L’Encéphale
(2013)
39,
44—50
Disponible
en
ligne
sur
www.sciencedirect.com
journal
homepage:
www.em-consulte.com/produit/ENCEP
NEUROPSYCHOLOGIE
Place
de
l’inhibition
dans
le
trouble
obsessionnel-compulsif
The
role
of
inhibition
in
obsessional-compulsive
disorders
M.
Dupuya,b,,
F.
Rouillonb,
C.
Bungenera
aLPPS
EA
4057,
IUPDP,
université
Paris
Descartes,
75014
Paris,
France
bClinique
des
maladies
mentales
et
de
l’encéphale,
centre
hospitalier
Sainte-Anne,
université
Paris
5
René-Descartes,
1,
rue
Cabanis,
75014
Paris,
France
Rec¸u
le
3
aoˆ
ut
2011
;
accepté
le
6
mars
2012
Disponible
sur
Internet
le
23
septembre
2012
MOTS
CLÉS
Trouble
obsessionnel-
compulsif
;
Inhibition
;
Modèles
neurocognitifs
Résumé
La
nature
des
mécanismes
neuropsychologiques
sous-jacents
à
l’expression
symp-
tomatique
du
trouble
obsessionnel-compulsif
reste
encore
à
déterminer.
Nombreuses
sont
les
études
qui
mettent
en
évidence
des
déficits
cognitifs
mais
la
diversité
des
méthodologies
et
la
mixité
des
sous-types
cliniques
empêchent
de
dégager
des
constantes
en
termes
de
profil
neurocognitif.
Les
études
qui
se
sont
attachées
à
l’examen
des
fonctions
exécutives
accordent
toutefois
une
importance
au
rôle
exercé
par
l’inhibition
et
la
flexibilité
cognitive
dans
l’expression
symptomatique
du
trouble
obsessionnel
et
compulsif
(TOC).
La
plupart
d’entre
elles
mettent
en
évidence
un
défaut
d’inhibition
et
une
altération
de
la
flexibilité
cognitive
qui
pourraient
rendre
compte
du
caractère
inflexible
et
répétitif
des
pensées
et
des
actes
commun
à
toutes
les
formes
du
TOC.
L’objectif
de
cet
article
est
de
réunir
des
arguments
de
la
littérature
qui
plaident
en
faveur
de
l’hypothèse
d’un
déficit
d’inhibition
et
de
flexibilité
cognitive.
La
première
partie
est
consacrée
à
l’approche
théorique
neuropsychologique
plac¸ant
l’inhibition
et
la
flexibilité
comme
médiateur
prometteur
pour
la
compréhension
du
TOC.
En
seconde
partie,
nous
passerons
en
revue
des
études
utilisant
différentes
mesures
de
l’inhibition
et
la
flexibilité,
dont
les
résultats
vont
dans
le
sens
de
cette
hypothèse.
©
L’Encéphale,
Paris,
2012.
KEYWORDS
Obsessive-compulsive
disorders;
Inhibition;
Neurocognitive
models
Summary
Introduction.
The
nature
of
neuropsychological
mechanisms
underlying
the
clinical
picture
of
obsessions
and
compulsions
has
not
been
clearly
determined.
A
number
of
studies
has
empha-
sized
the
role
of
cognitive
deficits,
but
diversity
of
methodology
and
overlapping
of
clinical
sub-groups
have
not
established
a
specific
cognitive
functioning
of
these
patients.
The
studies
carried
out
on
executive
functions
have,
however,
helped
to
identify
the
important
role
that
both
inhibition
and
cognitive
flexibility
play
in
obsessive-compulsive
(OC)
symptoms.
Most
of
them
have
found
that
a
deficit
of
inhibition
and
alteration
of
cognitive
flexibility
could
explain
Auteur
correspondant.
Adresse
e-mail
:
(M.
Dupuy).
0013-7006/$
see
front
matter
©
L’Encéphale,
Paris,
2012.
http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2012.06.016
Place
de
l’inhibition
dans
le
trouble
obsessionnel-compulsif
45
inflexibility
and
repetitive
thoughts
and
actions
typical
of
all
types
of
OC
disorders.
The
aim
of
the
paper
is
to
present
the
published
data
supporting
the
hypothesis
of
a
specific
role
played
by
a
deficit
of
inhibition
and
cognitive
inflexibility.
In
the
first,
theoretical
part,
we
present
the
neuropsychological
approach
emphasizing
inhibition
and
lack
of
flexibility
as
a
promising
explanation
of
the
functioning
of
OC
disorders.
In
the
second
part,
we
will
present
studies
using
various
measurements
of
inhibition
and
the
results
of
which,
therefore,
support
this
hypothesis.
