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GB : Mais aussi la cohérence.
JCF: Bien sûr la cohérence, le plaisir d’être ensemble et de travailler ensemble, le fait de partager un
projet commun. L’idée de projet n’apparaît que là. Dans le premier mode, il n’y a pas de projet,
plutôt un plan, des programmes, des consignes, …
GB : mais aussi, si je vous comprends, une culture forte qui donne du sens.
JCF : Certes. Rappelez-vous, dans le premier mode, on impose un plan alors qu’en troisième mode,
on éveille à un projet, on invite tout le personnel à s’engager dans un projet. Projet, cela veut dire
étymologiquement « se lancer en avant. ». C’est cela, le troisième mode.
GB : Quels en sont les inconvénients ?
JCF : Tous adhèrent au projet, à la culture, mais la culture est fausse, si le projet est mal orienté, tout
le monde se trompe. Par exemple, le fascisme relevait du troisième mode ! Le grand risque c’est la
clôture, risque que ne connaît pas le deuxième mode, lequel est ouvert sur le dehors.
GB : Que voulez-vous dire par « dynamique du projet est co-substancielle à l’organisation, une
société ne peut ni se créer, ni se recréer sans, du même coup, créer un idéal » ?
JCF : Ce que je veux dire par là, c’est que la tribu ou la communauté qui est le point fort du troisième
mode sécrète forcément une culture idéale, une culture qui porte une idée.
GB : Donc qui porte une passion.
JCF : Qui porte une passion, qui porte un engagement, On retrouve cela partout dans le monde, ce
n’est pas nouveau.
GB : Ce qui veut dire que le chef animateur assure une fonction de guide des énergies disponibles
chez les autres membres du groupe, auxquels il transmet un souffle.
JCF : « Animer », c’est justement donner un souffle. Anima, Animus, c’est le souffle qui donne forme
à une réalité, donc c’est bien immatériel. On vit là dans l’immatériel
GB : Alors, le « quatrième » mode holomorphe, semble selon vos travaux, être une combinaison
du deuxième mode et du troisième mode. Il crée les conditions de la concertation. Vous y croyez
réellement ?
JCF : Oui, j’y crois. Je crois que c’est le type d’organisation vers lequel on tend inexorablement parce
que la nouvelle génération de jeunes qui entrent dans le monde du travail ne pourra plus pratiquer le
premier mode donc entrer dans une logique d’imposition comme on l’a connu autrefois. Etant donné
que l’ on ne peut pas faire fonctionner une entreprise en deuxième mode pur, ni en troisième mode
pur, on va se trouver dans l’obligation de créer des groupes auto-organisés où les acteurs seront à la
fois libres (deuxième mode), mais pas tout à fait indépendants. « Libres » mais « enclins » à mettre
leur liberté au service du projet, d’où la nécessité du troisième mode. C’est donc le mixage du
deuxième et du troisième mode qui, à mon avis, définira le type d’entreprise que l’on verra dans 30
ans.