LEGLISE DES 21, DES 3OU DES 7CONCILES
Avec la bénédiction du père André Borelly, recteur de la
paroisse Sainte Irénée à Marseille.
Introduction
L’expression l’Eglise des 7 conciles est le sous-titre
donné, pour sa traduction française, au beau livre
« Orthodoxie » de Mgr Kallistos Ware, publié la première
fois en 1963.
Extrême Orient et Extrême Occident
chrétiens
En effet, la désunion des chrétiens, que le mouvement
œcuménique n’a pu surmonter jusqu’à présent, peut se
formuler de la façon suivante. Ce que l’on peut appeler
l’Extrême Orient chrétien, c’est-à-dire les Arméniens
Grégoriens, les Coptes et les Ethiopiens, les Syriens et les
Orientaux de l’Inde constituent l’Eglise des trois
conciles, dans la mesure où ces Eglises ne reconnaissent
comme œcuméniques que les trois premiers conciles :
Nicée I (325), Constantinople I (381) et Ephèse (431). Les
chrétiens qui viennent d’être cités n’ont pas reçu1le
concile de Chalcédoine (451), pas plus que ceux qui ont
suivis jusqu’au second concile du Vatican compris (1962-
1965). C’est pourquoi on qualifie ces Eglises de
préchalcédoniennes.
A l’opposé de cet Extrême Orient chrétien, il y a ce qu’on
pourrait appeler l’Extrême Occident chrétien formé par le
Protestantisme dont l’ecclésiologie et la théologie de la
sainte Ecriture ont abouti à substituer à l’effort
authentiquement œcuménique pour recomposer en
profondeur l’unité visible et pourtant intérieure de
l’Eglise, la recherche très superficielle, au prix d’un
minimalisme doctrinal et adogmatique, de l’union des
Eglises de telle sorte que le concept même de concile
œcuménique, normatif pour la foi et la discipline
ecclésiale des chrétiens, est désormais considéré comme
hors-jeu.
Concile Œcuménique de Nicée
1 - On emploie le verbe recevoir ou la
substantive réception pour désigner la
démarche par laquelle le peuple de Dieu
donne son assentiment à la formulation
épiscopale de la vérité. Seuls les
évêques peuvent formuler la pensée de
l’Eglise mais ils ne sauraient asséner la
vérité. Il s’agit encore de réception
lorsqu’au moment d’une ordination, le
peuple clame « Axios », il est digne. Un
autre exemple de réception par les
fidèles est le triple Amen lorsque le
célébrant a achevé l’épiclèse : seul un
évêque ou un prêtre peut prononcer
l’épiclèse, mais le peuple des baptisés
exerce légitimement son sacerdoce
baptismal et chrismal en donnant son
assentiment aux paroles prononcées par
le célébrant. Et prononcer l’anaphore à
voix basse, c’est priver illégitimement le
peuple de Dieu du droit qu’il a d’exercer
son sacerdoce, non pas ministériel, c’est
entendu, mais baptismal et chrismal
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Catholicisme et Orthodoxie
Restent l’Eglise romaine et l’Orthodoxie. De la première on pourrait dire qu’elle est l’Eglise
des vingt-et-un conciles, et de l’Orthodoxie qu’elle est l’Eglise des sept conciles.
En effet, l’Orthodoxie n’a reçu jusqu’à ce jour comme normatifs parce qu’œcuméniques,
que les conciles suivants : les deux conciles de Nicée (en 325 et en 787) ; les trois conciles
réunis à Constantinople (en 381, 553 et 680-681) ; le concile d’Ephèse (431) et celui de
Chalcédoine (en 451).
L’Eglise catholique, elle, considère
comme œcuméniques quatorze
conciles postérieurs à Nicée II, c’est-à-
dire en tout vingt et un conciles : un
quatrième concile de Constantinople
(en 869-870) ; les cinq conciles du
Latran (en 1123,1139,1179,1215 et
1512-1517) ; les deux conciles qui se
tinrent à Lyon (en 1245 et 1274) ;
celui de Vienne (en 1311-1312) ; celui
de Constance (en 1414-1418) ; le
concile de Bâle-Ferrare-Florence-Rome
(de 1431 à 1445) ; le concile de Trente
(de 1545 à 1563) ; les deux conciles
du Vatican (en 1869-1870 et 1962-
1965). Or, il n’est pas difficile de
comprendre pourquoi les deux parties
du monde chrétien se sont désunies
jusqu’à nos jours sur la question de
savoir quels conciles méritaient la
qualification d’œcuméniques.
Il suffit d’être attentif à deux observations.
