concerne le comportement oculaire pendant la lecture. Notre hypothèse repose plus en
terme de traitement des mots, ce serait dans les cas oit le mot est difficile à traiter d'un point de
vue visuel ou d'un point de vue cognitif que les enfants différeraient.
Notamment on peut penser que les enfants diffèrent des adultes par la taille de leur
empan perceptif et leurs acquisitions langagières, et ce sont ces points là en particulier qui vont
entraîner des différences majeures dans l'exploration oculaire pendant la lecture. Ceci dit je ne
propose pas ainsi une réponse encore très claire, elle n'est que provisoire, de futures recherches
sont nécessaires, mais à défaut d'une réponse claire je voudrais simplement mettre en évidence le
fait qu'en présentant ces résultats j'ai peut-être illustré une nouvelle approche pour détecter
l'origine des déficiences de la lecture. Elle permettrait un premier tri pour les enfants qui souffrent
de ces troubles d'acquisition. : déterminer s'ils proviennent de problèmes oculo-moteurs, visuels
ou relevant du domaine cognitif.
64
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71
VISION ET
ÉTUDE
LECTURE
ÉPIDÉMIOLOGIQUE
Jean-Claude HACHE
Professeur d'ophtalmologie - C.H.U. Lille
11 s'agit d'une étude expérimentale effectuée dans l'Oise, commencée il y a plus d'une
décennie et à laquelle l'A.S.N.A.V. a beaucoup participé, en particulier Serge Boubée, puisqu'il a
été sûrement l'un de:; principaux artisans de ces travaux. En dehors de l'A.S.N.A.V., le Service de
Promotion de la Santé de l'Oise, l'Institut National de Recherche Pédagogique, Madame Rèmond,
l'Inspection Académique, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie, des Ophtalmologistes, des
Opticiens, des Orthoptistes, des Instituteurs, plus un certain nombre de bénévoles, en furent les
acteurs. L'expérimentation de Beauvais, expérimentation préalable, qui est l'évaluation de la
capacité de lecture a concerné 656 enfants de Cours Elémentaire 1ère année. L'expérimentation
proprement dite a concerné 632 enfants suivis en classe de grande section de maternelle, au Cours
Préparatoire et au cours Elémentaire de 1ère année. On a effectué chez ces enfants un contrôle
visuel très complet, mesure de l'acuité de chaque œil, vérification de la vision binoculaire et de la
stéréoscopie, vision des couleurs, recherche d'amétropies, (myopie, hypermétropie, astigmatisme) et
si nécessaire orientation vers un ophtalmologi.ste pour compléter cet examen visuel.
Il s'est agi d'une expérimentation rigoureuse. Tous les acteurs ont été formés aux tests
visuels mais également au test de lecture élaborés par l'I.N.R.P. (test disons de référence), qui
permet d'évaluer la qualité de lecture chez les enfants. Et enfin les enfants ont été suivis en ce sens
que dès qu'une anomalie a été dépistée, on s'est assuré d'une consultation, ce qui est le point
difficile. (Au passage j'ai été agréablement surpris par le chiffre donné par Madame Chirez
annonçant près de trois quarts d'enfants suivis).
La population suivie représente environ 700 enfants au départ de l'étude, et 632 à la fin en
CEI. Les statistiques concernant la correction mentionnent 25 % d'enfants corrigés, ceci pour la
population témoin, c'est à dire déjà un quart des enfants con-igés. 44 % des enfants sont corrigés
dans la population suivie. Ce pourcentage a été atteint en raison de la correction de toutes les
anomalies, y compris les plus faibles, c'est-à-dire: que l'on n'a pas hésité à corriger des
astigmatismes de 0,25 ou de 0,50. Les familles en difficulté ont été suivies et aidées par la Caisse
Primaire d'Assurance Maladie. Pour les tests de lecture standardisés, la population a été répartie
selon une courbe de Gauss : bon lecteur, lecteur moyen, mauvais lecteur. Cela correspond à peu
près à un ou deux écarlypes (la séparation à l'intérieur du premier écartype et du deuxième
écartype). Dans l'étude préalable en CE. 1 on constate que la répartition n'est pas la même entre les
enfants à vision normale et ceux ayant un défaut de vision. On retrouve plus de lecteurs moyens et
de mauvais lecteurs chez les enfants ayant un défaut de la vue. Cela, je pense, est très important car
souvent on attribue des problèmes de lecture à des problèmes d'apprentissage, mais très souvent
aussi, il s'agit de problèmes de vision, et cela même en priorité. Des enfants sont pris en charge dès
la grande section maternelle : tests visuels et correction totale des petits astigmatismes. 44% des
enfants ont reçu une correction optique dont 38 % une correction d'astigmatisme.
Le suivi des enfants en cours préparatoire et en CEI a donné lieu à une nouvelle correction
SI nécessaire. Les résultats aux tests de lecture en CEI ont permis de constater que les enfants ayant
une correction optique ont des capacités de lecture semblables à celle des enfants n'ayant pas de
défaut de vue. Il n'y a pas de différence statistique entre les deux populations. La répartition est la
72
même entre bon lecteur, moyen lecteur, mauvais lecteur dans les deux populations. Corriger les
défauts de réfraction même minimes s'avère utile lors de l'apprentissage de la lecture. Sans
revenir sur les défauts de la vue, il faut se souvenir que l'enfant myope voit mal de loin, bien de
près., l'enfant hypermétrope voit mal de près et mieux de loin et dans te cas l'astigmatisme, il est
doté d'une vision plus préci.se dans un axe que dans un autre. On a vu quand même aussi parmi les
cas étudiés des strabismes corrigés. Le début de l'étude avait montré que l'essentiel des problèmes
de lecture reposait sur un problème de convergence, c'est-à-dire de binocularité et non pas de biocularité. Parmi toutes les échelles on utilisera de préférence les nouvelles échelles dites EDTRF
conçues initialement pour la malvoyance.
J'ai voulu insister sur les problèmes de l'astigmatisme de l'enfant. Chez l'enfant
l'astigmatisme fort induit une amblyopie méridienne. On n'a pas parlé jusque là d'amblyopie
méridienne on n'a parlé que d'amblyopie que l'on qualifierait d'homogène ou sphérique. Pour le
démontrer, dans nos services on a étudié les potentiels évoqués visuels (P.E.V.) sur le cortex en
réponse à des stimulations constituées de barres verticales et horizontales. Et l'on voit sur les
recueils des différences significatives entre les enregistrements pour des barres horizontales et des
barres verticales. Donc il y a bien amblyopie fonctionnelle méridienne. Dans l'astigmatisme de
l'enfant, à cause de cette amblyopie méridienne partielle, même avec une correction optique
parfaite, il est souvent impossible d'obtenir une acuité normale lors de la première correction, d'où
la nécessité d'une correction précoce.
L'astigmatisme de l'enfant agit sur la stratégie de lecture. Comme dans l'amblyopie, le
trouble ne se limite pas à la baisse d'acuité. Par exemple l'enfant a parfois des difficultés à séparer
des lettres dans le mot. En conséquence il peut y avoir des difficultés dans les apprentissage, les
stratégies de lecture comme l'a montré Sabine Defoort Dhellcmmes. Pour mon étude, j'ai utilisé
pour enregistrer le photooculomètre qui est un appareil de mesure de la stratégie du regard, fabriqué
par la société Métro vision, société Lilloise également. Retenez quand même que la lecture peut être
apparentée à la marche au pas oij le pas est régulier, et si on bute sur un trottoir, d'un seul coup on
reprend le pouvoir sur l'automatisme du mouvement, on régres.se, on essaye de se rattraper, et l'on
voit bien cela sur ces images.
L'astigmatisme intervient sur la lecture, en particulier lorsqu'il est vertical il donne une
image moins bonne des horizontales que des verticales. Il y a des lettres qui ne sont pas reconnues
lorsque l'on est astigmate, l'apprentissage de la lecture ne se fait pas de la même manière avec cette
difficulté à percevoir certaines lettres. On peut corriger l'astigmatisme complètement d'emblée, car
le système postural de l'enfant s'adapte très vite. Cependant il faut se méfier des chutes des premiers
jours, car il est évident que l'on change l'espace visuel de l'enfant lorsqu'on coiTige son
astigmatisme. (Demandez aux parents de ne pas choisir des montures avec des verres ronds qui
peuvent tourner).
En conclusion, devant les troubles de vision des enfants, prescrire une correction optique est
indispensable pour que la vision se développe et que les performances scolaires soient optimales.
Tous les acteurs doivent être sensibilisés. L'Education Nationale et les enseignants le sont. De plus ,
l'A.S.N.A.V. a mis au point à leur intention un programme de formation Ce qui est à retenir, c'est
que dans la première étude on pensait que la vision binoculaire était essentielle - et elle le reste pour
l'apprentissage de la lecture - mais ce que j'ai voulu démontrer c'est que la correction de
l'astigmatisme est essentielle à l'apprentissage de la lecture.
73
VISION ET
LECTURE
EN SEINE SAINT DENIS
Docteur Maggy LEROY-HIEST
Conseillère Technique de l'Inspecteur d'Académie
Docteur Elisabeth RIOU
Médecin Scolaire
Seine-Saint-Denis
Dans le département de Seine-Saint-Denis, le Service médical de Promotion de la Santé en
Faveur des Elèves (S.P.S.F.E.) s'est attaché à réaliser depuis très longtemps le plus grand nombre
possible de bilans de santé pour les enfants de six ans, soit en grande section maternelle, soit en
cours préparatoire, notamment pour dépister les problèmes générateurs de difficultés
d'apprentissage et d'intégration. Et donc le dépistage visuel y trouve naturellement sa place. Mais
les retours d'avis, en particulier ceux remis aux familles pour une consultation à l'attention du
médecin traitant ou de l'ophtalmologiste, étaient en nombre très insuffisant, autour de quinze à
vingt pour cent seulement. Certaines familles n'ont pas vraiment pris conscience de l'importance
d une consultation précoce pour permettre à leur enfant de commencer l'apprentissage de la lecture
dans les meilleures conditions possibles. Et le Ministère de l'Education ayant demandé (ainsi que
l'Inspecteur d'Académie) aux médecins, aux infirmières, aux secrétaires du Service de travailler
différemment dans les secteurs particulièrement difficiles, en zones d'éducation prioritaire
(Z.E.P.), nous avons mis en place un travail de suivi pour motiver les parents.
Les enseignants ont rappelé à ceux-ci l'importance de la consultation demandée par le
médecin ou l'infirmière. Mais nous avons travaillé avec tous nos partenaires locaux, la P.M.I., le
Centre de Santé, les médecins traitants ; les spécialistes, tous ont été informés de notre projet et
progressivement nous sommes pas.sés de quinze/vingt pour cent de retour d'avis à plus de
cinquante pour cent. Mais ceci nous paraît très insuffisant encore. Nous aurions aimé avoir avoir
les mêmes résultats que le département de l'Oise, à savoir avec un accompagnant de santé. Nous
ne l'avons pas encore obtenu mais nous ne décrochons pas, je pense que nous l'aurons un jour. En
fait nous avons continué à travailler avec la sensibilisation des familles, celle de nos partenaires et
pour ce qui est du dépistage visuel nous augmentons d'année en année nos retours d'avis. Et nous
avons souhaité aller encore plus loin dans l'aide apportée aux enfants pour une réussite scolaire.
Voici, dans les secteurs les plus défavorisés, la façon dont nous agissons.
En ce qui concerne les détections précoces des difficultés, et plus particulièrement des
élèves présentant des difficultés spécifiques, huit équipes de médecins et d'infirmières dans le
département de Seine-Saint-Denis ont commencé à réaliser un bilan approfondi de santé et
d'évaluation du développement en grande section de maternelle. Celui-ci permet de repérer les
enfants qui ont des troubles spécifiques des apprentissages ou qui risquent de rencontrer des
difficultés lors de l'apprentissage de la lecture. Cette évaluation du langage et du traitement de
l'information visuelle et sonore permet ensuite à l'équipe enseignante de proposer aux enfants un
travail spécifique adapté aux types de difficultés constatées. Elle n'exclut pas les prises en charge
par les réseaux d'aides au .sein de l'école ou à l'extérieur, mais elle permet de mieux les orienter.
En 2000-2001, 280 enfants ont pu bénéficier de ce bilan un peu particulier et approfondi. En ce
qui concerne le traitement de l'information visuelle et selon le protocole élaboré par l'équipe du
74
laboratoire "Cognisciences Connaissance et apprentissage" de Grenoble nous avons entre autres
exploré l'acuité visuelle, la neuromotricité visuelle et le traitement de l'information visuelle.
PROTOCOLE DE RECHERCHE
Pour les tests de vision nous avons utilisé le matériel que l'A.S.N.A.V. nous offre lors des
séances de formation dans notre Service. Donc en ce qui concerne la recherche des troubles de la
réfraction, pour l'exploration de i'acuité visuelle de loin elle se fait à l'aide de l'échelle de
SNELLEN à cinq mètres et on considère que l'acuité est normale s'il y a lecture de quatre lettres
au moins sur la ligne des huit dixièmes. On recherche aussi l'hypermétropie toujours avec
l'échelle de SNELLEN avec un verre de + 2 dioptries, et l'hypermétropie est suspectée s'il y a
lecture de quatre lettres au moins sur la ligne des huit dixièmes. Nous n'avons pas encore de tesi
de Lang 2. On nous a parlé de ses limites donc nous ne pouvons pas rechercher un trouble de la
vision binoculaire, ce qui est tout à fait dommage. Nous explorons aussi la capacité de
convergence à l'aide d'un crayon placé à quarante centimètres que l'on rapproche progressivement
de la racine du nez. On considère qu'il y a un trouble si la convergence des yeux cesse avant douze
centimètres. Le dépistage de l'hétérophorie s'opère de la même façon avec un petit objet qui
attire l'attention de l'enfant (sujet au bout d'un crayon) que l'enfant fixe de façon continue, en
cachant alternativement un oeil puis l'autre. On recherche donc une déviation des axes visuels.
Pour la capacité de poursuite, on trace un huit couché à quarante centimètres de la racine du nez
de l'enfant et en faisant ce huit de façon lente, on explore la capacité des mouvements oculaires de
l'enfant dans le cadre de la poursuite. On tient compte bien sûr de sa capacité d'attention et on
refait parfois le test s'il semble un petit peu compliqué. La vision des couleurs utilise le test
d'ishihara, en notant le chemin que l'enfant trace avec le doigt.
RESULTATS
En grande section de maternelle dans notre département les statistiques globales de l'année
2000-2001 montraient que 23 % des enfants avaient un trouble visuel suspecté ou déjà connu et
que chez ces enfants 26 % portaient déjà des lunettes.
Sur l'échantillon dont je parle, (280 enfants) qui n'est pas représentatif des enfants de six
ans, dans notre département on a retrouvé 34 % de suspicion ou de connaissance de déficits
visuels, chiffres qui sont tout de même supérieurs à ceux de la population globale. On retrouvait :
- 5 % de déficits visuels connus,
- 26 % de suspicion d'un déficit visuel de loin,
- 3 % de suspicion d'un déficit visuel de près.
Pour faire corriger le plus rapidement possible des troubles de la vision non encore connus les
parents repartent bien sûr à l'issue du bilan avec un avis pour consultation chez un ophtalmologiste.
Nous nous sommes aperçues que lorsque nous adressons ces enfant en ophtalmologie avec les
critères de notre dépistage, en particulier ceux de la recherche de l'hypermétropie, les réponses des
spécialistes sont plus précises. Malgré tout nous constatons que beaucoup d'ophtalmologistes ne
souhaitent pas corriger une faible hypermétropie, ou que les familles repartant sans prescription de
correction mais avec un avis de consultation ultérieure à six mois n'en comprennent pas toujours la
nécessité, et souvent ne reconsultent pas comme il est souhaité.
Dans notre échantillon nous avons trouvé :
- 1,4 % de troubles de la convergence,
- moins de 1 % d'hétérophor.e,
- par contre 6 % d'asynchronisme,
- 2,5 % des entants avaient un trouble de la vision des couleurs.
75
Tous ces troubles étaient bien sûr signalés sur l'avis de consultation mais ils n'ont pas
donné lieu à des réponses précises autres que myopies, hypermétropies, astigmatisme confirmé ou
non.
L ' A S P E C T COGNITIF
du traitement de l'information visuelle est exploré à l'aide de trois tests :
> L'épreuve des cloches, c'est-à-dire que, sur une feuille où il y a une multitude de petits
dessins divers, l'enfant doit cocher dans un temps donné (à savoir une minute) un maximum
de cloches, celles qu'il reconnaît sur la feuille.
> La deuxième épreuve, reconnaissance des lettres et discrimination des espaces inter lettres,
c'est-à-dire que par analogie visuelle l'enfant doit retrouver dans un encadré et dans l'ordre des
séquences de lettres. Là aussi l'épreuve est chronométrée en temps.
> Et enfin le troisième test c'est la reproduction de figures, l'enfant doit reproduire six formes
simples de complexité croissante à l'identique en dessous du modèle.
L'interprétation se fait sur une grille d'évaluation par tranche d'ûge de cinquante neuf à
soixante et onze mois, avec trois tranches d'âges. Les enfants qui ont des scores inférieurs à un
écartype en traitement de l'information visuelle risquent de rencontrer des difficultés dans
l'apprentissage de la lecture. Donc lorsque leur score global en discrimination visuelle est faible
les enfants sont proposés pour des groupes d'entraînement visuel, cela a représenté 18 % des
enfants de notre échantillon. Les enseignants, par petits groupes chaque jour ou tous les deux
jours, pendant une courte séquence de 5 à 10 minutes, à l'aide d'une mallette pédagogique font
travailler les enfants dans le domaine de l'attention visuelle. Les exercices sont progressifs et ils
permettent de développer les capacités d'attention, de poursuite et de discrimination visuelles. Ils
favorisent la coordination œil-main, ils développent la capacité de reconnaissance des mots en
développant la capacité de recherche et de traitement de l'information.
En ce qui concerne le traitement de l'information visuelle on a trouvé des résultats faibles
chez :
- 19,5 % d'enfants à l'épreuve des cloches,
- 29 % à la discrimination d'espaces inter lettres
- 30 % à la reproduction de figures.
