COMMUNIQUE DE PRESSE
Bruxelles, le 1er juillet 2013
Il y a plus de 2,5 milliards d’années, la Terre ressemblait davantage à la planète
Mars.
Les variations de la teneur isotopique en
142
Nd des roches de la fin de l’Archéen mettent en
évidence un régime tectonique de couvercle stagnant du premier stade de la Terre.
Selon une équipe de géologues dirigée par l’Université libre de Bruxelles (Belgique) et
composée de scientifiques originaires de l’Université Macquarie (Sydney, Australie), de
l’Université de Houston (Texas, États-Unis), de l’Université de Californie à Davis (États-Unis)
et de l’Institut lunaire et planétaire (Houston), la Terre pourrait bien avoir été très différente
par le passé comparé à ce que nous en connaissons aujourd’hui.
En sciences de la Terre, on utilise communément la radioactivité naturelle, c’est-à-dire la
décroissance d’un élément père en un élément fils, pour dater les événements géologiques.
L’utilisation d’isotopes pères ayant une courte durée de vie ne permet de dater que des
événements anciens et une fois l'élément père complètement désintégré, toute modification
ultérieure de la teneur en isotopes fils ne peut s’effectuer que par des mélanges entre
réservoirs géologiques au sein du manteau terrestre. De tels mélanges sont générés en
profondeur par les courants de convection dans le manteau terrestre, le magma chaud
remontant vers les couches supérieures tandis que la matière quelque peu refroidie
redescend vers le noyau. Ce processus a dû être très dynamique et efficace au début de la
formation de la Terre parce que notre planète était plus chaude et le phénomène de
convection dans le manteau était donc plus rapide.
Dirigée par l’Université libre de Bruxelles, une équipe de scientifiques (de l’ULB, de
l’Université Macquarie, de l’Université de Houston, de l’UC Davis et de l’Institut lunaire et
planétaire) a découvert qu’une légère anomalie de la concentration en
142
Nd, élément qui
résulte de la désintégration du
146
Sm au cours des 350 premiers millions d’années (Ma) de
l’histoire de la Terre, était encore présente dans une coulée de lave vieille de 2,7 milliards
d’années (Ga) découverte dans la province de l’Ontario, Canada. Il s’agit du plus jeune
échantillon de lave (ou
moins ancien
par rapport à notre époque) présentant cette anomalie.
« C’est paradoxal, déclare Vinciane Debaille de l’Université libre de Bruxelles, car cette
anomalie de la concentration en
142
Nd, résultant des processus géologiques au cours des 350
premiers Ma de la Terre, aurait dû être effacée très rapidement en raison des mélanges de
matière dus au phénomène de convection, alors que dans la coulée en question, on peut
encore observer cette anomalie 1,8 Ga après la formation de la Terre ».
En utilisant un modèle numérique, l’équipe internationale a conclu que le processus de
mélange peut être lent, même en situation de forte convection mantellique, si les plaques
tectoniques ne bougent pas à la surface de la Terre.
Cette constatation est fondamentale pour notre connaissance de l’état originel de la Terre,
selon Craig O’Neill de l’Université de Macquarie, car cela signifie que la Terre archéenne (il y
a plus de 2,5 Ga) était très différente de ce qu’elle est actuellement. Elle ressemblait
davantage à la planète Mars, à la surface de laquelle on ne constate aucun mouvement
tectonique. Parfois, cette plaque unique, appelée couvercle stagnant, a pu subir un
bouleversement de courte durée, alors que la dérive continue des plaques tectoniques telle
que nous la connaissons actuellement n'a probablement débuté qu’il y a moins de 2,7 Ga.
D’autres études ont déjà posé comme postulat un changement majeur dans le
fonctionnement de la Terre, mais c’est la première fois que nous sommes capables
d’appréhender le régime tectonique de l’Archéen en nous appuyant sur des données
géochimiques. Cette découverte a également des répercussions sur l’étude d’autres planètes
telles que Mars dont le manteau n’est donc pas bien mélangé et contient encore des preuves
des processus géologiques liés à formation de la planète ».
« Ce changement fondamental dans la tectonique des plaques de la Terre et ses liens avec
les mouvements convectifs du manteau a aussi des implications pour la croissance des
continents », commente Alan Brandon, de l'Université de Houston. « Il y a des débats
actuellement pour savoir si l'enregistrement géologique ancien de la Terre a été préservé, ou
si au contraire, d'importantes portions ont été effacées par l'érosion. Les modèles isotopiques
du Nd dans cette étude indiquent qu'en absence de tectonique des plaques, il n'y a pas
vraiment de place pour ajouter des événements majeurs de croissance continentale durant
l'Archéen. Cela nous apporte une contrainte forte sur l'âge de la croissance des continents,
et on peut ainsi avoir une idée plus large de l'évolution de la Terre ».
Cette recherche est publiée dans le journal « Earth and Planetary Sciences Letters ».
Contact scientifique :
Vinciane Debaille
Université libre de Bruxelles
Laboratoire G-Time – Faculté des Sciences
Tel: +32 2 650 22 71, Vinciane.Debaille@ulb.ac.be
http://gtime.ulb.ac.be/VD.html
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