Chapitre 2

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Applications linéaires
I
Généralités sur les applications linéaires
1
Définition
Définition 1
Soit E et F deux R-espaces vectoriels et f une application de E vers F . On dit que f est une application linéaire ou encore un morphisme de E dans F ssi :
→
→
→
→
→
→
• ∀(−
u,−
v ) ∈ E 2 , f (−
u +−
v ) = f (−
u ) + f (−
v)
→
−
→
−
→
−
• ∀ u ∈ E et ∀λ ∈ R, f (λ u ) = λf ( u )
Vocabulaire et notation :
– L’ensemble de tous les morphismes de E dans F est noté L(E, F ).
– Un morphisme de E dans lui-même est appelé un endomorphisme.
– L’ensemble des endomorphismes de E est noté L(E).
−
→
→
– L’application qui à tout vecteur −
u de E associe le vecteur 0F est une application linéaire. On l’appelle
l’application nulle et on la note 0E,F .
– L’application identité idE est un endomorphisme de E.
Exemple 1:
On considère l’application qui à un polynôme P associe son polynôme dérivé P ′ :
f : R[X] → R[X]
P
→ P′
Nos vecteurs ici sont des polynômes. Pour vérifier que f est une application linéaire il faut vérifier les
deux points de la définition :
• Soient Q et R deux polynômes quelconques. On a par définition de f , f (Q + R) = (Q + R)′ . Or on
sait que la dérivée d’une somme est la somme des dérivées donc f (Q + R) = Q′ + R′ = f (Q) + f (R). Le
premier point est bien vérifié.
• Soit Q un polynôme et λ un réel. On a f (λQ) = (λQ)′ . D’après les propriétés de la dérivation,
f (λQ) = λQ′ = λf (Q). Donc le deuxième point est bien vérifié.
En conclusion, f est une application linéaire de R[X] dans R[X] c’est-à-dire f est un endomorphisme
de R[X].
Propriété 1
Soient E et F deux espaces vectoriels. f est une application linéaire de E dans F ssi :
→
→
→
→
→
→
∀(−
u,−
v ) ∈ E 2 , ∀(λ, µ) ∈ R2 , f (λ−
u + µ−
v ) = λf (−
u ) + µf (−
v)
Exemple 2:
Montrer que l’application g de R3 dans R2 définie par g(x, y, z) = (y−2x+z, 3z+4x) est une application
linéaire.
→
→
Soient −
u = (x, y, z) ∈ R3 , −
v = (r, s, t) ∈ R3 et (a, b) ∈ R2 .
→
→
g(a−
u + b−
v ) = g(ax + br, ay + bs, az + bt)
= (ay + bs − 2(ax + br) + (az + bt), 3(az + bt) + 4(ax + br))
−
→
→
−
et ag( u ) + bg( v ) = a(y − 2x + z, 3z + 4x) + b(s − 2r + t, 3t + 4r)
= (ay − 2ax + az + bs − 2br + bt, 3az + 4ax + 3bt + 4br)
Algèbre : Chapitre 2
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Applications linéaires
→
→
→
→
Donc on a g(a−
u + b−
v ) = ag(−
u ) + bg(−
v ).
g est bien une application linéaire.
Propriété 2
Si f est une application linéaire de E dans F alors :
• f (0E ) = 0F
→
→
• f (−−
u ) = −f (−
u)
!
p
p
X
X
→
→
−
→
−
→
−
p
p
λi f (−
ei )
• ∀( e1 , ..., ep ) ∈ E , ∀(λ1 , ..., λp ) ∈ R , f
λi ei =
i=1
2
i=1
Opérations sur les applications linéaires
Théorème 1
Soient E et F deux espaces vectoriels. L’ensemble L(E, F ) est un R-espace vectoriel.
Ce théorème regroupe plusieurs informations : la somme de deux applications linéaires est encore une
application linéaire et si je multiplie une application linéaire par un réel je conserve une application linéaire.
Théorème 2
Soient E, F et G trois espaces vectoriels, f ∈ L(E, F ) et g ∈ L(F, G). Alors g ◦ f est un morphisme
de E dans G.
3
Image d’une application linéaire
Définition 2
Soient E et F deux espaces vectoriels et f ∈ L(E, F ). On appelle image de l’application linéaire f , et
on note Im(f ), l’ensemble suivant :
→
→
Im(f ) = {f (−
u )/−
u ∈ E}
→
L’image de f est donc l’ensemble de tous les f (−
u ) que l’on peut calculer.
Quelques exemples très simples :
Exemple 3:
– Im(idE ) = E.
– Im(0E,F ) = {0F }
Propriété 3
Soit f ∈ L(E, F ). Im(f ) est un sous-espace vectoriel de F .
Le plus souvent il sera difficile de décrire précisément Im(f ). Lorsque l’on travaillera avec des espaces
de dimension finie (c’est-à-dire dans 99 % des cas) on cherchera une base de Im(f ). Le théorème ci-dessous
