Méningites infectieuses à liquide clair

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Maladies infectieuses
B 197
Méningites infectieuses
à liquide clair
Épidémiologie, étiologie, diagnostic, évolution, traitement
PR Bruno FANTIN
Unité de médecine interne, hôpital Beaujon, 92118 Clichy Cedex.
Points Forts à comprendre
• Le principal problème posé par les méningites
à liquide clair est celui du diagnostic étiologique,
en raison de la multitude des causes possibles.
• La préoccupation du clinicien est de pouvoir
identifier les causes qui vont nécessiter
un traitement urgent spécifique. Ces causes
sont habituellement reconnues : soit parce que
le tableau clinique est inquiétant avec des signes
de gravité (signes d’encéphalite associés
à la méningite notamment) ; soit parce que
l’état du liquide céphalo-rachidien (LCR) est
inquiétant : présence d’une hypoglycorachie.
• Le plus souvent, il s’agit d’une méningite virale
d’évolution spontanément simple, identifiée
par un faisceau d’arguments rassurants : sujet
jeune, non immunodéprimé, n’ayant pas pris
d’antibiotique, ayant un tableau de méningite
pure, avec lymphocytose et glycorachie normale.
Épidémiologie – Étiologie
Méningites aiguës virales
Elles représentent la cause la plus fréquente de méningite
aiguë infectieuse (tableau I). Les principaux virus en
cause en France sont les entérovirus, le virus ourlien, et
les herpesvirus.
• Le diagnostic étiologique précis du virus causal
n’est habituellement pas porté en pratique clinique, sauf
s’il existe un contexte clinique évocateur (éruption,
parotidite…).
• L’infection survient habituellement chez l’enfant ou
l’adulte jeune en bonne santé.
• Les entérovirus non poliovirus sont responsables
d’environ 80 % des méningites aiguës virales.
• L’incidence des oreillons diminue depuis l’introduction
de la vaccination chez les enfants. Ils surviennent
surtout après l’âge de 10 ans et chez les adolescents.
• La méningite clinique à herpesvirus est peu fréquente
et survient principalement lors de la primo-infection à
herpesvirus simplex de type 2 (HSV2) (11 à 33 %).
• Elle doit être distinguée de la méningo-encéphalite
herpétique, due le plus souvent à l’herpesvirus simplex
de type 1, dont le pronostic est redoutable. Dans 30 % des
cas, l’encéphalite est primitive et dans 70 % des cas, elle
est précédée d’antécédents herpétiques focalisés bénins.
Elle touche 1 personne sur 250 000 à 500 000 par an.
• La primo-infection liée au virus de l’immunodéficience humaine (VIH) peut se révéler par un
tableau de méningite aiguë virale : une méningite virale
survient dans 5 à 10 % des primo-infections VIH-1 ; il
s’agit habituellement d’un adulte jeune avec un tableau
viral non spécifique ; sa reconnaissance permet la mise
en route d’un traitement antirétroviral précoce.
TABLEAU I
Agents infectieux responsables
de méningites à liquide clair
Virus
Bactéries
❑ Entérovirus :
– virus coxsackie A et B
– virus ECHO
– poliovirus
❑ Virus ourlien
(paramyxovirus)
❑ Herpesvirus :
– HSV 1, HSV 2
– HSV 6
– virus varicelle-zona
– cytomégalovirus
– virus d’Epstein-Barr
❑ Virus de l’immunodéficience humaine
❑ Adénovirus
❑ Virus de la chorioméningite lymphocytaire
(arenavirus)
❑ Arbovirus
❑ Listériose
❑ Brucellose
Tuberculose
Cryptococcose
Spirochètes
❑ Syphilis
❑ Lyme
❑ Leptospirose
Rickettsioses
Parasitoses
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MÉNINGITES INFECTIEUSES À LIQUIDE CLAIR
Méningites bactériennes
1. Méningite listérienne
Elle doit être systématiquement évoquée au-delà de
60 ans, chez l’immunodéprimé, chez le nouveau-né,
chez la femme enceinte.
Parmi les formes non périnatales, les deux tiers surviennent après 60 ans.
2. Brucellose
C’est une zoonose transmise à l’homme soit par consommation de fromage ou de lait contaminé, soit par contact
avec des animaux contaminés ou leur cadavre, soit dans
un contexte professionnel (élevage, agriculture, abattoir).