Arguments
and
discussion.
On
the
theoretical
level,
it
is
the
model
of
attention
that
was
used
in
explaining
the
OCD
hypothesis.
In
the
model
of
attention
control
of
action,
described
by
Norman,
Shallice
and
Burgess,
three
systems
were
emphasized:
one
that
takes
care
of
routine
actions,
and
the
second
that
takes
over
the
first
in
situations
where
automatic
activities
must
stop
in
order
to
establish
an
attention
control
and
therefore
inhibit
automatic
responses.
When
selection
of
everyday
and
automatic
activities
is
not
sufficient
to
accomplish
a
task,
it
is
the
third
system,
that
of
cognitive
control,
which
takes
over.
This
supervisory
attentional
system
operates
in
non-routine
and
ambiguous
activities.
The
cognitive
control
is
charged
with
detecting
potential
or
emitted
cognitive
errors
and
resolving
ambiguous
situations.
Neurocognitive
studies
show
that
cingular
anterior
cortex
and
prefrontal
lateral
cortex
are
engaged
in
ambiguous
and
conflicting
situations.
These
two
regions
are
considered
essential
for
inhibition
of
routine
actions,
adjustment
to
change
and,
more
generally,
for
an
efficient
and
flexible
behaviour.
Repetitive
nature
of
verification
rituals
in
OCD
could
be
explained
in
terms
of
lack
of
relationship
between
two
systems,
leaving
in
action
the
one
that
regulates
automatic
activities.
Therefore,
the
rituals
are
considered
to
be
under
particular
influence
of
the
system
which,
being
in
charge
of
automatic
actions,
has
a
deficit
in
disengagement.
Another
model
of
attention,
described
by
Posner,
gives
a
further
explanation
of
OCD.
Mental
inhibition
has
the
capacity
to
treat
information,
either
by
applying
strategies
to
control
it
(i.e.
trying
not
to
remember
an
unpleasant
event)
or
leaving
it
to
automatic
control
(i.e.
incapacity
to
experience
an
emotion
in
relation
to
a
particular
event).
In
this
way,
the
effort
to
suppress
an
intrusive
thought
is
considered
as
controlled
and
deliberate
cognitive
treatment
of
emotionally
charged
information.
In
OCD,
in
the
context
of
heightened
anxiety,
the
assumed
negative
valence
of
information
would
influence
habitual
suppression
of
thought
during
controlled
treatment.
As
a
result,
controlled
efforts
to
suppress
obsessions
in
emotionally
stressful
situations,
would
lead
to
the
production
of
repetitive
thoughts,
as
controlled
treatment
of
information
has
failed
in
this
action.
On
a
clinical
and
experimental
level,
these
studies
have
led
to
a
better
understanding
and
conceptualization
of
OCD.
In
spite
of
some
conflicting
results,
there
are
concordant
data
in
favour
of
hypotheses
of
the
role
of
sub-cortical
and
frontal
regions
and
their
function
in
inhibition/desinhibition
implied
in
the
onset
and
maintenance
of
OCD.
Functional
neuroimagery
anomalies
are
also
in
favour
of
the
role
of
sub-cortical-frontal
region
in
clinical
manifestations
of
OCD.
They
are
often
associated
with
low
performance
in
cognitive
tasks,
especially
those
implying
frontal
functions,
which
are,
in
turn,
dependent
on
a
necessary
level
of
attention
in
order
to
guide
or
inhibit
motor
and
cognitive
programs.
©
L’Encéphale,
Paris,
2012.
Introduction
Le
trouble
obsessionnel
et
compulsif
(TOC)
est
une
maladie
psychiatrique
qui
touche
2
à
3
%
de
la
population
générale
[1—3].
En
termes
de
prévalence,
elle
se
situe
au
quatrième
rang
des
maladies
mentales
[4].
Elle
est
responsable
d’une
souffrance
psychique
et
peut
être
invalidante
en
pesant
fortement
sur
la
vie
quotidienne
du
sujet.
Dans
un
cas
sur
deux,
les
symptômes
débutent
lors
de
l’enfance
ou
de
l’adolescence
[5,6].
Le
sex-ratio
est
proche
de
1
bien
que
l’âge
de
début
soit
souvent
plus
précoce
chez
le
garc¸on
[7].
À
l’âge
adulte,
le
tableau
peut
évoluer
sous
des
formes
symp-
tomatiques
diverses
[8].
La
maladie
s’installe
de
manière
insidieuse.
La
guérison
est
aléatoire
et
l’évolution
est
le
plus
souvent
chronique.
