Chapitre 1 : Les kimberlites et leurs mégacristaux dans le manteau

Chapitre 1 :
Les kimberlites et leurs mégacristaux
dans le manteau lithosphérique cratonique.
Problématiques associées
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danslemanteaulithosphériquecratonique.
Problématiquesassociées
1.1. Introduction
Les kimberlites sont des roches ultramafiques alcalines, riches en éléments volatils,
réparties mondialement, et pourtant relativement rares ; elles suscitent un intérêt croissant
depuis leur identification à la fin du XIXème siècle. Ces roches volcaniques explosives sont
issues de profondeurs peut-être non égalées par d’autres magmas terrestres ; elles se mettent
en place à des vitesses supérieures à la vitesse du son. Les kimberlites ont la particularité de
transporter à la surface de la Terre des diamants extrêmement bien préservés et des xénolites
mantéliques de péridotite à grenat, ce qui permet d’une part d’étudier la composition de
régions profondes du manteau sous les cratons et, d’autre part, de déterminer les interactions
(i.e. déformation, fusion, métasomatisme) qui peuvent se produire près de la limite entre
l’asthénosphère convective profonde et la lithosphère rigide sus-jacente.
La diversité des lithologies mantéliques et crustales échantillonnées par les kimberlites
lors de leur ascension permet d’étayer nos connaissances sur la nature de la lithosphère dans
des régions ciblées de la Terre. Par ailleurs, les kimberlites sont aussi associées à une suite de
cristaux de grande taille, les mégacristaux, classiquement représentés par des minéraux
silicatés ferromagnésiens : le grenat, l’olivine, le clinopyroxène, l’orthopyroxène et la
phlogopite, et un oxyde titanifère : l’ilménite. L’origine de ces mégacristaux et la nature du
lien génétique éventuel avec la kimberlite-hôte sont sujettes à débats depuis une quarantaine
d’années. Avant de rentrer dans le vif du sujet, il est important de brosser l’état des
connaissances sur les objets géologiques autour desquels l’histoire des mégacristaux
s’articule : les kimberlites et la lithosphérique mantélique cratonique.
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1.2. Problématiqueassociéeauxkimberlites
Avant que le nom de « kimberlite » ne soit attribué à ces roches d’après la localité-type de
Kimberley, en Afrique du Sud, où elles ont été découvertes en 1871, Lewis (1887 ; 1888 ;
cités dans Mitchell, 1986) les décrit comme des péridotites porphyriques fortement micacées.
La nature primaire vraie de la kimberlite est particulièrement difficile à établir (e.g. Price et
al., 2000 ; Kamenetsky et al., 2007) étant donné le caractère explosif de sa mise en place sous
forme de pipes ou dykes et l’abondance de cristaux et roches exotiques constituant la brèche
kimberlitique exposée en surface. La définition de la kimberlite a donc évolué, notamment à
cause du débat concernant l’origine des mégacristaux qui ont tantôt été considérés comme des
phases primaires (Mitchell, 1979), tantôt comme des xénocristaux (Skinner and Clement,
1979 ; Clement et al., 1984). Il est maintenant accepté que le terme « mégacristal » (Dawson,
1980) utilisé pour caractériser ces cristaux de grande taille (généralement supérieure au
centimètre) est dénué de connotation génétique, ce qui permet de s’affranchir de ce débat dans
la définition de la kimberlite.
Skinner and Clement (1979) sont parmi les premiers à donner une définition extensive de
cette roche, qui rend compte de sa nature hybride et complexe (Field et al., 2008):
« Kimberlite is a volatile-rich, potassic ultrabasic igneous rock which occurs as small
volcanic pipes, dykes and sills. It has a distinctive inequigranular texture resulting from the
presence of macrocrysts set in a fine-grained matrix. This matrix contains as prominent
primary phenocrystal and/or groundmass constituents, olivine and several of the following
minerals: phlogopite, carbonate (commonly calcite), serpentine, clinopyroxene (commonly
diopside), monticellite, apatite, spinels, perovskite and ilmenite. The macrocrysts are
anhedral, mantle-derived, ferromagnesian minerals which include olivine, phlogopite,
picroilmenite, chromian spinel, magnesian garnet, clinopyroxene (commonly chromian
diopside) and orthopyroxene (commonly enstatite). Olivine is extremely abundant relative to
the other macrocrysts, all of which are not necessarily present. The macrocrysts and
relatively early-formed matrix minerals are commonly altered by deuteric processes, mainly
serpentinization and carbonatization. Kimberlite commonly contains inclusions of upper
mantle-derived ultramafic rocks. Variable quantities of crustal xenoliths and xenocrysts may
also be present. Kimberlite may contain diamond but only as a very rare constituent. ».