La première retient le fait que le quatrième concile de Constantinople, réuni en 869-870, et
confirmé par le pape Hadrien II, fut dirigé contre le patriarche Photios 1er (né vers 810 et
mort vers 893) patriarche de Constantinople de 858 à 867, puis de 877 à 886, accusé par
les Latins d’être responsable du premier conflit ouvert entre Rome et Constantinople, alors
que, dès la fin du 10ème siècle, l’Eglise orthodoxe compta Photios parmi les saints et les
Pères de l’Eglise : le synaxaire mentionne sa fête à la date du 6 février. Peut-il y avoir, dans
l’Eglise, une plus grande déchirure de la tunique sans couture du Christ que celle
consistant à proposer en exemple d’orthodoxie et de piété un évêque accusé par d’autres de
schisme ? Corruptio optimi pessima, dit le proverbe : il n’y a rien de pire que la corruption de
ce qu’il y a de meilleur. Or, le meilleur est ici le fait que le ministère épiscopal a pour mission
essentielle de garantir à l’Eglise locale dont l’évêque est le bon berger, le bon pasteur, la
présence vivante de la Tradition apostolique.
LE PAT R I A RCHE D E CO N S T A NT I N OP L E BA R TH O L OM E IET L E PA P E BENOI T XVI
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SAIN T PH O T IO S
De nos jours tant de couples, hélas, cessent de s’aimer et finissent par divorcer, ce n’est
pas au moment précis où un magistrat déclare dissout le lien conjugal, que doit être datée
la fin de l’existence conjugale et de l’amour. C’est bien plus en amont que l’amour a
commencé de se refroidir, de s’anémier pour finir par mourir. De même, le quatrième concile
de Constantinople se situe dans une période d’hostilité en laquelle on peut percevoir les
prémisses du schisme de 1054.
Saint Photios vécut à l’époque les évêques de
Rome, notamment avec un pape tel que Nicolas
1er (858-868), entreprirent de faire subir à la
primauté romaine une mutation fondamentale,
qui demeure en ce 21ème siècle lui-même. Ce
qui est en question depuis ce temps-là et
jusqu’à l’heure actuelle encore, ce n’est pas
la primauté elle-même, mais son mode
d’existence, la manière dont elle est exercée
et vécue. Toutes les Eglises locales avaient
toujours reconnu au siège épiscopal de Rome,
non seulement une primauté d’honneur, de frère
aîné, d’humble animateur de l’unité ecclésiale,
mais aussi une autorité dans l’arbitrage en
matière doctrinale et disciplinaire.
Cette autorité avait été reconnue au siège romain en particulier à l’époque des grandes
hérésies arienne, monothélite et iconoclaste, favorisées pour des raisons bien plus politiques
que théologiques par certains empereurs byzantins. Mais au 9ème siècle se manifeste
clairement la prétention des papes - irrecevable pour saint Photios et, jusqu’à nos jours,
pour tout l’Orient orthodoxe à une juridiction immédiate sur la totalité des Eglises
locales. Les papes reprenaient à leur compte la prétention hégémonique de l’empire franc
arrêtée par la mort de Charlemagne en janvier 814, et le traité de Verdun, conclu en aout
843 entre les petits fils de Charlemagne, qui se partagèrent l’empire carolingien en trois
royaumes. Les Orientaux, pour leur part, ne pouvaient accepter et ils ne le peuvent pas
davantage de nos jours - qu’une Eglise locale, si vénérable soit-elle, si abondant qu’ait été le
sang de ses martyrs, prétende avoir le droit de s’immiscer dans les affaires intérieures des
autres Eglises locales et d’imposer à celles-ci les usages romains (le célibat à partir du sous-
diaconat, l’utilisation du pain azyme pour l’Eucharistie, le jeûne du samedi).
Jusqu’à nos jours encore, l’Occident chrétien ne parvient pas à sentir ce que le monde
orthodoxe a toujours su et senti, à savoir qu’en Gaule, en Italie, en Afrique du Nord, un seul
siège épiscopal, celui de Rome, pouvait revendiquer une fondation apostolique (par l’apôtre
Paul également et non pas seulement par l’apôtre Pierre). Au contraire, en Orient, multiples
étaient les villes où les apôtres étaient venus annoncer l’Evangile : à Antioche et à Ephèse, à
Thessalonique et à Athènes, à Corinthe, à Philippes et à Colosses. Quant à Jérusalem, elle
pouvait et elle peut, aujourd’hui encore, être fière d’avoir été le lieu tout à fait unique de la
Passion et de la Résurrection du Seigneur, de la Pentecôte ; et la ville séjournèrent, non
pas seulement un ou deux apôtres, mais la totalité du collège apostolique, et infiniment
mieux encore, le Christ lui-même.
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Basilique SAINT-JEAN de LATRAN - Rome
Rome ou Jérusalem ?
Si l’on veut se faire une idée de la distance qui, à la fin du premier millénaire, séparait en
profondeur l’Orient et l’Occident chrétiens, on ne saurait mieux faire que comparer.