est très important car il nous donne une famille génératrice de Im(f ).
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Applications linéaires
Théorème 3
Soient E un espace vectoriel de dimension finie n, et (e1 , · · · , en ) une base de E. Soient F un espace
vectoriel quelconque et f ∈ L(E, F ).
Alors (f (e1 ), · · · , f (en )) est une famille génératrice de Im(f ), c’est-à-dire :
Im(f ) = vect(f (e1 ), · · · , f (en )).
Exemple 4:
On considère l’endomorphisme de R3 défini par f (x, y, z) = (y − z, z − x, x − y). Déterminer une base
de Im(f ).
Il existe deux méthodes pour répondre à cette question : l’une utilise le théorème précédente et l’autre
n’utilise que la définition de l’image de f .
– Méthode 1 :
On considère (e1 , e2 , e3 ) la base canonique de R3 .
• On commence tout d’abord par calculer f (e1 ), f (e2 ) et f (e3 ).
On a f (e1 ) = (0, −1, 1), f (e2 ) = (1, 0, −1) et f (e3 ) = (−1, 1, 0).
D’après le théorème précédent ((0, −1, 1), (1, 0, −1), (−1, 1, 0)) est une famille génératrice de Im(f ).
• Regardons maintenant si cette famille est libre.
On peut procéder par la méthode classique ou alors remarquer que
(0, −1, 1) + (1, 0, −1) + (−1, 1, 0) = (0, 0, 0) et donc que notre famille est liée.
• Comme (0, −1, 1) = −(1, 0, −1) − (−1, 1, 0) la famille ((1, 0, −1), (−1, 1, 0)) est encore une famille
génératrice de Im(f ).
• On remarque que les deux triplets (1, 0, −1) et (−1, 1, 0) ne sont pas proportionnels, donc la famille
((1, 0, −1), (−1, 1, 0)) est libre.
La famille ((1, 0, −1), (−1, 1, 0)) est donc libre et génératrice de Im(f ) donc c’est une base de Im(f ).
Ainsi Im(f ) est de dimension 2.
– Méthode 2 :
Par définition on a :
Im(f ) = {f (x, y, z)/(x, y, z) ∈ R3 }
= {(y − z, z − x, x − y)/(x, y, z) ∈ R3 }
= {x(0, −1, 1) + y(1, 0, −1) + z(−1, 1, 0)/(x, y, z) ∈ R3 }
= vect((0, −1, 1), (1, 0, −1), (−1, 1, 0))
Donc la famille ((0, −1, 1), (1, 0, −1), (−1, 1, 0)) est une famille génératrice de Im(f ).
La fin du raisonnement est la même que pour la méthode 1.
Propriété 4
Soient E un espace vectoriel de dimension finie n, et (e1 , . . . , en ) une base de E. Soient F un espace
vectoriel quelconque et (f1 , . . . , fn ) une famille quelconque de vecteurs de F . Alors il existe une unique
application linéaire g de E dans F , telle que g(ei ) = fi , pour tout 1 6 i 6 n.
Remarque :
Cette propriété signifie que pour connaitre entièrement une application linéaire sur un espace de dimension finie il suffit de connaitre les images des éléments d’une base.
En effet, si on connait la valeur de f (e1 ), ..., f (en ) où (e1 , · · · , en ) est une base de E, alors pour tout
n
n
X
X
→
−
→
−
→
−
u ∈ E, on a u =
λi ei et donc on peut calculer f ( u ) =
λi f (ei ).
i=1
Algèbre : Chapitre 2
i=1
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Applications linéaires
Exemple 5:
On considère R3 muni de sa base canonique (e1 , e2 , e3 ). On considère f ∈ L(R3 , R2 ) telle que :
f (e1 ) = (1, 0) f (e2 ) = (2, −1) f (e3 ) = (−3, 1)
Calculer f (x, y, z) pour tout (x, y, z) ∈ R3 .
On a (x, y, z) = x(1, 0, 0) + y(0, 1, 0) + z(0, 0, 1) = xe1 + ye2 + ze3 donc
f (x, y, z) = xf (e1 ) + yf (e2 ) + zf (e3 ) = (x + 2y − 3z, −y + z)
4
Noyau d’une application linéaire
Définition 3
Soient E et F deux espaces vectoriels, et f ∈ L(E, F ). On appelle noyau de l’application linéaire f ,
et on note ker(f ), l’ensemble suivant :
→
→
ker(f ) = {−
u ∈ E/f (−
u ) = 0F }
Propriété 5
ker(f ) est un sous-espace vectoriel de E
Démonstration :
• Comme f (0E ) = 0F , 0E ∈ ker(f ) et donc ker(f ) est non vide.
→
→
−
→
• De plus si −
u et −
v sont deux éléments de ker(f ) et (a, b) ∈ R2 alors a→
u + b−
v ∈ E et
→
→
→
→
f (a−
u + b−
v ) = bf (−
u ) + bf (−
v ) = a0F + b0F = 0F
→
→
donc a−
u + b−
v ∈ ker(f ).
Donc ker(f ) est bien un sous-espace vectoriel de E.
2
Quelques exemples simples :
Exemple 6:
– ker(idE ) = {0E }
– ker(0E,F ) = E
Exemple 7:
