proches), voilà qui aurait mérité un peu plus de retenue. La médecine, c’est aussi le verbe économe, le
mot juste et l’humilité de ceux qui la servent.
Le 26 avril 2013, les parents de Vincent Lambert apprennent incidemment par un tiers (!) que leur fils n’est
plus alimenté. Ils déposent un signalement auprès du Procureur de la République pour tentative d’assassinat.
Le 11 mai 2013, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ordonne à l’hôpital de Reims de rétablir
l’alimentation du patient. Dénutri depuis 31 jours, il se trouvait uniquement sous hydratation réduite. Le
tribunal fustige le comportement du chef de service pour son défaut d‘information vis-à-vis des parents. Sous
le strict angle du droit, c’est bien le moins en effet.
Le 11 janvier 2014, ce même chef de service annonce aux parents qu’il compte de nouveau arrêter la
nutrition et l’hydratation. Ceux-ci saisissent à nouveau le tribunal qui, une fois encore, désavoue la position
adoptée par le médecin au motif que l’obstination déraisonnable évoquée par ce dernier n’est pas avérée. En
outre, selon les juges, le docteur K. « … a apprécié de manière erronée la volonté de Vincent Lambert en
estimant qu’il souhaiterait opposer un refus à tout traitement le maintenant en vie. »
Le 6 février 2014, l’affaire est enfin portée devant le Conseil d’Etat qui renvoie à une nouvelle expertise
médicale.
Entre le 7 avril et le 11 avril 2014, trois experts vont examiner le patient. Ils font le constat clinique d’un état
végétatif sans détection de conscience minimale et déplorent de très peu probables chances d’amélioration.
Aucune forme de communication de la part de Vincent Lambert n’est décelée. Ses réponses comportementales
aux différentes stimulations en restent au stade de réflexe. Enfin, rien ne peut être interprété, chez le jeune
homme, comme un vécu conscient de souffrance ou l’expression d’un souhait d’arrêt ou de prolongement du
traitement.
Le 20 juin 2014, eu égard à l’état de dégradation de sa conscience, sans espoir d’amélioration le Conseil
d’Etat* considère que le maintien artificiel en vie de Vincent Lambert relève d’une obstination déraisonnable,
contraire à la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie** (loi Léonetti du 22 avril 2005). Mais, ayant
anticipé la décision du Conseil d’Etat, les parents, toujours formellement opposés à l’arrêt des soins avaient
déjà saisi, par précaution, la Cour Européenne des Droits de l’Homme au titre d’une procédure d’urgence liée à
une situation dite de « risque imminent de dommage irréparable ».
Tout s’avère extraordinaire dans cette affaire dans la mesure où seulement 4 heures plus tard la Cour
Européenne des Droits de l’Homme suspend la décision du Conseil d’Etat et renvoie devant sa Grande Chambre
le rendu d’un arrêt définitif.
2. Les arguments des parents requérants
Les arguments déployés par les père et mère de Vincent Lambert auprès de la Haute cour sont principalement
de deux ordres :
- En premier lieu, leur fils n’est pas en fin de vie. Il n’est pas, en soi, malade mais lourdement handicapé.
Il ne saurait donc y avoir une obstination déraisonnable à alimenter et hydrater un patient dont le
pronostic vital n’est pas engagé sauf à violer l’article 2 de la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l’homme et des libertés fondamentales*** relatif au droit de toute personne à la vie.
- Les parents pointent aussi ce qu’ils estiment être une violation de l’article 3 de cette même
Convention qui interdit les traitements inhumains et dégradants. Or, il s’agirait ici d’affamer une
personne jusqu’à la conduire à la mort.