Mais cet échantillon n'est encore pas là représentatif de tous les enfants de six ans. Il ne
s'agit pas toujours d'enfants qui ont un trouble de la vision, et ces résultats ne dépendent pas
exclusivement d'une mauvaise neuromotricité visuelle mais il méritent d'être pris en compte pour
l'aide aux apprentissages. Faute de disposer de matériel nécessaire pour toutes les écoles, à la suite
de ce bilan les enfants n'ont pas forcément tous bénéficié de cette remédiation de la part de
l'enseignant. Parallèlement un travail similaire concernant le traitement de l'information
auditive et de la conscience phonologique a été réalisé et intégré aussi à notre bilan. Sur notre
département, les résultats ne pourront se mesurer qu'à l'issue des évaluations de CEI mais c'est un
travail déjà fait en particulier sur la région de Grenoble où les résultats sont tout à fait intéressants
en matière d'apprentissage de la lecture et de résultats améliorés aux tests de CE2.
77
QUESTIONS - REPONSES
Médecin Scolaire dans les Hauts de Seine.
On nous a dit que le plus intéressant à dépister était l'astigmatisme, et en santé scolaire on ne le
dépiste pas.
Madame RIOU
Pour nous l'essentiel du problème est de ne pas avoir eu la possibilité de dépister l'a.stigmatisme de
façon assez précise. On envoie les enfants en consultation quand on a le sentiment qu'ils voient flou.
Est-ce dû au matériel de dépistage ? et il est vrai que l'on vient de voir toute l'importance de ce
dépistage. On espère pouvoir progresser en ce sens. Cependant dans le protocole que l'on a suivi
cela n'en faisait pas partie. On a respecté le protocole qui nous a été conseillé.
Monsieur Lenne
Je ne peux pas répondre à la place de Monsieur HACHE mais il me semble qu'il faut bien faire la
différence entre dépistage et diagnostic. Dépister un astigmatisme n'est pas très simple. En revanche
le diagnostiquer c'est quelque chose de possible. Donc l'étude de Jean-Claude HACHE était de
montrer la réalité des problèmes visuels, l'importance de l'astigmatisme, mais l'ophtalmologiste doit
faire un diagnostic. Avec un astigmatisme important, un enfant n'a pas huit dixièmes d'acuité
visuelle, on n'a en général que trois à quatre dixièmes.
l'ai une question pour Madame Vitu Thibault concernant la variabilité d'atterrissage du regard dans
le mot. Selon sa proposition, c'est l'hypothèse oculomotrice qui doit être écartée. 11 peut très bien
exister une immaturité de la vergence oculomotrice, qui contribue à la variabilité de l'atterrissage du
regard dans le mot. Y-a-t- il des écrits où l'on a pris en compte les deux yeux pour savoir si
vraiment il n'y a pas que la vergence large et si c'est pour cela que l'enfant ne vise pas
systématiquement le centre du mot. La deuxième question s'adresse à l'équipe du Professeur
HACHE concernant justement l'effet de l'absence de relation entre la binocularité et le problème de
la lecture. S'agit-il d'un message clair, il n'y a pas de relation, ou bien à l'intérieur de ce groupe à
problèmes binoculaires, y-a-t-il aussi astigmatisme ?
Madame Vitu-Thibault
Pour répondre à la première question, il n'y a pas véritablement d'études réalisées sur la lecture où
on enregistre les deux yeux en même temps, on n'a pas vraiment d'informations pour répondre à
cette question mais ma proposition n'est pas d'écarter toute hypothèse oculomotrice pour expliquer
les différences entre les enfants et les adultes pendant la lecture. Je pense que les différences
majeures observées en terme d'amplitude de mouvement effectué, entre les enfants et les adultes ne
peuvent pas être majoritairement expliquées par des différences en terme de précision des sécables.
Maintenant cela reste à vérifier dans des protocoles plus rigoureux, et je pense que cela a déjà été
fait pour les enfants. Ils ont une précision moins grande que les adultes. Mais d'après nos résultats, il
ne semble pas que cette précision soit responsable des différences observées au plan du
comportement oculaire pendant la lecture. Maintenant il est possible qu'il y ait des différences
importantes entre enfants et adultes au plan du contrôle de la vergence, qui entraînent des difficultés
de lecture de la part des enfants. Ce n'est pas du tout impossible.
Monsieur Lenne
Pour la seconde partie de la question tout ce que j'ai essayé de dire est que dans un premier temps
on avait attribué les problèmes de l'apprentissage de la lecture à un certain nombre de défauts
corrigés, et on pensait qu'il ne restait que la vision binoculaire. Et en analysant plus loin l'étude de
Jean-Claude HACHE il a montré qu'il n'y avait pas que la vision binoculaire, il y avait
l'astigmatisme et probablement l'astigmatisme jouait un rôle plus important que la vision binoculaire
dans l'apprentissage. Je ne parle pas de la lecture, je parle bien d'apprentissage. Donc retenez que
78
des deux problèmes je ne sais lequel est le plus important, mais très souvent il peut y avoir une
liaison entre les deux. C'est donc astigmatisme et/ou vision binoculaire.
Participant, dans le Lot.
La très intéressante communication de Françoise Vitu-Thibault sur la différence de stratégie de
lecture entre l'enfant et l'adulte amène aussi à s'intéresser à la différence de lecture entre l'enfant
normal et le dyslexique. Il est vrai que l'on déborde du cadre de la seule vision mais c'est le moment
d'attirer l'intérêt sur la place de l'ophtalmologiste dans le dépistage des enfants dyslexiques puisque
l'on a la chance à l'occasion des lectures de Parinaud, à condition d'y être attentifs et de laisser lire
l'enfant assez longtemps, de mettre le doigt sur de nombreuses dyslexies. Et cela mène donc à faire
la différence entre ce que l'on appelle la lecture globale où justement l'enfant va chercher d'emblée
le centre du mot, (donc il a une capacité de lecture globale) et la lecture syilabique. Or l'enfant
dyslexique ajustement comme seul canal de lecture la lecture syilabique qui l'oblige à décomposer
le mot en plusieurs syllabes, et ensuite à le reconstruire. Par ailleurs, la différence que l'on voit entre
enfant et adulte est aussi la différence d'expérience, de connaissance et de vocabulaire, puisque
l'enfant qui n'a pas un vocabulaire important peut très vite reconnaître de façon globale un mot,
alors que ceu.x qui doivent déchiffrer, décomposer chaque mot, doivent forcément avoir une
stratégie différente qui ne sera peut-être pas celle du milieu du mot.
Réponse
Comme vous l'avez noté il y a plusieurs origines évoquées pour la dyslexie, différents types de
dyslexies donc on ne peut pas trouver une cause unique à la dyslexie. Il existe des études qui
semblent montrer que des dyslexies sont liées à des problèmes oculomoteurs, et d'autres dyslexies
davantage liées à des problèmes d'attention visuelle, et au traitement des informations langagières.
Ce qui est à regretter quand on s'intéres.se au mouvement oculaire chez les dyslexiques pendant la
lecture en comparaison avec les sujets adultes "normaux" c'est que toutes les études faites sur la
dyslexie analysent quelle est l'amplitude du mouvement effectué, quelles sont les durées de fixation,
sans mettre en rapport les mouvements effectués avec les mots qui sont présentés, avec les patterns
visuels dans un texte. Et si ce genre d'analyse qui est celui que l'on a fait pour les enfants me paraît
un peu plus prometteur, il n'est pas suffisant, il a besoin d'être complété par des études purement
visuelles, purement oculomotrices ou plutôt linguistiques mais c'est une approche intéressante pour
la dyslexie. Les ophtalmologistes dépistent des dyslexiques, mais dans l'expertise INSERM on a vu
que beaucoup d'orthophonistes dépistaient des problèmes de la vue. Je crois que c'est une profession
à ne pas négliger dans le dépistage des problèmes de la vue.
Intervenant de la salle
Je pen.se qu'il serait quand même intéressant en ce qui concerne la lecture de faire des tests les deux
yeux ouverts. Parce que les enfants strabiques ont des perturbations en situation binoculaire qu'ils
n'ont pas en monoculaire. Là il y aurait un travail important à faire avec la lecture, d'abord tout le
monde lit les deux yeux ouverts, on ne lit pas avec un seul œil, sauf si on est monophtalme bien
entendu. Il .serait intéressant de prévoir une étude entre une population d'enfants jugés normaux du
point de vue oculomoteur, et des enfants présentant des perturbations oculomotrices à type de
strabismes divergents notamment. D'autre part on n'a pas du tout parlé des méthodes de lecture au
cours des années, qui ont été complètement changées, revues, revisitées, rechangées, et qui ont eu
très probablement une inllucnce (pénalisante) en ce qui concerne l'apprentissage de la lecture.
79
AMBLYOPIE ET STRABISME
TRAITEMENT
Jean-Bernard WEISS
Professeur d'Ophtalmologie - Paris
Ce vaste sujet ne peut pas être traité correctement en quelques pages. Donc je survolerai.
AMBLYOPIE LIEE AU STRABISME
En premier lieu évoquons le traitement de l'amblyopie liée au strabisme.
La première règle générale de traitement, c'est éliminer l'œil sain pour forcer l'œil
amblyope à travailler. C'est absolument élémentaire, cela tombe sous le bon sens et c'est fait
depuis plusieurs siècles. Mais tout va dépendre de la profondeur de l'amblyopie. Toute une
gamme de traitements correspondent à la profondeur de l'amblyopie. En fait plus une amblyopie
est légère et traitée précocement plus les moyens seront légers, et plus une amblyopie sera forte et
plus il faudra appliquer un traitement efficace et fort. On dispose d'une liste qui va des secteurs,
des pénalisations au traitement le plus fort, l'occlusion totale.
La seconde règle, c'est que les traitements dits spécifiques sont totalement inefficaces et
depuis quarante ans l'on en évoque un certain nombre, le traitement par l'épiscopie, le traitement
par périoptophore, le C.A.M. et maintenant le Flicker, tous ces traitements dits spécifiques sont
inefficaces. Et les statistiques publiées par leurs promoteurs sont toutes fausses, faussées
sciemment ou incon.sciemment, c'est formel, et c'est assez triste.
La troisième règle est que l'efficacité des traitements dépend de leur précocité. D'où
l'importance d'un dépistage systématique, et précoce. La première conclusion en est que le
meilleur traitement de l'amblyopie c'est le traitement préventif, mis en oeuvre par un dépistage
précoce. Cela est absolument évident et mis en application dans certains pays. C'est un effort de
santé au niveau de la nation que l'on doit faire.. La deuxième conclusion est qu'en cas d'amblyopie
dépistée tardivement l'occlusion permanente s'avère le traitement le plus efficace et là je voudrais
insister auprès des pédagogues. L'occlusion permanente chez un enfant scolarisé semble poser
problème. En fait il n'y en a pas si le traitement est respecté par l'enfant et la famille bien entendu
mais aussi par l'enseignant. Car un enfant qui a un ou deux dixièmes peut suivre des cours
normalement si son cas est admis et compris par l'enseignant. Dans les cas d'amblyopie traitée
par occlusion permanente il faut une coopération entre l'ophtalmologiste et l'enseignant.
CONSEILS TECHNIQUES D'EXAMEN
Pour les pédiatres, s'agissant de l'enfant de six mois, comment dépister 1' amblyopie ?
Il y a une technique très simple. On laisse l'enfant dans son couffin, il est chez lui dans sa
maison, il est dans sa petite coquille, il est calme. On .se place de chaque côté du couffin en
plaçant soigneusement la mère derrière le haut du couffin (car si la mère est visible par l'enfant les
manœuvres très simples deviendront difficiles). Donc on cache la mère,. On pose sur le nez du
bébé des petites lunettes à secteur, et on .se déplace à gauche et à droite du couffin, et s'il n'y a pas
d'amblyopie, l'enfant regarde avec l'œil droit à droite et avec l'œil gauche à gauche. S'il y a
80
amblyopie il va chercher à tourner la tête, et il ne peut pas car il repose sur le dos comme une
tortue que l'on a renversée, il ne peut bouger. C'est un examen qui se fait sans cris et sans pleurs et
qui prend deux minutes. Vous pouvez faire également le même examen avec l'enfant dans sa
poussette, qui est un peu plus âgé, avec des lunettes qui cachent un œil puis l'autre.
Autre point de techniques, la mesure de l'acuité visuelle entre deux ans et trois ans.
Elle n'est pas facile. Car on se heurte à deux écueils, l'inattention de l'enfant et la
mémorisation des échelles. Et là se démontre la supériorité des échelles en présentation séparée.
Premièrement s'il y a trop de signes, quand l'enfant est jeune il faut lui montrer. Il ne faut
pas tourner le dos à l'enfant pour lui montrer les figures, il faut toujours contrôler l'enfant, et le
fixer. Lorsque l'on fait une mesure d'acuité chez un très jeune enfant, il risque de disperser son
attention et la supériorité des échelles en présentation séparée n'est pas nette dans ce cas. Avec les
échelles en présentation séparée de Rossano on montre des images de différentes tailles, de
différentes espèces, on les mélange, il n'y a pas de problème de mémorisation. Elles offrent la
possibilité d'examiner des enfants dès l'âge de deux ans. Le plus jeune dont j'ai pu mesurer l'acuité
visuelle est une fillette exceptionnelle, elle avait dix-sept mois. A deux ans j'ai probablement
cinquante pour cent de succès, c'est-à-dire de mesure efficace de l'acuité visuelle mais je regarde
toujours l'enfant quand je présente une seule image. Toujours en présentation séparée, on ne doit
pas présenter un grand tableau (sauf bien entendu si l'enfant est âgé) à un enfant jeune. On ne peut
pas lui dire de lire la troisième ligne, le troisième signe de la quatrième ligne...
Pour un tout petit bébé on peut arriver à mesurer l'acuité visuelle (je ne dirai pas à mesurer
l'acuité visuelle de près car les distances ne sont jamais respectées) mais à évaluer l'acuité visuelle
d'un très jeune enfant avec les images, les échelles de Hazemann-Rossignol. Dans chaque tranche
il n'y a que quatre images et on demande à l'enfant de caresser l'image (c'est le terme qu'il faut
employer), il caresse le chat, il caresse la voiture et vous obtenez la réponse.
Quels sont les préjudices induits par un strabisme chez l'enfant ?
Le premier trouble fonctionnel c'est l'amblyopie qui survient dans près de cinquante pour
cent des cas. Et ensuite le deuxième trouble fonctionnel est la perte de la vision binoculaire.
Alors est-ce que la perte de la vision binoculaire est importante ? Les ophtalmologistes, les
chirurgiens ophtalmologistes et les orthoptistes, en règle, n'ont pas d'examens pour contrôler la
vision binoculaire. Il n'y a que les pilotes d'avions, les chauffeurs de poids lourds dont l'acuité
stéréoscopique est contrôlée. Ce n'est donc pas catastrophique. Par contre l'amblyopie est
catastrophique. Un autre préjudice est un préjudice esthétique, avec secondairement des troubles
psychologiques liés à la non acceptation de cette tare qui est entrée dans le langage('car ....louche,
c'est louche, le borgne...) C'est que la langue française est aussi axée sur la pathologie du regard.
LES TRAITEMENTS
Il y a quatre traitements, (il y en a probablement plus), enfin les quatre principaux sont :
• attendre et ne rien faire,
• le traitement optique,
• le traitement orlhoptique et
• le traitement chirurgical.
Alors l'attente ? Que peut-on attendre de l'attente '? Plus de cinquante pour cent des strabismes
disparaissent à la puberté. C'était valable dans le temps, les chiffres sont probablement les mêmes
maintenant mais comme il existe un dommage esthétique au plan de l'école à l'époque scolaire, on
s'intéresse essentiellement aux retentissements psychologiques sur les enfants et je dois dire sur
les parents. C'est très important, donc l'attente n'est plus un traitement accepté de nos jours.
Le deuxième traitement c'est le traitement optique. C'est-à-dire essayer de soigner les
strabismes par des lunettes. C'est très efficace et le traitement est d'autant plus efficace qu'il est
précoce. Mais dans certains cas cela peut être inopérant. Et quand un strabisme se déclare
subitement chez un enfant de trois ans, il faut consulter un ophtalmologiste dans les jours suivants,
à mon avis.
Le traitement orthoptique peut être efficace - il ne faut pas se faire d'illusion - mais dans un
nombre très limite de cas. Il est inapplicable chez les très jeunes enfants, et je voudrais souligner
le rôle primordial des orthoptistes dans la surveillance et le traitement de l'amblyopie.
Et demeure en pratique le traitement chirurgical. En raison des progrès de l'anesthésie générale
on a évolué vers une chirurgie précoce à l'âge de six mois, ou moins. On accepte parfaitement
qu'il y ait des interventions répétées, l'essentiel étant de préserver l'esthétismc à l'âge scolaire.
C'est la tendance actuelle qui s'est développée dans un premier temps aux Etats-Unis, mais qui
s'est véritablement imposée en France.
83
EQUIPEMENT
STANDARD
MONTURES
Nathalie AID AN
Aline GAMSRANI
Opticiennes - Paris
Nous suivons attentivement l'évolution de l'enfant, sur le plan physique et psychologique. Il est
clair qu'avec la croissance, son visage va se modifier mais, en grandissant, ses goijts et ses envies vont
également changer, 11 nous faut donc considérer l'aspect technique sans pour autant négliger l'aspect
esthétique car n'oublions pas qu'un enfant qui n'aime pas ses lunettes ne les portera pas.
Le choix des montures se fait sur plusieurs critères ;
- la morphologie de l'enfant
-la correction
-les traitements
LA MORPHOLOGIE DE L'ENEANT
Il faut prendre en compte la :
• Base du nez
• Largeur des tempes
• Hauteur des pommettes
La monture doit avoir son pont et ses branches fiositionnés au milieu de la face, pour qu'elle soit
placée bien haut sur le nez de l'enfant ceci pour éviter qu'il ne regarde au-dessus de ses lunettes. Vivant
dans un monde d'adultes, il a tendance à regarder souvent vers le haut.
De même, lu longueur des branches doit être vérifiée car des branches trop longues projettent la
monture vers l'avant. Le dos du bébé étant constamment appuyé sur son siège, elles ne doivent pas le
serrer aux tempes, ni s'appuyer sur ses pommettes. Une monture avec décrocher est préférable pour un
bébé ayant des tempes larges et un petit écart pupillaire.