D’une part le troisième stichère résurrectionnel que l’on chante
dans l’Office byzantin aux vêpres dominicales du huitième ton :
Réjouis-toi, ô sainte Sion,* Mère des Eglises, habitacle de Dieu*,
car c’est toi qui la première as reçu la rémission des péchés* par
la Résurrection ; d’autre part, la façon dont l’Eglise romaine en
vient à désigner la cathédrale du Latran qui est la cathédrale
du Pape : Omnium urbis et orbis ecclesiarum mater et caput, la
Mère et la tête de toutes les Eglises du monde entier.
Si ce privilège absolument unique de la Mère des Eglises n’a
pas permis à Jérusalem d’obtenir mieux que la dernière place,
la cinquième dans la Pentarchie, c’est–à-dire dans la
hiérarchie des cinq patriarcats, c’est parce que l’établissement
de cette hiérarchie s’explique moins par l’ecclésiologie, d’une
manière proprement théologique, et par une exégèse des
passages évangéliques concernant l’apôtre Pierre, que par une
accommodation de l’existence de l’Eglise au sein de l’empire
romain.
Lorsque se réunit, en 1123, le neuvième concile œcuménique, selon l’Eglise catholique, le
premier des cinq conciles du Latran, il y a déjà 69 ans que le monde chrétien expérimente
une division dont il ne commencera à entrevoir la possibilité de la fin qu’avec la rencontre
du Pape Paul VI et du patriarche Athénagoras 1er, en janvier 1964, à Jérusalem, c’est-à-dire
quelques huit ou neuf siècles plus tard mais sans pour autant parvenir encore à recomposer
l’unité perdue depuis si longtemps. Cette division est, dans une assez large mesure, le fruit
amer, d’une part, de l’incapacité du patriarche de Constantinople Michel Cérulaire de
discerner l’essentiel de l’accessoire, et d’autre part, de l’intransigeance du cardinal-légat
Humbert, moine de l’abbaye bénédictine de Moyenmoutier, dans les Vosges, et de sa
conviction que la nécessaire réforme de l’Eglise suppose une véritable théocratie papale. Si
maintenant nous nous intéressons aux villes dans lesquelles se réunirent les évêques
convoqués en conciles, une évidence s’impose tout de suite à notre esprit et doit inspirer
notre réflexion. Les sept conciles reçus comme œcuméniques par l’Orthodoxie ont tous été
réunis dans la partie extrême-orientale du bassin méditerranéen ou, comme on voudra,
dans la partie occidentale du plateau anatolien. Nicée, c’est l’actuelle Iznik, en Turquie, à 79
km au Nord-Est de Bursa. Constantinople, devenue Istamboul, est au point de jonction
entre la mer Noire et la mer Egée. Enfin Chalcédoine est l’actuelle Kadiköy, à l’entrée du
Bosphore.
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Or, à partir du concile de 1123, qui se tint au Latran, tous les conciles considérés comme
œcuméniques par l’Eglise de Rome se réunirent en Europe occidentale : en France, en Italie
Rome, à Ferrare, à Florence, à Trente) dont huit sur quatorze à Rome et cinq à la
cathédrale des évêques de Rome.
Conciles œcuméniques
ou bien conciles généraux de l’Occident ?
Dans un tel contexte, ne serait-il pas possible de considérer la totalité des conciles tenus
jusqu’ici pour œcuméniques par l’Eglise latine, depuis le quatrième concile de
Constantinople (860-870) jusqu’au second concile du Vatican, comme des conciles
généraux de l’Occident ? Pour cela, il faudrait que l’Eglise de Rome, mais aussi le monde
orthodoxe admettent que ni l’une ni l’autre n’a la possibilité de réunir seule un concile
œcuménique. Aussi longtemps que l’évêque de Rome et les patriarches orthodoxes ne
pourront pas concélébrer la divine liturgie, l’Eglise catholique ne pourra réunir que des
conciles généraux du patriarcat d’Occident. Et de même, sans la présence des évêques de
ce patriarcat, les Orthodoxes ne peuvent réunir que des conciles panorthodoxes. Et ici se
vérifie éminemment le fait que l’œcuménisme bien compris est une ascèse ayant pour but de
mourir, avec humilité, mais en priorité avec l’aide de Dieu, à la tentation triomphaliste et
pharisienne de chercher à convertir les autres au lieu de se convertir soi-même. Et l’effort de
conversion ne doit pas être seulement de chaque personne, mais aussi bien celle de nos
Eglises locales et de nos paroisses. Pour les Orthodoxes, considérer qu’en l’absence de
l’Eglise latine, l’Orthodoxie ne peut réunir que des conciles panorthodoxes et non point
œcuméniques, c’est reconnaître que la totalide l’Orthodoxie n’est pas contenue dans
les limites visibles, conceptualisables et objectivables de l’Eglise Orthodoxe. Des
vérités sont crues fermement, des réalités sont vécues intensément, des actes sont posés
parfois héroïquement, qui sont véritablement orthodoxes bien qu’ils se situent en dehors des
limites visibles de l’Eglise orthodoxe.
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