Les ovins et les caprins sont le plus souvent en cause.
Une centaine de cas annuels sont déclarés en France.
Méningite tuberculeuse
L’incidence de la tuberculose diminue depuis 1993 en
France. La méningite représente 1 à 2 % de l’ensemble
des tuberculoses en France. Elle touche essentiellement
l’enfant, les personnes âgées, les transplantés, les immunodéprimés.
Rickettsioses
En France, Rickettsia conorii, agent de la fièvre
boutonneuse méditerranéenne, et Coxiella burnetii,
agent de la fièvre Q, peuvent être responsables d’une
atteinte méningée ou méningo-encéphalitique. R. conorii
est transmis par morsure de tique. La maladie est
observée sur le pourtour méditerranéen. C. burnetii
est transmis à l’homme par inhalation de produits de
parturition ou ingestion de produits laitiers non
pasteurisés de mammifères sauvages et domestiques. La
maladie est ubiquitaire.
Méningites parasitaires
Elles sont exceptionnelles en France. Elles sont évoquées en fonction de l’origine géographique ou la notion
de séjour en pays d’endémie.
Diagnostic
Diagnostic positif
1. Circonstances du diagnostic
Méningite à cryptocoques
Elle survient habituellement sur un terrain immunodéprimé : syndrome de l’immunodéficience acquise
(sida), hémopathie, lymphomes, immunodépression
thérapeutique (corticoïdes), maladies systémiques.
Méningites à spirochètes
1. Syphilis
2. Examen du liquide céphalo-rachidien
La méningite syphilitique s’observe essentiellement lors
de la phase secondaire de la maladie, 2 à 8 semaines
après l’apparition du chancre. Elle est symptomatique
chez 1 à 2 % des patients à cette phase.
Il confirme le diagnostic : le liquide est clair, hypertendu, dit « eau de roche », la réaction cellulaire est
variable, il existe une hyperprotéinorachie, la glycorachie est variable.
2. Maladie de Lyme
3. Recherche de signes de gravité
L’infection à Borrelia burgdorferi est transmise à
l’homme par morsure de tiques infectées du genre
Ixodes. La méningite survient lors de la phase secondaire
de l’infection, chez environ 15 % des patients non
traités.
Elle est systématique.
Il peut s’agir de troubles hémodynamiques ou de l’existence de signes neurologiques se traduisant par : des
troubles de la conscience, des signes de localisation ou
des convulsions. Les troubles neurovégétatifs sont
d’ordre respiratoire ou touchent la déglutition. La présence d’un de ces signes impose un scanner cérébral
avant la ponction lombaire afin d’éliminer un processus
expansif intracrânien. Ces signes encéphaliques peuvent
être liés à une atteinte encéphalique infectieuse
spécifique, des troubles ischémiques, une vascularite, un
œdème cérébral.
La présence d’un de ces signes de gravité impose le
transfert en réanimation.
3. Leptospirose
C’est une zoonose transmise à l’homme par voie
transcutanée. L’infection est acquise en eau douce
(baignade, pêche), par contact avec des animaux
infectés (rongeurs) ou dans un contexte professionnel
(riziculteur, personnel de station d’épuration, égoutier…). Une méningite est observée dans 15 % des cas
environ.
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Il est généralement réalisé lors d’un syndrome méningé
aigu fébrile mais le tableau est parfois moins typique :
fièvre évoluant depuis plusieurs jours, syndrome
méningé limité à des céphalées : signes neurologiques
fébriles, focalisés ou non, signes psychiatriques
fébriles (syndrome confusionnel ou tableau psychiatrique aigu), fièvre prolongée inexpliquée, miliaire ou
une polysérite.
Quel que soit le tableau initial, l’essentiel est d’évoquer
le diagnostic et de pratiquer la ponction lombaire.
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Maladies infectieuses
Diagnostic étiologique
Le diagnostic étiologique tient compte du terrain, du
mode de début, du contexte épidémiologique et de la
composition du liquide céphalo-rachidien (tableau II).
1. Arguments du diagnostic
• À l’interrogatoire, il faut rechercher les antécédents,
le terrain sous-jacent, le mode d’installation des
troubles, la prise éventuelle d’antibiotiques.