Il existe des montures ayant six choix de nez en silicone différents, cela nous permet d'adapter au
mieux la monture au nez du bébé tout en conservant un équipement standard. Les ophtalmologistes
pédiatres qui nous adressent des bébés attendent de nous rigueur et précision car du bon positionnement
de la lunette va dépendre l'efficacité du traitement.
Les montures en métal ne sont pas conseillées pour les toul petits car les plaquettes s'appuient trop
près des canthus (coin des yeux) et ceci pour des problèmes de sécurité.
84
LA CORRECTION
La connaissance de la correction est indispensable au choix de la monture. Un myope faible ne pose
aucun problème, toute monture, petite ou grande, métal ou plastique, peut lui convenir. Un myope faible
ou fort a toujours besoin de ses lunettes.
Nous dirigerons un fort myope vers des montures ayant des verres de petit diamètre afin qu'ils soient
plus minces et plus légers tout en conservant un bon champ visuel (leurs verres négatifs agrandissent le
champ de vision).
En revanche, nous conseillerons une monture haute, stable et bien plaquée au visage pour le faible
hypermétrope qui a tendance à tricher, c'est à dire à regarder au-dessus de ses lunettes. En effet, il ne
ressent pas vraiment le besoin de corriger sa vue, contrairement au myope.
De même, il faut se méfier des anisomélropes. Les deux yeux n'ayant pas la même correction, les
enfants ont tendance à utiliser l'œil qui voit le mieux en regardant au-dessus de la monture. La monture
doit être bien ajustée et ne doit pas tomber sur !e bout du nez.
Nous choisirons une monture avec des verres assez grands pour le fort hypermétrope (les verres
positifs rétrécissent le champ de vision).
LES TRAlTEMENTS_(secteurs, opticlude-occlusion, press on)
Nous devons toujours chercher à savoir si l'enfant doit suivre des traitements particuliers car nous
conseillerons la monture en fonction de ces traitements.
Il faut, par exemple, éviter une monture en métal pour une mise en place de secteurs car même bien
adaptée, bien haute et bien plaquée au visage, elle reste un mauvais choix. En effet, les enfants, en jouant,
écrasent souvent les plaquettes, et la hauteur de la monture se modifie.
Les secteurs sont positionnés au millimètre près sur les verres, c'est pourquoi un mauvais choix de
monture peut rendre le traitement inefficace. Cependant, adaptée d'un pont rigide,, une monture métal peut
aussi bien convenir.
Nous dirigerons les enfants qui ont besoin d'une occlusion, (c'est à dire cacher un des deux yeux avec
un opticlude) vers une monture en plastique, car l'opticlude va empêcher la plaquette de .se po.scr
correctement sur le nez de l'enfant.
L'occlusion est déjà très pénible pour l'enfant et ses parents, il est inutile de leur ajouter des difficultés
supplémentaires.
85
L E CHOIX DES MARQUES
Très tôl, l'enfant veut choisir ses lunettes, il a déjà une idée précise de la couleur et de la forme. 11
faut donc faire preuve de psychologie auprès de l'enfant mais aussi auprès des parents, souvent ébranlés
par le besoin du port de lunettes de leurs enfants.
Si certains ont bien conscience de la nécessité de corriger leurs enfants, d'autres ont beaucoup de
mal à en accepter l'idée, n'osant souvent pas demander à leur ophtalmologiste la signification exacte du
défaut visuel de leur enfant. Ils viennent chez l'opticien un peu perdus et remplis d'interrogations. Il nous
revient donc la lourde tâche de leur expliquer au mieux l'intérêt du port de lunettes.
Nous disposons aujourd'hui d'un choix immense de montures enfants, les marques rivalisant
d'ingéniosité et de technologie pour créer une diversité de formes, de ponts, de branches pour nous
permettre d'adapter au mieux une monture standard au visage de l'enfant ou du bébé. Nous pouvons donc
facilement concilier la technique et l'esthétique à la volonté des parents et des enfants.
11 faut cependant demeurer vigilant, la reproduction miniature d'une monture adulte n'est souvent pas
le bon choix comme nous l'avons indiqué précédemment.
LES LUNETI'ES DE SOLEIL
Les adultes manifestent leur besoin de lunettes de soleil spontanément alors qu'un enfant ne saura
pas l'exprimer. Nous pensions, il y a encore quelques années, qu'une casquette suffisait à protéger les
yeux de nos enfants. Nous ne le pensons plus vraiment aujourd'hui.
Il nous paraît plus judicieux de protéger les yeux des petits par des verres teinté.,, correcteurs ou non,
ceci afin de les protéger plus efficacement contre les rayons du soleil. La publicité porte sur les solaires
adultes, jamais sur les solaires enfants. Il nous revient donc de prévenir les parents : "n'oublie/, pas les
yeux de vos enfants". Le coût d'une solaire enfant réellement protectrice varie de 15 à 25 euros. Il serait
dommage de ne pas les équiper.
L E COUT / BUDGET
Il faut rassurer les parents lors des dépistages. Tous les enfants, jusqu'à l'âge de 18 ans, peuvent
avoir des lunettes correctrices, quel que soit leur budget. Il existe des forfaits correspondant au
remboursement par la Sécurité Sociale. Pour ceux disposant de budgets plus importants, un confort
supplémentaire pourra être apporté (choix des verres, de la moulure) le prix d'un équipement moyen
tournant autour de 140 à 160 euros.
La plupart des opticiens mettent en place le tiers payant et les prises en charge par les Mutuelles.
Les parents dans leur grande majorité n'auront plus à avancer le financemenl des lunettes. Alors les
parents n'ont pas à hésiter, ils doivent consulter, faire vérifier la vue de leurs enfants et les munir des
corrections prescrites.
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CONCLUSION
Nous assistons, depuis plusieurs années, à une évolution de l'équipement visuel de l'enfant et du
nourrisson. Les ophtalmologistes ont fait des progrès immenses dans le dépistage précoce du défaut
visuel dès le plus jeune âge. Les instituteurs sont eux aussi très sensibles au comportement des enfants et
repèrent rapidement une gêne visuelle. Les médecins de P.M.L et les équipes de médecine scolaire
dépistent régulièrement les défauts visuels. Les fabricants de montures pour enfants ont su être à l'écoute
des ophtalmologistes et des opticiens spécialisés. Ils ont créé de larges gammes de montures qui
répondent aux attentes des enfants, des parents et surtout aux exigences médicales.
EQUIPEMENTS
STANDARDS
VERRES
Annie RODRIGUEZ
Directeur de relations médicales
CRÉTEIL
Contrairement aux propos de l'article précédent, rappelant que la lunette d'enfants
n'était surtout pas la reproduction miniature de la lunette d'adulte, nous dirons que les verres
d'enfants sont les reproductions en miniatures des verres d'adulte. Et la qualité optique de
ces verres est rigoureusement la même.
Cependant un verre correctif d'enfant doit reproduire des technicités telles que à ce
moment là on pourra le qualifier d'idéal. Alors à l'heure actuelle deux verres sont
disponibles pour équiper ces enfants, un verre organique traditionnel, et un verre en
polycarbonate et il faut vous présenter les caractéristiques et les avantages de l'un par
rapport à l'autre.
PRINCIPALES DIFFÉRENCES
Voyons d'abord la résistance aux ciiocs. Lorsqu'on équipe un mannequin avec un
verre organique traditionnel et un mannequin avec un verre en polycarbonate, si on envoie
sur cette lunette une bille d'acier avec un impact relativement important, ce qui n'arrive pas
tous les jours, le verre organique ne va pas résister au choc, alors que le verre en
polycarbonate va l'amortir et la bille va pouvoir rebondir. On peut donc considérer que le
verre en polycarbonate est doublement plus résistant que le verre organique. Le
polycarbonate est un matériau bien connu, qui équipe les visières des casques de moto, et les
cockpits d'avion. C'est un matériau que l'on utilise aussi dans le cadre des équipements
optiques dans le domaine de l'industrie, car très résistant. Bien évidemment dans la vie
quotidienne et dans les cours de récréation on ne reçoit pas de bille d'acier, mais un gamin
qui tombe de sa trottinette ou de son vélo peut quelquefois subir un choc aussi important.
En matière de protection contre les rayons Ultra Violets on sait que l'œil des enfants
est plus vulnérable aux U.V. que celui des adultes. En effet le cristallin est très clair et ne
joue pas son rôle de filtre avant l'âge de dix à douze ans. Evidemment l'œil possède des
forces naturelles protectrices que .sont les paupières, les larmes, la cornée, et le cristallin qui
va arrêter la quasi totalité des U.V.B mais néanmoins une petite partie des U.V.A (1,5 %)
arrive à le traverser, et à atteindre la rétine.
Quels sont les effets des U.V. sur l'œil ? Au niveau de la cornée, ils déclenchent une
kératite, et les ophtalmologistes situés tout près des stations de ski peuvent le dire,
l'ophtalmie des neiges est fréquente. Le cristallin .souffre, et sous d'autres latitudes, aux
Antilles par exemple, les gens développent des cataractes beaucoup plus tôt que ce que nous
observons sur notre territoire. Au niveau de la rétine se produit une réaction toxique.
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L'interrogation demeure pour la Dégénérescence Maculaire Liée à l'Age (D.M.L.A.), pour
l'instant on ne sait pas si elle est favorisée dans son apparition par l'atteinte des U.V. mais
puisque l'on n'en sait rien, pourquoi ne pas se protéger '?
En revenant aux paires de lunettes et à la protection contre les ultra violets il faut
insister sur deux choses : protection contre le vieillissement et protection contre les ultra
violets seront deux actions différentes. La protection contre le vieillissement est réalisée par
la capacité du verre solaire à réduire l'intensité lumineuse, la protection contre les ultra
violets par la capacité du verre à filtrer les ultra violets. L'on va dire que lorsque la lunette
est très foncée on ne sera pas ébloui mais pas forcément bien protégé contre les ultra violets.
A contrario un verre blanc va pouvoir filtrer l'intégralité des ultra violets. Il faut ajouter que
si une lunette de soleil n'est pas très étanche au plan des ultra violets, et que l'on soit dans
une atmosphère un peu chaude, derrière les lunettes la pupille .se dilatera pour justement
permettre aux ultra violets d'être encore plus agressifs malheureusement. Depuis le 1er
juillet 1995, une norme européenne permet de réglementer la protection en catégorie 0, 1,2,
3 avec des petits pictogrammes gravés sur les lunettes de soleil, mais n'intervient là-dessus
aucune notion concernant les ultra violets. Alors attention aux lunettes de soleil pour enfants
Seul le professionnel peut vous dire de quel matériau est fait celle que vous voulez acheter.
Revenons à l'organique traditionnel et au polycarbonate. Concernant la coupure des
ultra violets l'efficacité des verres organiques et du polycarbonate est comparable, un peu
supérieure pour ce dernier. Pour l'absorption des UVB, l'un et l'autre sont aussi efficaces,
pour l'absorption des UVA, le polycarbonate est nettement supérieur. Le polycarbonate est
un verre complètement blanc qui va filtrer l'intégralité des ultra violets.
Autre qualité du polycarbonate : la minceur. Sur une lunette qui d'un côté est équipée
en polycarbonate puissance convexe plus trois et de l'autre côté en organique, on constate
une différence d'épaisseur d'un verre par rapport à l'autre. En effet le verre en polycarbonate
sera 20% plus mince que le verre en organique traditionnel. Ceci est lié à son indice, indice
moyen 1,5. Et à l'heure actuelle le seul verre dit mince moyen indice, peut équiper un
enfant.
Autre qualité : la légèreté. Le verre en polycarbonate est 20 % plus léger que le verre
organique traditionnel. Ceci est lié à sa densité. Le polycarbonate est à l'heure actuelle le
produit le plus léger utilisé en optique ophtalmique. On peut en plus optimiser ce verre.
Généralement l'opticien choisit de traiter ce verre contre les rayures, et associe à un
traitement anti-rayures, un traitement anti-reflets. Nous pouvons travailler la surface de ce
verre et l'amincir en le précalibrant. L'un et l'autre verres, organique 1,5 et polycarbonate,
peuvent être vêtus d'un vernis durcisseur. Ce traitement anti-reflets permet d'améliorer le
contraste et de stimuler la sensibilité rétinienne. Finalement le verre en polycarbonate est
résistant aux chocs, il filtre 100 % des ultra violets, il est résistant à la rayure, il est
léger, il est mince, il peut être traité anti-reflets et il nous paraît être le verre idéal
pour équiper les enfants..
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VISION DES ENFANTS ET ÉCRANS CATHODIQUES
J'ajouterai quelques notions d'ergonomie évoquées lors du Colloque Vision et Ecran
(se reporter à la publication du même titre).
Faut-il laisser les enfants regarder la télévision ou pas ? Il n'y a pas de contreindication à le faire, cependant je pense qu'il vaut mieux éviter les abus. Mais c'est peut-être
pour d'autres raisons. Cependant la distance minimale du regard au poste doit représenter six
fois la diagonale de l'écran, (en gros trois mètres sur un écran de cinquante cinq
centimètres). 11 n'y a pas d'émission d'ultra-violets par les appareils, que ce soit ordinateur,
game boy, télévision classique. Néanmoins certains pensent qu'il vaut mieux par prudence
se situer à 80 centimètres de ces écrans. Quant à la position de travail par rapport à l'écran,
le travail rapproché doit .se faire à une distance équivalente à la longueur de l'avant-bras.
A l'école ou à la maison, la source de lumière doit se situer à gauche pour un droitier,
et vice-versa, mais jamais en face de l'enfant et un éclairage halogène ambiant est conseillé.
Le bureau doit être placé en position perpendiculaire à la fenêtre, le plan incliné est alors
recommandé et il est bon d'éviter une surface de bureau brillante, un papier brillant avec des
reflets.
Enfin, la patience est recommandée en ce qui concerne la durée du port de verres
correcteurs. 11 faut respecter la prescription de l'ophtalmologi.ste, lui seul jugera des progrès
réalisés, et du nombre d'heures ou d'années souhaitables.
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91
É Q U I P E M E N T S SPÉCIAUX ET SUR MESURE
Daniel DUPLEIX
Opticien LISSAC
Montpellier
Lorsque l'ophtalmologiste constate chez l'enfant une anomalie fonctionnelle sur l'un des
deux yeux, il peut avoir recours à la prescription de traitements dits de pénalisation optique de
façon à améliorer la vision de chaque œil, d'optimiser la vision de l'œil paresseux, de recréer une
vision binoculaire, et obtenir une maturation visuelle optimale. Et la précocité d'adaptation est
importante : 90 % des amblyopies traitées avant l'âge de deux ans trouvent une solution. Alors le
choix rigoureux des lunettes joue un grand rôle. Nous avons vu comment choisir une monture,
quels sont les types de verres les plus adaptés aux enfants, pour réali.ser le support idéal de ces
corrections optiques. Le traitement sera d'autant plus efficace que la correction optique .sera totale,
que le choix de l'ajustage de la lunette sera parfait, que la lunette sera portée toute la journée. Dans
nos magasins nous avons donc deux types de solutions à proposer, sur prescription médicale,
outre la correction totale et permanente par l'occlusion, (par un pan.sement oculaire qui ne nous
regarde pas), ce sont les traitements optiques par verres correcteurs et partiels par filtres qui vont
nous occuper puis seront évoqués les cas particuliers, en particulier l'utilisation des doubles
foyers, des verres progressifs dans le cas des enfants strabiques.
r,A PENAr.ISATrON OPTIQUE
Lorsque une pénalisation est totale, l'ophtalmologiste nous demande de poser un verre
divergent avec une association sur ordonnance d'un collyre d'atropine de façon à bloquer
l'accommodation, et d'augmenter le diamètre de la pupille. On obtiendra une pénalisation
complète de l'œil sain, et l'œil paresseux pourra se remettre en route. Par verres convergents des
verres convexes sur l'œil sain. Alors il y a différentes techniques, de près, de loin, monolatéral, qui
sont ou bien alternantes, c'est-à-dire que l'enfant poite la lunette un jour avec une pénalisation sur
tm œil et l'autre jour sur l'autre oeil, et j'insiste sur le port permanent du lever au coucher.
En relais de ces traitements d'attaque, les ophtalmologistes nous demandent aussi de poser
sur la face interne des verres des filtres, qui sont au nombre de huit en fonction de leur puissance
de pénalisation. Ce sont des filtres que nous collons sur la face interne des verres avec une goutte
d'eau, et qui peuvent être portés de façon dégressive pendant plusieurs années.
Dans certains cas particuliers, (cas de désordres accommodatifs associés à des strabismes
convergents) pour .soutenir la vision de près de l'enfant, nous utilisons sur la demande de
l'ophtalmologiste trois types de doubles foyers. Les verres bifoeaux classiques que vous
rencontrez chez les adultes, les double- foyers hémichamps que l'on utilise un petit peu moins au
profit des verres progressifs.
Avant de parler de ces verres progressifs, il faut rappeler la position de l'aire de vision de
près de l'enfant. Elle peut être assimilée à une ellipse dont le grand axe horizontal serait confondu
avec celui des pupilles, et au fur et à mesure que l'enfant va prendre de l'âge cette zone de vision
proxiimale va basculer vers le bas pour prendre sa verticalité de la zone induite. C'est pour cela
92
que nous utilisons prétcrentiellemcnt un verre double foyer avee une grande lunule, un verre
double foyer qui a un diamètre de 36 millimètres, (un centimètre de plus que ceux que nous
utilisons pour l'adulte) et qui a la particularité de permettre un décentrement angulaire. Nous
décentrons ces verres de l'ordre de 30 à 40 degrés alors que le décentrement d'un double foyer
adulte n'est que de 10 degrés, ce qui permet d'utiliser pleinement cette plage de vision de près.
