0118 YONNEAU 14/07/01 18:13 Page 1 CAS CLINIQUE Progrès en Urologie (1999), 9, 118-121 Métastase urétérale isolée d’un adénocarcinome de prostate. A propos d’un cas Laurent YONNEAU, Thierry LEBRET, Jean Marie HERVÉ, Philippe BARRÉ, Pierre Marie LUGAGNE, Henry BOTTO Service d’Urologie, Hôpital Foch, Suresnes, France RESUME A la suite d’un épisode de colique néphrétique, chez un patient prostatectomisé pour adénocarcinome de prostate, il a été découvert une tumeur urétérale. Une urétérectomie segmentaire a été réalisée. A l’histologie, il s’agissait d’une métastase d’adénocarcinome prostatique. Cette localisation secondaire est rare : moins de 40 cas rapportés dans la littérature, provenant essentiellement de séries d’autopsies. La diffusion métastatique est décrite par voie lymphatique ou sanguine, la tumeur secondaire se développant a partir de l’adventice avant d’infiltrer la paroi urétérale. Si la clinique et l’imagerie permettent d’évoquer ce diagnostic, seule l’histologie peut le confirmer. Après urétérectomie, le traitement peut associer l’ensemble des moyens thérapeutiques reconnus contre l’adénocarcinome prostatique : hormonothérapie et radiothérapie adjuvantes. Mots clés : Prostate, tumeur, métastases urétérales. Les métastases urétérales sont rares et essentiellement décrites dans les séries autopsiques [2, 9]. mmol/l. La situation était restée identique jusqu’en décembre 1995 où était apparue une réascension du taux de PSA à 1 ng/ml, cette augmentation avait été confirmée en juin 1996 : 2,4 ng/ml. Le traitement hormonal avait alors été modifié : le flutamide avait été arrêté et remplacé par du diéthylsilbestrol à la dose de 3 mg par jour. Nous rapportons ici une observation de métastases urétérales d’un adénocarcinome prostatique. Les aspects diagnostiques, histologiques et évolutifs de ce type de métastases sont exposés et discutés. En juillet 1996, le patient a présenté une colique néphrétique gauche. L’urographie intraveineuse objectivait un obstacle au niveau de l’uretère iliaque (Figure 1) avec une rupture de la voie excrétrice au niveau des calices engendrant un urinome périrénal de faible volume. L’urétéropyélographie rétrograde (UPR) pratiquée juste avant la montée d’une sonde double J mettait en évidence un rétrécissement de l’uretère à la jonction lombo-iliaque (Figure 2). A l’ablation de la sonde double J (6 semaines après) l’urographie intraveineuse montrait la persistance de l’obstacle. Une urétéroscopie a alors été réalisée. Elle a permis de visualiser une compression urétérale segmentaire qui semblait être extrinsèque avec une muqueuse respectée. A ce niveau, le scanner abdomino-pelvien retrouvait une paroi urétéra- CAS CLINIQUE Il s’agit d’un homme, chez qui a été découvert en septembre 1989, à l’âge de 65 ans, un adénocarcinome de prostate. Le bilan d’extension n’avait pas montré de métastases (scanner abdomino-pelvien, scintigraphie osseuse). A cette époque, il avait été réalisé un curage ganglionnaire avec prostatectomie radicale. Le résultat anatomo-pathologique définitif avait conclu à un adénocarcinome prostatique pT3 N1 M0, Gleason 5 (3 + 2). Les suites immédiates avaient été simples. A 6 mois il avait été constaté une ascension du taux de PSA à 13,8 ng/ml. L’examen clinique était normal, il avait alors été institué un traitement par anti-androgène non stéroïdien (flutamide). Quinze mois après, soit en décembre 1990, le PSA était à 0,1 ng/ml sous le traitement hormonal institué. Le patient était continent, le toucher rectal était normal et la créatininémie était à 92 Manuscrit reçu : juillet 1998, accepté : septembre 1998. Adresse pour correspondance : Pr. H. Botto, Service d’Urologie, Hôpital Foch, 40, rue Worth, 92151 Suresnes. 118 0118 YONNEAU 14/07/01 18:13 Page 2 L. Yonneau et coll., Progrès en Urologie (1999), 9, 118-121 Figure 1. Urographie intraveineuse : hypotonie des voies excrétrices gauches avec dilatation de l’uretère lombaire. Figure 2. Urétéro-pyélographie rétrograde : rétrécissement de l’uretère iliaque gauche sur 4 cm avec aspect irrégulier de la lumière urétérale. Figure 3A. Coupe histologique de l’uretère pathologique. (X10) La muqueuse est respectée, il existe une infiltration tumorale qui n’atteint pas les fibres musculaires les plus internes. Figure 3B. Coupe histologique de l’uretère pathologique. (X10) La nature histologique de cette tumeur est un adénocar cinome. 