• L’examen neurologique doit rechercher notamment
des signes basilaires.
• L’examen complet permet de déterminer la porte
d’entrée ou la localisation extraméningée évocatrice
d’un micro-organisme.
• Les examens complémentaires doivent être simples
et systématiques : numération formule sanguine, plaquettes, vitesse de sédimentation, ionogramme sanguin,
hémocultures, radiographie thoracique, intradermoréaction à la tuberculine.
• L’étude du liquide céphalo-rachidien permet d’observer la réaction cellulaire (importance et formule) et le
taux de protéinorachie. Le chiffre de la glycorachie doit
être interprété en fonction de la glycémie prélevée avant
la ponction lombaire. En effet, une glycorachie inférieure
à 0,40 g/L ou 2,5 mmol/L ou inférieure à 40 % de la
glycémie concomitante est considérée comme abaissée.
Le liquide céphalorachidien permet aussi l’étude bactériologique directe (coloration de Gram, de Ziehl-Neelsen) ;
la culture systématique sur milieux usuels (Sabouraud et
Löwenstein) et l’étude cytologique en cas de doute.
• Certains examens biologiques plus spécifiques ne
sont demandés qu’en fonction du contexte. L’antigénémie
P24 et PCR (polymerase chain reaction) VIH est
démandée en cas de suspicion de primo-infection VIH.
Dans le liquide céphalo-rachidien, on réalise au direct
l’examen à l’encre de Chine et la mise en culture en
milieu de Sabouraud en cas de suspicion de méningite à
cryptocoque. La PCR est sensible et spécifique pour
la recherche de l’herpesvirus simplex. La recherche des
antigènes solubles est réalisée en fonction de l’orientation
(bactéries, cryptocoques) .
2. Méningite lymphocytaire hypoglycorachique
Ce tableau impose une enquête étiologique à la
recherche d’une cause imposant un traitement urgent.
• Méningite tuberculeuse : les arguments en faveur de
ce diagnostic sont une absence de vaccination par le
BCG, un contage récent, une primo-infection tuberculeuse (PIT) non traitée, des antécédents de tuberculose,
de transplantation, un diabète, un éthylisme, un âge
extrême ou une corticothérapie au long cours.
Les circonstances de survenue sont une installation subaigüe des troubles en contexte fébrile, une altération de
l’état général, des troubles du comportement ou du
caractère et des céphalées d’aggravation progressive.
On recherche des signes basilaires (atteinte du III
surtout, avec mydriase et ptosis), une inégalité pupillaire.
Les formes cliniques atypiques ne doivent pas être
méconnues : forme pseudo-tumorale, forme vasculaire
simulant un ramollissement, mais survenant en contexte
fébrile, forme psychiatrique ou confusionnelle fébrile,
méningite dans le cadre d’une miliaire ou d’une polysérite.
Les examens complémentaires recherchent un syndrome
de Schwartz-Bartter, témoignant d’une atteinte basilaire,
des tubercules de Bouchut au fond d’œil, des images
pleuropulmonaire ou péricardique à la radiographie
pulmonaire, la présence de bacilles de Koch au direct
ou en culture des tubages, urines ou autres liquides biologiques. L’intradermo-réaction à la tuberculine a une
valeur si la réaction est fortement positive ou phlycténulaire,
en sachant qu’une réaction négative est possible au début.
L’étude du liquide céphalo-rachidien montre habituellement
une hypercytose modérée à prédominance lymphocytaire,
une hyperprotéinorachie, souvent supérieure à 1 g/L.
L’hypoglycorachie peut manquer au début. Le bacille de
Koch est très rarement mis en évidence au direct ;
TABLEAU II
Orientation diagnostique des principales causes de méningite infectieuse
à liquide clair selon la composition du liquide céphalo-rachidien
Composition du liquide
céphalo-rachidien
Hypoglycorachie
Prédominance lymphocytaire
❑ Tuberculose
❑ Listériose
❑ Cryptococcose
Prédominance des polynucléaires
❑ Bactérienne décapitée
❑ Bactérienne au début
❑ Listériose
❑ Réaction méningée à un foyer
infectieux
❑ Endocardite
Normoglycorachie
❑ Viroses
❑ Listériose
❑ Brucellose
❑ Spirochètsioses
❑ Rickettsioses
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MÉNINGITES INFECTIEUSES À LIQUIDE CLAIR
la culture sur Löwenstein est systématique. Le plus
souvent, on se retrouve donc devant une méningite lymphocytaire hypoglycorachique, sans germe au direct.