Soit f ∈ L(R3 , R2 ), définie par f (x, y, z) = (x + 2y − 3z, −y + z). Déterminer ker(f ).
Explication : Déterminer ker(f ) signifie qu’il faut trouver tous les éléments de cet ensemble, c’est à
dire tous les éléments de l’ensemble de départ (ici c’est R3 ) dont l’image vaut 0.
Rédaction :
Par définition ker(f ) = {(x, y, z) ∈ R3 /f (x, y, z) = (0, 0)}. On doit donc résoudre f (x, y, z) = (0, 0).
On a :
f (x, y, z) = (0, 0)
⇔(x + 2y − 3z, −y + z) = (0, 0)
x + 2y − 3z = 0
⇔
−y + z = 0
x=z
⇔
y=z
Donc ker(f ) = {(z, z, z)/z ∈ R} = vect((1, 1, 1)).
Algèbre : Chapitre 2
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Applications linéaires
5
Injectivité, surjectivité, isomorphismes
Théorème 4
Soit f ∈ L(E, F ). Alors
f est injective ⇔ ker(f ) = {0E }
Démonstration :
−
• Si f est injective alors 0F admet au plus un antécédent qui est 0E . Donc le seul →
u tel
→
que f (−
u ) = 0F est 0E , c’est-à-dire ker(f ) = {0E }.
→
→
→
→
• Si ker(f ) = {0E } alors si (−
u ,−
v ) ∈ E 2 vérifient f (−
u ) = f (−
v ) on a :
→
→
→
→
→
→
→
→
→
→
f (−
u ) = f (−
v ) ⇔ f (−
u ) − f (−
v ) = 0 F ⇔ f (−
u −−
v ) = 0F ⇔ −
u −−
v = 0E ⇔ −
u =−
v
Donc f est bien injective.
2
Exemple 8:
L’application linéaire g définie par g(x, y) = (2x − y, −3x + 5y) est-elle injective ?
Afin d’utiliser le théorème précédent, il nous faut tout d’abord déterminer ker(g) :
2x − y = 0
2x − y = 0
y=0
g(x, y) = (0, 0) ⇔
⇔
⇔
−3x + 5y = 0
7x = 0
x=0
Donc ker(g) = {(0, 0)} et donc g est bien injective.
Propriété 6
Soit f ∈ L(E, F ). Alors
f est surjective ⇔ Im(f ) = F
Définition 4
• Soient E et F deux espaces vectoriels, et f un morphisme de E dans F . Si de plus f est bijective
alors on dit que f est un isomorphisme de E dans F .
• Un isomorphisme de E dans lui-même est appelé un automorphisme de E. L’ensemble des automorphismes de E est noté Gl(E).
• Lorsqu’il existe un isomorphisme entre deux espaces E et F on dit que ces deux espaces sont isomorphes.
Propriété 7
Si f est un isomorphisme de E dans F alors f −1 est un isomorphisme de F dans E.
Cela signifie donc que si f est linéaire et bijective, f −1 est aussi linéaire.
Théorème 5
Soient E et F deux espaces vectoriels de dimension finie. Les espaces E et F sont isomorphes ssi ils
sont de même dimension. En particulier tout espace vectoriel de dimension n est isomorphe à Rn .
Explication rapide :
→
Soit E un espace vectoriel de dimension n et (e1 , . . . , en ) une base de E. Pour tout −
u ∈ E, il existe
n
X
→
λi ei . On construit alors l’application f : E → Rn définie
donc (λ1 , . . . , λn ) ∈ Rn , unique, tel que −
u =
i=1
−
par f (→
u ) = (λ1 , . . . , λn ). Cette application est un isomorphisme de E dans Rn .
Algèbre : Chapitre 2
Page 5
Applications linéaires
II
Rang d’une application linéaire
1
Théorème du rang
Définition 5
→
→) une famille de vecteurs d’un espace vectoriel E. On appelle rang de cette famille,
• Soit (−
u1 , . . . , −
u
n
→
−
→), la dimension de l’espace vectoriel F = vect(−
→
→).
et on note rg(u1 , . . . , −
u
u1 , . . . , −
u
n
n
• On appelle rang d’une application linéaire f ∈ L(E, F ), et on note rg(f ), la dimension de Im(f )
si celle-ci existe.
Remarques :
→
→) n’est pas forcément de dimension n. On a vu des contre-exemples dans
– Attention vect(−
u1 , . . . , −
u
n
le chapitre précédent.
– Si E est de dimension finie alors rg(f ) est bien défini.
Exemple 9:
f : R2 [X] → R3
.
P
→ (P (1), P ′(1), P (0))
Déterminer le rang d’une application signifie déterminer la dimension de son image. Il faut donc
commencer par trouver une base de Im(f ).
• Soit (P0 , P1 , P2 ) la base canonique de R2 [X].
On a f (P0 ) = (1, 0, 1), f (P1 ) = (1, 1, 0) et f (P2 ) = (1, 2, 0).
Donc (théorème 3) ((1, 0, 1), (1, 1, 0), (1, 2, 0)) est une famille génératrice de Im(f ).
• Regardons maintenant si cette famille est libre. On cherche tous les réels a, b, c tels que :