119 0118 YONNEAU 14/07/01 18:13 Page 3 L. Yonneau et coll., Progrès en Urologie (1999), 9, 118-121 le épaissie, sans adénopathie suspecte, sans fibrose rétropéritonéale et sans obstacle extrinsèque. Une urétérectomie sur 5 cm a alors été réalisée en septembre 1996 avec anastomose directe sur sonde double J. Lors de l’intervention, la portion urétérale tumorale était très facilement individualisée. L’uretère à ce niveau était épaissi, cartonné et inflammatoire, l’uretère sous jacent était sain. Dans 15 à 50% des cas, il existe des symptômes clini ques, essentiellement à type de douleurs l ombaires. L’hématurie est peu fréquente (16%) en raison de la rareté de l ’atteinte de la muqueuse urétérale. Les lési ons sont le plus souvent l ocalisées (62%), mais peuvent êt re également étagées ou diffuses, pouvant aller jusqu’à envahir plus de l a moi tié de la longueur de l’uretère [5, 9]. Elles sont bil atérales dans 25 à 60% des cas suivant les séries et peuvent atteindre l’uret ère à tous ses niveaux, sans prédominance [1, 2, 9]. Dans les séries d’autopsi es il a pu être mont ré que seulement 10% de ces mét astases urétérales étaient le seul sit e métastatique [5, 9] de la lésion pri mitive. L’examen anatomo-pathologique extemporané et définitif concluait à une infiltration de l’adventice urétéral et de l’interstitium des couches externes de la musculeuse urétérale par un adénocarcinome. Celui-ci était également présent dans la graisse péri-urétérale. La muqueuse était respectée et un stroma de type réactionnel (fibrose squirrheuse) observé (Figure 3). Le marquage aux anti-corps anti-PSA était positif. Le diéthylsilbestrol a alors été poursuivi et le patient a subi une irradiation complémentaire sur les voies excrétrices gauches de 45 grays en 5 séances de 1,8 grays par semaine avec un complément de 9 grays. Des trois constituants de la paroi urétérale (muqueuse, musculeuse et adventice), l’adventice est la couche la plus pourvue en lymphatiques et vaisseaux. C’est probablement de par cette propriété que les métastases hématogènes et lymphatiques sont plus fréquentes au niveau de cette tunique [7]. Quatre types d’atteintes métastatiques ont été décrites : En juin 1998, le patient est toujours sous le même traitement hormonal, son état général est satisfaisant, il ne présente pas de symptômes fonctionnels urinaires, ni de douleurs. Le taux de PSA est actuellement de 0,4 ng/ml. L’urographie intraveineuse est normale malgré une discrète altération de la fonction rénale (130 mmol/l). - métastases par voie hématogène au niveau de la muqueuse ou de la sous muqueuse, - métastases par voie hématogène au niveau de l’adventice essaimant le long des vaisseaux péri-urétéraux, - essaimage métastatique sous forme d’un squirrhe le long des vaisseaux péri-urétéraux, DISCUSSION - essaimage métastatique au niveau de ganglions lymphatiques avec réaction péri-ganglionnaire desmoplastique (tissu fibreux réactionnel tout autour des cellules malignes). L’atteinte urétérale maligne par voie lymphatique ou hématogène, à partir d’une lésion cancéreuse primitive (en excluant les atteintes par extension directe), est rare [6, 8]. Les lésions primitives les plus souvent responsables de ces métastases urétérales ont été décrites comme ét ant des carcinomes du poumon, de l’estomac, du pancréas, du colon, de la prostate, de la vessie et du col utéri n [7]. Dans une série historique, PRESMAN a constaté que les métastases urétérales ne provenaient pas plus souvent de tumeur primitive d’organes pelviens que d’organes extra-pelviens [9]. La preuve histologique de l ’origine du primitif est parfois difficile. Dans notre cas, le marquage positif au PSA sur un adénocarcinome histologique a permis d’affirmer l’origine prostatique. D’un poi nt de vue anatomo-pathologique, la métastase urétérale se définit par la présence de cellules malignes dans une portion de l a paroi urétérale sans aucune lésion maligne dans l es tissus adjacents, et/ou par la présence de cellules malignes dans les lymphatiques ou les vaisseaux urétéraux [2, 3, 9]. Le premier cas de métastases urétérales a été décrit par STOW en 1909. En 1989, H ULSE dans sa revue de littérat ure en dénombrait 341 dont seulement 11% avai ent une origine prostatique [5]. Sur le plan de l’imagerie, il est possible de visualiser soit une lacune soit une sténose localisée ou étendue entraînant un