L’attitude consiste à répéter la ponction lombaire 3 jours
de suite pour rechercher les bacilles de Koch au direct et
en culture, mettre en route un traitement spécifique antituberculeux sans attendre le résultat des cultures.
• La méningite listérienne : elle est à redouter sur certains terrains : immunodéprimés, nouveau-né, femme
enceinte, personnes âgées.
La présence de signes basilaires, de l’altération du
niveau de vigilance, témoignant de la fréquence de
l’atteinte encéphalique, a une valeur d’orientation.
L’étude du liquide céphalo-rachidien montre une protéinorachie souvent supérieure à 1 g/L, une hypoglycorachie
habituelle mais inconstante. La formule du liquide est
variable avec prédominance lymphocytaire, prédominance de polynucléaires ou liquide panaché. La présence de cellules monocytoïdes est inconstante.
La recherche du germe est rarement positive au direct.
La culture est systématique.
Le traitement doit être débuté en urgence, dès le résultat
du direct si le terrain et le liquide céphalo-rachidien sont
compatibles avec le diagnostic.
• Méningites mycosiques : la méningite à Cryptococcus
neoformans est la plus fréquente. Le tableau clinique est
caractérisé par son caractère subaigu, le syndrome
méningé est peu marqué ou absent. La méningite à cryptocoque survient habituellement sur un terrain immunodéprimé : hémopathie, lymphomes, immunodépression
thérapeutique (corticoïdes), sida.
Le liquide céphalo-rachidien montre des anomalies peu
spécifiques : une hypercytose souvent très modérée, à
prédominance lymphocytaire, une hypoglycorachie
inconstante, mais la cytologie et la biochimie peuvent
être normales.
La recherche du champignon dans le liquide céphalorachidien quand le contexte oriente vers ce diagnostic
est importante : à l’examen direct, après coloration à
l’encre de Chine, par la recherche d’antigènes solubles
capsulaires, à la culture du liquide céphalo-rachidien sur
milieu de Sabouraud.
Des localisations extraméningées sont possibles : pulmonaire, cutanée, hématopoïétique, osseuse. Un traitement
fongicide s’impose d’urgence.
Les autres méningites mycosiques sont beaucoup plus
rares : candidose, histoplasmose…
• La méningite ourlienne peut s’accompagner d’une
hypoglycorachie.
3. Méningites lymphocytaires
normoglycorachiques
Les méningites virales sont les plus fréquentes.
• La méningo-encéphalite herpétique est la seule étiologie imposant un diagnostic et un traitement urgents.
Elle survient surtout chez le grand enfant et l’adulte.
Elle est due essentiellement à l’herpesvirus simplex
de type 1. Anatomiquement, elle réalise une nécrose
hémorragique prédominant dans les lobes frontaux et
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temporaux associée à un œdème cérébral. Le pronostic
de cette encéphalite est gravissime. Cliniquement, le
diagnostic doit être suspecté devant l’association d’un
syndrome infectieux, de signes méningés, de signes
pouvant faire suspecter une atteinte temporale ou frontotemporale : anosmie, hallucination olfactive, auditive,
gustative, aphasie, troubles du comportement ; de
convulsions. Rapidement s’installe un tableau d’hypertension intracrânienne liée à l’œdème cérébral. Les examens complémentaires pratiqués en urgence montrent,
dans le liquide céphalo-rachidien, une lymphocytose
avec protéinorachie variable, glycorachie normale et
présence d’hématies (nécrose cérébrale hémorragique).
L’électroencéphalogramme montre précocement des
signes diffus de souffrance cérébrale. Le scanner cérébral recherche des zones hypodenses fronto-temporales
d’apparition tardive. La suspicion du diagnostic sur
l’ensemble des données cliniques, cytologiques et tomodensitométriques doit faire entreprendre un traitement
antiviral en urgence. Le diagnostic peut être confirmé
ultérieurement par les examens sérologiques, en cas de
séroconversion (sérum, liquide céphalo-rachidien) ;
dans le liquide céphalo-rachidien, par la positivité de
la PCR de l’herpesvirus simplex, la culture du virus,
l’inconstance de l’élévation de l’interféron.