Le
TOC
se
caractérise
par
des
obsessions
telles
que
des
idées,
représentations
ou
des
impulsions
émotionnellement
pénibles
faisant
irruption
dans
la
pensée
de
fac¸on
incontrôlée
et
contre
la
volonté
de
la
personne.
Elles
sont
persistantes,
récurrentes
et
porteuses
d’une
charge
anxieuse.
Les
compulsions
ou
rituels
sont
des
actes
que
le
patient
se
sent
forcé
de
répéter
incessamment
afin
de
sou-
lager
l’anxiété
présente
[1].
L’éventail
des
rituels
et
des
obsessions
est
large.
En
pratique,
pour
faciliter
le
dépistage,
on
les
regroupe
par
thème
[9].
Il
n’existe
pas
de
modèle
unique
qui
explique
la
cause
et
la
complexité
des
troubles.
Des
facteurs
psychologiques,
neurophysiologiques,
neurocognitifs
(implication
de
régions
cérébrales)
et
une
susceptibilité
génétique
joueraient
un
rôle
dans
le
développement
et/ou
le
maintien
des
symp-
tômes
[10—13].
Grâce
aux
techniques
d’imagerie,
l’un
des
courants
de
recherche
le
plus
prometteur
actuellement
à
l’intersection
des
sciences
cognitives
et
de
la
neurobiologie
s’intéresse
46
M.
Dupuy
et
al.
aux
processus
neurocognitifs
sous-jacents
à
l’expression
du
trouble.
Les
études
dans
ce
domaine
cherchent
à
faire
évoluer
notre
compréhension
des
symptômes
dans
la
pers-
pective
d’améliorer
la
démarche
de
soin
et
d’optimiser
les
stratégies
thérapeutiques
futures
[14,15].
Les
investiga-
tions
en
neurosciences
fournissent
des
éléments
essentiels
à
la
compréhension
des
symptômes
TOC,
notamment
de
la
complexité
des
circuits
neuronaux
impliqués
dans
l’expression
de
ceux-ci
[16].
L’approche
cognitivo-comportementale
et
ses
outils
thé-
rapeutiques
ont
contribué
à
faire
progresser
la
connaissance
des
mécanismes
émotionnels
et
cognitifs
sous-jacents
au
trouble
[17—20].
De
même,
la
convergence
entre
les
don-
nées
cognitives
et
les
techniques
d’imagerie
fonctionnelle
a
apporté
des
éléments
de
compréhension
selon
un
angle
neurocognitif.
Parmi
les
hypothèses
neurocognitives
avan-
cées,
certains
auteurs
privilégient
le
rôle
possible
exercé
par
l’inhibition
et
la
flexibilité
mentale
dans
l’expression
symptomatique
du
trouble
obsessionnel
compulsif.
Des
éléments
de
compréhension
du
TOC
ont
été
proposés
à
partir
des
modèles
cognitifs
de
l’attention.
Ils
mettent
en
avant
le
rôle
de
l’inhibition
et
de
la
flexibilité
qui
régulent
et
contrôlent
nos
conduites.
L’attention
en
tant
que
supervi-
seur
cognitif
prend
dans
ce
contexte
clinique
et
théorique
un
intérêt
tout
particulier,
notamment
si
le
TOC
est
considéré
comme
une
perte
de
l’aptitude
à
inhiber
des
programmes
cognitifs
et
moteurs.
C’est
ce
que
nous
allons
illustrer
dans
cet
article.
Rôle
de
l’inhibition
et
de
la
flexibilité
dans
le
contrôle
cognitif
et
comportemental
Quand
une
situation
exige
d’aller
au-delà
des
habile-
tés
cognitives
sur-apprises,
divers
processus
exécutifs
sont
impliqués
dans
le
contrôle
du
comportement.
Les
fonctions
d’inhibition
et
de
flexibilité
mentale
y
jouent
un
rôle
essen-
tiel.
Ainsi,
l’inhibition
interrompt
ou
réprime
les
pensées
ou
les
actions
inutiles
pour
l’exécution
d’une
tâche.
Sa
fonc-
tion
est
de
bloquer
les
conduites
préalablement
activées
et
devenues
superflues
[21].
C’est
un
processus
actif
qui
rend
possible
le
traitement
sélectif
des
informations
cognitives.
L’inhibition
sert
aussi
de
filtre
en
triant
les
informations
inutiles
et
en
éliminant
les
«
bruits
de
fond
»
ou
les
élé-
ments
perturbateurs.
Elle
sert
à
supprimer
les
informations
non
pertinentes
provenant
de
la
mémoire
de
travail
afin
de
ne
pas
entraver
une
tâche
en
cours.