Deuxième particularité de l'adaptation de ce verre, c'est la position haute. Il va être
positionné sur le bord inférieur de la pupille, alors que pour l'adulte nous positionnons le double
foyer sur le bord inférieur de la paupière. Cela ne gêne absolument pas l'enfant qui, à cet âge là,
n'a pas encore l'habitude d'abaisser ses lignes de regard, et en vision de loin c'est plutôt la tête qu'il
bouge pour aller chercher des informations dans l'espace observé. Quand il regarde en vision de
près son attitude réflexe d'abaisser .son menton sur sa poitrine lui permet d'utiliser pleinement cette
plage de vision de près. Ce sont des verres que l'on peut comme Annie RODRIGUEZ vous l'a dit
traiter aussi anti-reflets. Les bi-focaux américains sont des verres peu à peu remplacés par des
verres progressifs dont une grande originalité est d'avoir une grande plage de vision de près et une
grande plage de vision de loin également. On les pose aussi tangents au bord inférieur de la
pupille. Ils peuvent présenter un problème quand la différence entre la vision de loin et la vision
de près est très importante, au plan des déplacements. On a à ce moment là un saut d'images.
Enfin les verres progressifs vont devenir de plus en plus les verres modernes pour les
enfants. Les fabricants font de plus en plus d'efforts au plan du coût pour ces verres par rapport
aux doubles foyers. Ils sont très légèrement plus onéreux que les verres doubles foyers mais tout
doucement cela tend à .se réduire. Pour les verres progressifs, comme les doubles foyers ne sont
pas tous adaptables aux enfants, en raison de cet abaissement de la ligne de regard encore un peu
plus léger que celui de l'adulte, il faut considérer que plus la vision de près est haute dans le verre
mieux c'est. On va privilégier des verres avec une très large plage en vision de près, et positionnés
très haut. C'est parfaitement esthétique, et permet toutes les distances de travail, cela permet aussi
des .solutions d'amincissement, ou d'anti-retfets.
Dernier cas particulier dans ces traitements d'optique, les ophtalmologistes n'utilisent
maintenant plus les .sectorisations, ce sont donc des films en plastique que nous collons (sur la
face externe cette fois ci) des verres pour la dimension donnée par les orthoptistes ou les
ophtalmologistes. Cela permet donc de dépister des amblyopies, et pour le chirurgien nous
utilisons aussi des prismes souples collés sur la face interne des verres, qui permettent, au bout de
quelques jours ou quelques .sem.aines de port, de déterminer la valeur exacte de la déviation à
traiter par chirurgie.
LE PORI DE LENTIELES CHEZ L'ENFANT
L'idée de faire porter des lentilles de contact aux enfants n'est pas nouvelle Depuis des
années, les professionnels de la vision militent pour faire la promotion de ce système correcteur
aux performances inégalées. Lorsque l'on pose une lentille sur la cornée, la lentille en est
solidaire, elle restera fixée sur l'axe fixe quels que soient les mouvements oculaires, et le champ
visuel sera totalement respecté. C'est exactement pareil pour la vision qui recréera les dimensions
naturelles de l'espace observé. La lentille donne une vision naturelle, une image rétinienne
optimale bien sûr. Et la correction optique nécessaire sera importante, et privilégiée. Cette
image rétinienne sera la plus pointue possible, de façon à permettre un développement parfait de
la vision de l'enfant. Et puis ce que les ophtalmologistes apprécient dans les lentilles de contact,
c'est surtout la pérennité de la qualité visuelle dans la journée : les lunettes peuvent se retirer, on
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ne peut pas savoir si l'enfant va constamment porter ses lunettes, alors que la lentille, quand les
parents ou l'enfant la posent le matin, on est sûr qu'elle va être conservée toute la journée. De plus,
c'est une lentille esthétique, qui permet même d'avoir quelques activités agitées, qui laisse
beaucoup de liberté et apporte une grande amélioration aux enfants.
Nous utilisons des lentilles souples ou rigides comme chez les adultes. Je rappelle
rapidement les trois grandes familles de lentilles. Les lentilles souples à renouvellement
traditionnel qui tendent à être de plus en plus remplacées par des lentilles à renouvellement
fréquent, à part dans les cas spécifiques de fortes déformations cornéennes ou des cas particuliers
de pathologie. On utilise effectivement de plus en plus des lentilles à renouvellement fréquent,
que nous appelons "jetables" et puis des lentilles fixes journalières, jetables à la fin de la journée,
que l'on porte le matin et que l'on enlève le soir. Les avantages de ces lentilles souples sont bien
sûr le confort et la tenue. Mais les ophtalmologistes reprochent à ces lentilles de ne pas satisfaire à
l'hygiène. Ce sont des lentilles qui retiennent les impuretés, et surtout le manque d'oxygénation
cornéenne tend à augmenter au cours de la journée. Tous les professionnels de l'ophtalmologie
militent de plus en plus pour l'utilisation de lentilles rigides perméables aux gaz qui donnent une
vision parfaite, où l'oxygénation cornéenne est bien meilleure que pour la lentille souple puisque
c'est une lentille flexible qui ne bouge pas quelle que soit la quantité de larmes produites par l'œil.
C'est une lentille plus petite que la lentille souple avec un diamètre inférieur de moitié. Sa durée
de vie est de l'ordre de deux à trois ans, beaucoup plus importante que les lentilles souples, donc le
coût est bien moins élevé que celui d'une lentille jetable, en plus elle est d'un entretien facile.
Nous avons maintenant à notre disposition comme pour les lentilles souples des produits, des
solutions multifonctions d'entretien pour poser, nettoyer, et conserver la lentille avec le même
produit. Les inconvénients du port sont toujours les mêmes, surtout l'accoutumance mais
paradoxalement un enfant qui est moins stressé, moins tendu quand il vient dans le cabinet de
l'ophtalmologiste chercher une adaptation, arrive à s'habituer très rapidement. Au bout d'une
semaine, l'enfant est parfaitement accoutumé mécaniquement à la lentille. Il est vrai que l'on a fait
beaucoup de progrès dans la fabrication de ces lentilles, elles sont plus fines, les bords sont de
meilleure qualité.
Quant à la tenue, vous savez que 90 % des pertes de lentilles de contact chez les adultes
viennent de la manipulation. Ils écoutent nos conseiis pendant huit jours et ensuite ils les enlèvent
au dessus du lavabo, avec le robinet qui coule, ou dans la voiture, et il est certain que c'est surtout
dans ces circonstances que la lentille se perd. Ce n'est pas du tout le cas avec l'enfant, qui ne va
pratiquement pas se frotter les yeux, car il n'éprouvera aucune gêne mécanique avec cette lentille
et surtout aucune gêne cornéenne, comme c'est le cas souvent avec des lentilles souples.
L'utilisation de ces lentilles rigides se fait à partir de l'âge de deux à trois ans. Au départ les
cataractes congénitales ou traumatiques sont surtout équipées en lentilles souples à port
permanent, sous contrôle de l'ophtalmologiste, et ensuite aussi pour une amblyopie relative quand
il y a une différence importante entre les deux yeux, des fortes amétropies, des nystagmus, cela va
freiner les micro mouvements du globe oculaire et améliorer l'acuité visuelle. Et on utilise aussi
dans les strabismes accommodatifs des lentilles de contact qui permettent de solliciter beaucoup
moins l'accommodation convergence en vision de près.
Pour l'enfant les risques sont minimaux, tout de suite lorsqu'il y a une gêne présente la lentille
rigide est retirée immédiatement. L'entretien et la manipulation, on l'a vu plus haut ne posent pas
de difficultés. Les plus grosses difficultés pour adapter chez les enfants des lentilles de contact
viennent des freins parentaux. Il faut convaincre les parents, et tout ce que j'ai énuméré comme
avantages élimine les craintes premières qui peuvent paraître légitimes.
94
Pour terminer, je vais évoquer des solutions spécifiques. Nous sommes malheureusement
parfois amenés à compenser un déficit esthétique lorsqu'il y a eu une agression sur la cornée et
nous utilisons pour cela des lentilles de coloration artificielle qu'elles soient rigides ou souples. Ce
principe consiste à insérer entre deux lamelles de matière plastique incolore une coloration, en
général peinte à la main, de façon à permettre soit de retrouver une acuité visuelle meilleure avec
une pupille claire et correctrice, soit de compenser les déficits esthétiques grâce à une pupille
noire.
QUELQUES AIDES SPECIFIQUK.S A LA MALVOYANCE
Toutes les lunettes et les verres décrits plus haut sont applicables aussi à l'enfant malvoyant.
Je voudrais revenir sur la gêne fonctionnelle commune éprouvée par les malvoyants adultes et
enfants, c'est-à-dire une diminution de la sensibilité au contraste pour des personnes qui ont du
mal à se déplacer, bien sîjr des perturbations de l'acuité visuelle, une appréciation délavée des
reliefs, des difficultés de passer d'un trottoir à la chaussée, de gravir ou descendre les marches, de
voir des différences de couleurs ou de reliefs sur le sol, une impression de brume ou de brouillard
permanent, une perception diminuée de la télévision, et toute leur vie se passe dans des difficultés
de passer d'une ambiance lumineuse à une sombre, de passer d'une pièce à une autre, de l'ombre à
la lumière, d'éprouver une fatigabilité aux écrans cathodiques, (en particulier pour les adultes
s'associe souvent un syndrome de l'œil sec, il suffit alors d'instiller des larmes artificielles) et cela
génère un stress inconscient qu'il faut absolument reconnaître.
Il faut appréhender toutes les difficultés, tous les besoins de ces enfants malvoyants, de
façon à leur proposer des solutions très simples, beaucoup plus simples que celles que nous
proposions aux adultes. La première règle en matière de vision, dirait Lapalisse, c'est l'éclairage.
Annie Rodriguez a traité ce qui concerne l'ergonomie et la posture. Personnellement j'insisterai
simplement sur deux types d'éclairage. L'enfant malvoyant qui est obligé de lire de très près, au
plus quinze centimètres, doit utiliser une lampe halogène avec un flux lumineux très concentré,
que l'on peut poser très près du visage, et qui permet n éclairement de l'ordre de 100 watts sur le
texte. Un flexible peut positionner la lampe comme on le veut, du côté opposé à la main qui écrit,
de préférence derrière l'enfant plutôt que devant. Et pour éclairer le bureau, pour éclairer des jeux
ou des actions ludiques, on préfère un éclairage fluorescent.
J'ai classé les aides visuelles en deux catégories : avant l'apprentissage de la lecture et après
l'apprentissage de la lecture. Comme le soulignent Monsieur Lenne et Monsieur Hache, fi
correction optique totale a une grande importance quelle que soit l'amétropie, quel que .soit l'âge
de l'enfant. Pour nous opticiens, au plan de l'adaptation de l'aide visuelle il importe d'avoir la
meilleure correction possible de loin et de pouvoir optimiser les performances en vision de près.
L'enfant, avant le Cours Préparatoire, a bien sûr des grandes facultés d'accommodation et un
grossissement physiologique de l'ordre de trois fois, et en se rapprochant, cela lui permet de
travailler et faire ses activités journalières sans aide visuelle en particulier. Tout ce que nous
recommandons aux enfants c'est surtout une protection oculaire, mécanique bien sûr car ce sont
souvent des yeux fragiles et globuleux. Il n'existe pas dans le commerce de réelles lunettes coques
comme nous avons pour les adultes dans lesquelles nous pouvons installer des filtres antitraumatiques donc nous faisons ces lunettes sur mesure. Ce sont des lunettes à branches larges de
façon à y enserrer complètement Fœil. Nous utiii.sons deux types de verres principalement, un
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verre qui est un verre de couleur jaune à jaune orangé, qui permet d'utiliser la lunette en
permanence toute la journée et nous l'associons à une lunette de soleil avec des verres foncés.
Après le C. P. nous utilisons la correction optique totale bien sûr de plus en plus, on a parlé
tout à l'heure de l'apprentissage de la lecture et de l'importance de la correction, les premiers
quarts de dioptrie seront cylindriques et puis nous associons aussi en vision de près pour la
soutenir un double foyer plus petit que celui dont je vous ai parlé tout à l'heure avec une zone de
vision de 22 millimètres que nous orientons aussi avec une rotation. Un bi-focal microscopique
avec des corrections de l'ordre de plus 10 à plus trente deux alors que les corrections précédentes
que nous avions sur le double foyer pour le strabisme accommodatif ne dépassaient pas quatre
dioptries. Nous obtenons des grossissements de l'ordre de une fois et demie à huit fois.
En aides complémentaires nous avons des solutions très simples : une loupe à poser (que
nous avons piquée aux philatélistes). C'est une loupe auto-éclairante qui permet même en basse
luminosité d'avoir un éclairage parfait du texte. Les enfants malvoyants s'en servent pour regarder
des dictionnaires ou des textes à corps plus petits que leur livres scolaires. Et n'oublions pas le
pupitre pour essayer de compenser toutes les attitudes vicieuses liées au handicap. Lorsque l'on a
un déficit vraiment central, on utilise les aides électroniques pour que la vision périphérique soit
mieux sollicitée des agrandisseurs. Ce sont des loupes électroniques ou des agrandisseurs en
circuit fermé. Et enfin, en vision de loin nous .sommes un peu limités. Les deux seules aides que
nous pouvons proposer sont les filtres chromatiques cités tout à l'heure pour les déplacements, et
les petits systèmes monoculaires qui sont des moitiés de jumelles que l'enfant tient parfaitement
dans sa petite main, et qu'il utilise à l'école pour prendre les informations au tableau. Dans la main
droite il a le crayon s'il est droitier, et de l'autre il prend les informations avec ce système, cela
marche très bien et l'enfant l'accepte parfaitement à l'école. Tous ces systèmes sont esthétiques et
tout à fait adaptés aux enfants, il n'y a jamais de problèmes pour les utiliser en milieu scolaire.
Pour terminer je signale simplement que depuis 1991 la Sécurité Sociale a admis un
remboursement pour toutes les aides visuelles de l'enfant de moins de vingt ans. C'est la seule
solution de remboursement qui existe dans la malvoyance.
En conclusion, en raison de ses besoins visuels spécifiques et de sa morphologie, le jeune
enfant ne peut pas se satisfaire d'une monture banale, d'une correction banale. Notre vigilance
commune fera que parents, professionnels de l'enfance, et professionnels de la vue doivent lui
donner toutes les chances de construire sa vision de la meilleure façon qui .soit.
97
QUESTIONS - RÉPONSES
Orthoptiste, j'ai une question à propos des verres progressifs dans le traitement des strabismes
accommodatifs. Y-a-t-il des études pour démontrer leur efficacité par rapport aux doubles
foyers ?
Bernard Weiss
Je ne crois pas qu'il y ait eu des études très poussées là-dessus, on peut même discuter de
l'efficacité des doubles foyers systématiques dans le strabisme accommodatif. En tout cas
chez l'enfant si on pose des doubles foyers il faut le faire tout de suite car si on traite très
tardivement, ce strabisme accommodatif convergent va passer en divergence.
Monsieur Péchereau
Sur l'intérêt du verre progressif ... Moi je lui trouve une efficacité identique au double foyer et
les avantages esthétiques du verre progressif permettent même de prolonger cette
thérapeutique pendant de nombreuses aimées, chose qu'il était si difficile de faire avec des
doubles foyers. Mais il y a une précaution particulièrement importante à observer dans la
qualité du montage par l'opticien.
Question pour Monsieur WEISS.
Je voudrais savoir comment il envisage le traitement de l'amblyopie profonde chez une enfant
opérée de la cataracte à l'âge de dix mois, s'il faut observer une pénalisation optique totale et
combien de temps, ou intermittente ? globalement comment doit-on procéder ?
Réponse
Je vous dirai que dix mois c'est trop tard. On peut opérer dès trois mois. 11 y a des gens à la
Fondation Rothschild qui ont commencé à les opérer très tôt pour faire ensuite des occlusions.
C'est très pénible. Il faut faire des occlusions pendant deux à quatre ans mais avec des
résultats pas du tout négligeables. Actuellement il en sont à cinq ou six dixièmes d'acuité
visuelle pour des cataractes unilatérales opérées précocement et occluses. Ce sont des
occlusions presque permanentes, six jours/un jour, il y a un équilibre entre les deux yeux ,
c'est-à-dire qu'ils peuvent pas induire une amblyopie inverse bien entendu, mais ce sont des
traitements extrêmement prolongés, et fermes si j'ose dire. Ils en sont actuellement à des
occlusions de durée de quatre ans, je suis assez étonné mais c'est relativement bien accepté
par les parents. Cela ne sert à rien d'opérer s'il n'y a pas de traitement radical ensuite. J'ai une
équipe à Toulouse qui fait de même, et cela est tiré directement du traitement de l'amblyopie
fonctionnelle strabique puisque personnellement j'ai fait des occlusions permanentes de deux
ans sur un enfant de neuf ans sans problèmes, même .scolaires. Une difficulté aussi c'est
d'avoir un bon chirurgien qui ne soit pas forcé de revenir sur son opéradon, et de désocclure,
et donc de retomber sur l'amblyopie. Six dixièmes, c'est un très bon résultat.
J'ai une question concernant les polycarbonates. Il n'y a pas de remboursement de Sécurité
sociale ?
Réponse
Pas de remboursement de Sécurité sociale pour les polycarbonates ? Mais le polycarbonate est
un verre de lunette comme un autre, à part qu'il est anti-choc, qu'il est mince et léger, que c'est
un verre incassable. Quand l'ophtalmologiste prescrit un verre incassable sur son ordonnance,
il n'v a pas de raison pour qu'il n'y ait pas de remboursement de Sécurité sociale si c'est un
polycarbonate. 11 s'agit d'un ven-e organique, et on le qualifie de polycarbonate car c'est une
nouvelle génération de matériau organique. Et en terme de remboursement de Sécurité
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sociale, on me contredira si c'est faux, c'est organique incassahh. Tout simplement. On
n'indique pas CR39, ORMA ou autre matériau spécifique.
Question
Je voudrais .savoir si la sécurité sociale prend en charge le remboursement des lentilles de
contact '.'
Daniel Dupleix
Vous avez raison, j'ai omis ce passage. La Sécurité sociale rembourse les lentilles de contact
dans six cas : les kératocônes, les strabismes accommodatifs, les myopies supérieures à 8
dioptries, les astigmatismes irréguliers, la cataracte, et l'anisométropie. Donc six cas
seulement sur prescription médicale, c'est un remboursement de l'ordre de quarante euros
environ.
Participant de la salle
Une petite remarque, je ne suis pas complètement d'accord avec ce que dit Monsieur
Péchereau. Je trouve qu'avec des verres progressifs les enfants n'utilisent pas la zone du bas,
même avec un parfait montage et que le résultat est .souvent moins bon qu'avec un double
foyer classique surtout chez les petits.