hydro-uretère ou une hydro-néphrose [4]. Les diagnostics différentiels en fonction de l’aspect radiologique et du type d’atteinte métastatique comprennent le calcul, le caillot sanguin, la nécrose papillaire ou la tumeur primitive de l’uretère en cas de lacune. En cas de sténose sur les clichés radiologiques, il faut éliminer une autre étiologie : séquelle d’une lithiase, sténose tuberculeuse, amiloïdose, endométriose ou tumeur urétérale primitive. Enfin une fibrose rétropéritonéale maligne post-radique ou idiopathique doit être discutée en cas de formes métastatiques squirrheuses. L’anamnèse, la tomodensi tométrie, l’IRM (fibrose rétro-pé ri tonéa le) et l ’urétéroscopie permettent généralement d’évoquer le diagnostic de mét astases urétérales avant la confirmati on histologique. Dans notre observation le type d’atteinte était adventi cielle avec réaction fibreuse sous forme de squirrhe. L’aspect radiologique (UIV et UPR) était celui d’une 120 0118 YONNEAU 14/07/01 18:13 Page 4 L. Yonneau et coll., Progrès en Urologie (1999), 9, 118-121 sténose locali sée avec aspect non spécifique et épaississement de la paroi urétérale sur les coupes urétérales correspondantes en TDM. L’urétéroscopie avait permis d’évoquer l e di agnostic de lésions malignes, celui ci a été confirmé par l’histologie qui a permis de préciser sa nature métast at ique et son origine prostatique. Commentaire de Laurent Guy, Service d’Urologie, CHRU de Clermont-Ferrand. Il s’agit d’un nouveau cas de métastase urétérale à partir d’un adénocarcinome prostatique. Celui-ci est bien documenté sur le plan imagerie et anatomopathologie, le problème essentiel de ces lésions étant de distinguer une véritable métastase urétérale d’une extension par contiguïté de la tumeur. Réponse des auteurs (Thierry Lebret) REFERENCES Le problème essentiel est en effet de distinguer la véritable métastase urétérale d’une extension par contiguïté de la tumeur. Dans ce cas il existe très peu de doute car en effet la lésion urétérale est à distance du méat. Il existe une zone saine en dessous de la métastase qui témoigne bien d’une «greffe» lymphatique ou vasculaire et non d’une atteinte par contiguïté. 1. ALEXANDER S., KIM K., PINCK B.D., BRENDLER H. Metastatic ureteral tumors. J. Urol., 1973, 110, 288-290. 2. BABAIAN R.J., JOHNSON D.E., AYALA A.G., SIE I.T. Secondary tumors of the ureter. Urology, 1979, 14, 341-343. 3. COHEN W.M., FREED S.Z., HASSON J. Metastatic cancer to the ureter : a review of the literature and case presentation. J. Urol., 1974, 112, 188-189. ____________________ SUMMARY 4. FITCH W.P., ROBINSON J.R., RADWIN H.W. Metastatic carcinoma of the ureter. Arch. Surg., 1976, 111, 874-876. Isolated ureteric metastasis from a prostatic adenocarcinoma. A case report. 5. HULSE C.A., O’NEILL T.K. Adenocarcinoma of the prostate metastatic to the uretere with an associated ureteral stone. J.Urol., 1989, 142, 1312-1313. A ureteric tumour was discovered in a patient presenting with an episode of renal colic and a history of prostatectomy for prostatic adenocarcinoma. Segmental ureterectomy was perfor med. Histological examination showed a metastasis from pros tatic adenocarcinoma. This is a rare site of secondaries : less than 40 cases have been reported in the literature, essentially based on autopsy series. Metastatic spread occurs via lympha tics or the blood stream, and the secondary tumour develops from the adventitia before invading the ureteric wall. Although this diagnosis may be suggested by the clinical features and imaging, it can only be confirmed by histology. After ureterec tomy, treatment can combine all of the recognized treatment modalities against prostatic adenocarcinoma : endocrine the rapy and adjuvant radiotherapy. 6. ICART P., BENOIT G., VIEILLEFOND A., JARDIN A. Métastases urétérales d’un cancer prostatique. Ann.Urol. (Paris), 1986, 20, 335336. 7. MARINCEK B., SCHEIDEGGER J.R., STUDER U.E., KRAFT R. Metastatic disease of the ureter : patterns of tumoral spread and radiologic findings. Abdom. Imaging, 1993, 18, 88-94. 8. PETIT J., LESUEUR P., PETIT P., ABOURACHID H. Métastases urétérales de cancers prostatiques - 2 cas - Revue de la Littérature. J. Urol., Néphrol., (Paris), 1978, 84, 705-715. 9. PRESMAN D., EHRLICH L. Metastatic tumors of the ureter. J. Urol., 1948, 59, 312-325. Key-words : Prostate, tumor, ureteral metastases. ____________________ 121