 a+b+c = 0
 b+c=0
b
+
2c
=
0
b + 2c = 0 ⇔ a = b = c = 0
a(1, 0, 1) + b(1, 1, 0) + c(1, 2, 0) = (0, 0, 0) ⇔
⇔


a=0
a=0
Déterminer le rang de l’application
Donc la famille est bien libre.
• La famille ((1, 0, 1), (1, 1, 0), (1, 2, 0)) est donc une base de Im(f ) et donc rg(f ) = 3.
Théorème 6 : Théorème du rang
Soit f ∈ L(E, F ), avec E espace vectoriel de dimension finie et F espace vectoriel quelconque. Alors
on a l’égalité suivante :
dim(E) = dim(ker(f )) + dim(Im(f ))
Exemple 10:
Dans l’exemple précédent on a vu que la dimension de l’image de f est égale à 3. D’après le théorème
du rang on a donc :
dim(R2 [X]) = dim(ker(f )) + dim(Im(f )) ⇔ 3 = dim(ker(f )) + 3 ⇔ dim(ker(f )) = 0
Le noyau étant de dimension nulle, on peut tout de suite affirmer que ker(f ) = {0}.
C’est un théorème très important dont nous allons voir des applications.
2
Application à la caractérisation des isomorphismes
Dans cette partie E et F sont deux espaces vectoriels de dimension finie.
Théorème 7
Soit f ∈ L(E, F ).
• f est injective ssi rg(f ) = dim(E).
• f est surjective ssi rg(f ) = dim(F ).
Algèbre : Chapitre 2
Page 6
Applications linéaires
Démonstration : Hors programme
• On sait déjà que f est injective ssi ker(f ) = {0E } donc on a grâce au théorème du rang :
f est injective ⇔ dim(ker(f )) = 0
⇔ dim(E) = 0 + dim(Im(f ))
⇔ dim(E) = rg(f )
• De plus :
f est surjective ⇔ Im(f ) = F
⇔ dim(Im(f )) = dim(F )
⇔ rg(f ) = dim(F )
2
On peut en déduire le théorème suivant :
Théorème 8
Soient E et F deux espaces vectoriels de dimension finie tels que dim(E) =dim(F ), et soit f un
morphisme de E dans F . Alors on a :
f est bijective ⇔ f est injective ⇔ f est surjective
Application :
Grâce à ces deux théorèmes on voit donc que si f est un endomorphisme de E ou si f ∈ L(E, F ) avec
dim(E) = dim(F ), il suffit de montrer que f est soit injective soit surjective pour pouvoir dire que f est
bijective.
Exemple 11:
f:
R3
→ R3
.
Soit l’application linéaire
(x, y, z) → (2x + 5y − 2z, −3x + y, x + 4y + 4z)
Montrer que f est un automorphisme de R3 .
Le mot automorphisme regroupe 3 choses à vérifier : f est une application linéaire, les espaces de départ
et d’arrivée sont les mêmes, et f est bijective.
• D’après l’énoncé f est une application linéaire.
• D’après l’énoncé f est une application de R3 dans R3 .
• Il ne nous reste donc plus qu’à montrer que f est bijective et comme l’espace de départ et l’espace
d’arrivé ont la même dimension il suffit de montrer que f est injective.
Déterminons le noyau de f .