Monsieur Péchereau
Premièrement je n'ai jamais dit que les progressifs se substituaient au double foyer, et
deuxièmement je n'ai pas fait un exposé sur les verres progressifs. Troisièmement je suis toui
à fait d'accord avec vous, chez les tout petits les doubles foyers sont une meilleure indication.
Quatrièmement, toujours d'accord, il y a des difficultés pour aller chercher la vision du bas,
c'est pourquoi il faut prescrire une addition, il ne faut pas hésiter à mettre 3,50. il n'empêche
qu'à un moment les enfant vont refuser le double foyer, ils vont accepter le verre progressif et
que c'est une situation qui permet d'attendre, dans certains cas, alors que le double foyer est
refusé par l'enfant. C'est un ar.senal thérapeutique complémentaire qui ne s'oppose pas au
double foyer. Chacune de ces méthodes conserve ses indications.
99
RECHERCHE ET GÉNÉTIQUE
Docteur Josseline KAPLAN
Génétique ophtalmologique
Necker-Enfants Malades - Paris
Directeur de Recherche INSERM
Pour minoritaires qu'elles soient, les affections de la vue d'origine génétique n'en figurent
pas moins parmi les plus sévères. Et au travers des âges, les malvoyances et cécités précoces
représentent un des handicaps les plus difficiles à accepter. De tous temps, l'œil a toujours été
considéré comme l'organe des sens le plus noble et son intégrité est encore maintenant vécue
comme une des nécessités les plus urgentes. La recherche dans les affections de la vue d'origine
génétique reste intimement liée à ce caractère sacré, et en appelle aux exigences du cœur. Au
demeurant, elle trouve sa justification dans l'augmentation de la fréquence relative de ces troubles,
à mesure que diminuent les causes infectieuses et accidentelles de maladies ophtalmologiques dans
les pays à bonne infrastructure sanitaire.
Aujourd'hui, la génétique est en plein essor. Elle mobilise de nombreuses énergies pour le
déchiffrage des génoines dans toutes les espèces vivantes et, s'agissant de l'homme, on estime que
cette tâche est achevée à 90% environ. Il est clair que cette réalisation ne constitue qu'un pas dans
la connaissance de notre patrimoine héréditaire, de ses secrets et de ses mystères. De fait, on en
attend plus qu'une avancée de la connaissance et, en vérité, on en espère surtout des conséquences
pratiques pour la compréhension des maladies et leur traitement.
.S'agissant de l'ophtalmologie, c'est en moins de 20 ans que la génétique ophtalmologique a
connu une véritable révolution, et acquis un solide droit de cité tout à fait applicable à la prise en
charge des patients. Toutefois, c'est dès 1970 avec l'invention des méthodes et des outils du génie
génétique que la génétique médicale sort de la condition marginale dans laquelle elle était
cantonnée auparavant. La découverte, la même année, des endonucléascs de restriction et de la
transcriptase inverse sort l'A.D.N. du domaine de l'abstrait pour le faire entrer dans celui du
concret. Consécutivement,
- la méthode d'analyse de fragments de restriction d'A.D.N. selon la méthode de Southern en 1980,
- l'amplification d'A.D.N. par P.C.R. (polymerase chain reaction) en 1985,
- et l'utilisation de marqueurs microsatellites en 1992,
allaient conduire, avec une vitesse prodigieuse, à la cartographie des gènes et à leur identification. A
cet égard, la contribution du Centre d'Etude du Polymorphisme Humain (C.E.P.H.) créé par Jean
Dausset et celle du Généthon créé par l'Association Française contre les Myopathies (A.F.M.) et
dirigé pa" Jean Weissenbach ont été essentielles.
Les avancées de la génétique moderne ne trouvent pas leur seule justification dans le domaine de
la progression de la pensée et de la réflexion, même si le fait de mieux comprendre la
100
physiopathologie des maladies héréditaires permet d'anticiper leur traitement. Les progrès de la
génétique ont surtout apporté un regain d'intérêt médical pour des affections "oubliées" des
ophtalmologistes pendant de nombreuses années, en raison du sentiment d'impuissance
thérapeutique. Cet intérêt nouveau a autorisé un grand effort de précision diagnostique, un effort de
classification des patients et, naturellement, entraîné un énorme espoir thérapeutique sans doute un
peu prématuré.
Quoi qu'il en soit de l'excès d'agitation qu'ont engendré les premières découvertes de gènes
responsables de malvoyance grave, il n'en est pas moins vrai que l'effort de .sémiologie, qui a été le
résultat immédiat, a permis dans bien des cas une meilleure connaissance de rhi>;toire naturelle de
la maladie, reposant sur l'écoute des patients, ce qui a, en corollaire, entraîné une meilleure relation
soigné-soignant et, par delà, un meilleur accompagnement des malvoyants et de leurs familles.
Au demeurant, au cours de cette dernière décennie, c'est dans le domaine de la prévention
que les applications médicales de ces progrès ont été les plus marquantes. Rn effet, la connaissance
des gènes impliqués dans ces pathologies souvent graves, et au-dessus de toute ressource
thérapeutique, a permis la mise en place de consultations de conseil génétique et,
éventuellement, le diagnostic prénatal dans les familles à risque qui en font la demande. Il n'est
pas nécessaire d'insister sur l'intérêt du diagnostic prénatal qui permet à des couples, déjà éprouvés
par la naissance d'un enfant gravement malvoyant, de donner naissance à ces enfants sains qu'ils
désirent ardemment.
Le diagnostic prénatal est inséparable de la consultation de génétique qui est un prérequis obligatoire. En effet, le diagnostic repose sur une collaboration étroite entre
• le clinicien ayant la charge du patient et garantissant l'authenticité et la précision du
diagnostic,
• le généticien clinicien qui formulera un risque de récurrence, aidera la famille à exprimer sa
demande et l'accompagnera tout le long du diagnostic prénatal jusqu'à l'éventuelle
interruption de la grossesse qui pourra en découler avec toute la charge émotionnelle et
affective que cela comporte et, enfin,
• le généticien moléculaire sur lequel repose le rendu du résultat.
Ces consultations de génétique sont une étape indispensable au transfert des progrès
fondamentaux et technologiques vers leur application à la prise en charge du patient et de sa
famille. Cette application, qui repose sur des contraintes diagnostiques et généalogiques, est parfois
limitée dans sa portée et peut être émaillée de risque d'erreur comme tout autre acte médical.
Il faut souligner de ce point de vue que le principal écueil de l'application des progrès génétiques
à l'étude des patients résulte de l'extraordinaire hétérogénéité génétique de ces affections, le
génotypage des patients et, par delà, le diagnostic prénatal ne pouvant se concevoir que dans les cas
où la localisation du gène en cause ou, au mieux, l'identification d'une mutation dans ce gène, ont
été préalablement réalisées. En Janvier 1980, s'agissant des gènes responsables des dystrophies
rétiniennes, on avait .seulement repéré un ou deux gènes, et après 1988, tout d'un coup il y a eu une
explosion du repérage de ces gènes pour atteindre actuellement à peu près la moitié de gènes
identifiés. Bien que des difficultés énormes soient encore à franchir, néanmoins, l'espoir que suscite
la recherche en génétique e.st immense.
101
Palier avec précision et honnêteté des progrès des connaissances aide à mobiliser les patients
et leurs familles, à les réinvestir dans leur confiance aux équipes soignantes. L'information
scientifique constitue de ce point de vue une nouvelle forme de prise en charge. La bonne
information et la sensibilisation des patients aux progrès de la recherche leur permettent d'attendre
plus patiemment la véritable révolution thérapeutique que l'on commence à entrevoir. Il faut noter
avec un particulier intérêt la toute récente réussite de restauration de la fonction visuelle chez un
modèle ::auvage de chien, aveugle par dystrophie rétinienne précoce et sévère résultant de
l'altération du gène RPE65, responsable chez l'homme d'amaurose congénitale de Leber. Un essai
de thérapie génique (par injection dans l'espace sous-rétinien d'un adénovirus inactivé contenant le
gène RPE65, et l'information génétique (promoteur) permettant de diriger le virus vers sa cellule
cible), a permis en effet d'observer une réponse électrorétinographique chez l'animal traité, ainsi
qu'un comportement de l'animal suggérant la restauration de la vue de l'œil traité comparativement
à l'œil non traité. Ces expériences suscitent évidemment un formidable espoir chez les patients et
leurs familles. Il faut cependant rester prudent et persévérant : de nombreux travaux et plusieurs
années d'efforts sont encore indispensables avant les premiers essais chez l'homme.
En effet, la route qui doit nous conduire du décryptage du génome à son usage thérapeutique est
encore longue. Il nous faudra prouver qu'il est possible de modifier durablement le génome à des
fins thérapeutiques, et il est probable que le passage de la connaissance des gènes à la
compréhension des fonctions et des interactions occupera encore des générations de chercheurs.
Pour autant, la révolution thérapeutique annoncée constituera une étape fondamentale dans
l'histoire de la médecine et probablement un des plus grands enjeux médicaux du 21''""'' siècle.
Pour conclure, il est bon d'ajouter que la croyance en un rôle prépondérant de l'hérédité dans
la plupart des aspects de notre santé ne correspond pas à la réalité. 11 n'y a donc pas lieu
d'établir la carte génétique de tout un chacun. S'il nous prenait la folle envie de nous y hasarder,
l'étude systématique des constituants élémentaires de nos gènes pourrait se révéler non seulement
d'un coût exorbitant, mais aussi très décevante en termes de prédiction pour l'avenir de l'individu.
103
LES ENJEUX SOCIO-ÉCONOMIQUES
DES DÉFICITS VISUELS DU JEUNE ENFANT
Pierre LÉVY, LEGOS
Université Paris-Dauphine
Les conséquences économiques et sociales des déficits visuels du jeune enfant peuvent
perdurer sur tout l'horizon de vie lorsqu'ils ne sont pas pris en charge à temps. Il est donc
difficile mais cependant nécessaire de prendre la mesure du fardeau que ces déficits font peser
sur les familles et la Société. De même, il est souhaitable d'éclairer les choix publics en matière
de dépistage et de traitement de ces affections, en en révélant la nature économique.
Avant de s'intéresser aux données disponibles de la littérature, il convient de rappeler
brièvement ce que peut apporter l'évaluation économique dans le domaine de la santé. Un
premier éclairage que peut fournir cette approche concerne la mesure des enjeux économiques
d'une pathologie à travers des études dites du coût de la maladie II convient pour cela
d'évaluer l'ensemble des coûts directs, relatifs à l'utilisation de ressources à l'intérieur du
système de soins, ces cotîts comprenant les coûts à la fois ambulatoires et hospitaliers
qu'engendre la maladie. Mais une évaluation complète du coût de la maladie requiert
également que l'on intègre, le cas échéant, ce que nous appelons les coûl.s indirecls. Ces coûts
sont ceux relatifs à la perte ou ia réduction d'activité résultant de la pathologie et de son
traitement, et qui peuvent toucher le patient lui-même et/ou son entourage.
Au-delà de cette première approche, la vocation de l'évaluation économique est de
s'inscrire dans le processus de décision, en fournissant un éclairage spécifique aux décideurs. Il
s'agit alors de fournir une évaluation de l'effieience économique comparative des différentes
options en faveur de la prévention ou du traitement d'une affection. Pour cela, il est nécessaire
non seulement de prendre en compte les coûts associés à chacune de ces alternatives, comme
dans l'approche du coût de la maladie, mais il faut également intégrer leurs conséquences
respectives.
Et comme ces conséquences peuvent être mesurées selon des dimensions différentes,
on distingue trois types d 'évaluation économique :
> l'approche coût-bénéfice, si ces conséquences sont appréhendées dans leur traduction
financière (de coûts évités par exemple).
V l'approche coût-efficacité si l'on utilise un indicateur relatif à l'état clinique des patients,
mettant l'accent sur l'aspect médical.
> l'approche coût-utilité, lorsqu'on veut évaluer l'impact sur le bien-être des patients des
acuons envisagées, en insistant alors sur la qualité de vie.
Malheureusement, il s'avère qu'on a jusqu'à présent très peu fait appel à ces outils de
l'évaluation économique dans le domaine qui nous intéresse ici, alors qu'elle est beaucoup
104
plus fréquente dans d'autres affections. D'une part, il n'existe en effet, à ma connaissance,
aucune étude publiée relative à la France. En particulier, on n'a aucune idée du faideau que
peuvent représenter ces déficits visuels du jeune enfant sur le système national de soins, ni plus
généralement sur le système économique.
D'autre part, la situation n'est guère différente sur le plan international, puisque, là aussi,
aucune estimation du coijt de la maladie n'est disponible. On ne peut se référer en fait qu'à
trois études publiées, dont une seule concerne le dépistage de l'amblyopie.Cette étude a été
menée dans un cadre allemand, alors que les deux autres s'intéressent au dépistage et au
traitement de la rétinopathie du grand prématuré; cela aux Etats-Unis.
Avant de présenter brièvement ces quelques articles, il peut être utile de donner une
précision sur le plan méthodologique, à savoir que ces études ont toutes trois recours à des
modèles de simulation pour effectuer leurs estimations. En soi, cela n'a rien d'exceptionnel car
c'est une méthode fréquemment employée lorsqu'on ne dispose pas d'études d'observation en
conditions réelles, ou lorsque ces études d'observation sont impossibles à mettre en œuvre.
Dans le cas des déficits visuels du jeune enfant, c'est bien cette impossibilité qui est le facteur
explicatif Soit que les actions envisagées ne soient pas mises en œuvre et ne puissent donc pas
être observées (comme c'est le cas pour le dépistage de l'amblyopie), soit que les
conséquences appréhendées s'étalent sur tout l'horizon de vie des enfants, et soient donc trop
lourdes à observer. Sans parler du problème d'éthique qu'il y aurait à imposer à certains
enfants des traitements peu efficaces.
En ce qui concerne le dépistage de masse de l'amblyopie et des troubles associés, le
dépistage des enfants d'âge scolaire dans le cadre d'examens généraux de santé n'a pas été
évalué tant ses avantages sont évidents. En revanche, dans de nombreux pays, la mise en
œuvre d'un programme de dépistage visuel spécifique chez les enfants d'âge préscolaire (c'està-dire de moins de 6 ans) constitue la question centrale, encore en débat. En effet, dans les pays
anglo-saxons par exemple, des recommandations divergentes ont été faites.
Au Royaume Uni, certains experts mettent en doute l'intérêt d'une telle stratégie en
avançant deux arguments :
• il n'est pas prouvé que tous les déficits visuels génèrent des handicaps.
• l'intérêt d'un traitement précoce de ces déficits n'est pas prouvé lui non plus.
Si on peut être circonspect devant cette argumentation, elle a le mérite de pointer du doigt
la méconnaissance du sujet qui autorise de tels doutes.
Dans ce contexte, il est intéressant de noter les résultats d'une étude allemande qui a
envisagé la mi.se sur pied d'un dépistage spécifique de 1 'amblyopie. Celui-ci serait effectué
par des orthoptistes dans les jardins d'enfants auprès des enfants âgés de 3 ans [1, 2]. Le
modèle développé pour évaluer les avantages d'un tel programme vise a. fournir un ratio coûtefficacité, exprimé comme le coût engendré par chaque nouveau cas diagnostiqué. Les coûts
appréhendés ici incluent les dépen.ses de personnel, de matériel et de transport nécessaires pour
mener à bien le dépistage, y compris le diagnostic ophtalmologique pour les cas détectés
positifs. On suppose notamment que les orthoptistes employés à mi-temps peuven; visiter deux
écoles par jour, quatre jour par semaine, le cinquième jour étant consacré à l'organisation du
105
programme . Ces coûts sont calculés aux prix de 1999, exprimés en Euros, et mesurés du point
de vue de l'Assurance Maladie.
Le développement du modèle et la quantification des paramètres pertinents sont fondés sur
les résultats de la littérature et sur l'expérience personnelle des auteurs. On suppose ainsi que la
prévalencc nette de cas non détectés d'amblyopie et troubles associés est de 1,5%. S'agissant de
l'efficacité du test orthoptique, on suppose que sa sensibilité est de 95% et sa spécificité de
98%. La participation des enfants au dépistage est supposée être de 85%, et la compliance aux
recommandations de visite chez, un ophtalmologiste de 95%. S'agissant des coûts unitaires, le
coût du dépistage par enfant est estimé à 7,87 €, celui de la visite chez le spécialiste à 36,40 €.
Les résultats du modèle font apparaître que, sous les hypothèses de base pour les différents
paramètres retenus, le programme de dépistage pourrait signaler 75,9% des cas potentiels.
Compte tenu des coûts engendrés par le dépistage et, éventuellement, le diagnostic des enfants,
les auteurs aboutissent à un coût par nouveau cas détecté de 727 €.
Quand on fait varier les paramètres de cette estimation, il apparaît que c'est le taux de
prévalence de l'amblyopie qui est le facteur le plus sensible. Le coût moyen varie en effet de
243 € avec une prévalence forte (5%), à 2109 € avec une prévalence faible (0,5%).Une variante
intéressante de ce modèle suppose une extension du dépistage aux enfants de 4 ans à 4 ans et
demi. Ceci permet de faire baisser le coût moyen à 679 € puisque le coût supplémentaire
associé à ces enfants n'est que de 529 €.
D'une manière générale, ces résultats sont encourageants parce qu 'ils font apparaître un
coût relativement peu élevé au regard des bénéfices qu'on peut en attendre.
Si l'on passe maintenant aux notions de dépistage et de traitement de la rétinopathie du
grand prématuré, on dispose de deux études américaines complémentaires par leur sujet :
• La première concerne en effet les avantages d'un dépistage précoce (éventuellement
suivi d'un traitement par cryothérapie) par rapport à une non-intervention.
• La seconde se situe en aval, en se concentrant sur la comparaison de deux traitements
alternatifs : la cryothérapie et le laser.
La première étude envisage trois fréquences possibles pour effectuer un dépistage
ophtalmoscopique : mensuelle, bimensuelle (soit deux fois par mois), ou hebdomadaire [3].
