date 68 % de celui de l'Ouest. Les deux points noirs de l'économie est-alle-
mande demeurent, d'une part les coûts salariaux unitaires qui sont encore
supérieurs à un tiers de ceux de l'Ouest en raison du rattrapage des salaires
plus rapide que l'ajustement des productivités entre l'Est et l'Ouest, et d'autre
part la quasi-disparition des marchés d'Europe de l'Est. C'est l'industrie qui a
le plus souffert : l'ex-RDA est passée d'une surindustrialisation à une sous-
industrialisation. Au sein de l'Allemagne réunifiée, les nouveaux Länder
représentent 20 % de la population, mais seulement 10 % du PIB, 5 % de
l'industrie et 1,8 % des exportations. Au total, le modèle de l'économie
sociale de marché a fait ses preuves face à la réunification, mais au prix d'un
coût reporté vers l'avenir considérable. En tout cas, il n'y a plus une, mais deux
économies allemandes distinctes.
Les remises en cause du « modèle » allemand
Sous l'effet conjugué de ces deux facteurs, globalisation et réunification, l'Al-
lemagne assiste, inquiète, à la résorption de son avantage compétitif : des
concurrents sérieux sont apparus sur les marchés des produits de qualité
(pays asiatiques, voire certains pays occidentaux comme l'Italie), marchés
eux-mêmes saturés pouvant plus difficilement absorber la production d'une
Allemagne élargie à plus de 80 millions d'habitants.
Cette érosion de la compétitivité rend plus difficile à supporter les hauts coûts
salariaux et la surévaluation du taux de change du mark, et ce d'autant plus
que ce déplacement de l'équilibre économique s'accompagne de deux autres
tendances préoccupantes : la hausse des prélèvements obligatoires et l'aug-
mentation des délocalisations de productions et d'emplois vers des pays tiers.
- Le coût horaire de la main-d'œuvre allemande est le plus élevé du monde :
en 1994, il atteignait 44 DM en Allemagne de l'Ouest, contre 36 DM au Japon,
29 en France et 28 aux États-Unis. Alors que ce coût horaire augmentait de
21 % en France entre 1988 et 1994, il a crû de 35 % sur la même période en
Allemagne de l'Ouest. Un ouvrier coûtant 100 en Bade-Würtemberg ne coûte
que 80 en Bavière, 75 au Japon, 60 en France et aux États-Unis. (1) Et Lothar
Späth et Herbert Henzler de dénoncer dans la foulée le mythe de l'Allemand
grand travailleur (der fleissige Deutsche) : en fait, il ne travaillait que 1.519
heures par an en 1992, contre 1.857 aux Etats-Unis et 2.007 au Japon (2).
- Le taux de change du mark, qui continue à s'apprécier continuellement, appa-
raît comme surévalué dès lors que la compétitivité structurelle (qualité des pro-
duits) joue un rôle moins grand dans les échanges que la compétitivité-prix. Les
coûts salariaux unitaires relatifs (pondérés par l'évolution des taux de change)
sont ainsi passés, sur la base 100 en 1991, à 122 en 1995 pour l'Allemagne,
se sont maintenus au même niveau en France, ont diminué à 90 pour les États-
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DOCUMENTS
(1) Selon Rémi Lallement, « L'unification sans miracle », CIRAC, 1995.
(2) Henzler et Späth, Sind die Deutschen noch zu retten ? Von der Krise in den Aufbruch (Peut-on encore sauver
les Allemands ? De la crise vers le redémarrage), Bertelsmann, 1993.