 2x + 5y − 2z = 0
 17x − 2z = 0
−3x + y = 0
y = 3x
f (x, y, z) = (0, 0, 0) ⇔
⇔
⇔x=y=z=0


x + 4y + 4z = 0
13x + 4z = 0
Donc ker(f ) = {(0, 0, 0)} ce qui signifie que f est injective.
f est une application linéaire injective et la dimension des espaces de départ et d’arrivées sont égales
donc f est bijective.
En conclusion f est bien un automorphisme de R3 .
Algèbre : Chapitre 2
Page 7
Applications linéaires
III
1
Applications linéaires et matrices
Matrice colonne associée à un vecteur
Définition 6
→
−
Soit E un espace vectoriel de dimension finie n, et soit B = (−
e1 , . . . , →
en ) une base de E. Pour tout
n
X
→
−
→
→
→
u ∈ E, il existe des réels uniques λ1 , . . . , λn tels que −
u =
λi −
ei (coordonnées de −
u dans la base
i=1
 
λ1
.
 
→
−

B). On note alors X = 
 . , et X est appelé le vecteur colonne associé à u dans la base B.
.
λn
→
On note parfois X = MB (−
u)
Exemple 12:
→
→
Soit −
u = (1, −3, 5, 7) ∈ R4 . Quel est le vecteur colonne associé à −
u dans la base canonique de R4 ?
La base canonique de R4 est composée des quatre vecteurs : e1 = (1, 0, 0, 0), e2 = (0, 1, 0, 0),
→
e3 = (0, 0, 1, 0) et e4 = (0, 0, 0, 1). On cherche les coordonnées de −
u dans cette base, c’est-à-dire que l’on
→
cherche quatre réels a, b, c et d tels que −
u = ae1 + be2 + ce3 + de4 . On cherche donc :

a=1



b = −3
(1, −3, 5, 7) = a(1, 0, 0, 0) + b(0, 1, 0, 0) + c(0, 0, 1, 0) + d(0, 0, 0, 1) ⇔ (1, −3, 5, 7) = (a, b, c, d) ⇔
c=5



d=7

1
−3
−

Donc le vecteur colonne associé à →
u dans la base canonique de R4 est X = 
5
7

Propriété 8
→
Soit −
u
(x1 , . . . , xn ) un vecteur de Rn . Alors son vecteur colonne dans la base canonique de Rn est
 =
x1
 .. 
X= . 
xn
Attention ce n’est vrai que pour le vecteur colonne dans la base canonique ! ! ! ! Pour les autres bases
ce n’est pas vrai ! ! ! !
Exemple 13:
Soit P (x) = (x − 1)(x2 − 3x + 4) + (2x + 1)2 . Quel est le vecteur colonne associé à P dans la base
canonique de R3 [X] ?
On cherche les coordonnées de P dans la base canonique de R3 [X], c’est-à-dire que l’on cherche 4 réels
a, b, c et d tels que :
P = aP0 + bP1 + cP2 + dP3 ⇔ (x − 1)(x2 − 3x + 4) + (2x + 1)2 = a + bx + cx2 + dx3