Elle mesure les avantages de ces stratégies en calculant le bilan coût-hénéfice du point de vue
de la puissance publique. Elle inclut pour cela le coût du dépistage duquel sont retranchés les
coûts économisés du fait des rétinopathies évitées, ainsi que les rentrées fiscales
supplémentaires apportées par les prématurés traités, du fait qu'ils pourront travailler.
Comme on peut le voir sur le tableau 1, le surcoût du progiamme augmente avec la
fréquence du dépistage. Pour autant, compte tenu des coûts évités dans chaque cas, l'économie
nette pour l 'Etat est maximale avec une fréquence bimensuelle. Cette stratégie doit donc être
préférée à un dépistage mensuel qui est à la fois plus coûteux et moins efficace que le dépistage
bimensuel.
' On suppose qu'il y a en moyenne 9 enfants âges de 3 ans par école maternelle.
106
strétégie do
dépistage
hebdomadaire
himensuelle
mensuelle
surcoût du
programme
(millions $)
28,1
15,7
9,7
économie nette*
(millions $)
44,1
.51,6
50,9
nombre de cas de
cécité évites
310
289
260
* taux d'actualisation .3%
Tableau 1.
Coûts et bénéfices annuels du programme de dépistage et de traitement de la rétinopathie du
prématuré. Etats-Unis 1988, d'après [3].
En revanche, si l'on veut accroître encore davantage cette fréquence, le dépistage
hebdomadaire ne permettrait de détecter que 21 cas supplémentaires dont le coût unitaire serait
très élevé, avoisinant .360 000 $.
Sur la base de ces premiers résultats plutôt favorables, une équipe de chercheurs a
voulu actualiser l'évaluation économique de la prise en charge de la rétinopathie du prématuré
[4] en tenant compte de nouveaux éléments disponibles :
> La mise au point d'un traitement par laser, qui peut être substitué à la cryothérapie car doté
d'une efficacité supérieure
> La disposition d'une étude permettant de cerner le devenir à plus long terme (6 ans environ)
de patients traités pour rétinopathie, avec une mesure de leur acuité visuelle sur une échelle
de Snellen
> Les résultats d'une étude ayant cherché à quantifier, à partir d'une régression multivariée, la
relation existant entre l'utilité de patients souffrant de troubles visuels et leur score sur
l'échelle de Snellen. La relation obtenue s'écrit :
Utilité = 0,374.x + 0,514
où x est le score de Snellen sous forme décimale
Les auteurs ont ainsi développé un modèle de simulation pour comparer le coût par année
de vie en bonne santé gagnée (coût par QALY) as.socié aux deux traitements de la rétinopathie
disponibles. Les coûts unitaires retenus ici ne concernent que les traitements eux-mêmes et non
le dépistage préalable qui n'apparaît pas ici comme un élément de différenciation dans
l'alternative envisagée. Tous les coûts sont évalués du point de vue du tiers payeur aux prix de
1998 dans le contexte des Etats-Unis. Ils concernent la visite préalable permettant de choisir
entre les deux traitements (140 S), et les traitements eux-mêmes (794 $ pour le laser contre 498
pour la cryothérapie). L'efficacité des traitements en matière d'acuité visuelle, extraite de la
littérature, est exprimée en équivalent décimal du score de Snellen :
0,23 pour le non-traitement,
0,31 pour la cryothérapie,
0,49 pour le laser.
Dès lors, bien que la cryothérapie soit moins coûteuse, le résultat de cette étude montre
qu'elle est aussi moins efficace que le laser. A contrario, le laser est économiquement
préférable car son surcoût est plus que compensé par sa plus grr.nde efficacité, dont les
bienfaits se font sentir sur tout l'horizon de vie. Comme on peut le voir sur le tableau 2, le coût
par QALY du traitement au laser est en effet de 678 ,$ contre 1 801 $ pour la cryothérapie.
107
stratégie de
traitement
acuité visuelle
Utilité associée
QALYs gagnés*
0,60
0,63
0,70
0
0,59
2,37
(échelle de Snellen
décimale)
0,23
non-traitement
cryothérapie
0,31
0,49
laser
taux d'actualisation 3%
coiît par QALY
(en $)
//
1 801
678
Tableau 2.
Coût par année de vie sauvée en bonne santé (QALY) du traitement de la rétinopathie du
prématuré, selon le traitement. Etats-Unis 1998, d'après [4],
Au-delà de ces considérations strictement économiques, il faut également évoquer un
autre aspect lié aux troubles visuels de 1 'enfant, celui des inégalités sociales.
Une récente étude belge, faite sur le dossier médical de 2 684 enfants nés entre 1976 et
1980, dépistés une première fois à 12 ans et une seconde fois à 15 ans, donne sur ce point des
résultats à méditer. [51 Comme on peut le voir sur le tableau 3, il apparaît en effet que le
groupe social d'appartenance exerce une influence sur la prévalence des troubles visuels et leur
traitement. On note ainsi que la prévalence des troubles visuels est plus élevée dans les
groupes sociaux les plus favorisés.
A 1 'inverse, on constate que la proportion d'enfants de 12 ans ayant des défauts visuels
non traités est plus importante dans les groupes sociaux défavorisés. De plus, cette
différenciation est encore plus poussée à 15 ans qu'à 12 ans, faisant ainsi accroître les
inégalités.
"/r d'enfants avec acuité
visuelle diminuée
% d'anomalies à 12 ans déjà
connues et non traitées
% d'anomalies à 12 ans non
connues avant
RR de non traitement à 12 ans
(IC 95%)
RR de non traitement à 15 ans
(IC 95%)
groupe 1
groupe 2
27
29
10
10
gioupc= 3
groupe 4
groupe 5
20
21
32
total
23
30
13
22
17
//
//
//
//
1.0
0.9
1.9
2,9
3,0
//
(0,5-1,5)
(1,2-2,9)
(1,9-4,4)
(2,0-4,5)
1,0
1,2
2,2
4,1
4,2
//
(0,7-2,2)
(1.3-3,9)
(2.5-6,8)
(2,5-7,0)
Tableau 3.
Proportion d'anomalies de l'acuité visuelle traitées et non traitées et risque relatif (RR) de non
traitement, selon le groupe socio-économique, d'après [5].
108
Pour conclure, je voudrais insister sur le fait que les déficits visuels de l'enfant
constituent un réel problème de Santé Publique.
Trois questions essentielles se posent aux déeideurs publics, sur lesquelles il serait bon de
disposer d'investigations plus nombreuses :
•
•
•
En premier lieu, il faut faire des choix, et peut-être réviser les choix antérieurs, en ce qui
concerne la nature et le contenu de stratégies de dépistage de ces troubles visuels. A cet
égard, des études d'évaluation peuvent être utiles.
En second lieu, il faut rendre des arbitrages quant au financement de ces stratégies, pour
préciser quelle part doit être prise en charge par les différents acteurs.
Enfin, il paraît souhaitable d'accompagner de telles mesures par des efforts en matière
d'éducation à la santé.
BlBUOGRAPHIE
1. Konig, H.H., Barry, J.C., Leidl, R., et al. Cost effecUveness of mass orthoptie screening in
kindergarten for early détection of developmental vision disorders. Gesundheitswesen, 2000.
62(4): p. 196-206.
2. Konig, H.H., Barry, J.C., Leidl, R., et al. Cost-ejfectivenes.s of orthoptie .screening in
kindergarten: a decision-analytic model. Strabismus, 2000. 8(2): p. 79-90.
3. Javitt, J., Dei Cas, R., Chiang, Y.P. Cost-effectivene.ss of screening and cryotherapy for
Ihreshold retinopathy of prematiirity. Pediatrics, 1993. 91(5): p. 859-866.
4. Brown, G.C., Brown, M.M., Sharma, S., et al. Cost-effecliveitess of treatment for threshold
retinopathy ofprematurily. Pediatrics, 1999. 104(4): p. e47.
5. de Spiegelaere, M., Dramaix, M., Hennart, P. Dépistage et prise en charge des troubles
visuels chez, l'adolescetit : impact sur les inégalités .sociales. Santé Publique, 1999. 11(1): p.
41-47.
109
E X P E R T I S E C O L L E C T I V E I.N.S.E.R.M.
P O U R UN D É P I S T A G E DE M A S S E
François VITAL-DURAND
Directeur de recherche INSERM - Bron
Docteur Joseph BURSZTYN
Ophtalmologiste - Paris
A la demande de la Mutuelle Générale de l'Education Nationale, l'I.N.S.E.R.M. a entrepris
une expertise collective concernant les déficits visuels du jeune enfant. L'équipe a été rassemblée
par deux responsables INSERM qui s'occupent d'expertises collectives, qui ont réuni un certain
nombre d'experts, (sur une répartition géographique intéressante : les villes de Lyon, Paris,
Marseille, Strasbourg, et Toulouse), un certain nombre d'orientations professionnelles, une majorité
d'ophtalmologistes bien sûr mais aussi des économistes, des généticiens, des épidémiologistes et
acs personnels travaillant dans le milieu de l'optique.
Le travail a comporté trois parties, et sera présenté sous cette triple forme. Premièrement un
rapport, deuxièmement une synthèse et troisièmement un plan de recommandations. Le plan de
recommandations que je vais vous présenter avec François Vital-Durand comporte quatre
éléments.
•
•
•
•
le dépistage du déficit visuel chez le jeune enfant, population générale,
la prise en charge des enfants porteurs d'un déficit visuel,
former et informer,
le développement de la recherche.
LE DEPISTAGE OU DEFICIT VISUEL CHEZ LE .JEUNE ENFANT
Je mentionnerai les quelques chiffres que Monsieur Lenne a rappelés car c'est un problème
majeur de santé publique, un enfant sur sept a des problèmes de vision, ce qui représente 550 000
enfants entre la naissance et 5 ans, 130 000 amblyopes, amblyopie liée à des amétropies, des
strabismes ou l'association des deux, et, c'est le point le plus important qui semble le moins
intéresser les économistes, l'amblyopie foncdonnelle est pratiquement systématiquement
guérissable avant l'âge de deux ans. En revanche, si on essaie de traiter une amblyopie fonctionnelle
après l'âge de cinq ans on dit qu'il y a à peu près 50 % d'améliorations et non pas de guérisons.
Soixante dix mille enfants ont des lésions organiques, parmi eux 4 000 sont mal voyants ou
aveugles. On divise les déficits visuels de l'enfant en deux groupes : les déficits légers qui sont de
loin les plus nombreux, les différentes amétropies, les strabismes, les petites malformations (on
prend comme exemple le colobome iridien) qui peuvent être à l'origine tous d'une amblyopie, et
puis les déficits lourds qui sont beaucoup plus rares et qui comprennent les pathologies des milieux
transparents, cataracte, glaucome congénital, maladies de la cornée, mais également les
rétinopathies et les malformations oculaires. Cela nécessite une prise en charge précoce, mais
également plus importante avec de nombreux intervenants, et qui va demander beaucoup plus de
temps.
110
Cette situation actuelle en France, mais c'est également le cas dans d'autres pays, est assez
préoccupante car la pathologie ophtalmologique est généralement latente et discrète, il y a une
insuffisance de structures spécialisées, les milieux professionnels et le public sont mal informés
mais on y travaille, les intervenants sont multiples, le corps médical mal formé à l'ophtalmologie
pédiatrique, et les politiques souvent s'en désintéressent.
Pour dépister il faut commencer par faire un diagnostic prénatal des anomalies visuelles
sévères. Et l'on se retrouve devant deux situations.
- Premièrement une situation à risques,
- deuxièmement la découverte systématique d'anomalies prénatales.
La situation à risques est recherchée par l'interrogatoire et quand elle est retrouvée, si cela
s'avère nécessaire, amène une consultation auprès du généticien. Un diagnostic prénatal à la
onzième semaine d'aménorrhée est possible de même qu'une interruption de grossesse. Dans les cas
où l'on découvre fortuitement une malformation oculaire sévère il s'agit toujours, la plupart du
temps, d'une échographie de la vingtième semaine, donc plus tardive. Si le pronostic est mauvais et
le risque de malformation cérébrale associée important, il faut en discuter avec le généticien :
poursuite ou interruption de grossesse '? Un point important est que dans le cadre d'une échographie
systématique de la vingtième à vingt deuxième semaine, il faut former les échographistes au
dépistage systématique des malformations oculaires sévères que sont l'anophtalmie, les
microphtalmies sévères et les kystes colobomateux.
Par la suite il faut s'attacher, et on va suivre le trajet du carnet de santé, à améliorer les
dépistages des anomalies visuelles à la naissance. Les anomalies doivent être recherchées
systématiquement et d'une façon relativement simple à la naissance, il faut écarter les paupières du
nourrisson, rechercher des malformations, pupille blanche, opacité de la cornée, taille du globe
oculaire. Sur le carnet de santé, il n'existe au huitième jour, (page que remplit le pédiatre ou le
généraliste) aucune case concernant les anomalies oculo-palpébrales. 11 serait intéressant de les
noter, de même que sur le certificat obligatoire du huitième jour, de mettre une ca.se avec une croix,
anomalies oculo-palpébrales ou pas.
Pour l'examen systématique du quatrième mois, on pourrait ajouter sur le carnet de santé
une rubrique, recherche des anomalies oculaires, en suivant le plan de certaines autres pages, étude
de la fixation de la poursuite oculaire, recherche d'un strabisme et d'un nystagmus, recherche de
pupille blanche (qui évidemment fait penser à une cataracte ou à un rétinoblastome), d'une cornée
opaque (on pense au glaucome), des anomalies de taille, glaucome congénital et microphlalmie,.
L'examen du quatrième mois a un intérêt car il permet de dépister certaines anomalies qui ne l'ont
pas été à la naissance, et d'en voir certaines apparues entre temps, comme le rétinoblastome, le
strabisme qui souvent n'apparaît pas immédiatement à la naissance mais plutôt au premier ou au
deuxième mois, et les nystagmus.
L'examen le plus important nous semble à tous de faire un dépistage systématique des
déficits visuels entre neuf et douze mois. Il dépend de deux sortes de spécialistes, d'abord le
généraliste ou le pédiatre. Ils vont rechercher un strabisme, un trouble oculo-motour et ils vont
détecter des anomalies organiques. Et surtout les ophtalmologistes et le groupe d'experts souhaitent
que tous les enfants aient entre neuf et douze mois, une examen de la réfraction sous cycloplégique
fait par un ophtalmologiste. L'aide durant cet examen peut être apportée en fonction des décrets de
capacité, par les orthoptistes ou des opticiens.
Evidemment l'idéal serait de disposer d'une méthode d'examen de la réfraction sans
cycloplégique. Les accidents sous cycloplégique sont très rares mais ils existent. Cette méthode
serait idéalement rapide, automatique, utilisable en routine. De cette manière il faudrait changer le
m
carnet de santé au neuvième mois, et remplacer la rubrique "Evaluation quantitative de l'acuité
visuelle œil droit, œil gauche" qui se trouve à neuf mois en haut à droite, au dessous des anomalies
concernant l'oreille, par "Examen de la réfraction sous cycloplégique et du fond de l'œil, par un
ophtalmologiste".
A trente et quarante deux mois, c'est l'âge de l'évaluation de l'acuité visuelle, et c'est l'âge
auquel on peut rechercher de façon très simple un strabisme. Les différentes possibilités de
recherche sont variées, les différents lieux aussi, la maternelle, les centres de PMI, un
ophtalmologiste, et on peut envisager différentes possibilités. On peut conserver l'examen de la
quatrième année qui se trouve à peu de distance, mais examen qui n'est pas aussi complet.
Je voudrais insister à propos des dépistages sur le fait qu'il faut prendre en considération les
différents risques spécifiques de certains déficits visuels. Il s'agit de la grande prématurité. On
prend comme base trente trois semaines, cela peut toujours être discuté mais c'est un élément
intéressant. Le petit poids de naissance concerne les prématurés mais également les hypotrophes,
(moins de quinze cents grammes). Les différentes anomalies chromosomiques qui souvent associent
des anomalies organiques et des anomalies de réfraction, les antécédents de déficit visuel, les
amétropies ou les pathologies héréditaires, les atteintes cérébrales et crâniennes, (on insiste
beaucoup sur les crâniosténoses, qui présentent des risques sur le nerf optique mais également des
risques de strabisme et d'amblyopie), les expositions aux diverses infections, ou aux neurotoxiques
in utero et enfin la surdité et le déficit neurologique, tout cela doit être recherché.. La difficulté de
communication est importante et il faut absolument surveiller ces enfants pour leur permettre une
meilleure relation avec l'extérieur. Et enfin je voudrais rappeler une notion d'importance c'est chez
les enfants qui ont des parents atteints de forte myopie ou de strabisme, de les faire examiner de
façon très précoce.
LA PRISE EN CHARGE DES ENFANTS PORTEURS D'UN DEFICIT VISUEL
De façon certaine le Comité d'Expertise recommande de prendre en charge dès la première
année les amétropies, les strabismes, les désordres oculo-moteurs. On a l'impression de rabâcher
mais c'est ainsi que l'on fera changer les mentalités progressivement. Le port de la lunette doit être
constant quand le diagnostic a été fait. On peut s'entendre pour qu'une anisométropie soit corrigée
optiquement au delà d'une dioptrie, un astigmatisme au delà d'une dioptrie et demie, une myopie
environ à - 2,5 et plus, une hypermétropie selon les cas à + 3,5. Bien sijr on traite l'amblyopie, bien
sîîr on explore et on traite les troubles oculo-moteurs.
La lentille de contact devrait être mieux répandue chez les petits bébés dans un certain
nombre de cas. Les problèmes techniques que cela pose sont en fait beaucoup moins graves que l'on
veut bien le croire lorsqu'il y a une bonne collaboration entre les différents acteurs dans ce domaine,
et les opticiens sont concernés particulièrement. Les déficits visuels sévères, il en a été fait mention
à plusieurs reprises, doivent bien sijr être pris en charge précocement, le traitement chirurgical ne se
discute pas, la cataracte non plus, ce sont des urgences médicales, de même les maladies rétiniennes
et neuro-ophtalmologiques, s'accompagnent comme la cataracte d'une prise en charge éducative,
rééducative.. Cette prise en charge doit être globale, elle porte sur l'ensemble du développement de
l'enfant, elle implique de nombreuses professions, les orthoptistes, les psychomotriciens, les
psychologues, les orthophonistes, les éducateurs spécialisés, les instructeurs en locomotion, les
ophtalmologistes bien sûr et au plus près des lieux de vie de l'enfant, que ce soient des soins à
domicile ou en centre. C'est un médecin qui structure l'éducation spécialisée dans ce domaine.