• La primo-infection liée au virus de l’immunodéficience humaine peut se révéler par une méningite
aiguë virale. Le tableau est comparable à celui d’une
méningite virale aiguë banale. L’évolution spontanée de
la méningite est favorable. Il est donc essentiel de faire
le diagnostic de l’infection liée au virus de l’immunodéficience humaine dès la primo-infection.
La notion de conduite à risque, la positivité de l’antigénémie p24, celle de la charge virale, puis la séroconversion permettent le diagnostic.
• Les autres méningites virales représentent l’étiologie
la plus fréquente de méningite à liquide clair. Elles sont
caractérisées par leur évolution aiguë, bénigne, spontanément favorable sans traitement : il doit donc s’agir
d’un diagnostic d’élimination, afin de ne pas méconnaître les autres causes de méningite à liquide clair
imposant un traitement urgent.
Les arguments cliniques du diagnostic sont : un début
rapide, chez un sujet en pleine santé, un syndrome
méningé franc, un contexte viral (syndrome pseudogrippal), aucun signe de gravité ou de mauvaise tolérance.
Les arguments biologiques, fournis par l’étude du liquide
céphalo-rachidien, sont une pléiocytose importante, une
formule lymphocytaire, une glycorachie normale, une
protéinorachie modérément élevée habituellement < 1 g/L.
Les arguments virologiques sont une mise en évidence
du virus dans la gorge, les selles, le liquide céphalorachidien et l’élévation du taux des anticorps à 2 semaines
d’intervalle.
Les étiologies sont très nombreuses, souvent non identifiées. Les méningites à entérovirus sont les plus
fréquentes telles que le virus coxsackie (myalgies
intenses) ; le virus ECHO (enteric cytopathogenic
human orphan) (exanthème maculo-papuleux) ; le
Maladies infectieuses
poliovirus (signes d’atteinte de la corne antérieure de la
moelle, avec dissociation albuminocytologique retardée,
chez un sujet non vacciné).
La méningite ourlienne peut précéder, accompagner, ou
suivre la parotidite et résume la maladie clinique dans la
moitié des cas. L’amylasémie peut être augmentée.
Les autres causes sont nombreuses : fièvres éruptives
de l’enfant, adénovirus, mononucléose infectieuse,
hépatites virales, chorioméningite lymphocytaire…
• La brucellose : le diagnostic repose sur la notion de
contage ou de profession exposée, la notion de fièvre
sudoro-algique restée inexpliquée et non traitée, la coexistence possible d’atteinte radiculaire, la sérologie
dans le sang et le liquide céphalo-rachidien. Les hémocultures et la culture du liquide céphalo-rachidien sont
habituellement négatives.
• La listériose peut s’accompagner d’une méningite
lymphocytaire normoglycorachique.
• La maladie de Lyme : son diagnostic repose sur la
notion de morsure de tique, la notion d’erythema chronicum migrans dans les semaines ou mois précédents,
l’association à une atteinte radiculaire périphérique ou
une paralysie faciale, l’atteinte d’autres organes (peau,
articulations), la présence d’anticorps spécifiques dans
le sang et le liquide céphalo-rachidien.
• La leptospirose : son diagnostic repose sur les myalgies intenses, l’injection conjonctivale, l’atteinte rénale,
avec protéinurie et atteinte hépatique, la notion de bain
en eau douce ou de profession exposée, les hémocultures la première semaine puis la sérologie.
• La syphilis : son diagnostic repose sur la notion de
contage avec chancre 2 à 8 semaines auparavant, l’association éventuelle à d’autres manifestations clinique de
la maladie : fièvre, éruption cutanée, atteinte hépatique,
la présence d’anticorps spécifiques dans le sang et le
liquide céphalo-rachidien.
• Les méningites parasitaires sont exceptionnelles en
France. Le diagnostic repose sur l’origine géographique
ou la notion de séjour en pays d’endémie, la mise en
évidence du parasite, la sérologie. Les étiologies sont la
toxoplasmose chez l’immunodéprimé, la trypanosomiase.
4. Méningites à prédominance de polynucléaires
• Les méningites bactériennes décapitées sont de plus
en plus fréquentes du fait de la prescription croissante
d’antibiotiques. Le tableau clinique est aspécifique et le
liquide céphalo-rachidien est négatif au direct et stérile.