a = −3



b = 11
⇔x3 + 11x − 3 = a + bx + cx2 + dx3 ⇔
c=0



d=1
Algèbre : Chapitre 2
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Applications linéaires
 
−3
 11 

Donc le vecteur colonne associé à P dans la base canonique de R3 [X] est 
0
1
Propriété 9
n
X
Soit P =
ai X i un polynôme de Rn [X]. Alors le vecteur colonne associé à P dans la base canonique
i=0  
a0
 a1 
 
de Rn [X] est  . 
 .. 
an
Attention à l’ordre des coefficients du polynôme dans le vecteur colonne : commencer par le coefficient
constant pour finir par celui de X n .
Encore une fois, cette propriété ne fonctionne qu’avec la base canonique ! ! !
Propriété 10
Soit E un espace vectoriel de dimension finie n, et soit B = (e1 , . . . , en ) une base de E. L’application
→
qui à un vecteur −
u ∈ E associe son vecteur colonne dans la base B est un isomorphisme de E dans
Mn,1(R).
Cette propriété signifie que le vecteur colonne dans une base donnée est unique.
2
Matrice associée à un morphisme
Pour la suite E et F désigneront deux espaces vectoriels de dimension finie, BE = (e1 , . . . , ep ) sera une
base de E et BF = (f1 , . . . , fn ) sera une base de F .
Définition 7
Soit f ∈ L(E, F ). Pour 1 6 j 6 p, on note (a1,j , . . . , an,j ) les coordonnées du vecteur f (ej ) dans la base
BF :
n
X
f (ej ) =
ai,j fi
i=1
On appelle matrice de l’application linéaire f relativement aux bases BE et BF la matrice
A ∈ Mn,p (R) où ai,j est le réel situé sur la ligne i et la colonne j.
Remarques :
– Les coordonnées des f (ej ) étant uniques, la matrice associée à f dans les bases données est unique.
– Réciproquement à toute matrice de Mn,p (R) il correspond une unique application f ∈ L(E, F ).
– On note MBE ,BF (f ) la matrice de f relativement aux bases BE et BF .
– La matrice associée à un endomorphisme est une matrice carrée.
Méthode :
La construction de la matrice associé à f se fait par colonne. Pour remplir la première colonne, il faut
calculer f (e1 ) grâce aux informations qui vous sont données dans votre exercice. Le vecteur f (e1 ) est un
vecteur de F et il faut maintenant déterminer ses coordonnées dans la base BF . Il ne reste plus qu’à remplir
la première colonne de la matrice avec ces coordonnées.
Il faut ensuite répéter l’opération avec f (e2 ), ..., f (ep ) pour remplir toutes les colonnes de la matrice.
Algèbre : Chapitre 2
Page 9
Applications linéaires
Exemple 14:
On considère l’application f de R3 dans R2 définie par f (x, y, z) = (x − y + 4z, 3x − z)
Déterminer la matrice A de l’application f relativement aux bases canoniques de R3 et R2 .
On note (e1 , e2 , e3 ) la base canonique de R3 et (f1 , f2 ) la base canonique de R2 .
• On calcule f (e1 ) = f (1, 0, 0) = (1, 3). On a donc f (e1 ) = (1, 3) = 1(1, 0) + 3(0, 1) = 1f1 +3f2 .
1 . .
Les coordonnées de f (e1 ) dans la base canonique de R2 sont 1 et 3 donc on a A =
3 . .
1 −1 .
• On a f (e2 ) = f (0, 1, 0) = (−1, 0) = −1f1 + 0f2 donc A =
3 0 .
1 −1 4
• On a f (e3 ) = f (0, 0, 1) = (4, −1) = 4f1 − 1f2 donc A =
3 0 −1
1 −1 4
• Ainsi la matrice A de f relativement aux deux bases données est A =
3 0 −1
Exemple 15:
Soit f l’endomorphisme de R2 [X] défini par :
∀P ∈ R2 [X],
f (P ) = (X − 1)P ′ + 3P
Déterminons la matrice A de f dans la base canonique de R2 [X].
On est ici dans le cas particulier où l’espace de départ et d’arrivée sont les même. On utilise alors le
plus souvent la même base pour l’espace de départ et celui d’arrivé.
Soit (P0 , P1 , P2 ) la base canonique de R2 [X]. (Rappel : P0 = 1, P1 = X et P2 = X 2 )
• On a f (P0 ) = (X − 1)P0′ + 3P0 = (X − 1) × 0 + 3 × 1 = 3.
On peut donc écrire f (P0 ) = 3P0 + 0P1 + 0P2 .  
3
(La première colonne de la matrice A sera donc 0. )
0
• On a f (P1 ) = (X − 1)P1′ + 3P1 = (X − 1) × 1 + 3 × X = 4X − 1.
On peut donc écrire f (P1 ) = −1P0 + 4P1 + 0P2 .
• On a f (P2 ) = (X − 1)P2′ + 3P2 = (X − 1) × 2X + 3 × X 2 = 5X 2 − 2X.
On peut donc écrire f
(P2 ) = 0P0 −2P1 + 5P2 .
3 −1 0
• En conclusion A = 0 4 −2.
0 0
5
3
Calcul d’image
Théorème 9
−
−
Soit f ∈ L(E, F ). Pour tout →
x ∈ E et →
y ∈ F , on note X et Y leurs vecteurs colonnes dans les bases
BE et BF . Alors on a :
→
−
→
y = f (−
x ) ⇔ Y = AX
où A est la matrice de f relativement aux bases BE et BF .
Exemple 16:


