De nos jours où tant de couples, hélas, cessent de s’aimer et finissent par divorcer, ce n’est
pas au moment précis où un magistrat déclare dissout le lien conjugal, que doit être datée
la fin de l’existence conjugale et de l’amour. C’est bien plus en amont que l’amour a
commencé de se refroidir, de s’anémier pour finir par mourir. De même, le quatrième concile
de Constantinople se situe dans une période d’hostilité en laquelle on peut percevoir les
prémisses du schisme de 1054.
Saint Photios vécut à l’époque où les évêques de
Rome, notamment avec un pape tel que Nicolas
1er (858-868), entreprirent de faire subir à la
primauté romaine une mutation fondamentale,
qui demeure en ce 21ème siècle lui-même. Ce
qui est en question depuis ce temps-là et
jusqu’à l’heure actuelle encore, ce n’est pas
la primauté elle-même, mais son mode
d’existence, la manière dont elle est exercée
et vécue. Toutes les Eglises locales avaient
toujours reconnu au siège épiscopal de Rome,
non seulement une primauté d’honneur, de frère
aîné, d’humble animateur de l’unité ecclésiale,
mais aussi une autorité dans l’arbitrage en
matière doctrinale et disciplinaire.
Cette autorité avait été reconnue au siège romain en particulier à l’époque des grandes
hérésies arienne, monothélite et iconoclaste, favorisées pour des raisons bien plus politiques
que théologiques par certains empereurs byzantins. Mais au 9ème siècle se manifeste
clairement la prétention des papes - irrecevable pour saint Photios et, jusqu’à nos jours,
pour tout l’Orient orthodoxe – à une juridiction immédiate sur la totalité des Eglises
locales. Les papes reprenaient à leur compte la prétention hégémonique de l’empire franc
arrêtée par la mort de Charlemagne en janvier 814, et le traité de Verdun, conclu en aout
843 entre les petits fils de Charlemagne, qui se partagèrent l’empire carolingien en trois
royaumes. Les Orientaux, pour leur part, ne pouvaient accepter – et ils ne le peuvent pas
davantage de nos jours - qu’une Eglise locale, si vénérable soit-elle, si abondant qu’ait été le
sang de ses martyrs, prétende avoir le droit de s’immiscer dans les affaires intérieures des
autres Eglises locales et d’imposer à celles-ci les usages romains (le célibat à partir du sous-
diaconat, l’utilisation du pain azyme pour l’Eucharistie, le jeûne du samedi).
Jusqu’à nos jours encore, l’Occident chrétien ne parvient pas à sentir ce que le monde
orthodoxe a toujours su et senti, à savoir qu’en Gaule, en Italie, en Afrique du Nord, un seul
siège épiscopal, celui de Rome, pouvait revendiquer une fondation apostolique (par l’apôtre
Paul également et non pas seulement par l’apôtre Pierre). Au contraire, en Orient, multiples
étaient les villes où les apôtres étaient venus annoncer l’Evangile : à Antioche et à Ephèse, à
Thessalonique et à Athènes, à Corinthe, à Philippes et à Colosses. Quant à Jérusalem, elle
pouvait et elle peut, aujourd’hui encore, être fière d’avoir été le lieu tout à fait unique de la
Passion et de la Résurrection du Seigneur, de la Pentecôte ; et la ville où séjournèrent, non
pas seulement un ou deux apôtres, mais la totalité du collège apostolique, et infiniment
mieux encore, le Christ lui-même.