Une
défaillance
de
ce
mécanisme
peut
se
traduire
par
l’impulsivité
comportemen-
tale
ou
cognitive.
Des
erreurs
du
quotidien
illustrent
bien
les
défaillances
transitoires
du
contrôle
inhibiteur
(par
exemple
réaliser
tardivement,
sur
un
trajet
habituel,
qu’il
fallait
poster
son
courrier,
appuyer
sur
l’interrupteur
en
entrant
dans
une
pièce
déjà
éclairée).
Une
autre
fonction
exécutive,
dissociable
de
la
fonction
d’inhibition
est
la
flexibilité
cogni-
tive.
Elle
se
caractérise
par
l’aptitude
à
changer
de
stratégie
et
à
modifier
un
schéma
d’action
afin
de
s’adapter
aux
nou-
velles
situations.
Elle
sert
aussi
à
passer
d’une
activité
à
l’autre
ou
à
alterner
l’attention
entre
plusieurs
tâches.
Elle
permet
ainsi
de
configurer
et
d’ajuster
notre
système
cog-
nitif
de
fac¸on
à
émettre
la
réponse
comportementale
la
mieux
adaptée
à
un
environnement
changeant.
Les
troubles
de
la
flexibilité
affectent
les
tâches
qui
requièrent
des
changements
de
stratégie.
Ces
troubles
se
manifestent
par
des
comportements
répétitifs,
inflexibles,
mal
adaptés
à
la
situation.
Quand
on
est
amené
à
changer
une
décision,
cela
implique
d’être
capable
d’inhiber
le
premier
choix
et
de
déplacer
son
attention
vers
un
nouveau
choix
(flexibilité).
Ces
fonctions
d’inhibition
et
de
flexibilité
cognitive
sont
associées
à
un
mécanisme
de
contrôle
cognitif
composé
d’un
ensemble
de
processus
qui
guide
la
sélection
et
la
coordina-
tion
des
actions
en
fonction
d’un
but
et
des
événements.
Le
défaut
d’inhibition
mentale
peut-il
caractériser
l’incapacité
des
patients
TOC
à
stopper
leurs
pensées
et
comportements
?
Approche
théorique
:
les
modèles
de
l’attention
Les
modèles
cognitifs
de
la
régulation
de
l’action
des
sys-
tèmes
attentionnels
et
de
la
mémoire
de
travail
fournissent
des
éléments
de
compréhension
[22—25].
Le
modèle
du
contrôle
attentionnel
de
l’action
de
Nor-
man
et
Shallice
[23]
décrit
des
caractéristiques
cognitives
du
comportement
normal
dans
un
contexte
de
traitement
de
l’information.
Selon
les
auteurs,
que
les
actions
soient
routinières
ou
nouvelles,
elles
s’engagent
au
travers
d’un
système
d’inhibition
et
d’activation
de
schémas
d’actions.
L’action
est
réalisée
sous
la
dépendance
de
schémas
comprenant
trois
niveaux
d’intégration
de
programmation
et
de
planification
de
l’action.
Le
premier
est
un
répertoire
de
schémas
d’actions
qui
gère
les
séquences
d’actions
sur-
pratiquées
et
automatiques.
Il
est
actif
pour
les
situations
bien
connues
qui
n’engagent
pas
un
niveau
d’attention
élevé.
Le
second
système
«
gestionnaire
de
priorité
»
agit
en
cas
de
conflit,
quand
deux
schémas
d’habitudes
moteurs
ou
cognitifs
sont
activés
en
même
temps.
Il
priorise
une
action
en
sélectionnant
le
schéma
le
mieux
adapté
au
contexte.
Quand
la
sélection
des
activités
routinières
et
automatiques
ne
suffit
plus
pour
mener
une
tâche,
c’est
un
troisième
système
de
contrôle
cognitif
qui
prend
le
relais.
Ce
système
de
supervision
attentionnelle
intervient
en
situation
non
routinière
ou
ambiguë.
Shallice
et
Burgess
[27]
ont
proposé
de
le
fractionner
en
sous-systèmes
rattachés
à
des
fonctions
spécialisées
:
activation
de
«
marqueurs
»
ou
messages
indi-
quant
que
le
comportement
ne
doit
pas
être
exercé
comme
une
routine,
choix
et
application
d’une
stratégie,
évalua-
tion
après
vérification
du
résultat.
Le
contrôle
cognitif
est
chargé
de
détecter
les
erreurs
potentielles
ou
émises
et
de
résoudre
les
situations
conflictuelles.
Le
test
de
Stroop
illustre
une
situation
il
y
a
compétition
entre
deux
plans
d’action.