−1 2 −1
Soit f l’endomorphisme de R3 dont la matrice dans la base canonique de R3 est A = −4 5 −3.
−2 2 −1
3
Calculer f (x, y, z) pour tout (x, y, z) ∈ R .
Algèbre : Chapitre 2
Page 10
Applications linéaires
Soit (e1 , e2 , e3 ) la base canonique de R3 .
– Méthode 1 :
 
x
• Le vecteur colonne associé à (x, y, z) dans la base canonique de R3 est y 
z
  

x
−x + 2y − z
• On a de plus A y  = −4x + 5y − 3z 
z
−2x + 2y − z


−x + 2y − z
• Le théorème précédent nous dit que −4x + 5y − 3z  est le vecteur colonne associé à f (x, y, z)
−2x + 2y − z
3
dans la base canonique de R .
Donc
f (x, y, z) = (−x + 2y − z)e1 + (−4x + 5y − 3z)e2 + (−2x + 2y − z)e3
= (−x + 2y − z, −4x + 5y − 3z, −2x + 2y − z)
– Méthode 2 :
D’après la définition de la matrice associé à un endomorphisme on peut écrire :
f (e1 ) = −e1 − 4a2 − 2e3
f (e2 ) = 2e1 + 5e2 + 2e3
f (e3 ) = −e1 − 3e2 − e3
Donc pour tout (x, y, z) ∈ R3 comme on a (x, y, z) = xe1 + ye2 + ze3 on peut écrire :
f (x, y, z) = f (xe1 + ye2 + ze3 )
= xf (e1 ) + yf (e2 ) + zf (e3 )
= x(−e1 − 4a2 − 2e3 ) + y(2e1 + 5e2 + 2e3 ) + z(−e1 − 3e2 − e3 )
= (−x + 2y − z)e1 + (−4x + 5y − 3z)e2 + (−2x + 2y − z)e3
= (−x + 2y − z, −4x + 5y − 3z, −2x + 2y − z)
Exemple 17:


3 1 0
Soit f l’endomorphisme de R2 [X] dont la matrice dans la base canonique de R2 [X] est A = −3 0 1.
1 0 0
On considère le polynôme P = 3X 2 − 2X + 1. Calculer f (P ).
Soit (P0 , P1 , P2 ) la base canonique de R2 [X].
– Méthode 1 :
 