Le diagnostic repose sur la prise récente d’antibiotiques,
l’existence d’une porte d’entrée ou de localisations
infectieuses à distance : foyer ORL ou pulmonaire,
signes cutanés. L’analyse du liquide céphalo-rachidien
montre une hypoglycorachie plus ou moins franche, une
formule à prédominance de polynucléaires, plus ou
moins altérés. Des antigènes solubles sont recherchés
dans le liquide céphalo-rachidien et le sérum. Une antibiothérapie doit être débutée au moindre doute.
• Une méningite bactérienne à son tout début, notamment à méningocoque peut donner un liquide clair avec
une réaction cellulaire modérée et une glycorachie
normale. La ponction lombaire doit être répétée,
quelques heures plus tard, ramenant un liquide céphalorachidien caractéristique.
• La méningite listérienne peut avoir une prédominance
de polynucléaires.
• Une réaction méningée à une infection bactérienne
au contact des méninges (abcès cérébral, empyème sousdural, autres foyers infectieux) se traduit cliniquement
par la présence de signes d’hypertension intracrânienne,
de signes de localisations, de convulsions. La ponction
lombaire est contre-indiquée. Parfois, cependant, le
tableau clinique est évocateur d’une méningite infectieuse et conduit à la ponction lombaire : valeur de la
glycorachie normale, des polynucléaires non altérés.
L’imagerie fait le diagnostic (scanner, imagerie par
résonance magnétique). Le transfert en milieu neurochirurgical est nécessaire.
• La méningite au cours d’une endocardite bactérienne
peut éventuellement révéler l’endocardite et pose le
problème de sa signification : embolie septique, ramollissement embolique, hématome, abcès. Le scanner
cérébral avec injection de produit de contraste précise le
diagnostic.
• Au tout début d’une virose, le liquide céphalorachidien peut avoir une formule à prédominance de
polynucléaires. La répétition de la ponction lombaire est
utile, ramenant un liquide caractéristique.
Diagnostic différentiel
1. Méningites carcinomateuses
Le diagnostic ne pose de problème que si la méningite
vient révéler la maladie. Il existe un contexte d’altération
de l’état général, parfois un tableau de méningite diffuse.
Souvent, la méningite est révélée par une atteinte rapidement extensive des racines ou des nerfs crâniens.
L’analyse du liquide céphalo-rachidien montre une
hypoglycorachie, une hypercytose pouvant passer pour
lymphocytaire en l’absence d’étude cytologique précise.
L’évolution est très péjorative, le contexte algique souvent majeur. La méningite témoigne du caractère disséminé de la carcinomatose.
2. Sarcoïdose
Une atteinte neurologique est présente dans 5 % des cas.
Le problème diagnostique est majeur quand la méningite
révèle la maladie. Le diagnostic différentiel peut être
très difficile voire impossible avec une tuberculose.
3. Maladie de Behçet
Une méningo-encéphalite se développe chez 25 % des
patients. Le diagnostic repose sur la présence de signes
évocateurs de la maladie : aphtose bipolaire, uvéite,
atteinte cutanée.
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MÉNINGITES INFECTIEUSES À LIQUIDE CLAIR
4. Vascularites systémiques
La méningite n’est alors qu’une localisation d’une maladie
systémique. Une atteinte méningée peut s’observer au
cours du lupus systémique, de la périartérite noueuse et
de la maladie de Wegener. La présence de signes extraneurologiques cliniques et biologiques – facteurs antinucléaires (FAN), anticorps anti-cytoplasmes des polynucléaires (ANCA) – oriente le diagnostic étiologique.
5. Syndrome de Vogt-Koyanagi-Harada
L’atteinte méningocéphalique est associée à une uvéite
et à une atteinte cutanée.
6. Thrombophlébite cérébrale
Elle s’accompagne d’une réaction méningée à prédominance de polynucléaires. Elle survient dans un contexte
septique locorégional, dans un contexte de troubles de
l’hémostase thrombogène. Des signes de localisation et
des convulsions sont fréquents. Le diagnostic repose sur
l’imagerie : scanner avec injection, angio-imagerie par
résonance magnétique, artériographie.
