ACTUALITÉSOCIALE | POINT FORT No 2 8 _ S E P T E M B R E – O C T O B R E 2 0 1 0 Les jeunes face aux médias: comment les protéger? Texte: Clotilde Buhler, journaliste et assistante sociale «Salut à tous. J’ai un reportage à faire pour mon cours de français et le sujet est l’influence des médias sur les jeunes d’aujourd’hui. J’aimerais avoir du feed-back et savoir ce que vous pensser du sujet. Trouvez-vous que les médias jouent un grand rôle dans notre société.» C'est pas ce message diffusé en 2005 sur un forum de discussion internet, et reproduit ici tel quel, que cette jeune fille de 16 ans interpelle les internautes pour réaliser son devoir de français. Les messages reçus sont révélateurs d’une influence des médias loin d’être anodine. Un internaute explique, en effet, à cette jeune fille que la diffusion d’images peut contribuer à amplifier certains phénomènes tels qu’une émeute, par exemple. Un autre la met en garde contre les médias, au service, selon lui, d’une pensée dirigeante, unique ou d’intérêts commerciaux. Une «chatteuse» lui recommande de veiller à transmettre une information objective. La jeune fille retiendra finalement le thème proposé par un énième internaute: celui «des filles de 12 ans qui portent un string à l’école». De façon sous-jacente, l’influence des médias est reconnue ici sous différents aspects: l’impact des images sur les comportements, la manipulation possible des discours diffusés ou leur véracité parfois contestable et le rôle des médias en tant que révélateur, voire diffuseur de phénomènes de modes, vestimentaires en l’occurrence. Par ailleurs, dans cet exemple, l’utilisation d’internet pour demander conseil à ses pairs apparaît parfaitement naturelle. Pourtant, le thème à traiter «l’influence des médias sur les jeunes» n’est envisagé par aucun des internautes sous l’angle de l’utilisation que les jeunes eux-mêmes font d’internet ou d’un autre média. L’influence que cette utilisation peut avoir sur leurs propres comportements au quotidien apparaît totalement absente. C’est dire toute la complexité de faire de la prévention dans ce domaine. Cela montre aussi que les risques liés à l’influence des médias ont évolué avec le développement des technologies de communication et les pratiques des utilisateurs. Si le lien, par exemple, entre obésité et consommation de télévision est largement connu, que les risques de dépendances ou d’isolement social liés à la consommation à outrance de jeux vidéo ont déjà fait couler beaucoup d’encre, l’influence des médias ne s’arrête pas là. Dans le domaine de la publicité, le lien entre publicité, image corporelle et troubles possibles du comportement alimentaire est reconnu. Aujourd’hui, l’augmentation progressive du nombre d’images violentes ou sexualisées inquiète et n’est pas sans conséquence sur celles et ceux qui en consomment, en particulier les jeunes. Les conséquences que les professionnels de la prévention observent progressivement sont d’ordre tant physique que psychologique. Pour mieux comprendre, précisément et concrètement, les risques actuels, plusieurs auteurs présentent ici leur travail de prévention au quotidien. A l’évidence, internet est au cœur des préoccupations actuelles. Toutefois, les connaissances acquises par les professionnels dénotent une réelle progression de la prévention dans ce domaine. Néanmoins, ils ne cessent de devoir s’adapter à de nouveaux comportements à risques tels que, par exemple, les dangers d’un «effeuillage» devant son ordinateur et … un internaute, presque anonyme. Comme l’expliquent Tiziana Bellucci et Sébastien Gendre d’Action Innocence, de nombreux outils pédagogiques spécifiques permettent, dès le plus jeune âge, d’apprendre à se protéger face aux dangers d’internet, et ce de façon ludique. Par ailleurs, Elisabeth Schaer Perrin, interviewée dans le cadre de la campagne de prévention organisée par le milieu scolaire neuchâtelois, rappelle que la prévention concerne également les parents. Avec le site www.ciao.ch, spécialement destiné aux jeunes et à leurs préoccupa- tions, Anne Dechambre et Eva Fernandez démontrent les possibilités d’une utilisation positive d’internet pour et par les jeunes, dans un cadre donné. Enfin, Daniel Süss, professeur en psychologie des médias à l’Université et à la HES de ­Zurich, incite à relativiser, au vu des ­recherches réalisées, la tendance des médias à qualifier parfois un peu vite les adolescents d’aujourd’hui de «génération porno». | 11