1

• Le vecteur colonne associé à P dans la base canonique de R2 [X] est −2.
3
   
1
1



• On a A −2 = 0
1
3
 
1

• 0 doit être le vecteur colonne associé à f (P ).
1
Donc on a f (P ) = 1P0 + 0P1 + 1P2 = 1 + X 2 .
– Méthode 2 :
D’après la définition de la matrice associé à un endomorphisme on peut écrire :
f (P0 ) = 3P0 − 3P1 + P2 = 3 − 3X + X 2
f (P1 ) = P0 = 1
f (P2 ) = P1 = X
Algèbre : Chapitre 2
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Applications linéaires
Or on a P = 3P2 − 2P1 + P0 donc
f (P ) = f (3P2 − 2P1 + P0 ) = 3f (P2) − 2f (P1 ) + f (P0 ) = 3X − 2 + 3 − 3X + X 2 = X 2 + 1
4
Quelques propriétés
a
Addition et multiplication par un réel
Propriété 11
Soient f et g deux morphismes de E dans F et λ ∈ R. Alors on a :
MBE ,BF (f + g) = MBE ,BF (f ) + MBE ,BF (g)
MBE ,BF (λf ) = λMBE ,BF (f )
b
Produit et composition
Propriété 12
Soit G un autre espace vectoriel de dimension finie muni d’une base BG . Soient aussi f ∈ L(E, F ) et
g ∈ L(F, G). Alors on a :
MBE ,BG (g ◦ f ) = MBF ,BG (g) × MBE ,BF (f )
Remarque :
Attention à ne pas changer l’ordre dans le produit de matrice car les matrices ne commutent pas
toujours ! ! ! !
Démonstration : Hors programme
Soit x ∈ E. On note y = f (x) et z = g(y) = (g ◦ f )(x). On considère alors X, Y , et
Z les vecteurs colonnes associés à x, y et z dans les bases BE , BF , BG . On pose de plus
A = MBE ,BF (f ) et B = MBF ,BG (g).
D’après la proposition précédente on a Y = AX et Z = BY . Donc Z = B(AX) = (BA)X.
Comme la matrice associée à un morphisme est unique on a MBE ,BG (g ◦ f ) = BA
2
Conséquence :
Si f ∈ L(E), on a donc pour tout entier k, MBE (f k ) = [MBE (f )]k .
c
Automorphismes
Application identité :
On considère l’application idE . Pour tout ej ∈ BE , on a idE (ej ) = ej donc on en déduit :
MBE (idE ) = Ip
où Ip est la matrice identité de Mp (R).
Propriété 13
Soit u un endomorphisme de E et M sa matrice relative à la base BE . Alors u est bijectif si et seulement
si M est inversible et dans ce cas M −1 est la matrice de u−1 relativement à la base BE .
Algèbre : Chapitre 2
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Applications linéaires
Démonstration : Hors programme
Démontrons uniquement le sens direct.
On a donc M = MBE (u). On pose alors N = MBE (u−1 ).
On sait que u ◦ u−1 = idE donc d’après la propriété précédente MBE (u ◦ u−1 ) = MN. On
a donc MN = Ip et on en déduit donc que M est inversible et que N = M −1 .
2
Conséquence :
Lorsque l’on dispose d’un endomorphisme et de sa matrice dans une base, pour savoir si l’endomorphisme est bijectif, il suffit de regarder si sa matrice est inversible.
Exemple 18:
L’endomorphisme de l’exemple 17 est-il bijectif ?
Regardons si la matrice A est inversible :




3 1 0
1 0 0 L1 ← L3
A = −3 0 1 ⇔  3 1 0 L2 ← L1
1 0 0
−3 0 1 L3 ← L2
Donc A est équivalente à une matrice triangulaire sans 0 sur sa diagonale donc A est inversible.
On peut donc en déduire que f est bijectif.
5
Lien entre L(E, F ) et Mn,p (R)
Théorème 10
• L’application qui à toute application linéaire f de L(E, F ) associe sa matrice relative aux bases BE
et BF , qui est une matrice de Mn,p (R), est un isomorphisme de L(E, F ) sur Mn,p (R). On a donc
dim(L(E, F )) = np.
• L’application qui à tout endomorphisme f de L(E) associe sa matrice relative à la base BE , qui est
une matrice de Mp (R), est un isomorphisme de L(E) sur Mp (R). On a donc dim(L(E)) = p2
Algèbre : Chapitre 2
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