INTRODUCTION A LA GEOLOGIE - La dynamique de la

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Chapitre II
Océan et continent
2.1 LA FABRICATION DE LA CROÛTE
AUX DÉPENS DU MANTEAU
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Qu’elle soit océanique ou continentale, la croûte terrestre est produite à
partir du manteau soit par serpentinisation (§ 2.2), soit par fusion partielle.
La fusion partielle et progressive des minéraux de la péridotite donne en
effet naissance à du magma (de la roche fondue), qui va former ou enrichir
la croûte. Or, pour faire fondre une péridotite, la nature dispose de plusieurs
méthodes (fig. 2.1), que l’on peut énumérer de la façon suivante:
a) Faire chuter la pression dans le manteau à température quasi constante
(fig. 2.1 A cas 1a). Cela se produit en cas de remontée des péridotites dans
les zones de divergence lithosphérique. Là, les roches de l’asthénosphère
ou du manteau lithosphérique migrent vers la surface sans avoir le temps
de se refroidir en transmettant de la chaleur au milieu environnant. Cette
montée, qui s’effectue à des vitesses de l’ordre du centimètre ou de la
dizaine de centimètres par an, a pour effet une baisse de pression sans
importante chute de température, et la péridotite commence alors à
fondre et à produire un magma de composition basaltique. Le liquide de
fusion est moins dense que la roche encaissante, notamment à cause du
changement de l’état solide à l’état liquide. Il chemine vers la surface et,
dans le cas d’une «dorsale océanique» (fig. 2.2), une partie s’accumule
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II • Océan et continent
dans un «réservoir magmatique» situé à l’axe de la dorsale, cristallise sur
place et donne ainsi naissance à des gabbros (des roches «grenues», c’està-dire entièrement cristallisés, ayant la même composition chimique que
les basaltes). Comme l’injection de nouveau magma par le bas est permanente, la composition chimique du contenu du réservoir change peu, et
ce sont toujours des gabbros qui cristallisent à mesure que les plaques
s’écartent. Une part du magma monte toutefois vers le plancher océanique
sans avoir séjourné longtemps dans la chambre magmatique et se fige
avant cristallisation complète sous la forme de filons injectés les uns dans
les autres (c’est le complexe filonien) et de tubes superficiels, les uns et les
autres constitués de basaltes (§ 2.2).
Ainsi se forme la croûte océanique basaltique par fusion anhydre des
roches du manteau (c’est-à-dire sans intervention d’eau). Cette première
méthode toutefois n’est efficace que si la montée de la péridotite est
relativement rapide; sinon la roche a le temps de se refroidir pendant son
voyage vers la surface, et la quantité de magma extraite est diminuée
(cas 1b de la fig. 2.1 A). Finalement les roches crustales de l’océan fabriquées de cette façon (les gabbros et les basaltes) contiennent jusqu’à 50%
de silice (SiO2), alors que les péridotites avant leur fusion partielle n’en
contiennent que 40%. La fusion partielle agit donc, on le voit, comme
«pompe à silice» vis-à-vis du manteau. Ajoutons qu’un phénomène
comparable quoique d’ampleur moindre (la fusion partielle des péridotites
par décompression à température constante) se produit aussi sous les
déchirures continentales (les rifts) qui précèdent l’ouverture océanique
(cf. chap. IV, § 4.3).
b) Opérer à partir d’un manteau dont la température est anormalement
élevée. En ce cas comme dans le précédent (§ a), la fusion partielle de la
péridotite est anhydre. Mais elle est considérablement facilitée par la
température élevée (ligne 2 de la fig. 2.1 A) et les produits de la fusion
sont de ce fait beaucoup plus abondants. La croûte océanique s’épaissit
alors jusqu’à 15 ou 20 km, comme sous l’Islande aujourd’hui. Il s’agit
toutefois d’un phénomène exceptionnel (chap. IV, § 4.2).
c) Sans faire chuter la pression ni élever la température, introduire de l’eau
en profondeur dans les terrains mantelliques, ce qui abaisse leur température
de fusion (fig. 2.1 B). En ce cas, l’eau est apportée par une plaque océanique
«plongeante» sous une autre plaque, dite «chevauchante». La plaque
plongeante (c’est-à-dire en voie de subduction, fig. 1.4) transporte avec
elle beaucoup d’eau riche en éléments alcalins héritée de son long contact
avec l’océan, piégée dans les sédiments ou dans des minéraux produits
t °C
900
1000
1100
1200
1300
1400
1500
1600
GPa
km
1a
FUSION
PARTIELLE
ANHYDRE
1
1b
40
PAS DE
FUSION
PARTIELLE
2
80
3
120
4
1
2
A
t °C
900
1000
1100
1200
1300
GPa
1400
1500
1600
km
PAS DE
FUSION
PARTIELLE
1
40
FUSION
PARTIELLE
HYDRATÉE
2
80
3
120
4
B
Figure 2.1 Diagramme de la fusion hydratée et anhydre
des péridotites du manteau supérieur.
A: zones de divergence lithosphérique (fusion anhydre); 1a: sans perte
de chaleur; 1b: avec perte de chaleur.
B: zones de convergence lithosphérique (fusion hydratée). Dans les conditions où la pression de vapeur d’eau égale la pression totale (B), le champ
de fusion partielle des péridotites est beaucoup plus vaste que dans les
conditions anhydres (A). D’après J. KORNPROBST, 1989. Interactions entre
pétrologie et tectonique des plaques. In: Terre 88, Biologie-géologie.
Association des professeurs de biologie et géologie de l’enseignement
public, Paris, N° 2bis, 202 p.
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