7. Méningites médicamenteuses
Habituellement de caractère aigu et à prédominance de
polynucléaires, elles peuvent se voir après la prise d’isoniazide, de cotrimoxazole, l’azathioprine et l’injection
intrathécale d’antibiotiques ou de méthotrexate…
Évolution
Méningite bactérienne
L’évolution de la listériose et de la brucellose est celle
de toute méningite bactérienne, avec des séquelles
possibles, fonction de la précocité du traitement.
Méningite à cryptocoque
L’évolution de la méningite est largement conditionnée
par le terrain sous-jacent et l’état clinique initial du
patient. La mortalité globale est de l’ordre de 25 à 30 %.
Vingt à 25 % des patients guéris initialement rechutent,
de nombreuses séquelles sont possibles : paralysie des
nerfs crâniens, hydrocéphalie, déficit moteur, troubles
neuropsychiatriques.
Méningite à spirochètes
• Syphilis : en l’absence de traitement, la méningite
évolue par poussées et conduit dans près d’un tiers des
cas à la syphilis tertiaire. Le traitement, mal codifié,
permet d’éviter l’évolution vers la forme tertiaire.
Cependant, il permet inconstamment de stériliser le
liquide céphalo-rachidien, surtout chez le patient infecté
par le virus de l’immunodéficience humaine, et des
rechutes sont possibles.
• Une réaction d’Herxheimer (réaction de lyse) peut
s’observer au cours du traitement d’une syphilis ou
d’une maladie de Lyme, exceptionnellement au cours du
traitement de la leptospirose.
Méningite aiguë virale
Leur évolution est en règle favorable en moins d’une semaine,
avec amélioration clinique après la ponction lombaire. Les
complications sont exceptionnelles : encéphalite, surdité.
Aucune ponction lombaire de contrôle n’est nécessaire.
La méningo-encéphalite herpétique a un pronostic redoutable : la mortalité spontanée est de 70 %, et des séquelles
neuropsychiques importantes sont quasi constantes.
L’évolution est fonction de la précocité de la mise en
route du traitement. La guérison est sans séquelle dans les
cas favorables, sinon, les séquelles neurologiques sont
graves, jusqu’au décès.
Méningite tuberculeuse
L’évolution peut être favorable avec une amélioration
clinique rapide et une normalisation du liquide céphalorachidien en quelques semaines.
Elle peut être défavorable, la mortalité étant encore non
négligeable. Des complications peuvent être présentes
d’emblée ou en cours de traitement telles qu’une hydrocéphalie, une épidurite, une vascularite cérébrale qui
peut se compliquer d’accident vasculaire cérébral, une
sécrétion inappropriée d’ADH (hormone antidiurétique),
un tuberculome.
Des séquelles sont possibles : cécité, paralysie oculomotrice, déficit moteur, comitialité, troubles psychiques.
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Traitement
Traitement anti-infectieux
1. Tuberculose
• Quadruple association initiale : isoniazide 5 mg/kg/j
(Rimifon), rifampicine 10 mg/kg/j (Rifadine), éthambutol
20 mg/kg/j (Myambutol), pyrazinamide 30 mg/kg/j
(Pirilène), en une prise unique quotidienne pour chaque
médicament, pendant une durée de 2 mois, puis bithérapie par isoniazide et rifampicine pendant une durée
totale de traitement de 9 à 12 mois.
• Effets secondaires nécessitant une surveillance
régulière : isoniazide (hépatite, neuropathies périphériques, troubles psychiques, réactions d’hypersensibilité),
rifampicine (troubles digestifs, réactions d’hypersensibilité, induction enzymatique), éthambutol (névrite
optique rétrobulbaire [vision des couleurs]), pyrazinamide (hépatite, hyperuricémie, réactions cutanées
allergiques).
• La corticothérapie peut se discuter pour limiter la
réaction inflammatoire et les séquelles neurologiques,
sous forme de prednisone (Cortancyl) 0,5 mg/kg/j
pendant les 2 à 3 premiers mois.
Maladies infectieuses
2. Listériose
Amoxicilline : 150 mg/kg/j en 6 injections pendant 21
jours et gentamicine (3 mg/kg/j) pendant les premiers
jours du traitement.
Traitement symptomatique
1. Bonne équilibration hydro-électrolytique
La bonne équilibration des apports hydriques, du bilan
ionique et métabolique est importante.
