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La philosophie existentialiste nous a enseigné
que toute personne normalement constituée est
en constante évolution. En d’autres mots, nous
ne sommes pas fixes et nous ne sommes jamais
terminés comme êtres humains. Seule la mort
vient mettre fin à notre développement. Et c’est
justement le sujet de la mort tel qu’abordé par
Manfred F. R. Kets de Vries de INSEAD, dans un
article de recherche intitulé Death and the
Executive : Encounters with the « Stealth »
Motivator, qui a attiré mon attention, car ce
facteur motivationnel « furtif » (ou discret),
pour reprendre l’expression de Kets de Vries,
nous ramène à la question fondamentale de
notre désir de vivre une vie utile et unique.6 C’est
un objectif qui colore presque tout ce que nos
clients partagent dans les entretiens de
coaching.
Mais avant de commenter l’article de Kets de
Vries, rappelons que le thème du développement
de l’adulte a suscité peu d’intérêt jusqu’à
maintenant dans le monde du coaching. Si
Bernard Hévin et Jane Turner ont brièvement
abordé ce thème dans leur livre Manuel de
coaching : champ d’action et pratique, 7 et que
quelques auteurs le présente en arrière-plan de
leur théorie ou méthode, le seul qui s’y soit
vraiment attaqué de manière sérieuse, est le
Californien Frederic M. Hudson (1934-
2015), auteur de The Adult Years. Mastering
the Art of Self-Renewal 8 qui a aussi rédigé un
ouvrage sur le coaching qui en a découlé : The
Handbook of Coaching. 9 Hudson était un expert
dans le domaine du développement et du
changement chez les adultes. Il affirmait qu’il est
devenu de plus en plus difficile de relier les
différents chapitres de notre vie de manière
linéaire, comme les modèles de séquences
typiques de développement selon l’âge comme
Levinson et Erickson l’ont proposé.
Afin de mieux comprendre, rappelons que
Levinson en était venu à la conclusion que la
structure de vie est un ensemble organisé qui
dispose dans un certain ordre de priorités
l’importance que nous attribuons à notre travail,
à nos amours, à nos amis, à notre vie sociale et à
notre vie intérieure. Son modèle met en évidence
la dimension cyclique des périodes de vie et
l’alternance entre des périodes de stabilité et des
périodes d’instabilité.
Quant à Erickson, selon lui, le développement du
moi se poursuit tout au long de la vie et procède
en huit stades. À chaque stade, la personne doit
résoudre une crise, c’est-à-dire atteindre un
équilibre entre deux pôles, l’un négatif, l’autre
positif.
Toutefois, le coaching est plus proche de la
typologie de Bernice Neugarten 10 qui considère
que les changements sont surtout dus aux
événements qui surviennent et au moment où ils
surviennent, ce qui s’applique plus concrètement
à notre monde imprévisible, turbulent et fragile.
Le coaching : un espace de
renouvellement
Hudson propose donc des stratégies de coaching
pour faciliter les cycles de renouvellement que
les individus traversent à différentes périodes de
leur vie :
1. Par exemple, dans une première phase,
comme un nouveau défi, un nouvel
emploi, ce que Hudson appelle le « Go
for it », le rôle du coach est de
maintenir le rêve vivant et de proposer
des défis à la personne.
2. Mais éventuellement, la routine peut
s’installer (« The Doldrums ») et le
coach peut alors aider son client à
clarifier sa situation et considérer un
certain nombre d’options. Si une option
favorable se présente, le client peut alors
simplement vivre une mini-transition et
se retrouver assez rapidement dans le
« Go for it ».
3. Sinon, il est possible qu’il doive
envisager une transition dans sa vie. Le
coach l’amène alors à retrouver sa voix
intérieure (« Cocooning ») et le soutenir
pendant sa recherche d’une option
satisfaisante pour la suite des choses.
4. Finalement, le coach peut accompagner
le client dans une dernière étape alors
qu’il se prépare à relever de nouveaux
défis (« Getting Ready ») en investissant
dans son développement selon une
nouvelle vision de lui-même ou de
l’avenir, complétant ainsi une transition
dans sa vie.
5. Une transition de vie devient ainsi une
reconstruction de soi et une exploration
structurée d’options satisfaisantes pour
son avenir. Le client est alors prêt à
entreprendre un nouveau chapitre dans
sa vie (« Go for it »). (Le graphique des
phases de vie de Hudson illustre
sommairement le modèle)