L'accès aux soins doit être facilité pour tous les types de déficits. Des problèmes de prise en
charge financière sont importants, pour les équipements optiques qui actuellement sont faits au coup
par coup selon les accords qui peuvent être obtenus. Qu'il s'agisse de lunettes ou de lentilles, de
112
verres multifocaux et des progressifs qui ne sont certainement pas assez utilisés chez le petit bébé,
les pansements occlusifs qui ne sont remboursés qu'en partie, la prise en charge des aides visuelles
pour les enfants un peu plus grands, pour les malvoyants la prise en charge des aides électroniques,
cela concerne aussi la tranche d'âge des plus âgés. On voudrait que la loi sur les handicaps soit
appliquée. En terme d'éclairage, de bandes de vigilance, de systèmes sonores, de transcription en
braille, cela concerne une classe d'âge un peu plus élevé.
FORMER ET INFORMER
Le problème dramatique suivant est de former et d'informer. 11 faut remercier l'A.S.N.A.V.
et l'A.F.P.S.S.U. d'avoir organisé ce Colloque. Il en faut d'avantage avec des quantités d'acteurs. Il y
a des formations qui existent, elles ne sont pas assez suivies. Les généralistes et pédiatres devraient
être mieux formés. Lors de leur formation initiale, lors de la Formation continue obligatoire. 11
devrait y avoi»" dans ces cours des introductions aux amétropies, aux amblyopies, aux malvoyances,
au dépistage des anomalies légères, graves, à la lecture des signes du rétinoblastome, de la cataracte,
du glaucome, de la microphtalmie etc.. Il devrait y avoir un meilleur intérêt des ophtalmologistes,
et sous des formes diverses des enseignements d'ophtalmologie pédiatrique (un semestre inclus dans
le cursus de spécialisation). Les opticiens sont souvent très demandeurs de formations. II devrait y
avoir d'avantage d'enseignements sur l'amétropie, les amblyopies du tout petit, sur les techniques
d'équipement des enfants. Dieu merci on ne voit pratiquement plus de mauvaises lunettes données
au petit bébé, mais aujourd'hui le problème de lunette solaire du tout petit, pour laquelle les
équipements sont d'une médiocrité affligeante avant deux ans, nous préoccupe, et j'espère que cela
va changer.
Promouvoir l'enseignement de l'optique physiologique relève de mon rôle de Président de la
S.F.O.P. Former les professionnels de santé à l'ophtalmologie pédiatrique, tous les professionnels,
les informer sur l'importance, la gravité des accidents domestiques, problème souvent un peu
négligé mais cause importante aujourd'hui du déficit visuel de l'enfant, compte tenu de
l'amélioration des techniques médicales, voilà la nécessité absolue.
Enfin informer et former les pouvoirs publics. Il devrait y avoir des campagnes
d'information, c'est le cas aujourd'hui, dans la presse écrite, à la télévision. Pourquoi la télévision ?
Parce qu'on refuse de montrer des bébés à lunettes , et je voudrais qu'il y ait d'avantage de photos,
d'images de petit bébé à lunettes. A ma connaissance je ne connais qu'une seule grande entreprise
d'optique qui ait fait une superbe campagne de publicité il y a quelques années avec des tout petits
bébés à lunettes. Les autres marques devraient s'y mettre de façon à populariser cette image, à
familiariser le public, l'amener à refuser cette habitude de dire "on a défiguré mon bébé avec une
paire de lunettes" parce que si elle est bien posée par un opticien compétent et consciencieux, cela
n'est pas vrai, le bébé n'est pas défiguré, il peut être transfiguré.
L E DEVELOPPEMENT DE LA RECHERCHE
On ne connaît pas la prévalence des défauts visuels aux différents âges sur des populations
parfaitement contrôlées, il existe quelques études sur les enfants plus âgés, il y a celle de Monsieur
Péchereau, sur les gens du service militaire, il y a celle de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie
de Paris, mais on voudrait que cela puisse exister en France, aussi bien pour les pathologies légères
très mal connues, les pathologies sévères l'étant un peu mieux.
Evaluer l'efficacité du dépistage est un problème difficile, Monsiaur Lévy y a fait allusion,
les études contrôlées sont très difficiles à mener sur le plan financier, comme sur le plan éthique, on
ne peut pas décider qu'un gamin atteint de strabisme, chez lequel on suspecte une amblyopie, ne va
113
pas être traité sous prétexte qu'il est né un jour pair. C'est ce genre d'études dont l'absence nous est
très reprochée, on nous dit "à quoi sert votre dépistage, comment allez vous prouver l'efficacité à tel
âge" comment telle méthode sera-t-elle jugée, ou décrétée meilleure, est-ce que les cartes d'acuité
servent à quelque chose ou pas '.' Prouver cela, c'est très difficile sur le plan de la méthodologie.
Une bonne partie de la difficulté réside dans le niveau de formation et de qualité de la
personne qui pratique cet examen. Il y a des bons orthoptistes, il y en a des médiocres,. 11 y a des
bons ophtalmologistes, il y en a de moins bons, e t c . . Et une bonne partie de l'efficacité de ce
dépistage dépend de la qualité de formation des gens qui le font. Comment mesurer cela, comment
contrôler au jour le jour ? Améliorer les équipes de dépistage, c'est un vœu pieux, pour le moment il
est vrai, nous manquons de très bons outils de dépistage, on voudrait que les industriels développent
entre autres des réfractomètres pédiatriques pour bébés, pas chers et faciles.
Une autre catégorie de recherche très importante concerne tout ce qui touche au mal voyant,
à la qualité de ce que devrait être une éducation optimale de l'enfant mal voyant ou même non
voyant, notamment des études sur son insertion sociale, l'inégalité qu'il subit. Ces domaines là sont
très mal connus. On a beaucoup de témoignages individuels, très intéressants, passionnants, souvent
dramatiques, parfois au contraire quasi euphoriques, on sait très mal sur le plan statistique ce qui se
passe à un niveau de populations concernées.
Il faudrait mesurer le coût des défauts de vision. La question posée est : "vous êtes amblyope
d'un œil, qu'est-ce que cela vous coûte ? " Cela ne vous a pas empêché de vous marier, d'avoir un
bon métier, des beaux enfants, et de conduire votre automobile... Il y a certainement un coût que
nous ressentons de façon indirecte, on entend des plaintes et tout ceci mériterait d'être mesuré. Et il
faudrait aussi évaluer l'éducation spécialisée des malvoyants. Dans quel cadre vivent-ils 1 et là on
touche au problème de l'intégration, qui est de plus en plus répandue, qui est une merveilleuse
solution quand cela marche, qui est une mauvaise solution quand cela ne marche pas et que l'enfant
se trouve en échec d'intégration. Pendant la période scolaire, quelle est la proportion d'enfants
présentant des retard d'apprentissage de la lecture, ou des difficultés d'adaptation à l'école à cause de
la mauvaise qualité de sa vision '? On a quelques éléments, mais on n' a pas d'études précises
spéciales, car elles sont très difficiles à mener.
Concernant les équipements spéciaux pour les enfants, on voudrait des verres plus minces et
plus légers, ce qui s'impose particulièrement pour les cataractes congénitales qui ne peuvent pas
être implantées. La pratique de l'implantation précoce de la cataracte congénitale varie avec le
temps, en ce moment on voit davantage d'enfants avec un implant intra oculaire. Ce n'est pas le cas
pour tous, certains acceptent bien la lentille, dans d'autres cas ce n'est pas possible, ces enfants
éventuellement ont un verre très épais d'un côté et très mince de l'autre, la lunette est toujours mal
supportée et la récupération visuelle est un désastre.
Pour identifier l'étiologie des déficits lourds, il faut continuer en matière de recherche
génétique, cela ne se discute pas, et en matière d'amélioration des techniques chirurgicales, et de la
stratégie thérapeutique de la cataracte. Il y a encore trop de cataracte unilatérales avec des résultats
fonctionnels mauvais, on peut bien sûr décider d'occlure, cependant comment faire accepter
d'occlure le bon œil d'un enfant les trois quarts du temps éveillé, du jour de l'opération jusqu'à
sept/huit ans '.' C'est un problème psychologique, et technique très compliqué. Et enfin, nous
devrons connaître ce que l'on appelle le coût en terme d'argent, et le fardeau en terme de mauvaise
qualité de vie, des défauts de la vision légers comme lourds, c'est un domaine dans lequel nous
somiTies très démunis.
115
POINT DE VUE DES PÉDIATRES
Docteur Gérard BELEY
Pédiatre, ex-Président de L'A.F.P.A.
Essey Lès Nancy
Je vais vous rappeler cet instrument particulièrement important dans la suite de mon exposé ;
il s'agit du Carnet de santé qui est pour nous un guide dans le dépistage.
Ce carnet de santé mentionne en France une surveillance médicale de l'enfant en vingt
examens jusqu'à l'âge de six ans. Ces vingt examens ont lieu à la naissance, à un mois, deux mois,
trois mois, quatre mois, cinq mois, six mois, neuf mois, un an, seize, vingt, vingt-quatre mois et
ensuite deux examens par an jusqu'à six ans. Ce rythme de dépistage est celui qu'a mis en place la
Sécurité Sociale en 1948 pour assurer à tous les petits Français une bonne santé. Ces consultations
avaient pour particularité d'être remboursées à 100 %. Ensuite on a voulu instituer une surveillance
n'us fine de l'enfant, et on a établi les certificats de santé. Les certificats de santé sont au nombre de
trois celui du huitième jour, celui de neuf mois, et celui de deux ans. Ces trois certificats de santé,
lorsqu'ils ont été institués, correspondaient à des versements de primes qui n'existent plus
actuellement, ils ont été remplacés par l'Allocation Jeune Enfant. Cependant ces certificats
demeurent encore des étapes importantes dans la surveillance du nourrisson, en particulier l'examen
du huitième jour à la sortie de la maternité est très important, celui du neuvième mois l'est aussi et
surtout dans ses composantes ophtalmologiques.
Il y a deux étapes dans ce carnet de santé. Une étape avant 1995, avant le "nouveau" carnet
de santé : sur quels éléments le dépistage des troubles visuels reposait-il ? L'anamnèse familiale,
l'anamncse personnelle, l'examen clinique particulièrement important au huitième jour pour bien
regarder l'œil, les milieux, l'examen orthoptique que l'on peut pratiquer dans le cabinet du pédiatre
et on se contentait de cela pour décider de l'envoi ou non d'un enfant en consultation
ophtalmolo^nque. Mais ce système souffrait de critiques et de critiques faciles. C'est que même sans
antécédents personnels, ni familiaux, sans signes cliiiiques, on sait parfaitement qu'il existe des
amblyopies. Ces amblyopics pouvaient tout au plus être détectées par la mesure de l'acuité visuelle
quand on la pratiquait après l'âge de deux ans et demi. C'était bien mais déjà tardif, d'autant plus
que ce bilan après deux ans et demi est très souvent reporté à quatre ans.
Si l'on examine la qualité de surveillance des enfants par pédiatre, généraliste, et la P.M.I.,
on constate on très bon suivi du nourris.son. La P.M.I. a pris en charge un examen excellent chez
l'enfant de quatre ans à l'école maternelle, mais entre deux ans et demi et quatre ans, il n'y a pas de
mesure de l'acuité visuelle institutionnalisée. Bien sûr, dans nos cabinets, nous pouvons à deux ans,
deux ans et demi, trois ans faire cette mesure, mais la difficulté est qu'un certain nombre de cas
d'ambiyopies nous échappent.
En 1993, nouveau carnet de santé, qui reprend un examen orienté par l'anamnèse, reprend la
recherche du strabisme, demande aussi la mesure de l'acuité visuelle et c'est là, à la page 27 au
neuvième mois, la nouveauté : mesure de l'aeuilé visuelle. En môme temps apparaissent de
nouvelles cartes de l'acuité visuelle mises à notre disposition. A ce moment, devons-nous changer
notre mode de travail ? Selon la façon d'appréhender ce carnet de santé, on peut concevoir des idées
qui ne sont pas forcément les mêmes. En 1996, la revue "Vision et Strabisme" dans son édilorial se
réjouit de cette demande de mesure d'acuité visuelle au neuvième mois, et continue de dire qu'il est
116
absolument nécessaire de faire un examen ortiioptique de qualité, mais ajoute que l'étude de la
réfraction est absolument nécessaire, ce que nous pédiatres ne savons pas faire.
Dans ces conditions, peut-être nous faut-il adresser tous les enfants à nos confrères
ophtalmologistes, c'est une solution envisageable, mais les problèmes de démographie médicale et
de pénurie d'ophtalmologistes sont bien connus, et cela rend cette position particulièretnenl
difficile. Alors nous réagissons en disant "Nous, pédiatres, cherchons à améliorer notre dépistage, et
continuons à faire tous les examens comme auparavant ". C'est à dire que nous nous préoccupons de
l'anamnèse personnelle, de l'anamnèse familiale de l'enfant, nous examinons ses milieux oculaires à
la naissance, nous répétons ces gestes au premier mois (car il est très ijnportant de les faire encore à
un mois, deux mois, trois mois), mais nous faisons en plus le Bébé-Vision test et nous continuons
l'examen orthoptique. Est-ce qu'en agissant ainsi nous améliorons notre dépistage ? Nous avons
colligé les sept cents premiers cas dans un cabinet de groupe, faits entre novembre 1997 et mars
1999 et sur 733 enfants examinés 667 étaient normaux, 50 cas présentaient des difficultés
techniques à l'ensemble de l'examen, refait une seconde fois lors d'un examen systématique
postérieur, 16 cas ont du être envoyés chez l'ophtalmologiste, dont 12 franchement pathologiques.
Bien sûr parmi ces enfants on trouvait une anomalie, et particulièrement une anomalie au
Bébévision test, qui aurait été diagnostiquée quoiqu'il en soit. Certains avaient un strabisme, mais
sur les 12 enfants reconnus comme pathologiques il y en avait 5 qui n'avaient aucune raison de
consulter en dehors de notre examen. Actuellement nous en sommes à 2 000 enfants examinés, nous
n'avons pas la capacité dans notre cabinet de pédiatrie de ville d'exploiter statisti(iuement tous ces
cas. Nous menons un travail avec une interne du CHU de Nancy de recherche sur les cas dépistés, et
essayer au moins sur les 1000 premiers cas, avec le recul, de voir si nous sommes passés à cô'é de
beaucoup d'amblyopies. Nous essayons tant de leur faire une mesure de l'acuité visuelle que de voir
la qualité ou les défauts de notre travail.
Cette acuité visuelle est mesurée soit par l'oscillation qui agite la tête et qui est une
présentation en une seule image très ludique et lumineuse et permet peut-être de faire une mesure de
l'acuité visuelle plutôt que le CADET image mais nous l'utilisons également volontiers. Avec de tels
tests nous pensons pouvoir mesurer l'acuité visuelle chez peut-être 10 ou 20 % des enfants de deux
ans, peut-être plus dix pour cent à deux ans et demi, on doit arriver au 2/3 des enfants à peu près. Il
en reste un tiers chez qui on n'a pas du tout évalué l'acuité visuelle œil séparé et là c'est un problème
car l'examen de trois ans est vraiment le dernier moment peut-être. Mais si auparavant on ne peut
pas, c'est parce que l'enfant parle trop peu, qu'il a un langage pauvre. C'est d'ailleurs peut-être en
partie à cause de problèmes visuels, il faut donc ,se dépêcher de l'adresser à un ophtalmologiste, c'est
la dernière limite si on n'a pas su faire une mesure correcte de l'acuité visuelle.
Les pédiatres connaissent bien les problèmes du dépistage. Ils les connaissent parce qu'il le
pratiquent depuis longtemps en maternité, ce sont des dépistages universels pour la
phenylalaninurie, pour l'hypothyroïdie, pour l'hyporplasie congénitale des surrénales. Là il y a
longtemps que les chiffres sont connus. Chacun des ces dosages coûte 15 € à la société, mais
compte tenu du nombre de cas dépistés, un cas d'hyperplasie congénitale des surrénales dépisté
coûte au moins 26000 € (environ 170 000 Francs) si j'ai bonne mémoire. En ce moment se met en
place le dépistage de la mucoviscidose, et dans ce dépistage il a fallu prouver l'intérêt de le faire,
car dépister une maladie incurable, ce n'est peut-être pas d'une importance réelle. Cependant une
prise en charge très organisée dans des centres de référence qui eux-mêmes suivaient plus de cent
enfants, a démontré l'intérêt de dépister la mucoviscidose malgré les problèmes que cela pose (car il
faut un deuxième test génétique). Nous tirerons de la mucoviscidose deux enseignements. Le
premier c'est que le dépistage a commencé dans certaines régions et cette région a permis d'étudier
la faisabilité du test, et de mettre en évidence des chiffres de coût/clïicacitc. Et le deuxième c'est
117
que ce dépistage a été pris en cliarge par l'Association Française Pour le Dépistage des Handicaps
de l'Enfant, association particulièrement compétente dans le domaine de ces dépistages.
Un autre dépistage dont il faut parler c'est celui de la surdité puisque dans le même carnet de
santé de 1995 est apparue la pratique des otoémisssions. Comme la mesure de l'acuité visuelle, elle
n'est pas pratiquée mais pourtant la surdité est une maladie fréquente. Un enfant sur mille naît sourd
profond bilatéral, et on sait parfaitement que ce n'est diagnostiqué en général que vers deux ans
alors qu'un diagnostic à six mois est très important pour l'avenir de l'enfant. Et de ce dépistage de la
surdité il faut surtout retenir ce concept : "Avant d'envisager un dépistage de masse il faudrait
réaliser des études de dépistage de la surdité à l'échelle d'un département, adapté aux pratiques
françaises, et selon une méthodologie rigoureuse". Il faudrait donc envisager des expériences
locales adaptées à la manière dont nous travaillons en France, et une méthodologie qui n'est pas
celle avec laquelle nous avons trop souvent travaillé.