La
tâche
consiste
à
dénommer
la
couleur
d’un
mot
qui
n’est
pas
compatible
avec
son
nom
de
couleur
(VERT
écrit
en
rouge).
Il
y
a
interférence
dans
le
traitement
de
la
couleur
par
automaticité
de
la
lecture.
Cette
tâche
implique
la
mise
en
œuvre
de
divers
processus
exécutifs
comme
l’attention
sélective
qui
détecte
le
conflit
couleur/mot
et
le
risque
d’erreur,
ainsi
que
l’inhibition
de
l’automaticité
de
lecture.
Elle
fait
également
appel
à
la
sélection
d’une
réponse
et
à
son
ajustement,
à
l’anticipation
des
réponses
en
tenant
compte
des
effets
des
réponses
antérieures.
Ces
opérations
exécutives
sont
gouvernées
par
le
contrôle
cognitif
qui
engage
au
cours
de
ces
situations
conflictuelles
Place
de
l’inhibition
dans
le
trouble
obsessionnel-compulsif
47
deux
régions
frontales
(cortex
cingulaire
et
région
préfron-
tale).
Le
premier
détecte
les
situations
ambiguës
et
les
erreurs.
Il
est
sensible
quand
des
erreurs
se
produisent
aux
épreuves
d’inhibition.
En
situation
incongrue
(VERT
écrit
en
rouge)
il
est
plus
sollicité
que
dans
la
condition
couleur
et
mot
sont
congruents
[28].
Quand
un
risque
d’erreur
appa-
raît
(essai
incongru)
à
un
moment
inattendu
(essais
à
faible
risque
d’erreur
qui
se
suivent)
il
est
davantage
mobilisé.
La
répétition
d’essais
au
test
entraîne
des
temps
de
réponses
plus
rapides
par
ajustement
du
contrôle
cognitif
[28].
Une
fois
la
situation
conflictuelle
repérée,
son
rôle
est
d’évaluer
le
besoin
de
contrôle
cognitif
qu’il
transmet
à
la
région
préfrontale
;
celle-ci
ajustera
alors
son
contrôle
cognitif
selon
les
besoins
[29].
Ces
auteurs
montrent
que
ces
deux
régions
ont
des
rôles
complémentaires
dans
l’ajustement
des
comportements.
Elles
sont
essentielles
à
l’inhibition
des
comportements
routiniers,
à
l’anticipation
des
réponses
pour
s’adapter
aux
changements
et
plus
globalement,
à
l’efficacité
et
à
la
flexibilité
des
comportements
[30].
En
cas
d’atteinte
exécutive
d’origine
organique
(patients
cérébro-lésés
ou
présentant
une
maladie
neuro-
dégénérative)
la
dissociation
entre
ces
deux
systèmes
peut
se
révéler
par
l’atteinte
du
système
superviseur.
Celle-ci
se
traduit
alors
par
des
actions
anormalement
répétées
d’un
même
schéma
d’actions
(persévérations)
dans
une
situation
non
familière
et
par
un
déficit
des
conduites
d’inhibition,
alors
que
dans
un
contexte
de
«routine
»,
les
activités
restent
correctement
menées.
Les
aires
préfrontales
jouent
un
rôle
majeur
dans
le
contrôle
cognitif.
Les
troubles
du
contrôle
cognitif
perturbent
la
planification
et
se
révèlent
souvent
dans
des
tâches
complexes
qui
comportent
des
interférences
ou
la
mise
en
jeu
de
processus
compétitifs.
Les
déficits
du
contrôle
cognitif
touchent
la
régulation
des
processus
cognitifs
qui
ont
un
but
et
l’adaptation
aux
nouvelles
situations.
Ces
déficits
se
traduisent
par
des
erreurs
comme
la
sélection
incorrecte
d’une
réponse
ou
des
erreurs
de
substitution,
comme
par
exemple,
jeter
l’œuf
et
conserver
la
coquille.
Le
modèle
du
contrôle
attentionnel
de
l’action
de
Nor-
man
et
Shallice
peut
constituer
selon
Tallis
un
cadre
éclairant
pour
appréhender
les
mécanismes
qui
sous-
tendent
le
comportement
répétitif
et
qui
empêchent
son
arrêt.
Selon
Tallis,
plusieurs
hypothèses
peuvent
être
formu-
lées
à
partir
de
ce
modèle
[31,32].
Dans
le
comportement
normal,
le
fait
de
vérifier
peut
s’entendre
comme
une
action
adaptée,
nécessaire
au
contrôle
et
à
l’ajustement
d’une
activité
en
cours.