3. Méningite bactérienne décapitée
Amoxicilline : 150 mg/kg/j en 6 injections.
4. Méningite à cryptocoque
Deux traitements sont possibles.
• Amphotéricine B (Fungizone) avec l’augmentation
progressive des doses jusqu’à 0,5-0,7 mg/kg/j, en perfusion prolongée sur 6 à 8 heures, + flucytosine (Ancotil) :
150 mg/kg/j en 3 à 4 perfusions par jour. Les effets
secondaires et la toxicité importants de l’amphotéricine
B imposent une surveillance rigoureuse. Pendant la
perfusion, fièvre, troubles digestifs, hypotension, voire
choc anaphylactique, imposent l’utilisation d’une dose
test initiale de 0,1 mg/kg, et l’injection systématique
avant chaque perfusion d’antihistaminique. La néphrotoxicité dose-dépendante, à type de tubulopathie, avec
hypokaliémie, hypomagnésémie, représente la toxicité
majeure de l’amphotéricine B et est la cause la plus
fréquente d’arrêt du traitement. La flucytosine a une
toxicité médullaire et hépatique, dépendante de la dose.
• Fluconazole (Triflucan) : il s’agit d’une alternative
interessante à la Fungizone, utilisée à la dose d’aumoins 400 mg/j en 2 injections intraveineuses. Ce traitement est mieux toléré et aussi efficace que l’amphotéricine B. Dans les formes sévères, une dose de charge
de 800 mg/j peut être utilisée les premiers jours. La durée
du traitement d’attaque est de l’ordre de 6 semaines.
• Un traitement d’entretien (prophylaxie secondaire),
visant à éviter les rechutes, est nécessaire chez les
patients immunodéprimés.
5. Méningo-encéphalite herpétique
Aciclovir (Zovirax) : 10 à 15 mg/kg toutes les 8 heures
pendant 14 à 21 jours.
6. Leptospirose
Pénicilline G : 10 MUI/j pendant 10 jours.
7. Maladie de Lyme
Ceftriaxone (Rocéphine) : 2 à 3 g/j en intraveineux
pendant 10 jours.
8. Méningite syphilitique
Ceftriaxone (Rocéphine): 2 à 3 g/j en intraveineux
pendant 10 jours.
9. Méningite brucellienne
Doxycycline (Vibramycine) 200 mg/j en 1 prise per os
et rifampicine 15 mg/kg/j en 2 prises pendant 3 mois.
2. Traitement des complications
Les convulsions sont traitées par benzodiazépines.
L’œdème cérébral est traité par l’injection de mannitol
ou de corticoïdes. Une hypocapnie modérée peut être
induite si le malade est ventilé.
L’hydrocéphalie entraîne la nécessité d’une dérivation
du liquide céphalo-rachidien.
Traitement de la porte d’entrée
Cela comprend le traitement d’un foyer ORL, le traitement neurochirurgical d’une collection paraméningée et
d’une endocardite (antibiothérapie de 4 à 6 semaines).
Traitement préventif
Les vaccinations obligatoires ou systématiques en
France sont la rougeole-oreillons-rubéole (ROR), la
poliomyélite, le BCG à la naissance.
La prévention de la tuberculose se fait par dépistage et
traitement des sujets bacillifères et des primo-infections.
Tuberculose, poliomyélite, méningite à méningocoque,
cryptococcose classant sida et brucellose sont des
maladies à déclaration obligatoire.
■
Points Forts à retenir
• Parmi les méningites aiguës virales,
2 diagnostics ne doivent pas être méconnus :
la méningo-encéphalite herpétique,
car le pronostic vital est en jeu ;
la primo-infection liée au virus
de l’immunodéficience humaine,
car un traitement précoce est alors possible.
• Toute méningite à liquide clair hypoglycorachique nécessite un diagnostic étiologique
et un traitement urgent.
• Les méningites à liquide clair à prédominance
de polynucléaires doivent faire rechercher
une cause bactérienne : méningite bactérienne
décapitée, au tout début, listériose,
réaction méningée à un foyer, endocardite.
• Au-delà de 60 ans, toute méningite doit être suspecte de listériose.
L A R E V U E D U P R AT I C I E N 2 0 0 0 , 5 0
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