Dans tout cela, quel est le rôle possible du pédiatre ? faire un bon examen, un examen
complet en particulier l'examen orthoptique, le bébévision, à tous les enfants, au cours de l'examen
du neuvième mois ? Il faut dire quand on va faire cet examen et dans quelles conditions. Tous les
examens de dépistage dont nous avons parlé sont faits avec l'unité de lieu qui est le lieu de
naissance de l'enfant. Ici au contraire c'est différent puisque nous n'avons plus cette unité de lieu,
puisque les enfants sont suivis qui en médecine générale, qui chez le pédiatre, les autres en P.M.I/.
Cela complique les choses pour tous les enfants, pour l'examen au cours du neuvième mois, dans les
cabinets des pédiatres, dans les P.M.I.. Et je ne pense pas que les généralistes aient les moyens de
s'équiper pour un dépistage aussi ciblé. Il faudrait simplement qu'ils travaillent en réseau avec les
pédiatres ou avec les P.M.I. Il est tout à fait possible que pour un examen technique un généraliste
demande que l'enfant soit vu en P.M.I.. Toutefois des examens à l'âge de neuf mois, dans lesquels
on pratique tous ces dépistages sont sous payés par rapport aux examens standards et il faudrait
penser à une revalorisation des tarifs.
119
POINT DE VUE DES OPHTALMOLOGISTES
Docteur Jean-Luc SEEGMULLER
Ophtalmologiste,
Président du S.N.C.F.
Demander aux ophtalmologistes de donner leur point de vue, c'est les plonger dans la
félicité, et la volupté la plus complote, je reconnais bien là la diplomatie courtoise du Président
Galceran et je l'en remercie. Je saisis aussi l'occasion pour le féliciter avec toute son équipe d'avoir
préparé mon exposé par la succession des communications précédentes dont le lecteur averti n'a pas
manqué de tirer les conclusions utiles, et donc cette intervention devient presque inutile quand il
s'agit de parler du rôle de l'ophtalmologisre.
En réalité il consiste à déterminer tous les cas oij l'on peut éviter de s'adresser à lui. Il ne
s'agit donc pas de médicaliser à tout prix d'une manière fataliste, il ne s'agit pas non plus si vous me
permettez cette expression, de jeter de la poudre aux yeux à propos du dépistage - que de crimes
commettons nous en ,son nom !!!- mais de bien déterminer celui-ci.: Qu'cst-il '? Quelle différence
importante y-a-t-il entre le dépistage fait par l'entourage familial d'un côté, ou l'orthoptiste pédiatre
de l'autre, avec tous les intermédiaires de ceux qui s'y emploient et qui s'investissent, les
enseignants, les infirmières, les orthophonistes -on l'a dit -, les généralistes, la P.M.I., enfin tous
ceux que Monsieur Le Gargasson a appelé les acteurs sociaux. Le dépi.stage n'a pas d'intérêt
lorsqu'on le considère dans l'absolu et il n'a surtout d'intérêt que s'il débouche finalement sur une
conséquence, et la première conséquence en est \e diagnostic.
Il s'agit de déterminer ce qui est normal et de le distinguer du pathologique. Alors, qui peut
poser ce diagnostic '? qui peut faire la constatation d'un état anatomique anormal comme l'a souligné
Madame Speeg-Schat/., qui peut réaliser une réfraction sous cycloplégique et un examen du fond
d'œil dont Monsieur Pechereau a souligné l'absolue nécessité, qui peut détecter le micro strabisme
dont parlait Monsieur Chariot, mettre en évidence un rétinoblastome à un stade précoce comme
l'avait réclamé Monsieur Arnaud, s'occuper en fait des 25 % de la population à prendre en charge
comme le soulignait Monsieur Clergeau, et qui peut réali.ser tout cela au moment stratégique '? et
ensuite laisser tous ceux qui n'ont pas besoin d'être médicalisés dans la catégorie des personnes
normales, qui donc si ce n'est l'ophtalmologiste ?
Son rôle est en l'occurrence de ne rien laisser passer, aussi de ne pas perdre de temps,
l'urgence de la précocité du diagnostic a été largement soulignée, et enfin un sujet sur lequel il
faudra continuer de se pencher, c'est la rentabilité à tous égards. Quantité, rapidité, rentabilité ce
sont les trois interactifs qui entrent dans le rôle de l'ophtalmologiste particulier, avec tout son
environnement car ce sont plus de 25 000 professionnels qui s'occupent du sujet de cet ouvrage, la
vision de l'enfant. Alors leur articulation de toute évidence s'ainéliore d'années en années de façon
considérable, et doit encore s'améliorer.
On a parlé des variations dans l'appréciation de l'ophtalmologiste lorsqu'il est destinataire
d'enfants dépistés, selon la façon dont il procède, et en particulier s'il réalise ou non une cycloplégie.
Donc la proportion de ses conclusions sera probablement différente, et puis vient en compte le
facteur humain, fort heureusement le dépistage et la prise en charge ne sont pas mécanisés, et
l'appréciation personnelle des professionnels demeure un facteur de situation certes, mais il ne faut
pas sous estimer l'intérêt de la finesse dans l'appréciation.
120
Les enjeux ont été mieux identifiés d'année en année et le résultat en est la diminution tout à
fait spectaculaire du nombre de cas de strabismes et d'amblyopies, tels que nous les rencontrons et
les dénombrons au sortir de l'enfance, avec ses corrélatifs : le développement considérable des
systèmes et des structures de dépistage et les différentes initiatives évoquées, particulièrement
intéressantes et remarquables.
Alors comment se fait-il que l'on puisse parler d'une dégradation actuelle de la prise en
charge des troubles visuels de l'enfant, comment se fait-il que dans cette aube prometteuse, ce ciel
serein se trouve progressivement obscurci '?
Il l'est par le nuage démographique. D'ailleurs la comparaison n'est peut-être pas idéale
puisque le nuage est un phénomène climatique et en l'occurrence il ne s'agit pas d'un phénomène
naturel à subir, mais de l'évolution programmée d'une situation que nous constatons depuis des
années, et qui aboutit à une grave pénurie des professionnels, accompagnée des effets pervers que
vous n'avez pas manqué de relever avec votre sagacité habituelle dans les questions posées. Il n'y a
plus assez, il y aura de moins en moins d'ophtalmologistes, il n'y a plus assez et il y aura de moins
en moins de pédiatres, il n'y a plus assez et il y aura de moins en moins d'infirmières, ainsi de
suite..., la mobilisation magnifique de ces professionnels, de ces structures et de tout
l'environnement des professionnels qui s'intéressent aux enfants, (et dans ces professionnels je
compte la plus belle profession qui soit, celle des parents), cette mobilisation magnifique se heurte
au démantèlement progressif des structures, des mentalités, et des systèmes mis en place bloqués
par l'évolution telle que nous la rencontrons.
Alors ce Colloque, par ses communications d'une très grande qualité, et par les questions
d'un auditoire particulièrement averti, met en évidence d'une façon très claire que si les
ophtalmologistes réclament à cor et à cri un renversement de l'évolution démographique de
leur spécialité - et de quelques autres - ce n'est pas dans le but exclusif de se créer à euxmêmes des concurrents supplémentaires, mais pour répondre à un problème tout à fait
majeur de santé publique.
Pour répondre aux besoins clairement identifiés, et donc surtout à ceux d'une partie
particulièrement importante de la population, celle des enfants qui constituent la nation de
demain.
121
QUESTIONS - REPONSES
William LENNE
Cette session se termine. On va réouvrir quelques minutes le débat. Y-a-l-il des questions dans la
salle ?
Question
Je suis un peu étonnée de ce que à priori l'examen orthoptique soit fait par le pédiatre et qu'on ne
demande pas à l'orthoptiste une aide.
Réponse
Je pense en effet qu'il doit y avoir d'autres modes de travail qui incluent systématiquement
l'orthoptiste dans le dépistage. On peut décider aussi de dire que tous les enfants doivent être vus
par un ophtalmologiste. Je ne suis pas du tout contre une telle solution mais pour le moment les
pouvoirs publics n'ont pas pris de décision et je crois qu'en effet il faut que nous fassions des
expériences, et construisions dos programmes dans différentes régions. Si dans telle région de
France on confie à un orthoptiste un examen orthoptique et une mesure de l'acuité visuelle pour tous
les enfants, c'est peut-être une bonne solution de dépistage. Je crois que Monsieur Vital-Durand a
déjà proposé cela ?
Monsieur Vital-Durand
Vous avez le pouvoir de le faire. Il vous suffit de prescrire un bilan orthoptique pour cet enfant.
Vous pédiatres avez du mérite à faire un examen visuel aussi complet que cela. En Erance je n'en
connais pas beaucoup d'aussi approfondi que le vôtre mais peut-être que les autres font un examen
auditif, ou s'occupent à des examens d'une autre partie du corps.
Il faut arriver à des .solutions qui soient des solutions mises en place régionalemcnt, ou dans un
département où tout le monde fasse la même chose dans le même endroit, et on regardera quelle est
la qualité des résultats, et à ce moment là l'on peut s'adresser à telle ou telle catégorie de
professionnels, il n'y a pas du tout d'exclusivité pour ces examens.
Participant
Depuis ce matin on a plusieurs fois parlé du carnet de santé et du bilan de neuf mois en ayant l'air
de considérer que l'examen de l'acuité visuelle au neuvième mois était obligatoire. Il n'est pas
mentionné comme examen obligatoire, il est mentionné comme examen conseillé, ce qui change
tout, car il y a beaucoup de pédiatres qui ne le demandent pas, beaucoup de familles qui n'ont pas
envie de le faire. Il eût été préférable qu'il fût obligatoire. D'autre part je pense que le héhévision
n'est pas un test de dépistage de masse à mettre entre les mains des pédiatres. Je pense qu'un
héhévision isolé, à neuf mois, peut donner une réponse satisfaisante alors qu'existe une
anisométropie qui va .secondairement déclencher une amblyopie, elle-même à ce moment là
dépistée à quatre ans au cours de l'examen obligatoire de la vision. Pour cela le rôle des orthoptistes
est prépondérant qui peuvent faire un examen orthoptique, et conseiller l'examen de la réfraction
chez un ophtalmologiste si c'est nécessaire.
Participante
L'INSERM a mis en évidence que le seul examen de dépistage qui soit efficace est celui de
l'examen de la réfraction sous cycloplégique. Il est vrai que le In'hévision est un instrument très
intéressant mais qui peut difficilement être utilisé en dépistage car il donne beaucoup trop de faux
négatifs et qu'il est le reflet d'un instantané.
122
Monsieur Seegmuller
Je souscris évidemment très fortemenl à ce que vous ave/ dit Madame, et j'observe qu'un certain
nombre d'évolutions réglementaires ou légales se sont produites ces dernières années, et elles vont
dans le bon sens. Je rappelle que la délivrance des verres correcteurs aux sujets de moins de seize
ans est soumise à prescription médicale. Ces déjà une prise de con.science par le législateur que
cette tranche d'âge devait être médicalisée. C'est nous qui avons obtenu que, as.se/, récemment,
parmi les motifs de prise en charge des lentilles de contact soit ajouté le strabisme accommodatif et
ceci va dans le sens d'un progrès de la prise en charge. Nous avons été, avec les orthoptistes, très
ardents à demander l'élargissement de leur champ d'activités. Ils l'ont obtenu en juillet 2001 par la
publication d'un nouveau décret de compétence, qui précisément élargit beaucoup les possibilités de
participation de cette profession particulièrement formée et particulièrement compétente, comme on
le voit dans toutes les opérations de dépistage, celles que l'on a citées et qui se déroulent depuis plus
de vingt ans dans mon département. Bien sûr que j'appuie les vœux du groupe de l'INSERM. Si on
veut qu'ils soient réalisables toutes sortes de mesures sont indispensables. Des moyens
supplémentaires devraient être apportés à la Médecine Scolaire notamment, ils .sont manifestement
insuffisants par rapport à l'importance de sa mission. Il faudrait aussi évidemment organiser une
articulation entre ces différentes professions, rendre obligatoire cet examen de neuf mois puisque
tous les experts sont d'accord pour le réclamer et puis faire en sorte qu'il y ait un nombre
suffisant de professionnels pour que, indépendamment de l'attrait qu'ils éprouvent pour la chirurgie
réfractive, les ophtalmologistes aient vraiment le temps nécessaire pour s'occupa de tous les aspects
de leur mission. Les dysfonctionnement évoqués sont bien plus dus à cette surcharge de travail
qui dans certaines régions confine à la folie, plutôt qu'au désintérêt ou à la négligence.
William LENNE
Juste quelques précisions sur l'expertise I.N.S.E.R.M.. Le groupe d'experts n'a aucunement négligé
les problèmes de démographie professionnelle : d'ophtalmologistes, d'orthoptistes et également
d'opticiens. Le groupe d'experts de l'LN.S.E.R.M. a recommandé un examen de dépistage à
neuf mois. Dans l'état actuel des moyens, des techniques, on n'a aucune solution sachant qu'il
y a 750 000 enfants à examiner par an, une réfraction sous cycloplégique chez
l'ophtalmologiste est impossible. On est dans une impasse. C'est pourquoi le groupe a
recommandé des travaux de recherche, c'est le rôle de l'LN.S.E.R.M. pour la mise au point d'un
instrument de dépistage, donnant le moins possible de faux négatifs, qui serait à la disposition de
professionnels de la vision sous la responsabilité de l'ophtalmologiste. Je voudrais ajouter un dernier
point concernant l'expertise INSERM, vous avez remarqué dans mon exposé que, à chaque fois
j'insiste sur les différents intervenants, il n'y a pas que les ophtalmologistes et il est évident que les
généralistes, les pédiatres, les orthoptistes, les personnels travaillant dans les services de
P.M.L et du S.P.S.F.E. ont un poids très important et il faudra absolument leur donner une
vraie place.
123
CONCLUSION DU C O L L O Q U E
Professeur Yves POULIQUEN
Une ébauche de conclusion s'est dessinée au cours de cette dernière table ronde. Je voudrais
tout d'abord remercier tous les participants, tous les intervenants de ce séminaire qui comme à
l'habitude a soulevé des problèmes très importants pour l'ophtalmologie, pour la vision, pour la
santé visuelle.. Puisque déjà le fœtus commence à intégrer toutes les notions qui font de lui un
voyant, - ou peut-être un mal voyant - "De la naissance à la lecture" est un titre un peu court, il
vaudrait mieux annoncer "De la vie fœtale à la lecture". Le mol clé est le dépistage, et personne
n'est contre le dépistage, que ce soit de l'amblyopie ou du strabisme, ou contre son corollaire, le
traitement. Tous nous sommes d'accord pour l'entreprendre. Les procédures sont exposées par
l'i.N.S.E.R.M.. On a fait le point sur le travail à réaliser. La communauté des médecins et des
ophtalmologistes naturellement, car il faut établir une hiérarchie entre le pratique, l'efficace, le
pragmatique et aussi le scientifique. Il est évident que cette hiérarchie doit être classée, elle ne peut
pas l'être sans moyens c'est évident, mais on ne dispose pas actuellement en France de tous les
moyens nécessaires et ce n'est pas le moindre intérêt de ce séminaire que tous ensemble nous
mettions l'accent sur ce grand vide.
Face à ce vide, il n'y a pas d'inaction. L'exemple de Madame Chirez est assez étonnant, qui,
par l'examen orthoptique de 20 000 enfants conduit à une quasi éradication des amblyopies. C'est
superbe, et pour être parcellaire, cette action est exemplaire. Et si on s'adresse aux 700 000 enfants
qu'il faudrait systématiquement examiner il est bien évident qu'à un moment donné s'imposera une
conclusion ophtalmologique à ce problème. Et là, actuellement, il y a un grave problème en France
de l'aspect médical de l'ophtalmologie complètement masqué par la tendance chirurgicale. C'est
aussi une réalité, 396 000 cataractes opérées cette année et je ne sais combien de myopies, de
glaucomes...L'ophtalmologie est une discipline devenue chirurgicale, et qui a aussi besoin de rester
médicale. Sans cette vocation médicale ophtalmologique, nous ne pourrons jamais arriver
absolument à l'éradication. Ce problème doit être livré à ceux qui ont le pouvoir de décider, le
pouvoir de faire des choix dans l'attribution des crédits, en se fondant sur des statistiques. C'est
cela la vraie économie de santé. J'espère que la publication et la diffusion des Actes de ce Colloque
pourront conduire à une information des décideurs politiques, dont le désintérêt évoqué pendant les
débats est peut-être dû à une désinformation. Il faut encore qu'on leur porte aux oreilles les éléments
que nous avons rassemblés. Ma conclusion est que nous avons vraiment mis en place les
informations, et surtout les acteurs possibles dont tous ont des rôles dont aucun n'est évitable.
NOTES
NOTES
COLLECTION
MÉDECINE SCOLAIRE ET UNIVERSITAIRE
Editée par I'A.F.P.S.S.U.
TITRES DES OUVRAGES DISPONIBLES :
Les parasitoses en collectivité éducative
L'environnement matériel et physique du jeune scolarisé
Les accidents en milieu éducatif
L'intégration scolaire du jeune handicapé physique
Le bilan médical d'orientation scolaire et professionnelle
Ecole et S.I.D.A.
L'Éducation nationale face aux nouveaux comportements alimentaires
Prévention et traitement des déviations vertébrales
Vision et Lecture
Prévention en milieux défavorisés
Risques psychologiques chez l'adolescent
Dyslexies et troubles des apprentissages scolaires
Euros
8,00
9,00
9,00
9,00
13,00
10,00
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L' Association Française Pour la Santé Scolaire et Universitaire regroupe tous les
professionnels au service de la santé de l'enfant et de l'adolescent scolarisés : médecins,
infirmier(e)s, assistantes sociales, secrétaires médico-sociales, psychologues, enseignants,
conseillers d'orientation, parents d'élèves...
L'adhésion annuelle -sur demande- donne lieu à une cotisation. Cette cotisation permet
l'àssistance à tarif préfÈérentiel à la Journée d'Automne, et aux trois Journées du Colloque
annuel de Juin, ainsi que l'envoi gratuit des Actes de ces manifestations.
Pour adhérer, pour adresser à l'Association des travaux personnels ou de groupe
s'inscrivant dans les thèmes des Colloques, ou des publications, ou à soumettre au jury
des Prix annuels, écrire au Siège.
Prix : 23 €
Franco de port
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