A ce jour, la combinaison d’abondantes études pétrographiques et géochimiques
(éléments majeurs, en trace, isotopes radiogéniques) de roches kimberlitiques fraîches,
provenant généralement des faciès profonds (hypabyssaux) des structures éruptives, permet
une relativement bonne caractérisation de ces roches.
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1.2.1. Descriptionpétrographiqueetclassificationdeskimberlites
D’un point de vue pétrographique, les kimberlites sont des roches inéquigranulaires,
de composition minéralogique variée, généralement composées de phénocristaux (ou
microphénocristaux) d’olivine largement dominante, de phlogopite et de spinelle riche en Cr,
dispersés dans une matrice constituée d’olivine, de phlogopite, de spinelle titanifère, de
pérovskite, de sulfures, d’ilménite magnésienne, de magnétite, de monticellite, d’apatite, de
calcite, de dolomite, de serpentine et rarement de chlorures (e.g. Mitchell, 1986 ; 2008 ;
Kamenetsky et al., 2008). La présence de ces phases et leurs abondances relatives ne sont pas
constantes et dépendent de la nature du magma kimberlitique et de son degré de
différenciation.
Deux types de kimberlite ont rapidement été identifiés en Afrique du Sud : ils ont
initialement été dénommés « type basaltique » et « type micacé », sur base pétrographique par
Wagner (1914). Plus tard, ils ont été appelés « Groupe I » et « Groupe II », sur base
isotopique (Smith, 1983), ou encore « kimberlite » et « orangéite », sur base minéralogique
par Mitchell (1995).
La kimberlite de type basaltique contient typiquement moins de 5 % de phénocristaux de
mica, alors que celle de type micacé, ou lamprophyrique, contient de nombreux phénocristaux
de mica dans une matrice qui en est également riche. Cette classification, longtemps utilisée,
est en fait inappropriée : le terme « basaltique » suggère en effet la présence de plagioclase
alors que les kimberlites en sont dépourvues et le second, une relation avec les lamprophyres,
ce qui n’est pas démontré (Demaiffe, 1995).
Bien que la présence de kimberlites du Groupe II n’ait été démontrée qu’en Afrique du
Sud, la classification isotopique en Groupe I et Groupe II est celle qui, à ce jour encore, est
mondialement utilisée. Ce sont les compositions isotopiques initiales du Sr, (87Sr/86Sr)0, et du
Nd, (143Nd/144Nd)0 ou εNd0, qui ont initialement permis de différencier les deux groupes de
kimberlites (Smith, 1983). Le Groupe I a une signature isotopique un peu moins radiogénique
en Sr ((87Sr/86Sr)0 faibles : 0,703-0,705) et un peu plus radiogénique en Nd (εNd0 proches de 0
à faiblement positifs) que l’actuelle composition de la Terre globale silicatée (« Bulk Silicate
Earth », BSE). Elles présentent dès lors des similarités avec les basaltes d’îles océaniques
d’affinité alcaline (« ocean island basalts », OIB) (e.g. Kramers et al., 1981). Une source
sublithosphérique légèrement appauvrie en éléments incompatibles a rapidement été proposée
pour ces roches. La signature isotopique du Groupe II, plus riche en mica, est plus
radiogénique en Sr ((87Sr/86Sr)0 élevés : 0,707-0,712) et moins radiogénique en Nd (εNd0
nettement négatifs : -5 à -12). Leur source, semblable à celle des lamproïtes, résiderait dans le
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