Chaque
vérification
est
déclenchée
par
l’activation
d’un
marqueur
dit
«
temporel
»
(système
superviseur)
qui
implique
une
situation
de
mémorisation
au
moment
du
contrôle.
Un
besoin
excessif
de
répéter
les
conduites
pourrait
résulter
d’un
défaut
de
mise
à
jour
(réac-
tualisation)
de
ce
marqueur
temporel
qui
resterait
alors
anormalement
activé.
Plusieurs
facteurs
de
maintien
des
rituels
peuvent
être
envisagés
en
regard
du
gestionnaire
des
priorités.
Avec
l’évolution
de
la
maladie,
les
rituels
com-
portementaux,
particulièrement
les
plus
anciens,
tendent
à
évoluer
sous
une
forme
plus
automatisée.
Ainsi,
des
séquences
d’actions
peuvent
s’abréger,
se
produire
même
en
l’absence
d’obsessions
et
d’une
prise
de
conscience
au
moment
de
l’acte.
Ces
conduites
devenues
plus
automatisées
et
requérant
peu
de
contrôle
attentionnel
comme
les
comportements
routiniers
seraient
alors
davan-
tage
soumises
au
contrôle
du
gestionnaire
de
priorité,
que
le
système
superviseur
ne
parviendrait
pas
à
interrompre
en
dirigeant
l’activité
vers
une
autre
conduite.
La
pensée
intrusive
est
considérée
comme
un
phénomène
normal.
Elle
prend
une
forme
exagérée
dans
l’obsession
elle
subit
une
évaluation
émotionnelle
et
cognitive
exces-
sivement
négative.
Cette
évaluation
à
charge
émotionnelle
négative
conduirait
le
système
de
supervision
attentionnelle
à
interrompre
un
comportement
en
cours
et
dirigerait
le
ges-
tionnaire
de
priorité
vers
un
comportement
«
réparateur
»
ou
«
préventif
»
sous
la
forme
de
schémas
d’actions
automati-
sés.
Ce
comportement
«réparateur
»,
comme
par
exemple
le
«lavage
»,
serait
sélectionné
en
priorité
par
le
système
gestionnaire
devant
le
caractère
logique
du
contenu
de
pensée
comme
la
crainte
d’être
contaminé.
Un
déficit
de
désengagement
de
ce
système
de
l’attention
participerait
à
la
production
répétée
de
ce
schéma
d’actions
de
comporte-
ments
réparateurs.
Le
modèle
attentionnel
développé
par
Posner
peut
se
prêter
à
un
cadre
interprétatif
susceptible
d’apporter
des
éléments
de
compréhension
complémentaires
au
comporte-
ment
compulsif
[24,32].
Ce
modèle
distingue
trois
systèmes
attentionnels,
chacun
présentant
des
fonctions
diffé-
rentes.
Le
premier
système
est
spécifique
à
l’orientation
attentionnelle
engagée
dans
les
activités
de
localisation
visuo-spatiale.
Les
deux
autres
systèmes
dits
de
maintien
attentionnel
et
de
contrôle
attentionnel
sont
impliqués
dans
l’orientation
endogène
de
l’attention
et
sont
particulière-
ment
adaptés
à
la
détection
de
cibles
et
à
l’inhibition
des
réponses
automatisées.
En
neuropsychologie,
la
mise
en
jeu
du
système
de
maintien
attentionnel
[24],
fonction
proche
de
celle
du
système
superviseur
[23]
est
appréciée
à
partir
de
tests
dits
de
«
double
tâche
»
et
d’épreuves
de
«
situations
conflictuelles
».
Ces
dernières
sont
basées
sur
un
prin-
cipe
de
compétition
des
réponses
comme
les
épreuves
de
réponses
contrariées
(Go/No-Go)
pour
évaluer
l’inhibition
motrice
et
le
paradigme
d’interférence
(Stroop)
pour
éva-
luer
l’inhibition
cognitive
[33].
Dans
la
pratique,
les
mesures
de
sensibilité
à
l’interférence
et
d’effet
d’amorc¸age
négatif
à
partir
de
tests
cognitifs
sont
des
indicateurs
d’efficacité
de
l’inhibition.
Classiquement,
en
situation
expérimen-
tale,
la
procédure
d’amorc¸age
consiste
à
fournir
un
indice
sur
les
propriétés
physiques
(couleur,
forme,
taille)
ou
conceptuelles
(catégorie,
lien
associatif)
d’une
infor-
mation
avant
sa
présentation.
Cette
procédure
facilite
habituellement
le
traitement
de
l’information.
En
condi-
tion
d’amorc¸age
négatif,
après
la
détection
répétée
d’une
cible,
le
distracteur
devient
cible
à
l’essai
suivant.
