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Introduction
œuvre du sociologue français Raymond Boudon propose une grande variété de
thèmes épistémologiques et méthodologiques. En dresser la liste, même avec un
souci d’exhaustivité, serait peu utile bien qu’elle indiquerait, peut-être et à la
limite, l’étendue de l’horizon vers lequel se tourne le regard de ce grand sociologue; un horizon
sur lequel se dressent de nombreuses figures rappelant que si la sociologie est bel et bien
parvenue à un stade de développement qui l’autorise désormais « à porter fièrement le noble titre
de science », elle n’est pas pour autant orpheline de la philosophie qui lui aura donné naissance :
la sociologie et la philosophie, plus particulièrement l’épistémologie et la philosophie des
sciences — sociales ou non —, entretiennent un dialogue non seulement utile à la première, mais
nécessaire en ce que la seconde contribue à la tâche de clarifier et de préciser le sens et la portée
des propositions de la sociologie concernant ses objets et ses méthodes d’analyse.
Or une préoccupation constante se remarque dans l’œuvre : préciser la nature des critères et des
théories grâce auxquels la sociologie confortera ses positions épistémologiques, à partir du
moment où, par exemple, Weber et Popper lui ont imposé des défis méthodologiques et
théoriques qu’il lui faut désormais remporter. Ce qui ne veut aucunement dire que Popper ou que
Weber ne doivent pas être critiqués, au contraire. La philosophie de R. Boudon n’est pas
poppérienne, sa sociologie n’est pas weberienne.
Mais Popper et Weber ont ceci en commun qu’ils ont tous les deux défendu des thèses
épistémologiques et méthodologiques inscrites dans la mouvance de l’individualisme
méthodologique (IM). C’est le point de départ. Cela représente également le pivot central de
l’évaluation des œuvres de sociologues qui, tels Durkheim ou Marx, n’ont pu faire autrement,
selon R. Boudon, que d’appliquer la méthode individualiste à de nombreux endroits de leurs
analyses, et ce, en dépit du fait que dans leurs œuvres plus doctrinales ils postulaient la
supériorité du holisme sur l’IM en tant que critère méthodologique de la scientificité de la
sociologie (ou de l’économie). Il y a chez R. Boudon une iconoclastie qui n’est pas sans lien avec
son projet, presque ancien maintenant, de montrer rigoureusement de quoi sont faites les idées