42 II • Océan et continent
dans un «réservoir magmatique» situé à l’axe de la dorsale, cristallise sur
place et donne ainsi naissance à des gabbros (des roches «grenues», c’est-
à-dire entièrement cristallisés, ayant la même composition chimique que
les basaltes). Comme l’injection de nouveau magma par le bas est perma-
nente, la composition chimique du contenu du réservoir change peu, et
ce sont toujours des gabbros qui cristallisent à mesure que les plaques
s’écartent. Une part du magma monte toutefois vers le plancher océanique
sans avoir séjourné longtemps dans la chambre magmatique et se fige
avant cristallisation complète sous la forme de filons injectés les uns dans
les autres (c’est le complexe filonien) et de tubes superficiels, les uns et les
autres constitués de basaltes (§ 2.2).
Ainsi se forme la croûte océanique basaltique par fusion anhydre des
roches du manteau (c’est-à-dire sans intervention d’eau). Cette première
méthode toutefois n’est efficace que si la montée de la péridotite est
relativement rapide; sinon la roche a le temps de se refroidir pendant son
voyage vers la surface, et la quantité de magma extraite est diminuée
(cas 1b de la fig. 2.1 A). Finalement les roches crustales de l’océan fabri-
quées de cette façon (les gabbros et les basaltes) contiennent jusqu’à 50%
de silice (SiO2), alors que les péridotites avant leur fusion partielle n’en
contiennent que 40%. La fusion partielle agit donc, on le voit, comme
«pompe à silice» vis-à-vis du manteau. Ajoutons qu’un phénomène
comparable quoique d’ampleur moindre (la fusion partielle des péridotites
par décompression à température constante) se produit aussi sous les
déchirures continentales (les rifts) qui précèdent l’ouverture océanique
(cf. chap. IV, § 4.3).
b) Opérer à partir d’un manteau dont la température est anormalement
élevée. En ce cas comme dans le précédent (§ a), la fusion partielle de la
péridotite est anhydre. Mais elle est considérablement facilitée par la
température élevée (ligne 2 de la fig. 2.1 A) et les produits de la fusion
sont de ce fait beaucoup plus abondants. La croûte océanique s’épaissit
alors jusqu’à 15 ou 20 km, comme sous l’Islande aujourd’hui. Il s’agit
toutefois d’un phénomène exceptionnel (chap. IV, § 4.2).
c) Sans faire chuter la pression ni élever la température, introduire de l’eau
en profondeur dans les terrains mantelliques, ce qui abaisse leur température
de fusion (fig. 2.1 B). En ce cas, l’eau est apportée par une plaque océanique
«plongeante» sous une autre plaque, dite «chevauchante». La plaque
plongeante (c’est-à-dire en voie de subduction, fig. 1.4) transporte avec
elle beaucoup d’eau riche en éléments alcalins héritée de son long contact
avec l’océan, piégée dans les sédiments ou dans des minéraux produits