L’effet
d’amorc¸age
négatif
se
traduit
normalement
par
un
ralen-
tissement
lors
de
la
détection
de
la
cible
lié
à
l’inhibition
initialement
associée.
L’absence
d’un
effet
d’amorc¸age
négatif
est
considérée
comme
la
conséquence
d’un
défaut
d’inhibition.
La
notion
d’interférence
se
réfère
à
la
capacité
chez
le
sujet
de
résister
à
l’intervention
d’une
réponse
distrac-
trice
(ayant
un
traitement
automatique,
donc
rapide)
en
l’ignorant.
Le
test
de
Stroop
est
habituellement
utilisé
pour
évaluer
l’impact
interférant
des
habitudes
fortement
ins-
tallées
(le
traitement
automatique
de
la
lecture
de
mots)
à
48
M.
Dupuy
et
al.
l’égard
d’une
consigne
requérant
un
traitement
inhabituel
des
mots.
Il
existe
une
classification
de
l’inhibition
sur
la
base
d’opérations
essentiellement
cognitives
mais
aussi
dans
le
domaine
des
relations
entre
les
émotions
et
les
cogni-
tions
[34].
Ainsi,
l’inhibition
est
présentée
comme
ayant
une
action
sur
l’information
liée
à
une
émotion
(c’est
par
exemple
ne
pas
se
souvenir
d’un
événement
émo-
tionnel)
ou
sur
l’émotion
elle-même
(se
souvenir
de
l’événement
émotionnel
en
inhibant
le
ressenti
émotion-
nel
lié
à
l’événement).
L’inhibition
possède
une
forme
de
traitement,
soit
contrôlée
(tenter
de
ne
pas
se
rappeler
d’un
événement
désagréable),
soit
automatique
(incapacité
à
ressentir
une
émotion
relative
à
un
événement
émotion-
nel).
Ainsi,
l’action
d’effort
pour
supprimer
une
pensée
intrusive
est
considérée
comme
un
traitement
contrôlé
et
délibéré
d’une
information
émotionnelle.
Selon
Tallis,
la
charge
anxieuse
liée
au
contenu
négatif
de
l’information
tendrait
à
bloquer
la
fonction
de
suppression
de
la
pensée
au
cours
du
traitement
contrôlé.
En
conséquence,
ce
sont
les
efforts
contrôlés
pour
supprimer
les
obsessions
en
situa-
tion
de
stress
émotionnel
qui
favoriseraient
la
production
répétitive
des
pensées,
le
traitement
contrôlé
assurant
mal
sa
fonction
de
suppression
[31].
Les
techniques
utilisées
en
thérapie
cognitive
ne
per-
mettent
pas
de
contrer
le
caractère
intrusif
et
involontaire
des
pensées
obsédantes.
Certains
auteurs
ont
suggéré
la
technique
du
«stop
signal
»qui
consiste
à
s’inventer
un
panneau
«stop
»quand
une
obsession
fait
irruption.
Cette
technique
est
discutée
car
elle
semble
provoquer
un
effet
rebond
de
la
pensée,
autrement
dit
s’empêcher
de
penser
provoque
davantage
l’apparition
de
la
pensée.
Approche
clinique
et
expérimentale
:
études
neuropsychologiques
Les
études
ont
permis
des
progrès
dans
la
compréhension
et
la
conception
du
TOC.
Même
si
les
travaux
mettent
en
évidence
des
résultats
contrastés,
un
consensus
se
dégage
pour
soutenir
l’hypothèse
du
rôle
des
régions
sous
corti-
cales,
frontales
et
leurs
liens
avec
les
processus
engagés
dans
l’activité
d’inhibition/désinhibition
impliquées
dans
la
production
et
le
maintien
du
TOC.
Ces
anomalies
sont
souvent
associées
à
de
faibles
perfor-
mances
dans
des
tâches
cognitives
impliquant
les
fonctions
frontales,
elles-mêmes
dépendantes
des
capacités
atten-
tionnelles
pour
diriger
ou
inhiber
des
programmes
moteurs
et
cognitifs.
Des
liens
entre
symptômes
TOC
et
certaines
maladies
neurologiques
sont
étudiés.
Des
patients
TOC
développent
des
troubles
neurologiques
dominés
par
des
troubles
du
mouvement
et
inversement
des
patients
atteints
de
certaines
affections
neurologiques
ont
aussi
des
symp-
tômes
TOC
[35].
Baxter
et
al.
[36]
suggèrent
un
modèle
explicatif
du
TOC.
Il
souligne
le
rôle
des
boucles
fronto-
sous-corticales
engagées
dans
le
contrôle
et
le
refus
de
stimuli
ou
de
distracteurs.
