Fin de vie : le Conseil constitutionnel valide la
procédure d’arrêt des traitements par le médecin
Le Conseil n’a pas voulu reconnaître un « droit à la vie », réclamé par une association, mais a
apporté des garanties aux familles.
LE MONDE | 02.06.2017 à 10h05 • Mis à jour le 02.06.2017 à 20h25 | Par François Béguin (/journaliste/francois-beguin/)
Un médecin a bien le droit de décider seul, à l’issue d’une procédure collégiale consultative, au titre
du refus de l’obstination déraisonnable, l’arrêt de traitements indispensables au maintien en vie d’un
patient, lorsque celui-ci est incapable d’exprimer sa volonté et qu’il n’a pas laissé de directives
anticipées. Appelé à se prononcer pour la première fois sur cette disposition-clé de la récente loi
Claeys-Leonetti sur la fin de vie , et alors que les affaires Vincent Lambert ou Marwa ont suscité bien
des débats , le Conseil constitutionnel a jugé, dans une décision rendue vendredi 2 juin, qu’elle était
conforme à la Constitution.
Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité par l’Union nationale de familles de traumatisés
crâniens et de cérébro-lésés (UNAFTC) qui souhaitait « consacrer pour la première fois le droit à la
vie », le Conseil s’est gardé d’ouvrir une telle brèche susceptible d’entraîner des contestations,
notamment sur l’IVG, mais a toutefois apporté deux précisions au texte adopté par le Parlement en
janvier 2016.
Toute décision d’arrêt ou de limitation des traitements de maintien en vie doit être « notifiée aux
personnes auprès desquelles le médecin s’est enquis de la volonté du patient, dans des conditions
leur permettant d’exercer un recours en temps utile ». Ce recours doit par ailleurs « pouvoir être
examiné dans les meilleurs délais par la juridiction compétente aux fins d’obtenir la suspension
éventuelle de la décision contestée ». Deux réserves d’interprétation qui viennent rappeler que les
décisions des médecins en la matière doivent bien pouvoir être soumises au contrôle du juge.
Lire aussi : Fin de vie : la loi entre timidement en vigueur (/societe/article/2017/02/20/fin-de-vie-la-
loi-entre-timidement-en-vigueur_5082197_3224.html)
« Concertation »
« Cette décision clarifie le texte et sa portée », a réagi vendredi Philippe Petit, l’un des représentants
de l’UNAFTC, estimant qu’il existait désormais « un risque majeur de judiciarisation des conflits ». Si
l’UNAFTC avait souhaité contester cette disposition de la loi Claeys-Leoneti, c’est parce qu’elle
estimait qu’en l’absence de témoignage direct de la volonté du patient, une décision d’arrêt des
traitements ne pouvait être « strictement médicale ». « Au moment de l’affaire Vincent Lambert,
nous avons reçu des appels de familles terrifiées à l’idée qu’un médecin puisse imposer un arrêt de
l’alimentation à leur proche dans un état végétatif ou pauci-relationnel », raconte M. Petit.
Le décret publié par le gouvernement le 3 août 2016, contesté par l’UNAFTC, prévoit une
« concertation » avec l’équipe soignante et « l’avis motivé » d’un médecin extérieur « consultant ».
La personne de confiance, « ou, à défaut, la famille ou l’un des proches » peut rapporter la volonté
du patient mais n’est pas associée à la décision afin, notamment, de ne pas faire peser sur elle le
poids d’une telle décision.
« La consultation des membres de la famille ne suffit pas : leur adhésion doit être recherchée »,
avait plaidé François Molinié, l’avocat de l’association, lors de l’audience devant les juges
constitutionnels le 23 mai, estimant qu’en cas de désaccord, « le doute devrait profiter au droit
fondamental à la vie ». Pour l’UNAFTC, le législateur aurait dû inscrire des « garde-fous » dans la
loi, comme la nomination d’un médiateur en cas d’absence de consensus.
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Ces dernières années, deux situations de désaccord entre médecins et familles nécessitant un
recours à la justice administrative ont été fortement médiatisées. Celle de Vincent Lambert, un jeune
homme tétraplégique plongé dans un état végétatif depuis 2008 sur le sort duquel sa famille se
déchire depuis quatre ans, le Conseil d’Etat puis la Cour européenne des droits de l’homme ayant
successivement validé l’arrêt de ses traitements, sans que celui-ci ne soit pour autant ensuite mis
en œuvre.
Le neveu de Vincent Lambert, François, qui s’est toujours prononcé en faveur de l’arrêt des
traitements, a salué la « très bonne décision » du Conseil constitutionnel. « Le Conseil
constitutionnel était la seule juridiction à ne pas encore s’être prononcée. Cette décision montre que
le principe de dignité et de liberté personnelle est défini et protégé par la Constitution, pas juste
dans le sens du droit à la vie mais dans les deux sens », a-t-il affirmé à l’Agence France -Presse.
« Le Conseil constitutionnel dit que le patient est au cœur et que la procédure se termine par le
procès et non par une nouvelle procédure collégiale », a-t-il ajouté.
Pour Marwa, une petite fille d’un an et demi lourdement handicapée, le Conseil d’Etat, saisi en
appel, avait ordonné le 8 mars la poursuite des traitements, comme le réclamaient ses parents, mais
contre l’avis des médecins qui jugeaient qu’il y avait une situation d’obstination déraisonnable.
Lire aussi : Fin de vie : le Conseil d’Etat désavoue les médecins (/fin-de-
vie/article/2017/03/09/fin-de-vie-le-conseil-d-etat-desavoue-les-medecins_5091611_1655257.html)
Au-delà de ces deux cas, les situations de désaccord semblent rares, les médecins passant
rarement outre un refus de la famille. « Des affaires Lambert, il y en une tous les dix ans, reconnaît
Philippe Petit. Mais depuis cette affaire des familles nous disent avoir été mises sous pression. Ces
conflits sont en émergence. »
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