Des
anomalies
de
ces
struc-
tures,
(notamment
du
striatum)
point
de
convergence
et
d’intégration
des
informations
provenant
du
cortex,
pour-
raient
être
une
piste
explicative
du
trouble
notamment
par
le
rôle
inhibiteur
sur
les
pensées
et
les
images
mentales.
Saxena
et
al.
font
l’hypothèse
qu’un
déséquilibre
du
circuit
cortico-striato-thalamo-corticale
serait
à
l’origine
des
rituels
moteurs
[37].
L’idée
prévalente
serait
qu’un
rituel
moteur
volontaire
dans
un
contexte
d’anxiété,
subirait
un
déficit
d’inhibition
ou,
à
l’inverse,
une
suractivation
liée
à
ce
déséquilibre.
Une
série
d’études
met
en
évidence
chez
des
patients
TOC
exposés
à
faire
une
erreur
des
perturba-
tions
du
fonctionnement
des
régions
cérébrales
engagées
dans
la
détection
des
erreurs
[38,39].
Cela
entraînerait
la
perception
qu’a
le
patient
d’être
constamment
en
situation
d’erreur
ce
qui
favoriserait
le
doute
et
les
comporte-
ments
compulsifs
répétitifs
[40].
L’étude
de
Roth
et
al.
montre
un
déficit
d’inhibition
motrice
chez
les
patients
TOC
allant
de
pair
avec
des
perturbations
des
régions
cérébrales
impliquées
dans
l’inhibition
et
le
degré
de
sévérité
des
symptômes
[41].
L’étude
de
Gu
et
al.
montre
un
déficit
de
flexibilité
mentale
chez
des
patients
TOC
associé
à
des
per-
turbations
de
l’activité
de
régions
cérébrales
impliquées
à
cette
fonction
cognitive
[42].
Chamberlain
et
al.
mettent
en
évidence
que
des
parents
sains
de
premier
degré
de
patients
TOC
ont
des
perturbations
de
la
flexibilité
cognitive
et
de
l’inhibition
motrice
[43].
Les
études
neuropsychologiques
qui
évaluent
l’inhibition
fournissent
des
résultats
très
contrastés
probablement
pour
des
raisons
de
variabilité
méthodologique
des
mesures
et
des
groupes
de
TOC
mixtes.
Le
plus
souvent,
elles
uti-
lisent
l’un
des
trois
paradigmes
expérimentaux
de
mesure
de
l’inhibition
:
la
procédure
d’effet
d’amorc¸age
négatif
le
distracteur
lors
d’un
premier
essai
devient
une
cible
à
l’essai
suivant
avec
comme
effet
une
augmentation
du
temps
de
réponse
pour
surpasser
le
résidu
d’inhibition
lié
à
l’essai
précédent
[44].
McNally
et
al.
montrent
un
déficit
d’inhibition
chez
les
patients
TOC
(moindre
effet
d’amorc¸age
négatif)
[26]
;
le
paradigme
de
Stroop
utilisé
dans
certaines
études
plaide
en
faveur
d’un
déficit
d’inhibition
avec
un
effet
plus
fort
d’interférence
chez
les
patients
TOC
comparés
à
des
patients
présentant
un
trouble
panique
[45—47]
;
la
tâche
de
Go/No-Go
qui
requiert
l’inhibition
d’une
réponse
motrice
a
aussi
été
largement
proposée
chez
ces
patients.
Certains
résultats
montrent
un
déficit
d’inhibition
[48].
Les
investigations
neuropsychologiques
sont
un
apport
substantiel
à
la
compréhension
des
mécanismes
qui
sous-
tendent
l’expression
clinique
du
TOC.
Le
fait
que
l’inhibition
renvoie
à
des
mécanismes
différents
et
qu’il
n’existe
pas
de
tâche
pure
d’inhibition
pourrait
expliquer
les
patterns
de
résultats
de
la
littérature.
Pour
les
études
à
venir,
les
efforts
devraient
porter
d’une
part,
sur
une
sélection
plus
homogène
des
TOC,
d’autre
part,
sur
le
choix
des
outils
de
mesure
de
l’inhibition.
Références
[1]
American
Psychiatric
Association.
Diagnostic
and
statistical
manual
of
mental
disorder.
4th
ed.
Washington
DC:
Washington
American
Psychiatric
Association;
1994.
[2]
Robins
LN,
Helzer
JE,
Weissman
MM,
et
al.
Lifetime
preva-
lence
of
specific
psychiatric
disorders
in
three
sites.
Arch
Gen
Psychiatry
1984;41(10):949—58.
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